Brahms : l’œuvre pour Orchestre

Brahms : l’œuvre pour Orchestre

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Marc DARMON (83)

4 Symphonies / 2 concertos pour piano / Concerto pour violon, double concerto / Ouverture tragique, ouverture académique, Variations sur un thème de Haydn, Sérénade no 2

Ces enreg­istrements publics des années 1981 à 1984, dans la belle salle de la Phil­har­monie de Vienne, sont une for­mi­da­ble intro­duc­tion au monde sym­phonique de Johannes Brahms. Il y manque très peu de choses (la pre­mière Séré­nade tout de même, que Bern­stein n’a jamais enreg­istrée). La prise de son est très réussie même si l’image est, elle, un peu vieil­lie, et l’interprétation de Bern­stein, avec la sérénité de la décen­nie qui a précédé sa dis­pari­tion, est grandiose. 

Nous l’avons déjà écrit ici, une des car­ac­téris­tiques du style de Brahms est qu’il a peu évolué tout au long de ses quar­ante-cinq ans de car­rière de com­pos­i­teur. Ce qui est vrai pour sa musique de cham­bre (voir la rubrique ici de décem­bre 2017) est peut-être encore plus vrai pour ses par­ti­tions sym­phoniques. Par exem­ple les deux pre­mières sym­phonies de Brahms furent achevées en 1876 et 1877. Wag­n­er avait déjà com­posé sa Tétralo­gie mais Brahms n’en a pas été influ­encé du tout, con­traire­ment à Bruck­n­er. Ani­mées d’un souf­fle pro­fondé­ment roman­tique, ces sym­phonies per­pétuent la tra­di­tion de Beethoven et de Schu­bert. Les qua­tre sym­phonies et les qua­tre con­cer­tos sont incon­testable­ment des chefs‑d’œuvre, et des mon­u­ments de la musique du XIXe siècle.

Sa Pre­mière Sym­phonie, écrite très tard à cinquante ans telle­ment Brahms hési­tait à se lancer dans le ter­ri­toire qui fai­sait encore la répu­ta­tion de Beethoven, est un con­stant hom­mage à la Neu­vième Sym­phonie de Beethoven. Les rap­proche­ments par exem­ple entre les pre­miers mou­ve­ments (et encore plus des qua­trièmes mou­ve­ments) de ces deux sym­phonies mérit­eraient de rem­plir une rubrique à eux seuls, et ils sont pas­sion­nants. Et l’influence thé­ma­tique entre le final de la Pre­mière Sym­phonie de Brahms et le pre­mier mou­ve­ment de la Troisième Sym­phonie de Mahler per­met de matéri­alis­er la fil­i­a­tion évi­dente Beethoven-Brahms-Mahler. 

“La ligne mélodique du piano permet en effet de mieux suivre l’invention thématique de Brahms.”

Mais ma recom­man­da­tion pour le néo­phyte qui voudrait ren­tr­er dans ce monde est de com­mencer par les deux con­cer­tos pour piano. La ligne mélodique du piano per­met en effet de mieux suiv­re l’invention thé­ma­tique de Brahms, et cela en fait les œuvres sym­phoniques les plus acces­si­bles de Brahms. Mais bien enten­du le mou­ve­ment lent de la Troisième Sym­phonie (ren­du célèbre par le film Aimez-vous Brahms… avec Ingrid Bergman) ou l’allegro de la Qua­trième Sym­phonie sont égale­ment de très beaux points d’entrée.

Ajou­tons que Bern­stein dans ces enreg­istrements vieux de quar­ante ans don­nait sa chance à des solistes expres­sifs qui ont depuis lors con­fir­mé une car­rière excep­tion­nelle. Le pianiste Krys­t­ian Zimer­man, sans con­tes­ta­tion un des plus grands pianistes actuels, a enreg­istré en CD et en vidéo avec Bern­stein ces con­cer­tos de Brahms, ain­si que ceux de Beethoven, et aus­si une mer­veilleuse Deux­ième Sym­phonie de Bern­stein lui-même.

Il donne ici dans Brahms une inter­pré­ta­tion mémorable, avec un sens du rythme entraî­nant tout l’orchestre, et avec un son extrême­ment clair et « phonogénique ». Pour le Con­cer­to pour vio­lon, le choix du jeune Gidon Kre­mer, au roman­tisme exac­er­bé et aux pris­es de risque con­tin­ues, tou­jours pro­pre­ment sur la corde raide, per­met une inter­pré­ta­tion pas­sion­nante, prob­a­ble­ment dans l’esprit du vio­loniste dédi­cataire et ami de Brahms Joseph Joachim. Le Con­cer­to pour vio­lon et vio­lon­celle, dit Dou­ble Con­cer­to, est une struc­ture orig­i­nale, jamais reprise dans le grand réper­toire. Bern­stein y asso­cie Kre­mer à nou­veau au jeune Mis­cha Maisky, alors à la barbe très brune. Les deux solistes y rivalisent d’expressivité.

Ajou­tons que cer­tains morceaux sont précédés d’une présen­ta­tion musi­cologique et his­torique par Bern­stein lui-même, qui rap­pelle quel grand péd­a­gogue il a été.

De mag­nifiques DVD. 


Orchestre Phil­har­monique de Vienne, direc­tion Leonard Bernstein

5 DVD Deutsche Grammophon

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