Schubert : Fierrabras

Schubert : Fierrabras

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°762 Février 2021
Par Marc DARMON (83)

Schubert : FierrabrasOrchestre Phil­har­monique de Vienne, Dorothea Röschmann, 
Michael Schade, direc­tion Ingo Metzmacher

1 DVD ou 1 Blu-ray C Major

Schu­bert ne s’est pas illus­tré à l’opéra. Le com­pos­i­teur autrichien, qui a amené sur des som­mets la lit­téra­ture pour piano, pour quatuor à cordes, les Lieder, a ten­té plusieurs fois de com­pos­er pour la scène, sans suc­cès. Tous ses opéras sont très rarement joués et on ne con­naît guère plus que l’ouverture de La Harpe enchan­tée, que Schu­bert a util­isée pour la musique de scène de Rosamunde. Fierrabras, jamais joué du vivant de Schu­bert, a trou­vé une nou­velle jeunesse grâce aux représen­ta­tions sur scène et l’enregistrement de Clau­dio Abba­do dans les années 1980.

Fierrabras, com­posé en 1823, est con­tem­po­rain du Freis­chütz de Weber, le chaînon man­quant entre les opéras alle­mands de Mozart et Beethoven et ceux de Wag­n­er. Comme pour L’Enlèvement au sérail, le pre­mier opéra en alle­mand de l’histoire, pour le Freis­chütz et Fide­lio de Beethoven, l’action pro­gresse grâce à des dia­logues par­lés qui s’intercalent entre les airs et les ensem­bles. Si l’influence de Weber sur Wag­n­er est con­nue, on est sur­pris d’en retrou­ver chez Schu­bert. Mais le chœur des fileuses qui débute Fierrabras est une claire inspi­ra­tion pour le chœur des fileuses du Vais­seau fan­tôme, avec très vis­i­ble­ment même une simil­i­tude thé­ma­tique frappante.

Comme sou­vent chez Schu­bert, toutes les mélodies sont mag­nifiques. Mais il faut recon­naître que la puis­sance théâ­trale et dra­ma­tique de l’opéra est plus faible que l’inventivité mélodique. Le thème est tiré d’une tra­di­tion issue de la Geste du Roi, autour de Charle­magne et de ses cheva­liers. Fierrabras, prince des Sar­razins, est amoureux de la fille de Charle­magne, alors que Roland est amoureux de la princesse mau­re sœur de Fierrabras. Comme chez Mozart et Beethoven, et con­traire­ment à Wag­n­er, l’opéra se ter­mine bien.

L’ouverture for­mi­da­ble, qui mérit­erait d’être jouée en con­cert, reprend le thème chan­té a capel­la par les preux cheva­liers dans le cachot des Maures.

Dans cette pro­duc­tion de Peter Stein de Salzbourg en 2014, les décors et cos­tumes sont fidèles à l’époque : châteaux et créneaux, heaumes et cottes de maille. La dis­tri­b­u­tion est au niveau de ce fameux fes­ti­val, l’un des tout pre­miers au monde. Notam­ment, Dorothea Röschmann, une Susan­na, une Comtesse et une Pam­i­na fan­tas­tiques chez Mozart, est ici une princesse sar­razine héroïque ; le Cana­di­en Michael Schade campe un Fierrabras humain et courageux. La direc­tion de Ingo Met­z­mach­er est dynamique et légère, et les bois de l’Orchestre phil­har­monique de Vienne dans la fos­se, en habit, accom­pa­g­nent mag­nifique­ment les chanteurs.

Une œuvre rare de Schu­bert, injuste­ment mécon­nue et à décou­vrir, dans les con­di­tions idéales.

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