Carl Maria von Weber : Le Freischütz

Carl Maria von Weber : Le Freischütz

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°754 Avril 2020
Par Marc DARMON (83)

FreichutzAdrian Eröd, Albert Doh­men, Orchestre de la Staats­ka­pelle de Dresde, Chris­tian Thielemann

Un Blu-ray CMAJOR 733204

C’est le chaî­non man­quant ! L’opéra qui fait le lien entre les opé­ras alle­mands de Mozart et Bee­tho­ven et ceux de Wag­ner. C’est l’opéra qui est cité dans tous les livres d’histoire de la musique, et men­tion­né par tous les musi­co­logues, mais qui n’est pour­tant pas sou­vent joué, ni enre­gis­tré en dehors de l’Allemagne. Grâce à cette très belle pro­duc­tion, nous pou­vons enfin juger, dans de bonnes conditions.

Effec­ti­ve­ment la proxi­mi­té sty­lis­tique avec le Fide­lio de Bee­tho­ven (1805, son seul opé­ra) est frap­pante (réci­ta­tifs par­lés, airs, ensembles, et même orches­tra­tion), mais recon­nais­sons qu’avec Le Frei­schütz, en 1821, on a clai­re­ment chan­gé de siècle. Les thèmes sont désor­mais ceux du roman­tisme (sur­na­tu­rel, amour mau­dit et impos­sible, âme ven­due…). L’ouverture anti­cipe les thèmes des airs et ensembles mar­quants, tout en défi­nis­sant l’ambiance de l’opéra, exac­te­ment comme pour Le Vais­seau fan­tôme, pre­mier des grands opé­ras de Wag­ner, pos­té­rieur de vingt ans.

Weber était le cou­sin ger­main de l’épouse de Mozart, Constance, et des chan­teuses Aloy­sia et Jose­pha Weber pour qui Mozart a com­po­sé (Jose­pha a créé La Reine de la Nuit). Ses œuvres de jeu­nesses (conseillons prin­ci­pa­le­ment deux sym­pho­nies, deux concer­tos pour cla­ri­nette, un quin­tette avec cla­ri­nette) sont dans la pure tra­di­tion bee­tho­ve­nienne. Puis avec ses pre­miers grands opé­ras (Le Frei­schütz, Obe­ron, Euryanthe), Weber devient un des pre­miers romantiques.

La pro­duc­tion don­née à Dresde en 2015 est très clas­sique, repré­sen­tant bien l’ambiance fan­tas­tique des brumes ger­ma­niques que le livret et la musique exigent, même si elle trans­pose une action du milieu du XVIIe siècle à l’après-guerre. La fameuse scène de la Gorge aux loups est de ce point de vue par­faite. Thie­le­mann, un des plus grands chefs actuels, un chef qui arrive à conju­guer moder­ni­té et grande tra­di­tion, est l’artisan de ce beau tra­vail d’équipe. Il dirige aujourd’hui, dans la salle qui a déjà vu 1 500 repré­sen­ta­tions du Frei­schütz, la Staats­ka­pelle de Dresde, le plus vieil orchestre du monde (1548 !), et l’un des plus beaux orchestres d’Europe avec Ber­lin, Vienne, Amster­dam et Leip­zig. Cela fait de lui l’héritier de Weber qui diri­geait cette Staats­ka­pelle au moment où il com­po­sait Le Frei­schütz, et qui créa même il y a deux cents ans le Chœur de la Staats­ka­pelle de Dresde, que nous enten­dons dans cette production. 

Mah­ler ado­rait Weber, il a même ter­mi­né l’opéra enta­mé juste après Le Frei­schütz mais que Weber avait lais­sé inache­vé, Die drei Pin­tos, en 1888. Espé­rons que les pro­duc­tions comme celles repro­duites ici per­met­tront de réha­bi­li­ter un des pre­miers romantiques. 

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