Ludwig van Beethoven : Symphonies

Ludwig van Beethoven : les 9 Symphonies

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°795 Mai 2024
Par Marc DARMON (83)

Les sym­pho­nies de Bee­tho­ven par le Phil­har­mo­nique de Ber­lin sont un grand clas­sique pour le dis­co­phile ! Le pre­mier enre­gis­tre­ment d’une sym­pho­nie de l’histoire est déjà Bee­tho­ven (la Cin­quième) et déjà par le Phil­har­mo­nique de Ber­lin en 1913 (sous la direc­tion de son chef de l’époque Arthur Nikisch). Depuis lors, le cata­logue est rem­pli de ver­sions « de réfé­rence » de ces sym­pho­nies par Ber­lin sous la direc­tion de leur direc­teur musi­cal, Furtwän­gler (années 1950), Kara­jan (trois fois, dans les années 1960, 1970 puis 1980 à la nais­sance du disque-com­pact), Abba­do (années 1990) et récem­ment Simon Rat­tle (com­men­tées ici en avril 2017).

Karajan, à part

Natu­rel­le­ment les enre­gis­tre­ments de Kara­jan occupent une posi­tion à part. Kara­jan dirige Bee­tho­ven en concert depuis son Héroïque d’Ulm en 1931, jeune chef assis­tant que les mélo­manes et les cri­tiques décou­vraient, il avait vingt-trois ans. Même s’il enre­gistre déjà Bee­tho­ven avant-guerre, son pre­mier enre­gis­tre­ment inté­gral date de 1951 avec un orchestre lon­do­nien et a été consi­dé­ré comme « révo­lu­tion­naire » à l’époque, comme une syn­thèse entre Furtwän­gler et Tos­ca­ni­ni (l’intensité ryth­mique de Tos­ca­ni­ni et la liber­té de Furtwän­gler). Puis arri­va l’enregistrement publié en 1963 avec pour la pre­mière fois le Phil­har­mo­nique de Ber­lin et chez Deutsche Gram­mo­phon ; c’est celui pré­fé­ré par les spé­cia­listes du chef, même si l’intégrale de la fin des années 1970 est sou­vent consi­dé­rée comme référence.

Il y a éga­le­ment une inté­grale enre­gis­trée au début des années 1980. D’ailleurs la durée maxi­male des pre­miers disques com­pacts, 73 minutes, a été choi­sie à cette époque pour qu’y tienne la Neu­vième Sym­pho­nie de Bee­tho­ven par Kara­jan, en effet Phi­lips, inven­teur du disque-com­pact et maître du stan­dard du CD, pos­sé­dait à l’époque l’éditeur Deutsche Gram­mo­phon. J’ai eu la chance de lon­gue­ment dis­cu­ter entre autres de ces deux der­nières inté­grales avec notre ami Michel Glotz, qui a été l’agent et le pro­duc­teur de Kara­jan pen­dant les vingt der­nières années de sa carrière.

Le témoi­gnage vidéo de l’alchimie Bee­tho­ven-Kara­jan nous a été trans­mis avec bon­heur en vidéo éga­le­ment, grâce à ces films édi­tés en DVD et Blu-ray et éga­le­ment dis­po­nibles sur les pla­te­formes vidéo de l’Orchestre phil­har­mo­nique de Ber­lin et de Deutsche Grammophon.

La Neu­vième Sym­pho­nie est enre­gis­trée en public, avec un qua­tuor vocal magis­tral com­po­sé de Gun­du­la Jano­witz, Chris­ta Lud­wig, Jess Tho­mas et Wal­ter Ber­ry, tous à leur apo­gée, à l’occasion du nou­vel an 1968. Kara­jan n’a curieu­se­ment jamais accep­té sa publi­ca­tion de son vivant.

L’œil du cinéaste expérimental

Les autres sym­pho­nies sont des réa­li­sa­tions spé­cia­le­ment pour la télé­vi­sion, et pour six d’entre elles par le cinéaste expé­ri­men­tal Hugo Nie­be­ling entre 1967 et 1972. Cela per­met une image vidéo pas­sion­nante mal­gré l’âge de ces films (de nom­breuses tech­niques ciné­ma­to­gra­phiques, de mon­tage, d’éclairage, mises au point dans ces films ont défi­ni les ten­dances de la musique sym­pho­nique fil­mée pour les décen­nies sui­vantes). Par exemple pour les Troi­sième et Sep­tième Sym­pho­nies, l’orchestre est assis dans trois tri­angles inver­sés for­te­ment inclinés.

La forme est celle d’un théâtre de la Grèce antique, les ran­gées de sièges s’élevant abrup­te­ment sur la col­line depuis l’orchestre cir­cu­laire en contre­bas, avec les cordes à gauche et à droite, et les bois au centre sur les estrades. Bien sûr, quelques effets ont vieilli, comme ces gros plans sur les mains au début de la Pas­to­rale ou les plans fixes sur les yeux fer­més du chef, mais c’est glo­ba­le­ment une réa­li­sa­tion for­mi­dable. Et quelle ten­sion, quel niveau musical !

Kara­jan et ses Ber­li­nois repré­sen­taient à cette époque le som­met de la musique sym­pho­nique. L’Orchestre phil­har­mo­nique de Ber­lin est comme un che­val pur-sang, qui réagit ins­tan­ta­né­ment au moindre contact des rênes. Natu­rel­le­ment les inter­pré­ta­tions sont super­la­tives, avec à la fois feu et glace, pré­ci­sion extrême, cordes d’une puis­sance épous-tou­flante, cuivres tran­chants et for­mi­dables, et le son cha­leu­reux de Ber­lin. Citons pour l’éternité une 6e sym­pho­nie, la Pas­to­rale, char­mante, lyrique et sereine, qui évoque exac­te­ment ce que Bee­tho­ven sou­hai­tait repré­sen­ter, à savoir la beau­té et la majes­té de la nature. Et une marche funèbre de l’Eroi­ca magni­fique, sen­si­ble­ment plus lente que sur les disques, avec des basses pro­fondes qui sou­tiennent un tis­su à la fois dia­phane et en velours.


Orchestre Phil­har­mo­nique de Ber­lin, Her­bert von Karajan

https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/beethoven-symphonien‑1–9‑karajan-dvd-v-3652

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