La santé environnementale en France : un bilan, des propositions

Dossier : Environnement et santé publiqueMagazine N°546 Juin/Juillet 1999
Par Pierre-Yves SAINT (78)

Les enjeux de la santé environnementale

Ces enjeux ont été mis en évi­dence dans les arti­cles précé­dents et en par­ti­c­uli­er celui d’A. Cicolel­la. Plusieurs points méri­tent d’être soulignés.

L’imbrication des équilibres écologiques et des enjeux sanitaires

La com­mis­sion “san­té et envi­ron­nement” de l’OMS déclarait en clô­ture de ses travaux dans le cadre de la con­férence de Rio que “le développe­ment qu’im­plique la pro­tec­tion de la san­té exige le respect de l’en­vi­ron­nement par­mi bien sûr beau­coup d’autres con­di­tions, alors qu’un développe­ment qui ignor­erait l’en­vi­ron­nement con­duirait fatale­ment à porter atteinte à la san­té de l’homme”.

L’il­lus­tra­tion emblé­ma­tique de cette affir­ma­tion est la cat­a­stro­phe de la mer d’Ar­al. Entre 1970 et 1990, des pra­tiques agri­coles désas­treuses ont provo­qué l’assèche­ment par­tiel de la mer d’Ar­al et le déverse­ment de 118 000 tonnes d’en­grais et de défo­liants dans l’en­vi­ron­nement région­al. Cette cat­a­stro­phe écologique (recul de la mer de 50 à 80 km, pas­sage de l’am­pli­tude ther­mique annuelle de 60 °C à 100 °C) a entraîné une cat­a­stro­phe san­i­taire : aug­men­ta­tion de 60 % de la mor­tal­ité infan­tile, inci­dence de cer­tains can­cers sept fois supérieure à la moyenne sovié­tique, épidémies récur­rentes dues à la mau­vaise qual­ité de l’eau3.

La prise de con­science récente4 des risques liés à la présence de per­tur­ba­teurs endocriniens dans l’en­vi­ron­nement est égale­ment un exem­ple d’im­bri­ca­tion entre les préoc­cu­pa­tions écologiques et l’ap­proche des risques san­i­taires : les pre­mières per­tur­ba­tions de la repro­duc­tion asso­ciées à ces sub­stances ont été observées pour les espèces ani­males. Compte tenu des incer­ti­tudes, l’é­val­u­a­tion des risques pour l’homme implique une étude glob­ale du com­porte­ment de ces sub­stances et donc une démarche d’é­val­u­a­tion des risques pour l’en­vi­ron­nement et les espèces qui y vivent.

D’autres exem­ples peu­vent être cités (pol­lu­ants organiques per­sis­tants). Une approche trop stricte­ment san­i­taire et qui ignor­erait la com­plex­ité des équili­bres écologiques et donc l’éven­tu­al­ité d’ef­fets éloignés des caus­es pre­mières dans le temps et dans l’e­space n’est pas viable. De ce point de vue, la san­té envi­ron­nemen­tale est liée au con­cept plus large de sécu­rité envi­ron­nemen­tale où la mise en sécu­rité des dif­férents com­par­ti­ments de l’en­vi­ron­nement (espaces naturels, lieux de vie, lieux de tra­vail) con­stitue la pre­mière ligne de défense pour l’homme.

Les dangers d’une hiérarchisation médiatique des risques

La mon­tée des préoc­cu­pa­tions liées à la pol­lu­tion de l’air, les débats autour du principe de pré­cau­tion ont mis en avant les risques san­i­taires liés à l’ex­po­si­tion à de faibles dos­es de pol­lu­ants issus de sources dif­fus­es. L’é­val­u­a­tion et la ges­tion de ces risques con­stituent effec­tive­ment le prob­lème le plus dif­fi­cile auquel sont con­fron­tés les sci­en­tifiques, les experts et les pou­voirs publics. L’ensem­ble de la pop­u­la­tion étant poten­tielle­ment exposé à ces risques, leur médi­ati­sa­tion est forte.

