Marketez vos projets !

Dossier : Le conseil en managementMagazine N°548 Octobre 1999
Par Georges Le GALL (72)

L’évo­lu­tion des entre­pris­es et des organ­i­sa­tions est le fruit de nom­breux pro­jets de toutes tailles, qui sont autant de com­posantes du change­ment, par exemple :

  • la fusion de deux struc­tures, étab­lisse­ments ou organismes,
  • le change­ment d’or­gan­i­sa­tion au sein d’une entreprise,
  • le change­ment de méthode de management,
  • la refonte des proces­sus de l’organisation,
  • le développe­ment ou l’in­stal­la­tion d’un nou­veau sys­tème informatique,
  • l’in­tro­duc­tion de nou­veaux out­ils de travail.


Ces pro­jets sont en général con­fiés à une équipe con­sti­tuée de tech­ni­ciens du domaine con­cerné (organ­isa­teurs, infor­mati­ciens, ingénieurs des méth­odes, ergonomes, etc.).

La com­pé­tence de cette équipe con­stitue une garantie que le pro­jet sera mené à bonne fin, dans les délais, et en respec­tant le bud­get alloué.

Toute­fois, la trop grande tech­nic­ité de l’équipe con­duit par­fois à un résul­tat mal accep­té par le per­son­nel de l’en­tre­prise, voire même rejeté par les utilisateurs.

Pour­tant de nom­breux pro­grès ont été réal­isés au cours des dernières années, par exem­ple en impli­quant les util­isa­teurs lors de l’analyse des besoins ou en organ­isant l’in­for­ma­tion et la for­ma­tion du per­son­nel avant la mise en place du projet.

Beau­coup de chemin reste encore à faire pour que le suc­cès des pro­jets ne se mesure pas seule­ment de manière intrin­sèque, mais aus­si et surtout en ter­mes de rentabil­ité glob­ale et de créa­tion de valeur pour l’entreprise.

Par ailleurs, le champ d’ap­pli­ca­tion des pro­jets devient de plus en plus com­plexe, et les méth­odes tra­di­tion­nelles d’analyse, de recueil d’in­for­ma­tion et de mobil­i­sa­tion de l’en­tre­prise ne sont plus applicables :

  • c’est le cas, par exem­ple, quand le pro­jet con­cerne plusieurs direc­tions régionales, agences ou implan­ta­tions inter­na­tionales, aux­quelles ont été préal­able­ment déléguées les respon­s­abil­ités de leur bud­get et de leur compte d’exploitation,
  • le prob­lème se com­plique quand il s’ag­it d’un pro­jet con­cer­nant des sociétés fil­iales au sein d’un groupe,
  • enfin, les pro­jets actuels ten­dent à dépass­er les fron­tières de l’en­tre­prise, avec le con­cept d’en­tre­prise éten­due et la ges­tion unifiée de la sup­ply chain. Les futures organ­i­sa­tions ou sys­tèmes de ges­tion incluront à la fois les four­nisseurs et les clients de l’entreprise.


Il devient néces­saire de fournir aux pro­jets de nou­velles méth­odes pour gér­er cette diver­sité. Or ces méth­odes sont disponibles et couram­ment employées par toutes les entre­pris­es aujour­d’hui : il s’ag­it des con­cepts et des tech­niques de marketing.

Cette approche mar­ket­ing est rarement util­isée par les chefs de pro­jet, d’une part parce qu’elle leur est étrangère, et d’autre part parce que ces tech­niques sem­blent réservées aux clients et aux pro­duits de l’entreprise.

Or un pro­jet interne à l’en­tre­prise a de fortes simil­i­tudes avec le développe­ment d’un nou­veau pro­duit : le résul­tat du pro­jet (nou­velle organ­i­sa­tion, nou­veau sys­tème d’in­for­ma­tion, nou­veaux out­ils de tra­vail, etc.) est un pro­duit qui s’adresse à des clients (per­son­nel de l’en­tre­prise, util­isa­teurs des nou­veaux outils).

Aujour­d’hui la clien­tèle des pro­jets n’est plus cap­tive, elle dépend sou­vent d’en­tités autonomes, et dis­pose d’un éven­tail de solu­tions alter­na­tives, tant en ter­mes d’or­gan­i­sa­tion que d’outils de ges­tion, qui sont autant de pro­duits con­cur­rents au projet.

Démarche marketing et conduite du changement

Cette démarche s’ar­tic­ule en six points : la déf­i­ni­tion de la cible mar­ket­ing et l’analyse du marché, et les qua­tre com­posantes du mar­ket­ing mix (le pro­duit, son prix, sa pro­mo­tion et sa distribution).

