Qualification du personnel : la clé du changement

Dossier : L'industrie du futurMagazine N°741 Janvier 2019
Par Jean-Michel TASSE
Pour réussir la transition vers l’industrie 4.0, l’entreprise doit placer les individus au cœur des changements et les aider à trouver leur place au sein de celle-ci.

Un change­ment rad­i­cal est en cours dans le monde de la pro­duc­tion où monde réel et monde virtuel con­ver­gent. Cette trans­for­ma­tion amenée par le numérique boule­verse en pro­fondeur les proces­sus indus­triels clas­siques et mod­i­fient les divers­es phas­es de la production.

Les com­posants et sys­tèmes intel­li­gents doivent trou­ver leur place dans les chaînes de pro­duc­tion afin de pro­duire en masse des sys­tèmes per­son­nal­isés, alors que les inter­ac­tions entre l’humain et la machine se mul­ti­plient, redéfinis­sant ain­si le rôle et les com­pé­tences fon­da­men­tales des opéra­teurs, fac­teur clé de la réus­site de la trans­for­ma­tion numérique. L’humain doit donc être au cœur des change­ments et s’approprier cette évo­lu­tion pour réus­sir la transformation.


REPÈRES

L’usine intel­li­gente fait appel à des tech­nolo­gies de plus en plus sophis­tiquées, requérant des com­pé­tences plus élevées de la part des opéra­teurs. Ce phénomène con­duit à s’interroger sur le rôle des per­son­nes dans la pro­duc­tion du futur et leur place dans l’organisation glob­ale de l’entreprise.


Les compétences évoluent

Les tâch­es engen­drées par l’industrie du futur sont plus exigeantes : les emplois peu qual­i­fiés sont amenés à se trans­former à mesure que les machines et les robots effectuent de plus en plus les tâch­es pénibles et répéti­tives. Les emplois de demain ten­dent vers des postes avec un niveau de qual­i­fi­ca­tion moyen ou élevé que les nou­veaux tra­vailleurs 4.0 devront acquérir. Les com­pé­tences trans­ver­sales gag­nent en impor­tance, et la for­ma­tion et les qual­i­fi­ca­tions du per­son­nel spé­cial­isé doivent être adap­tées pour répon­dre aux exi­gences de cette approche inter­dis­ci­plinaire. Par exem­ple, les tech­ni­ciens de main­te­nance doivent non seule­ment dis­pos­er d’une expéri­ence méca­tron­ique pra­tique, mais égale­ment d’une con­nais­sance des infra­struc­tures infor­ma­tiques afin de tra­vailler effi­cace­ment et d’être en mesure de remédi­er rapi­de­ment aux arrêts des machines.

Les com­pé­tences trans­ver­sales recher­chées vont au-delà des sim­ples com­pé­tences tech­niques (hard skills) acquis­es dans un cur­sus stricte­ment sco­laire. L’accent est mis davan­tage sur les savoir-être (soft skills) qui soulig­nent l’importance des com­pé­tences rela­tion­nelles et émo­tion­nelles. Ces savoir-être inclu­ent égale­ment la capac­ité des per­son­nes à com­pren­dre l’environnement et les enjeux de l’entreprise. Ces apti­tudes indi­vidu­elles per­me­t­tent d’interagir de façon effi­cace et flu­ide avec les autres per­son­nes, et donc d’instaurer un cli­mat plus apaisé et une col­lab­o­ra­tion agile entre les individus.

De nouvelles formes de travail émergent

Le tra­vail col­lab­o­ratif n’est plus can­ton­né aux start-up, mais gagne du ter­rain au sein des grandes entre­pris­es. La mise en place de groupes de tra­vail, en design think­ing – une approche qui allie pen­sée ana­ly­tique et pen­sée intu­itive – ou l’émergence du cor­po­rate hack­ing pour œuvr­er col­lec­tive­ment à l’amélioration de l’entreprise en sont de par­faits exem­ples. Tra­vailler à prox­im­ité immé­di­ate des robots et com­man­der des instal­la­tions com­plex­es depuis un smart­phone est de plus en plus fréquent dans les usines. Les nou­velles tech­nolo­gies déchar­gent le per­son­nel de pro­duc­tion de tâch­es telles l’acquisition, l’évaluation et l’utilisation de don­nées pour le con­trôle de procédés. Cela leur per­met d’endosser d’autres respon­s­abil­ités, par exem­ple, la super­vi­sion d’un plus grand nom­bre de machines et de procédés con­nec­tés en réseau.

Se former tout au long de la vie

Les proces­sus de fab­ri­ca­tion con­tin­ueront d’évoluer et néces­siteront de nou­velles com­pé­tences des employés. Pour suiv­re le rythme, les employés, les édu­ca­teurs et les employeurs devront évoluer en per­ma­nence. Pour diver­si­fi­er ses com­pé­tences et assur­er son employ­a­bil­ité, la for­ma­tion con­tin­ue tout au long de la vie est dev­enue indispensable.

Les dis­posi­tifs d’acquisition des com­pé­tences se sont diver­si­fiés et ne sont plus unique­ment syn­onymes de salle de classe et enseigne­ment théorique, sou­vent éloignés de la réal­ité en entre­prise. La for­ma­tion pra­tique évolue et se veut plus proche du réel en se bas­ant, par exem­ple, sur des usines-écoles didac­tiques afin de pré­par­er les étu­di­ants à utilis­er les tech­nolo­gies et les com­posants qu’ils retrou­veront sur les chaînes de pro­duc­tion et ain­si à assim­i­l­er plus durable­ment ce qu’ils appren­nent en classe. Une con­comi­tance dans l’enseignement des savoirs et de l’expérience doit être accen­tuée par les enseignants et for­ma­teurs tout en con­ser­vant un équili­bre entre enseigne­ment péd­a­gogique et nou­veaux mod­èles économiques.
À cela s’ajoutent les for­ma­tions à dis­tance qui vien­nent com­pléter l’apprentissage pra­tique et per­me­t­tent d’aller plus loin, de se remet­tre à niveau ou de se spé­cialis­er sur des thèmes spécifiques.