L’at­ten­tion est donc rel­a­tive­ment détournée des risques san­i­taires “clas­siques”, par exem­ple ceux liés aux pol­lu­tions chroniques ou acci­den­telles provenant de sites indus­triels, ceux-ci étant sup­posés con­nus et maîtrisés. Or cette con­nais­sance et cette maîtrise ne peu­vent être con­servées que par un effort per­ma­nent de recherche, d’é­val­u­a­tion et de préven­tion inclu­ant la per­spec­tive des effets à long terme et l’im­por­tance crois­sante du fac­teur humain dans le risque.

Les enjeux se mesurent à l’échelle européenne et internationale

Au niveau inter­na­tion­al, les acteurs prin­ci­paux de la san­té envi­ron­nemen­tale sont l’OMS, l’OCDE et l’U­nion européenne. Le poids de la France appa­raît par­ti­c­ulière­ment faible. Ain­si, en matière de pro­duc­tion de con­nais­sances, on con­state, comme le mon­tre le tableau ci-con­tre, que la part rel­a­tive du domaine san­té-envi­ron­nement traduit un retard glob­al de l’U­nion européenne par rap­port aux USA mais surtout une posi­tion très faible de la France au sein de l’U­nion européenne5.

Au niveau européen, le principe de pré­cau­tion en matière de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement et de la san­té des per­son­nes (art. 130‑R du traité de Maas­tricht) inspire les direc­tives et règle­ments : il est par­ti­c­ulière­ment impor­tant que la France puisse appli­quer ce principe par une éval­u­a­tion et une ges­tion des risques qui pren­nent en compte les don­nées spé­ci­fiques au con­texte nation­al, notam­ment celles rel­a­tives au mode de vie.

Par ailleurs, la France a pris, dans le cadre de l’ac­cord d’Helsin­ki de 1996 sur la san­té et l’en­vi­ron­nement, un cer­tain nom­bre d’en­gage­ments qu’elle se doit d’honor­er et qui four­nissent un cadre de référence pour la mise en œuvre d’une poli­tique en san­té envi­ron­nemen­tale. Un pre­mier plan d’ac­tion devra être établi et pub­lié au cours du pre­mier trimestre 1999 et être présen­té à la con­férence organ­isée à Lon­dres en juin 1999 par l’Or­gan­i­sa­tion mon­di­ale de la san­té et l’U­nion européenne.

Le nouveau paradigme d’évaluation et de gestion des risques : ses contraintes spécifiques

Le sché­ma de l’é­val­u­a­tion des risques a été présen­té dans l’ar­ti­cle d’A. Cicolel­la. La ges­tion des risques, aboutisse­ment de ce sché­ma, est com­plexe et doit s’ap­puy­er sur les étapes suiv­antes : l’élab­o­ra­tion de solu­tions et de leurs alter­na­tives, afin de pré­par­er un choix réel ; l’é­tude com­par­a­tive des avan­tages et incon­vénients de ces solu­tions au regard des aspects san­i­taires, envi­ron­nemen­taux, admin­is­trat­ifs, juridiques, soci­aux, poli­tiques et économiques (analyse coût/bénéfice) ; le choix d’une solu­tion, par référence à des objec­tifs ou des con­traintes déter­minées et le mieux explic­itées pos­si­ble, la mise en œuvre de la déci­sion ; enfin, l’é­val­u­a­tion de son effi­cac­ité. Des con­traintes spé­ci­fiques con­di­tion­nent l’ef­fi­cac­ité de cette démarche d’é­val­u­a­tion et de ges­tion des risques. Ce sont principalement :

La nécessaire séparation entre les fonctions d’évaluation et de gestion des risques

Les inter­locu­teurs de la mis­sion par­lemen­taire ont été unanimes sur ce point : il appa­raît indis­pens­able que les con­traintes poli­tiques, économiques ou sociales qui pèsent sur les décideurs ne biaisent pas le tra­vail d’é­val­u­a­tion des risques.

