L’Institut de veille sanitaire, un nouvel outil au service de la santé publique

Dossier : Environnement et santé publiqueMagazine N°546 Juin/Juillet 1999Par : Michel JOUAN, ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts, responsable santé environnement de l’Institut de veille sanitaire

Dès le début des années 1990, le con­texte insti­tu­tion­nel de la san­té publique a subi des mod­i­fi­ca­tions impor­tantes qui se sont traduites par la créa­tion du Réseau nation­al de san­té publique, de l’A­gence française du Sang, de l’A­gence française du médica­ment et de l’Of­fice de pro­tec­tion con­tre les ray­on­nements ion­isants (OPRI).

Cette mod­i­fi­ca­tion du paysage insti­tu­tion­nel s’est accélérée en 1998 grâce à l’adop­tion par le Par­lement de la loi n° 98–535 du 1er juil­let 1998 rel­a­tive au ren­force­ment de la veille san­i­taire et du con­trôle de la sécu­rité san­i­taire des pro­duits des­tinés à l’homme.

Cette loi, com­plétée par des décrets d’ap­pli­ca­tion en mars 1999, a en effet créé trois nou­velles agences, étab­lisse­ments publics de l’État :

  • l’A­gence française de sécu­rité san­i­taire des pro­duits de san­té (AFSSAPS) placée sous la tutelle du min­istre chargé de la san­té. Elle a pour mis­sion d’as­sur­er le con­trôle de la sécu­rité san­i­taire des pro­duits de san­té (médica­ments, sang, greffes, dis­posi­tifs médi­caux, réac­t­ifs biologiques…). Cette agence, qui se sub­stitue à l’A­gence du médica­ment, est dotée de pou­voirs de con­trôle et dis­pose à cet effet d’un corps d’inspection ;
  • l’A­gence française de sécu­rité san­i­taire des ali­ments (AFSSA) placée sous la tutelle des min­istres chargés de la san­té, de l’é­conomie et de l’a­gri­cul­ture. Cette agence, qui regroupe le Cen­tre nation­al d’é­tudes vétéri­naires et ali­men­taires et l’A­gence du médica­ment vétéri­naire, n’est pas dotée de pou­voirs de police san­i­taire des ali­ments, qui restent de la com­pé­tence des pou­voirs publics. Sa com­pé­tence con­cerne l’é­val­u­a­tion des risques ali­men­taires con­sid­érés au sens large et inclu­ant, de ce fait, l’eau d’alimentation ;
  • enfin, l’In­sti­tut de veille san­i­taire placé sous la tutelle du min­istre chargé de la san­té qui se sub­stitue au Réseau nation­al de san­té publique, créé en 1992 sous la forme d’un Groupe­ment d’in­térêt public.

L’Institut de veille sanitaire

Les missions de l’Institut de veille sanitaire

L’In­sti­tut de veille san­i­taire reprend, en les élar­gis­sant, les mis­sions qu’ex­erçait le Réseau nation­al de san­té publique (sur­veil­lance et inves­ti­ga­tions épidémi­ologiques) et se voit con­fi­er la respon­s­abil­ité de la sur­veil­lance per­ma­nente de l’é­tat de san­té de la pop­u­la­tion et de la détec­tion de tout événe­ment sus­cep­ti­ble de l’altérer.

Lim­itées dans un pre­mier temps aux domaines des mal­adies infec­tieuses et à la san­té envi­ron­nemen­tale (thé­ma­tiques pris­es en charge dès sa créa­tion par le Réseau nation­al de san­té publique), les respon­s­abil­ités con­fiées à l’In­sti­tut de veille san­i­taire vont être éten­dues à la san­té en milieu de tra­vail, aux mal­adies chroniques (can­cers notam­ment), aux acci­dents de la vie courante et aux infec­tions nosocomiales.

