West Side Story 1961

Leonard Bernstein : West Side Story

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°772 Février 2022
Par Marc DARMON (83)

On l’a déjà dit dans cette rubrique, Leonard Bern­stein est l’un des artistes les plus mar­quants du XXe siè­cle, et un musi­cien com­plet. Comme com­pos­i­teur, il est à la fois l’auteur de musi­cals célèbres de Broad­way (West Side Sto­ry, Can­dide, On the Town…) et d’œuvres de musique « sérieuse » (sym­phonies, bal­lets…), que l’on con­seille au plus haut point. Ses œuvres sont sou­vent engagées, vecteurs de sens et de mes­sages, poli­tiques ou religieux. 

Mais Leonard Bern­stein était aus­si un grand péd­a­gogue (ayant fait décou­vrir la musique clas­sique à des mil­lions de jeunes téléspec­ta­teurs améri­cains), pianiste de niveau inter­na­tion­al, et surtout un des plus grands chefs d’orchestre du XXe siè­cle, dirigeant avec suc­cès et authen­tic­ité trois siè­cles de musique depuis Haydn jusqu’aux con­tem­po­rains américains. 

Son musi­cal West Side Sto­ry (1957), inspiré du Roméo et Juli­ette de Shake­speare, est son plus grand suc­cès et le film de 1961 y est pour beau­coup. On le sait, Bern­stein et son équipe (dont le jeune Sond­heim, avant qu’il devi­enne le grand com­pos­i­teur de Broad­way que l’on con­naît, qui vient de nous quit­ter à 90 ans) trans­posent la rival­ité des familles de Vérone en une guerre de gangs à New York, les Capulet et les Mon­taigu devenant les Jets et les Sharks. Et mon­trent que le drame des amours con­trar­iées reste par­faite­ment actuel. 

Dans une œuvre où l’abattage des acteurs-chanteurs-danseurs a un impact si impor­tant, rien ne rem­place le spec­ta­cle vivant, et voir West Side Sto­ry sur scène est sou­vent une expéri­ence inou­bli­able. Pour­tant trois films pas­sion­nants sont recom­mandés et briève­ment décrits ci-après.

Tout d’abord, le célèbre film de Robert Wise de 1961, chef‑d’œuvre pour l’éternité, avec une Natal­ie Wood incan­des­cente et ses choré­gra­phies qui nous hantent encore soix­ante ans après.

Ensuite, le remake sor­ti en fin d’année dernière, pre­mière incur­sion de Spiel­berg dans la comédie musi­cale. Ici les acteurs ne sont pas en play-back (ou dou­blés) comme en 1961. Naturelle­ment, on le sait depuis les nom­breuses col­lab­o­ra­tions de Spiel­berg avec John Williams, la part musi­cale est une com­posante impor­tante de la créa­tion artis­tique des films de Spielberg. 

Alors qu’en pre­mière approche ce film donne l’apparence d’une sim­ple copie mod­ernisée du film de 1961, on réalise que tout le Spiel­berg vir­tu­ose est là, longs plans-séquences, trav­el­lings au plus près, scènes de foule ou de vio­lence… Spiel­berg rend hom­mage au film de Wise en y faisant appa­raître Rita Moreno, qui inter­pré­tait mag­nifique­ment Ani­ta soix­ante ans plus tôt. La bande-son est dirigée par Gus­ta­vo Dudamel, le chef prodi­ge vénézuélien, nou­veau chef de l’Opéra de Paris et grand inter­prète de la musique de John Williams, le com­pos­i­teur fétiche de Spiel­berg. La boucle est bouclée.

En 1983, Leonard Bern­stein ten­ta une expéri­ence sur­prenante mais pas­sion­nante, enreg­istr­er West Side Sto­ry avec des chanteurs d’opéra, par­mi les plus grands de l’époque. Évidem­ment le style est loin de celui de Broad­way, mais la grande Kiri Te Kanawa en Maria crève l’écran, sa voix de Tosca, de comtesse Alma­vi­va, est mag­nifique pour ren­dre l’émotion de la jeune Por­tor­i­caine. José Car­reras, un des trois ténors de l’époque, nous trans­porte par sa voix au milieu du plus émou­vant des Puc­ci­ni. Ce jour-là, Tony est Mario Cavara­dos­si, il est Calaf, il est Rodol­fo. Et l’air Some­where par la mez­zo Mar­i­lyn Horne est tout sim­ple­ment sublime. 

Un film a été fait du mak­ing of de cet enreg­istrement, décrié par cer­tains, adoré par d’autres (dont nous). For­mi­da­ble doc­u­ment sur un des enreg­istrements phares de Bern­stein. Ne ratez pas dans ce DVD de répéti­tions Lenny ten­ter de faire swinguer deux des plus grands artistes de l’époque, Kiri Te Kanawa et José Car­reras, avec un mélange savoureux d’autorité et de cool atti­tude.


Film de 1961 de Robert Wise

Film de 2021 de Steven Spielberg

Mak­ing of 1983 de l’enregistrement de Bern­stein (Deutsche Grammophon)

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