A con­trario, les experts chargés de l’é­val­u­a­tion ne doivent pas exercer de pres­sions sur le décideur, car celui-ci doit tenir compte d’en­jeux autres que san­i­taires et environnementaux.

Par ailleurs, le “lanceur d’alerte” doit être pro­tégé des pres­sions, voire des men­aces qui peu­vent être exer­cées con­tre lui au cas où les résul­tats de l’ex­per­tise iraient à l’en­con­tre des intérêts publics ou privés.

L’existence de risques de nature différente, en fonction du degré d’incertitude scientifique

  • Le risque iden­ti­fié, dont la preuve est établie de manière con­va­in­cante : sa ges­tion relève de la préven­tion. C’est par exem­ple le cas du sat­ur­nisme ou de l’amiante.
  • Le risque con­tro­ver­sé, pour lequel le débat sci­en­tifique est large­ment nour­ri sans pour autant débouch­er sur un con­sen­sus : sa ges­tion relève de la pré­cau­tion “forte” (cas des diox­ines). Il doit déclencher une action pro­por­tion­née à son “casi­er sci­en­tifique”, appré­cié en ter­mes de grav­ité et d’ir­réversibil­ité par une exper­tise contradictoire.
  • Le risque émer­gent, pour lequel le débat sci­en­tifique en est à ses prémiss­es : sa ges­tion relève de la pré­cau­tion “faible”. Son degré de grav­ité et d’ir­réversibil­ité est large­ment incon­nu. L’ac­tion doit être engagée de manière lim­itée et expéri­men­tale et accom­pa­g­née par la mise en place d’un sys­tème de veille spé­ci­fique à ce risque. Il est en effet néces­saire de pou­voir organ­is­er la réversibil­ité au cas où la pro­gres­sion des con­nais­sances rendrait celle-ci indis­pens­able (cas des organ­ismes géné­tique­ment mod­i­fiés). La mise en évi­dence des risques émer­gents est donc d’une impor­tance cruciale.


La capac­ité à détecter des “sig­naux faibles” san­i­taires et envi­ron­nemen­taux mais aus­si une veille sci­en­tifique effi­cace en sont des con­di­tions indispensables.

La faiblesse globale du dispositif public français

Face à ces enjeux et à la mobil­i­sa­tion crois­sante des moyens au niveau européen et inter­na­tion­al, le con­stat d’une faib­lesse glob­ale du dis­posi­tif pub­lic français s’impose.

La faiblesse de la recherche fondamentale et appliquée

Les dis­ci­plines de base du champ san­té-envi­ron­nement, qui relèvent d’une approche glob­ale de l’homme et de sa rela­tion à l’en­vi­ron­nement, sont mar­gin­al­isées au sein de la recherche publique : la tox­i­colo­gie, l’é­co­tox­i­colo­gie, l’é­colo­gie micro­bi­enne restent sous-dévelop­pées. En dépit de la créa­tion de l’IVS (cf. arti­cle de M. Jouan), les moyens con­sacrés à l’épidémi­olo­gie en France restent très inférieurs, toutes pro­por­tions gardées, à ceux con­sacrés par les autres pays (USA, Pays-Bas, pays scandinaves).

L’é­tude glob­ale des fac­teurs de l’ex­po­si­tion humaine aux dan­gers, ou “expolo­gie”, est entière­ment à dévelop­per en France alors que des travaux sont menés aux USA depuis quinze ans. De plus, les approches inter­dis­ci­plinaires indis­pens­ables ne sont guère présentes dans les pri­or­ités des grands organ­ismes de recherche, en dehors d’ini­tia­tives ponctuelles. Les chercheurs tra­vail­lant à l’in­ter­face san­té-envi­ron­nement se trou­vent à la marge d’un sys­tème qui ne val­orise pas cette activité.

