L’usine du futur de Safran, atout majeur de compétitivité et réactivité

Dossier : L'industrie du futurMagazine N°741 Janvier 2019
Par François de LA FONTAINE
Devenu le troisième acteur aéronautique mondial, hors avionneurs, Safran met tout en œuvre pour assurer les montées en cadence et répondre aux besoins de ses clients. Outil de compétitivité en rupture engendrant des gains de productivité remarquables, l’usine du futur constitue un atout majeur dans l’activité du groupe et s’inscrit au cœur même de sa stratégie.

Com­mençons par ce que nous avons fait. Compte tenu de la nature de nos activ­ités, nos lignes de pro­duc­tion présen­tent des cadences faibles, nous sommes par­tis de l’idée de définir une approche glob­ale pour une mise en œuvre locale. Cette spé­ci­ficité de nos activ­ités facilite le déploiement d’une trans­for­ma­tion dig­i­tale à grande échelle. Les tech­nolo­gies de l’usine du futur per­me­t­tent bel et bien d’améliorer la per­for­mance indus­trielle : tech­niques de sim­u­la­tion, réal­ités aug­men­tée et virtuelle, con­trôles numériques, objets et machines connectés.

Nous nous sommes aus­si fixé comme objec­tif d’obtenir des gains à chaque étape de la vie des produits.


REPÈRES

Safran est un groupe inter­na­tion­al opérant dans les domaines de la propul­sion et des équipements aéro­nau­tiques, de l’espace et de la défense. Depuis le rachat de Zodi­ac Aéro­space en févri­er 2018, son effec­tif est de 91 000 per­son­nes pour un chiffre d’affaires d’environ 21 mil­liards d’euros (pro for­ma 2016).


Assurer la continuité numérique

La con­ti­nu­ité du mod­èle numérique tout au long des dif­férents proces­sus (dévelop­per – fab­ri­quer – main­tenir en ser­vice) est en passe de devenir incontournable.

Pour pré­par­er l’usine du futur, une expres­sion stan­dard des besoins à cou­vrir par le sys­tème d’information a été établie pour faire le lien entre les dif­férents out­ils per­me­t­tant de suiv­re la vie du pro­duit, depuis sa con­cep­tion jusqu’à sa livraison.

Le robot col­lab­o­ratif. © Eric Drouin / Safran

Modéliser et simuler

Mod­éli­sa­tions et sim­u­la­tions d’une part et réal­ités aug­men­tée et virtuelle d’autre part se nour­ris­sent mutuelle­ment pour anticiper les sit­u­a­tions indus­trielles et diag­nos­ti­quer les écarts.

La réal­ité aug­men­tée vise à super­pos­er un mod­èle numérique représen­tatif de la théorie et de le com­par­er à une sit­u­a­tion réelle pour détecter d’éventuels écarts. Safran tra­vaille ces sujets en col­lab­o­ra­tion avec Dio­ta, une start-up française dans laque­lle Safran Cor­po­rate Ven­tures a investi, et la réal­ité virtuelle immerge les opéra­tionnels dans la sit­u­a­tion future de travail.

La réal­ité aug­men­tée a été util­isée pour aider les opéra­teurs à mon­ter les con­necteurs sur la ligne d’assemblage des fais­ceaux avions (câblages) à Ville­mur. Grâce à la mod­éli­sa­tion et la réal­ité virtuelle, la ligne de mon­tage des nacelles A320neo au Havre a été conçue « bonne du 1er coup » en opti­misant l’organisation et en inté­grant les critères san­té – sécu­rité – environnement.

Assister l’opérateur : Safran et la cobotique

Les travaux man­u­fac­turés représen­tent 25 % du coût de pro­duc­tion. Les per­spec­tives de gains ouvertes par la cobo­tique y sont nom­breuses. La cobo­tique désigne la con­cep­tion et la réal­i­sa­tion de sys­tèmes d’interactions entre l’homme et le robot. Son développe­ment per­met d’éviter les sit­u­a­tions de tra­vail pénibles tout en opti­misant la pro­duc­tiv­ité. Safran met en œuvre des cas d’application : la téléopéra­tion est employée pour le net­toy­age d’une cuve de prop­er­gol chez Ari­ane­Group, la colo­cal­i­sa­tion col­lab­o­ra­tive est util­isée sur des postes d’équipement nacelles au Havre et la coma­nip­u­la­tion par le mon­tage d’un mod­ule équipement est testée sur la ligne de pro­duc­tion des moteurs LEAP (pro­duit phare de Safran) à Villaroche.

