Gluck : Iphigénie en Aulide, Iphigénie en Tauride

Gluck : Iphigénie en Aulide, Iphigénie en Tauride

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°746 Juin 2019
Par Marc DARMON (83)

Marc Minkows­ki, Les Musi­ciens du Louvre

Un DVD ou Blu-Ray Opus Arte

C’est une excel­lente idée de jouer lors du même cycle les deux opéras de Gluck en français autour du per­son­nage d’Iphigénie, et encore une meilleure idée d’avoir immor­tal­isé ces pro­duc­tions cohérentes en DVD, filmées lors de la pro­duc­tion de Pierre Audi à Ams­ter­dam. La longévité de Gluck nous empêche de dire qu’il est un con­tem­po­rain de Mozart, car Gluck est né quar­ante ans avant lui. Pour­tant ces œuvres tar­dives sont bien con­tem­po­raines des opéras de Mozart de la péri­ode inter­mé­di­aire (Zaide, Idoménée, Thamos), Gluck étant en fait le chaînon man­quant entre les opéras de Haen­del et ceux de Haydn et Mozart.

“Gluck étant en fait le chaînon manquant
entre les opéras de Haendel et ceux de Haydn et Mozart.”

Iphigénie en Aulide représente bien enten­du le drame absolu, le devoir d’un père de sac­ri­fi­er sa fille. Après Euripi­de (400 avant J.-C.), Racine avait mod­ernisé la pièce cent ans aupar­a­vant. Dès le pre­mier air d’Agamemnon, reprenant les pre­miers accords de l’ouverture, on sent que le dilemme le tor­ture. Devra-t-il sac­ri­fi­er sa fille pour offrir le vent aux Grecs qu’il con­duit ? Créé à Paris en 1774, cet opéra com­porte une musique superbe (il est pour­tant moins joué que Iphigénie en Tau­ride, de cinq ans plus jeune). Et nous avons une mag­nifique dis­tri­b­u­tion, naturelle­ment en très bon français, avec la grande Anne Sofie von Otter en Clytemnestre furieuse, et Véronique Gens en Iphigénie dis­ci­plinée. Mais l’architecte de ce suc­cès musi­cal est le chef Marc Minkows­ki. Comme lorsqu’il dirige les opéras de Haen­del de quar­ante ans plus vieux (Alci­na, Ari­o­dante…), il dirige de façon pas­sion­nante, il arrive à chaque mesure à retenir l’attention.

“Superbe Minkowski et très belle distribution.”

Dans Iphigénie en Tau­ride (1779), la princesse finale­ment épargnée dans la pièce précé­dente se réfugie au-delà de l’Asie Mineure dans ce qui est aujourd’hui la Crimée. Là, la rejoint son frère Oreste, qui a entre-temps vengé son père Agamem­non en tuant sa mère Clytemnestre, pour­suivi par les Bien­veil­lantes, les Euménides. La mise en scène est sim­i­laire, avec la même dis­po­si­tion l’orchestre sur la scène au cen­tre avec les per­son­nages, et les spec­ta­teurs tout autour. Très intéres­sante en vidéo, cette mise en scène a pu être frus­trante pour les spec­ta­teurs. Et là encore superbe Minkows­ki et très belle dis­tri­b­u­tion (tou­jours en très bon français, la pronon­ci­a­tion étant clé chez Gluck) avec Mireille Delun­sch en Iphigénie (deux mag­nifiques airs au pre­mière acte), et Yann Beu­ron en très beau Pylade (mal­heureuse­ment un rôle très court), deux artistes qui fig­u­raient déjà dans l’enregistrement de Minkows­ki en 2000.

Redé­cou­vrez Gluck dans deux opéras moins célèbres que Orphée et Eury­dice, dans des con­di­tions idéales, musi­cale­ment et scéniquement.

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