Cette mis­sion générale de veille san­i­taire se traduit par la détec­tion et la sur­veil­lance de tous les événe­ments, quelle qu’en soit l’o­rig­ine, sus­cep­ti­bles d’af­fecter la san­té de l’homme. Lors d’un événe­ment observé, il appar­tient à l’In­sti­tut d’en déter­min­er les caus­es et les pos­si­bles con­séquences par la con­duite d’in­ves­ti­ga­tions dont les résul­tats sont portés à la con­nais­sance des Pou­voirs Publics, assor­tis de recom­man­da­tions, les aidant ain­si à éla­bor­er leur poli­tique de san­té publique.

Un fonctionnement en réseau

Pour l’ex­er­ci­ce de ses mis­sions de veille san­i­taire, l’In­sti­tut con­stitue la “tête de réseau” de nom­breux cor­re­spon­dants publics et privés.

Les pre­miers parte­naires de ce réseau sont représen­tés par les Cel­lules inter­ré­gionales d’épidémi­olo­gie (7 actuelle­ment) et, bien enten­du, les ser­vices décon­cen­trés du min­istère chargé de la san­té (DDASS) aux­quels l’In­sti­tut apporte un sou­tien méthodologique, pour les aider dans l’é­val­u­a­tion des con­séquences pour la san­té en rela­tion avec dif­férents fac­teurs de risques et par­ticiper ain­si à la con­struc­tion du proces­sus de décision.

La loi fait oblig­a­tion à l’ensem­ble des acteurs publics et privés dis­posant d’in­for­ma­tions utiles à sa mis­sion de les met­tre à sa dis­po­si­tion, y com­pris celles cou­vertes par le secret médi­cal ou le secret indus­triel dans des con­di­tions per­me­t­tant, bien enten­du, d’as­sur­er leur confidentialité.

En con­trepar­tie de la trans­mis­sion de ces infor­ma­tions, l’In­sti­tut de veille san­i­taire se doit de procéder à l’is­sue de l’analyse et de l’ex­ploita­tion de ces don­nées dans une per­spec­tive d’aide à la déci­sion, à une rétroin­for­ma­tion auprès des four­nisseurs de don­nées per­me­t­tant ain­si de main­tenir un car­ac­tère opéra­tionnel et mobil­isa­teur au sys­tème de veille sanitaire.

Par exem­ple, les infor­ma­tions sur les cas de mal­adies à déc­la­ra­tion oblig­a­toire, qui doivent être sig­nalées par les médecins aux autorités san­i­taires locales, sont cen­tral­isées à l’In­sti­tut de veille san­i­taire et font l’ob­jet chaque semaine d’une rétroin­for­ma­tion par l’in­ter­mé­di­aire du Bul­letin épidémi­ologique heb­do­madaire.

Les moyens

Au début 1999, l’In­sti­tut de veille san­i­taire dis­pose d’en­v­i­ron 60 per­son­nes, en majorité des épidémi­ol­o­gistes. Fin 1999, ces effec­tifs seront de 100 per­son­nes avec une pro­gres­sion con­tin­ue pour attein­dre env­i­ron 200 en 2002.

Quant aux moyens financiers, ils s’élèvent à env­i­ron 100 MF pour l’ex­er­ci­ce budgé­taire 1999.

L’Institut de veille sanitaire et l’environnement

L’en­vi­ron­nement, au sens large, con­stitue, selon l’Or­gan­i­sa­tion mon­di­ale de la san­té, un déter­mi­nant impor­tant de l’é­tat de san­té des pop­u­la­tions exposées ; c’est dans cette logique que, dès sa créa­tion, le Réseau nation­al de san­té publique a été chargé de dévelop­per des activ­ités de sur­veil­lance et d’in­ves­ti­ga­tions épidémi­ologiques des prob­lèmes de san­té en rela­tion avec expo­si­tions à des pol­lu­tions environnementales.

