Anton Bruckner : Symphonies no°1 et 3

Anton Bruckner : Symphonies n° 1 et 3

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°752 Février 2020
Par Marc DARMON (83)

Direc­tion Valery Gergiev, Orchestre de Munich

Stream­ing sur MMe­dia TV

Sur la riche plate-forme cul­turelle vidéo MMEDIA (mmediatv.com) que nous avons com­men­tée ici en mai dernier, nous trou­vons, par­mi les nom­breux con­certs à con­seiller, cette soirée où Valery Gergiev dirige deux des pre­mières sym­phonies d’Anton Bruck­n­er, dans la basilique Saint-Flo­ri­an, près de Linz, la per­le du baroque danu­bi­en, où Bruck­n­er fut tit­u­laire de l’orgue de 1848 à 1855, où Bruck­n­er est enter­ré et où se tient un fameux fes­ti­val Bruck­n­er depuis les années 1970.

Naturelle­ment, compte tenu de la dis­po­si­tion dans l’église, nous pou­vons con­sid­ér­er que nous voyons bien mieux en vidéo que ce qu’ont dû voir les spec­ta­teurs de ce con­cert exceptionnel.

Première Symphonie

La Pre­mière Sym­phonie de Bruck­n­er, com­posée en 1865–1866, à quar­ante et un ans, suit en fait deux sym­phonies de jeunesse, numérotées 0 et 00, qui sont par­fois enreg­istrées mais jamais jouées. Mal­gré une matu­rité crois­sante de Bruck­n­er, la struc­ture et le style de com­po­si­tion n’ont en fait pas beau­coup évolué entre la Sym­phonie 00 de 1863 et la Neu­vième, inachevée, de 1896. Les influ­ences de Wag­n­er dans l’orchestration et de Beethoven dans la struc­ture des œuvres (alle­gro, ada­gio, scher­zo, et finale rapi­de) sont con­stam­ment appar­entes sur les plus de trente années de sa péri­ode de symphoniste.

Troisième Symphonie

La Troisième Sym­phonie de 1873 est dédiée à Richard Wag­n­er. Sur cette dédi­cace, deux ten­dances se ren­con­trent par­mi les his­to­riens. Cer­tains trou­vent dans cette sym­phonie encore plus de liens que d’habitude avec Wag­n­er, notam­ment thé­ma­tiques (il paraît qu’une ver­sion prélim­i­naire comp­tait de nom­breuses cita­tions musi­cales de Wag­n­er, dont Tris­tan et Isol­de) et dans les effets dra­ma­tiques et héroïques. D’autres racon­tent au con­traire que Bruck­n­er, mon­trant ses deux dernières sym­phonies com­posées (la Sec­onde et la Troisième) au Maître de Bayreuth, lors d’une soirée assez arrosée, lui demande laque­lle des deux il souhaite en dédi­cace. Et Wag­n­er assez éméché de répon­dre « celle avec les trompettes au début ».

L’orchestre de Munich et Bruckner

L’orchestre de Munich, que Gergiev dirige depuis 2015, en plus du Mari­in­sky de Saint-Péters­bourg (il dirige plus de deux cents con­certs par an), a pen­dant près de vingt ans été dirigé par Sergiu Celi­bidache, grand spé­cial­iste de Bruck­n­er. Cet orchestre con­sid­ère Wag­n­er, Strauss, Mahler et Bruck­n­er comme le cœur de son réper­toire ; il a créé il y a plus de cent ans les Qua­trième et Huitième Sym­phonies de Mahler, ain­si que le célèbre Chant de la Terre.

L’interprétation de Gergiev se car­ac­térise à la fois par un grand roman­tisme et par une absence totale de lour­deur, gros risque dans ce réper­toire, Bruck­n­er dévelop­pant des mass­es orches­trales phénomé­nales, méthode proche de sa pra­tique organ­is­tique. C’est donc une lec­ture col­orée, raf­finée, d’une grande majesté, d’où l’on ressort en ayant prof­ité à la fois de la struc­ture démi­urgique impres­sion­nante de l’œuvre et des détails musi­caux enchanteurs, Gergiev mag­nifi­ant chaque sec­tion et les reliant avec agilité et fluidité.

Les sym­phonies de jeunesse de Bruck­n­er ne sont pas les préférées des mélo­manes, qui préfèrent naturelle­ment les Sep­tième, Huitième et Neu­vième (inachevée) Sym­phonies. Mais ces Pre­mière et Troisième Sym­phonies, notam­ment dans de telles con­di­tions d’excellence, sont un par­fait moyen d’entrer dans l’univers gigan­tesque de Bruckner.

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