Util­i­sa­tion de la réal­ité virtuelle chez Safran Nacelles. © Christophe Petit Tes­son / CAPA Pic­tures / Safran

Contrôler

Le con­trôle représente 25 % du coût de pro­duc­tion d’une pièce. L’utilisation des tech­nolo­gies de con­trôle numérique et d’analyse automa­tisée pour effectuer le con­trôle final de con­for­mité du pro­duit assem­blé peut per­me­t­tre de réduire ce coût de moitié. Ain­si, sur la ligne de pro­duc­tion des nacelles A320neo, Safran Com­pos­ites a dévelop­pé et mis au point de nou­velles tech­niques de con­trôle par ther­mo­gra­phie infrarouge sur les pan­neaux car­bone. Safran Tech et Safran Engi­neer­ing Ser­vices ont dévelop­pé et mis au point des algo­rithmes de traite­ment de la don­née de con­trôle et d’aide à la déci­sion. Grâce à la réal­ité aug­men­tée, l’opérateur réalise la con­tre-véri­fi­ca­tion des zones pro­posées par le sys­tème d’analyse.

Ce que nous faisons

Notre approche est basée sur une stratégie tech­nologique et une méthode de déploiement organ­isée par étapes.

Le groupe coor­donne ses efforts sur les sujets de R & T indus­trielle suiv­ants : con­trôles du futur ; cobo­tique ; nou­veaux procédés de fab­ri­ca­tion ; con­nec­tiv­ité des moyens et assis­tance cog­ni­tive à l’opérateur.

Une par­tie de cette feuille de route R & T indus­trielle est réal­isée en parte­nar­i­at avec d’autres indus­triels et des lab­o­ra­toires sci­en­tifiques. En par­ti­c­uli­er, Safran est par­tie prenante de l’écosystème Fac­to­ry Lab à Saclay. Ce dernier regroupe des indus­triels (Safran, PSA, Vin­ci…), des acteurs académiques (Ensam, Cetim, CEA) et un écosys­tème de PME et de start-up.

Une méthode appliquée sur 65 lignes de production et 30 sites

La coor­di­na­tion cen­trale s’organise autour du pro­jet usine du futur. Le chef de pro­jet s’appuie sur des référents métiers dans les sociétés et sur un réseau dans cha­cune des sociétés du groupe pour partager les bonnes pra­tiques, mais aus­si opti­miser et har­monis­er autant que pos­si­ble les spé­ci­fi­ca­tions fonctionnelles.

Des pro­jets de lignes de pro­duc­tion du futur ont été iden­ti­fiés et plan­i­fiés par toutes les sociétés. Ils con­cer­nent des activ­ités indus­trielles de fab­ri­ca­tion, de mon­tage, ou encore de répa­ra­tion (MRO). Cela représente un total de 65 lignes de pro­duc­tion sur plus de 30 sites et 97 pro­jets tech­niques ou relat­ifs aux sys­tèmes d’information.

Tomo­gra­phie d’une aube LEAP. © Adrien Daste / Safran

Ce que nous devons faire

Pour relever les chal­lenges tech­nologiques et indus­triels, il nous faut organ­is­er la cap­ture des don­nées, con­necter les machines et sécuris­er nos sys­tèmes d’information.

La capac­ité à capter des quan­tités impor­tantes de don­nées en temps réel, et les nou­velles tech­nolo­gies qui agrè­gent des don­nées de l’amont à l’aval des proces­sus invi­tent à ratio­nalis­er et inter­fac­er les sys­tèmes. La mise à prof­it des nou­velles tech­nolo­gies de l’usine du futur passe donc par une mod­erni­sa­tion des sys­tèmes d’information et le développe­ment d’applicatifs agiles pour les capter, les stock­er, les analyser et enfin les utilis­er. C’est un tra­vail que Safran a initié.