La faiblesse de l’organisation de l’expertise

Au sein des grands organ­ismes de recherche tels que le CNRS, l’IN­SERM, l’IN­RA…, ou des organ­ismes d’ap­pui aux poli­tiques publiques tels que l’INRS, l’INER­IS, le BRGM, le CEMAGREF…, les experts sont avant tout des chercheurs, éval­ués sur la base de leurs pub­li­ca­tions et non de leur par­tic­i­pa­tion à l’expertise.

Cette par­tic­i­pa­tion est peu ou pas rémunérée. Elle devient même con­tre-pro­duc­tive pour leur car­rière. Les chercheurs ne sont donc pas incités à par­ticiper à l’ex­per­tise au niveau nation­al ou inter­na­tion­al. La faib­lesse de la recherche en san­té envi­ron­nemen­tale précédem­ment évo­quée s’a­joute à ce con­stat général : l’ex­per­tise française dans ce domaine cumule les handicaps.

Pour assur­er la trans­parence et la sta­bil­ité des procé­dures d’ex­per­tise, il est néces­saire de garan­tir une autonomie et une indépen­dance fortes aux experts et aux comités d’ex­perts, vis-à-vis des dif­férentes sources d’in­flu­ence pos­si­bles. Il faut donc que des per­son­nes sachent organ­is­er les procé­dures d’ex­per­tise. Cette com­pé­tence d’or­gan­isa­teur de l’ex­per­tise n’est pas actuelle­ment recon­nue comme telle en France.

La dispersion de la veille environnementale

En matière de san­té envi­ron­nemen­tale, la veille vise à détecter les per­tur­ba­tions envi­ron­nemen­tales sus­cep­ti­bles de pré­fig­ur­er des risques san­i­taires ou des effets sur la san­té sus­cep­ti­bles d’être causés par des fac­teurs envi­ron­nemen­taux. Le volet san­i­taire de la veille est désor­mais organ­isé autour de l’IVS suite à la loi de sécu­rité san­i­taire du 1er juil­let 1998 dont les décrets d’ap­pli­ca­tion ont été récem­ment publiés.

Le volet envi­ron­nemen­tal est, lui, frac­tion­né entre plusieurs organ­ismes et obser­va­toires de l’en­vi­ron­nement : le BRGM, le CEMAGREF, l’IFRE­MER, l’ADEME, les agences de l’eau, les réseaux de mesure de la qual­ité de l’air ain­si que l’In­sti­tut français de l’en­vi­ron­nement (IFEN) pour la cen­tral­i­sa­tion des don­nées et les aspects pat­ri­mo­ni­aux de l’environnement.

La faiblesse de l’évaluation des risques

Le tra­vail d’é­val­u­a­tion des risques com­porte deux aspects essentiels :

  • la col­lecte des don­nées sci­en­tifiques et leur util­i­sa­tion dans un cadre méthodologique. Ce tra­vail intel­lectuel est rel­a­tive­ment lourd et sou­vent sous-estimé, par­ti­c­ulière­ment en regard des coûts induits par les déci­sions qu’il prépare,
  • la pro­duc­tion de don­nées, par­ti­c­ulière­ment celles liées à l’é­val­u­a­tion des expo­si­tions qui sont en général spé­ci­fiques de la pop­u­la­tion exposée au risque étudié.


Si l’on se lim­ite au prob­lème essen­tiel de l’im­pact san­i­taire et envi­ron­nemen­tal des sub­stances chim­iques, les organ­ismes d’é­val­u­a­tion des risques sont essen­tielle­ment l’INER­IS et l’INRS, aux­quels s’a­joutent l’IVS, l’IN­RA, le CSTB, l’IFRE­MER et l’IN­RETS. Pour arriv­er au niveau des pays les plus act­ifs dans ce domaine (USA, Pays-Bas), les moyens disponibles en France au sein de ces dif­férents organ­ismes devraient être mul­ti­pliés par quatre.

