Coffret DVD De la maison des morts

Leos Janacek : De la Maison des Morts

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°639 Novembre 2008Par : Direction Pierre Boulez, mise en scène Patrice ChéreauRédacteur : Marc Darmon (83)
Par Marc DARMON (83)

Voi­là contrai­re­ment à l’habitude une œuvre peu connue, et sou­vent jugée dif­fi­cile d’accès. Mais De la Mai­son des Morts, opé­ra de Jana­cek, méri­te­rait d’être bien plus connu et sa rela­tive dif­fi­cul­té d’accès est lar­ge­ment estom­pée lorsqu’on le donne avec une telle réussite.

Adaptation fidèle de Dostoïevski

Le der­nier opé­ra de Jana­cek (1930) est ins­pi­ré de l’œuvre de Dos­toïevs­ki Sou­ve­nirs de la mai­son des morts. Patrice Ché­reau explique d’ailleurs que tout le texte est tiré mot pour mot de Dos­toïevs­ki, à quelques tran­si­tions près ajou­tées par Jana­cek lui-même. Cela en fait, avec l’Elek­tra de Richard Strauss, l’une des adap­ta­tions à l’opéra les plus fidèles à leurs sources lit­té­raires. Comme dans le Billy Bud de Brit­ten, tous les per­son­nages sont des hommes. Et comme Billy Bud, De la mai­son des morts montre cruau­té et détresse dans un uni­vers clos et confiné.

La musique de Jana­cek, poi­gnante sans être lar­moyante, est très carac­té­ris­tique du com­po­si­teur, extrê­me­ment recon­nais­sable dans son style et dans son orches­tra­tion, rap­pe­lant conti­nû­ment la Sin­fo­niet­ta et Tarass Boul­ba, Jenu­fa et Katia Kaba­no­va, œuvres plus connues et par les­quelles il vaut mieux com­men­cer son écoute du compositeur.

Pessimisme exceptionnel et beauté désespérée

Vingt-cinq ans après la célèbre réa­li­sa­tion de la Tétra­lo­gie de Wag­ner à Bay­reuth, on a réuni à nou­veau, ici au Fes­ti­val d’Aix, le chef Pierre Bou­lez, le met­teur en scène Patrice Ché­reau, et les décors de Richard Peduz­zi pour cet évé­ne­ment. Mais contrai­re­ment à la Tétra­lo­gie, ici les décors sont bien plus réa­listes, les murs froids d’un péni­ten­cier, et la mise en scène bien plus dépouillée et tou­chante par l’émotion qu’elle sus­cite. Le gris et le noir sont omni­pré­sents, comme l’est l’œuvre elle-même et son atmo­sphère de bagne de Sibé­rie, avec pro­mis­cui­té, vio­lence, injus­tices. Il n’y a d’ailleurs pas d’histoire pro­pre­ment dite, mais plu­tôt une suc­ces­sion d’épisodes, sou­vent récits des dif­fé­rents for­çats. L’œuvre vaut pour l’atmosphère qui y règne, son pes­si­misme excep­tion­nel, sa beau­té désespérée.

L’association Dos­toïevs­ki-Jana­cek-Bou­lez-Ché­reau, dans des condi­tions d’image et de son aus­si fidèles, offre une expé­rience rare. Les com­men­taires du livret de Pierre Bou­lez et Patrice Ché­reau, excel­lents et pas­sion­nants, en sont une très bonne intro­duc­tion. Un coup de foudre.

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