Connecter les machines

Les nou­veaux équipements indus­triels sont conçus pour être de plus en plus inté­grés avec le sys­tème d’information : ser­vices d’échange, trans­fert, traite­ment et stock­age des don­nées comme l’ERP. Pour prof­iter au mieux des nou­velles pos­si­bil­ités apportées par ces évo­lu­tions tech­nologiques, Safran a iden­ti­fié les développe­ments pri­or­i­taires pour son sys­tème d’information appliqué à l’usine du futur dans les usines du groupe : la géolo­cal­i­sa­tion des out­ils et des pro­duits ain­si que l’acquisition et la dis­tri­b­u­tion des don­nées machines, autre enjeu majeur. En front-office, les opéra­teurs de ligne pour­ront désor­mais pilot­er l’ensemble de la ligne de pro­duc­tion via des cock­pits de super­vi­sion trans­verse, pour inter­venir dans un délai opti­misé en cas d’anomalie. En back-office, les ingénieurs méth­odes spé­cial­istes des procédés pour­ront analyser les don­nées de pro­duc­tion pour cor­riger les dérives de pro­duc­tion et sta­bilis­er le niveau de qual­ité grâce aux out­ils d’analyse de don­nées (Busi­ness Intel­li­gence et Ana­lyt­ics).

Sécuriser

Conçus pour être robustes d’un point de vue de sûreté de fonc­tion­nement, les sys­tèmes d’information indus­triels doivent être pro­tégés face à des cyber­at­taques dont ils sont la cible. Pour adapter le sys­tème de sécu­rité Safran à l’usine du futur, une coopéra­tion impor­tante entre la direc­tion des sys­tèmes d’information (DSI) et la direc­tion indus­trielle est déjà organ­isée pour définir et déploy­er des règles d’interconnexion des réseaux indus­triels avec les réseaux bureau­tiques et Internet.

Une profonde et nécessaire évolution des compétences

Sur la base du cal­en­dri­er de déploiement par ligne de pro­duits, on estime qu’environ un col­lab­o­ra­teur sur cinq en France sera impliqué dans l’usine du futur d’ici à cinq ans. Tous les métiers seront con­cernés, mais ce sont la fab­ri­ca­tion et la main­te­nance où l’évolution sera la plus forte.

L’analyse des évo­lu­tions de com­pé­tences induites par l’usine du futur s’appuie sur dif­férents travaux issus des comités métiers, des groupes de tra­vail des réseaux RH et des retours d’expérience internes et externes. Dans cette vision, l’opérateur effectue moins d’actions sur le pro­duit, plus de super­vi­sion et de con­trôle dans des lignes automa­tisées. En con­séquence, il doit être plus poly­va­lent et pilot­er plusieurs machines plutôt qu’une seule dans l’organisation actuelle. Au-delà des opéra­teurs, toute l’équipe de pro­duc­tion est plus autonome et respon­s­abil­isée. La main­te­nance indus­trielle évolue aus­si pour pou­voir main­tenir des machines plus complexes.

Dans l’usine du futur, c’est aux méth­odes de fab­ri­ca­tion qu’incombe le rôle majeur d’intégrer et tir­er le meilleur par­ti de l’analyse de don­nées des nou­velles technologies.

Investir dans de nouvelles formations et de nouvelles méthodes pédagogiques

Les for­ma­tions en société et via Safran Uni­ver­si­ty intè­grent déjà les notions de nou­velles tech­nolo­gies et de dig­i­tal­i­sa­tion dans les pro­grammes, et il existe des exem­ples de for­ma­tion inclu­ant la réal­ité virtuelle / aug­men­tée. Ces for­ma­tions seront amenées à se dévelop­per prochainement.

Le Cam­pus­Fab est la « Plate­forme de for­ma­tion à la mécanique indus­trielle de demain ». Le futur site est en cours de con­struc­tion à Bon­dou­fle et ouvri­ra en 2019. Le pilotage du pro­jet Cam­pus­Fab est réal­isé par un con­sor­tium com­posé d’industriels (Safran, Fives Main­te­nance, le Gifas, le GIM, Das­sault Sys­tèmes et la CCI de l’Essonne), de cen­tres de for­ma­tion (l’Aforp, l’Afpa, la Fac­ulté des métiers de l’Essonne), du pôle de com­péti­tiv­ité ASTech Paris Région et de The Adec­co Group. Le Cam­pus­Fab met­tra à dis­po­si­tion des appren­tis, des étu­di­ants, des sta­giaires et des for­ma­teurs les moyens indus­triels et numériques typ­iques d’une « usine du futur », ayant pour objec­tif d’accompagner la trans­for­ma­tion de l’industrie en France et d’assurer la com­péti­tiv­ité du secteur. Il per­me­t­tra notam­ment de sat­is­faire les besoins des entre­pris­es indus­trielles dans le recrute­ment de tech­ni­ciens et d’opérateurs for­més aux nou­veaux proces­sus de production.