La déf­i­ni­tion de la cible mar­ket­ing (le périmètre ou le champ d’ap­pli­ca­tion du pro­jet) utilise les tech­niques tra­di­tion­nelles de seg­men­ta­tion du mar­ket­ing grand pub­lic quand il s’ag­it du per­son­nel du maître d’ou­vrage, et les tech­niques de seg­men­ta­tion plus com­plex­es du mar­ket­ing indus­triel pour les direc­tions régionales autonomes, les fil­iales ou les parte­naires de la sup­ply chain.

L’analyse des clients cibles doit iden­ti­fi­er séparé­ment les acheteurs et les util­isa­teurs fin­aux, dans chaque entité concernée.

L’analyse du marché regroupe trois ques­tions clés déter­mi­nant l’ac­cep­ta­tion future des résul­tats du projet :

  • quelle est la clien­tèle du pro­jet, pour quels besoins, quelles attentes ? Cette analyse n’est pas tou­jours facile, surtout auprès des util­isa­teurs fin­aux des struc­tures parte­naires (fil­iales, fournisseurs),
  • y a‑t-il des con­cur­rents et quelle est leur stratégie ? Une des fil­iales a lancé un pro­jet équiv­a­lent ou cherche à dif­fuser ses méth­odes au sein du groupe, un parte­naire de la sup­ply chain tente d’im­pos­er ses normes d’échange, un édi­teur essaie de ven­dre son progi­ciel à plusieurs entités du groupe, etc.,
  • y a‑t-il des pro­duits con­cur­rents au pro­jet ? Un sys­tème ou une organ­i­sa­tion exis­tant déjà dans le champ du pro­jet, ou pro­posés par des pro­duits (les best prac­tices des ERP1 par exemple).

 
La déf­i­ni­tion du pro­duit
, élé­ment majeur du mar­ket­ing mix, cor­re­spond en général à la phase de con­cep­tion du pro­jet. Elle asso­cie des com­pé­tences tech­niques ad hoc à une excel­lente syn­thèse des résul­tats de l’analyse du marché.

La poli­tique de prix est un élé­ment sou­vent mal com­pris par les chefs de pro­jet, dont la préoc­cu­pa­tion est le coût glob­al de leur pro­jet. Toute­fois, dans le con­texte de mise en œuvre d’un pro­jet par des direc­tions régionales autonomes, par des fil­iales ou des parte­naires, le coût de mise en place est un élé­ment clé d’ap­pro­pri­a­tion du projet.

La pro­mo­tion du pro­jet utilise toutes les tech­niques de com­mu­ni­ca­tion, si pos­si­ble dès le démar­rage du projet :

  • le pro­jet doit définir son iden­tité (nom, charte graphique, éventuelle­ment logo­type et signature),
  • la cible de com­mu­ni­ca­tion (sou­vent dif­férente de la cible mar­ket­ing) évolue en fonc­tion de l’a­vance­ment du projet,
  • le plan de com­mu­ni­ca­tion définit les sup­ports util­isés, le plan­ning, les objec­tifs de com­mu­ni­ca­tion et la nature du message.

 
La dis­tri­b­u­tion
cou­vre toutes les fonc­tions de mise en œuvre des résul­tats du pro­jet. Le chef de pro­jet n’a pas tou­jours le meilleur pro­fil pour ce poste, où la logique de vente l’emporte sur la com­pé­tence tech­nique. Il s’agit :

  • de définir la com­mu­ni­ca­tion com­mer­ciale, pro­longe­ment et relais de la com­mu­ni­ca­tion de pro­jet (pla­que­tte, manuels d’u­til­i­sa­tion, guide de procé­dure), et l’ar­gu­men­taire de vente,
  • de négoci­er avec les parte­naires l’achat du nou­veau sys­tème (éventuelle­ment asso­cié à des com­pen­sa­tions finan­cières ou à des trans­ferts budgé­taires), ou de con­va­in­cre les ser­vices util­isa­teurs d’adopter la nou­velle organisation,
  • de gér­er la logis­tique de mise en place : for­ma­tion du per­son­nel, instal­la­tion éventuelle de matériel.

Marketing de projet

Cette nou­velle dimen­sion des pro­jets de change­ment sup­pose un élar­gisse­ment des respon­s­abil­ités con­fiées au pro­jet, dont le rôle est sou­vent restreint aujour­d’hui à la com­posante pro­duit. Elle néces­site aus­si de revoir l’or­gan­i­sa­tion des pro­jets au sein de l’en­tre­prise, par exem­ple par la créa­tion d’une cel­lule “Mar­ket­ing des projets”.

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1. “Entre­prise Ressource Plan­ning”, progi­ciel de ges­tion intégrée.

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