L’éducation per­ma­nente n’est pas la seule respon­s­abil­ité des tra­vailleurs 4.0. Les employeurs 4.0 doivent soutenir l’apprentissage con­tinu par le biais de poli­tiques glob­ales dans l’entreprise et en per­me­t­tre la pra­tique. Cela peut sig­ni­fi­er des investisse­ments plus impor­tants dans de nou­veaux pro­grammes de développe­ment, tels que les for­ma­tions qual­i­fi­antes ou cer­ti­fi­antes, dans du matériel de for­ma­tion tech­nique pour acquérir des com­pé­tences sur un domaine pré­cis ou encore dans des lab­o­ra­toires d’apprentissage au sein même de leur entreprise.

Accom­pa­g­n­er les change­ments par une mon­tée en com­pé­tence des col­lab­o­ra­teurs présente de nom­breux avan­tages pour les entre­pris­es, qui dévelop­pent ain­si une cul­ture apprenante et l’employabilité de leurs élé­ments dans un envi­ron­nement en con­stante évolution.

“Les tâches engendrées
par l’industrie du futur
sont plus exigeantes”

Mettre les individus au cœur du changement

Pour réus­sir la tran­si­tion vers l’industrie 4.0, l’entreprise doit plac­er les indi­vidus au cœur des change­ments et les aider à trou­ver leur place au sein de celle-ci. La for­ma­tion con­tin­ue aux dernières tech­nolo­gies est la clé indis­pens­able du suc­cès. Les col­lab­o­ra­teurs doivent être accom­pa­g­nés dans ces change­ments et la pos­si­bil­ité de se for­mer leur être accordée. Que ce soit une for­ma­tion pra­tique sur du matériel indus­triel ou péd­a­gogique, des mod­ules de for­ma­tion en ligne, des sémi­naires, des ate­liers ou des didac­ti­ciels, la for­ma­tion revêt divers­es formes et apporte des com­pé­tences com­plé­men­taires essen­tielles à inté­gr­er au quo­ti­di­en, au tra­vail et en dehors et ce, tout au long de la carrière.


MOOC

On assiste depuis quelques années à une mul­ti­pli­ca­tion des MOOC (Mas­sive Open Online Course) ou SPOC (Small Pri­vate Online Course) en entre­prise. Le for­mat, court et réguli­er, respon­s­abilise l’apprenant qui devient moteur de son appren­tis­sage en inté­grant sa for­ma­tion à son quotidien.


L’apprentissage mixte : la CP Factory, une usine-école cyberphysique pour l’apprentissage et la recherche

L’usine cyber­physique* CP Fac­to­ry est un mod­èle d’usine mod­u­laire et évo­lu­tif adap­té à l’industrie 4.0 sur lequel de nom­breux domaines de la chaîne de créa­tion de valeur sont étudiés.

On y retrou­ve la ligne de mon­tage, la logis­tique, la production,
la plan­i­fi­ca­tion de la pro­duc­tion et la com­mande MES, la pro­duc­tion allégée ain­si que l’assurance qualité.

Les apprenants, qu’ils soient élèves dans l’enseignement supérieur ou pro­fes­sion­nels en activ­ité, peu­vent ain­si s’exercer en manip­u­lant et pro­gram­mant des auto­mates de dernière génération,
se famil­iaris­er avec les tech­nolo­gies RFID, Near Field Com­mu­ni­ca­tion et QR Code pour le track­ing de pro­duc­tion à l’unité, le cloud pour la récupéra­tion de don­nées et leur analyse, ou encore le MES (Man­u­fac­tur­ing Exe­cu­tion Sys­tem) pour la qualification
et le con­trôle de la production.

On y trou­ve égale­ment des out­ils de robo­t­ique avancée avec l’intégration de robots col­lab­o­rat­ifs, le con­trôle qual­ité 3D, des solu­tions d’efficience énergé­tique ou encore un dis­posi­tif de réal­ité aug­men­tée via smart­phone ou lunettes pour la maintenance.

Pour aller plus loin dans l’exploration des tech­nolo­gies I4.0, l’installation peut être inté­grée à tous les sys­tèmes et stan­dards de com­mu­ni­ca­tion ouverts, tel par exem­ple OPC UA.

En appli­ca­tion, les pièces à usin­er por­tent leur pro­pre his­toire de pro­duc­tion et deman­dent aux machines leurs proces­sus de traite­ment. Les diag­nos­tics, les mes­sages d’erreurs et de ser­vices sont alors générés et com­mu­niqués automa­tique­ment par l’installation et déclenchent de nou­veaux proces­sus si néces­saire. Grâce aux sys­tèmes de con­fig­u­ra­tion ouverts, l’utilisation d’ordinateurs super­viseurs comme inter­faces entre la ges­tion des com­man­des et l’installation de pro­duc­tion n’est plus indis­pens­able. Une dou­ble tenue des don­nées et des fichiers de don­nées incon­sis­tants fait ain­si par­tie du passé et la fab­ri­ca­tion de pro­duits per­son­nal­isés per­met désor­mais de faire des économies de temps et d’argent.

*Les sys­tèmes cyber­physiques per­me­t­tent la mise en réseau intel­li­gente des per­son­nes, des pro­duits et des moyens
de production.

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