Chaque année, il accueillera en appren­tis­sage une cen­taine d’alternants pour trois ans d’études menant au bac­calau­réat pro­fes­sion­nel ou au brevet de tech­ni­cien supérieur, ain­si que plusieurs cen­taines de salariés en for­ma­tion con­tin­ue. Safran prévoit notam­ment d’ouvrir cette plate­forme de for­ma­tion à ses col­lab­o­ra­teurs dans le cadre de la for­ma­tion continue.

Plus de compétivité et de satisfaction de la clientèle

À l’heure où Safran renou­velle et ren­force son out­il indus­triel, l’usine du futur revêt une impor­tance toute par­ti­c­ulière. Safran se réor­gan­ise pour répon­dre à son dou­ble objec­tif de com­péti­tiv­ité et de sat­is­fac­tion tou­jours plus grande de nos engage­ments vis-à-vis de nos clients et fournisseurs.


Usinage portes fermées 

De nou­velles appli­ca­tions per­me­t­tent de mieux mod­élis­er et de simuler des opéra­tions pour les optimiser. 

Le con­cept d’ « usi­nage portes fer­mées » per­met ain­si de faire fonc­tion­ner plusieurs machines pen­dant des dizaines d’heures en pleine autonomie sous sur­veil­lance réduite ou dis­tante : à Bidos chez Safran Land­ing Sys­tems, 4 opéra­teurs pour 12 machines. Ini­tiale­ment, l’usinage d’une tige de train prin­ci­pal d’atterrisseur avait occa­sion­né soix­ante arrêts machines. Nous sommes passés à deux arrêts grâce à ce nou­veau procédé. 

Nous retrou­vons un mod­èle équiv­a­lent sur d’autres lignes, comme celle des pales de tur­bines de Safran Heli­copter Engines à Bor­des : la sim­u­la­tion et la refonte du procédé d’usinage ont per­mis de réduire le nom­bre de pass­es de rec­ti­fi­ca­tion de 6 à 2.


L’usine du futur de Safran : un modèle d’ores et déjà éprouvé et reconnu 

Sur les nou­velles lignes de pro­duits label­lisées « Usine du futur », les amélio­ra­tions par rap­port au mod­èle antérieur sont con­va­in­cantes, avec des gains en cycles et en coûts supérieurs à 15 %.

Ces avancées ont égale­ment valu à Safran deux dis­tinc­tions, sur les 20 pre­miers labels « Vit­rines indus­trie du futur » décernés en France par l’Alliance pour l’industrie du futur, toutes indus­tries con­fon­dues. Elles ont été décernées à la ligne assem­blage du moteur LEAP à Vil­laroche, et à la ligne de pro­duc­tion de pales de tur­bines d’hélicoptères à Bordes.


Retours d’expérience

Les retours d’expérience sur les lignes pilotes Safran con­fir­ment que les com­pé­tences trans­vers­es sont essen­tielles pour tra­vailler dans l’usine du futur : savoir s’adapter, être capa­ble de tra­vailler en mode col­lab­o­ratif dans un envi­ron­nement changeant et inter­ac­t­if, dévelop­per une cul­ture de la don­née. En con­séquence, le man­ag­er de prox­im­ité voit son rôle évoluer dans l’usine du futur. Il joue donc un rôle essen­tiel sur les sites dans l’accompagnement de ces trans­for­ma­tions pour cocon­stru­ire avec les équipes con­cernées des plans d’action et des plans de con­duite du change­ment adap­tés. Le sou­tien du top man­age­ment est aus­si un fac­teur clé de réus­site pour la mise en œuvre de cette stratégie.

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