Les activités de surveillance épidémiologique

Elles con­sis­tent à met­tre en rela­tion des indi­ca­teurs de san­té (mor­tal­ité, mor­bid­ité) et des indi­ca­teurs de pol­lu­tion car­ac­térisant l’ex­po­si­tion des pop­u­la­tions. Compte tenu de l’ab­sence qua­si générale de spé­ci­ficité des patholo­gies d’o­rig­ine envi­ron­nemen­tale, ces activ­ités de sur­veil­lance épidémi­ologique don­nent lieu à des travaux méthodologiques. Ils ont essen­tielle­ment porté jusqu’i­ci sur la pol­lu­tion atmo­sphérique urbaine et son impact sur la san­té ; les résul­tats d’une étude de fais­abil­ité entre­prise en ce domaine dans neuf grandes aggloméra­tions du ter­ri­toire, por­tant sur la mor­tal­ité anticipée attribuable à la pol­lu­tion atmo­sphérique, vien­nent d’être publiés.

Une exten­sion de ces con­cepts méthodologiques à d’autres secteurs de l’en­vi­ron­nement comme les eaux d’al­i­men­ta­tion, domaine où l’on éval­uera le rôle de fac­teurs micro­bi­ologiques dans l’ap­pari­tion de gas­troen­térites, est envisagée.

La sur­veil­lance épidémi­ologique peut égale­ment se traduire par des enquêtes trans­ver­sales répétées à inter­valles réguliers per­me­t­tant ain­si d’é­val­uer l’im­pact, en ter­mes de san­té publique, des mesures mis­es en œuvre ; citons à ce pro­pos une enquête de pré­va­lence sur le plomb et une enquête sur la con­t­a­m­i­na­tion du lait mater­nel par les diox­ines, furanes et PCB dont les résul­tats doivent per­me­t­tre la déf­i­ni­tion des poli­tiques publiques dans ces domaines.

Enfin, l’ex­ten­sion du con­cept de mal­adie à déc­la­ra­tion oblig­a­toire à des patholo­gies envi­ron­nemen­tales (exem­ple du sat­ur­nisme infan­tile) devrait fournir des élé­ments utiles à la sur­veil­lance des effets des pol­lu­tions sur la san­té et à l’é­val­u­a­tion des poli­tiques de prévention.

Les investigations

Effec­tuées à la demande des ser­vices du min­istère chargé de la san­té, ces inves­ti­ga­tions per­me­t­tent d’é­val­uer l’im­pact san­i­taire de prob­lèmes ponctuels de pol­lu­tions affec­tant l’en­vi­ron­nement et sont utiles à la déf­i­ni­tion des mesures per­me­t­tant de remédi­er aux sit­u­a­tions dénoncées.

Les prin­ci­pales inves­ti­ga­tions effec­tuées par le Réseau/Institut se car­ac­térisent par une grande diver­sité que souligne leur énoncé :

  • pol­lu­tion par métaux lourds (cad­mi­um, arsenic, plomb, cya­nures) dans l’en­vi­ron­nement du site aurifère de Salsigne,
  • mer­cure en Guyane en rela­tion avec l’ac­tiv­ité d’orpaillage,
  • con­t­a­m­i­na­tion d’un réseau d’al­i­men­ta­tion en eau par l’arsenic,
  • expo­si­tion à l’ami­ante en Nou­velle-Calé­donie et en Corse,
  • pol­lu­tion du sol par le plomb dans l’en­vi­ron­nement d’usines de métaux non ferreux,
  • traite­ment en pomi­cul­ture par pro­duits phytosanitaires.


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La créa­tion de l’In­sti­tut de veille san­i­taire, qui s’in­scrit dans le cadre de la réor­gan­i­sa­tion de la sécu­rité san­i­taire, répond à un réel souci des pou­voirs publics de se dot­er, pour l’é­val­u­a­tion des poli­tiques de san­té publique, d’un out­il com­pa­ra­ble aux pres­tigieux Cen­ters for Dis­ease Con­trol and Pre­ven­tion améri­cains œuvrant dans la trans­parence et pro­duisant des con­nais­sances utiles au proces­sus de déci­sion avec l’indépen­dance sci­en­tifique nécessaire.

Son fonc­tion­nement en réseau doit per­me­t­tre pro­gres­sive­ment de mieux associ­er les médecins à la déf­i­ni­tion et à la mise en œuvre d’une poli­tique réal­iste de san­té publique.

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