Une absence de vision globale des enjeux et un manque d’impulsion politique forte

Au sein du dis­posi­tif français, aucun organ­isme ou min­istère n’est chargé d’établir une hiérar­chi­sa­tion explicite des risques ni de la déf­i­ni­tion des pri­or­ités de ges­tion de ces mêmes risques.

Ce n’est pas le cas par exem­ple aux Pays-Bas où un organ­isme, le RIVM, est chargé de cette mis­sion. Par con­séquent, les poli­tiques et les admin­is­tra­tions réagis­sent à l’ur­gence mais ne sont pas en mesure d’an­ticiper les risques, ni de percevoir les risques émer­gents. Cela tient à l’ab­sence de procé­dures de veille et d’alerte centralisées.

Il paraît nor­mal que de nom­breux min­istères dif­férents soient con­cernés par la san­té envi­ron­nemen­tale : out­re les min­istères chargés de la san­té et de l’en­vi­ron­nement inter­vi­en­nent ceux chargés de l’emploi, de l’a­gri­cul­ture, de l’équipement et du loge­ment, de l’é­conomie, des finances et de l’in­dus­trie. Il serait même para­dox­al que ce sujet de nature trans­ver­sale ne soit pas éclaté entre plusieurs administrations.

Néan­moins, on con­state entre les admin­is­tra­tions prin­ci­pale­ment con­cernées (envi­ron­nement et san­té) des dif­fi­cultés rela­tion­nelles et des cloi­son­nements, du fait notam­ment de l’ab­sence de cul­ture com­mune et de lan­gage com­mun. La coopéra­tion et la coor­di­na­tion exis­tent mais dépen­dent davan­tage des inter­locu­teurs et des circonstances.

Cette sit­u­a­tion est regret­table, d’au­tant que les moyens de chaque min­istère sont faibles. Elle est même dif­fi­cile­ment com­préhen­si­ble, si l’on con­sid­ère que ces deux min­istères œuvrent dans le sens d’une inter­nal­i­sa­tion crois­sante des coûts (san­i­taires, envi­ron­nemen­taux) et devraient pou­voir adopter des posi­tions com­munes face aux min­istères ” amé­nageurs “, naturelle­ment résis­tants à cette tendance.

Ce manque d’im­pul­sion poli­tique et la faib­lesse des moyens publics qui en résulte se traduisent par une insuff­isante par­tic­i­pa­tion de la France dans les prin­ci­pales instances inter­na­tionales (Union européenne, OMS, OCDE) qui fix­ent les normes, règles ou valeurs guides pour les risques san­i­taires liés à l’en­vi­ron­nement. Cette sit­u­a­tion est préju­di­cia­ble à la France, qui n’est pas à même de faire val­oir son point de vue.

Or les déci­sions pris­es dans ces instances peu­vent avoir des con­séquences économiques et san­i­taires impor­tantes. À titre d’ex­em­ple, les négo­ci­a­tions en cours du pro­to­cole mon­di­al sur les pol­lu­tions trans­fron­tières par les pol­lu­ants organiques per­sis­tants (POP) se déroulent sans que la France ait pu, en amont, mobilis­er une exper­tise suff­isante pour peser sur les débats. Les choix en dis­cus­sion sur les mod­èles de dis­per­sion des POP à retenir pour fix­er les engage­ments des pays sig­nataires pour­raient entraîn­er un sur­coût de 12 MdF par an pour la France6

Les propositions du rapport parlementaire

Ce con­stat de faib­lesse glob­ale ne doit pas bien sûr mas­quer les nom­breuses réal­i­sa­tions exis­tantes, par exem­ple dans le domaine de l’eau où les cri­tiques précédem­ment recen­sées doivent être par­fois atténuées ou con­sid­érées comme non pertinentes.

Il n’en demeure pas moins que ce con­stat est unanime et que la mise en évi­dence de cette una­nim­ité, et en corol­laire de l’ur­gence de l’ac­tion, a été cer­taine­ment le résul­tat le plus impor­tant de la mis­sion par­lemen­taire. Out­re des propo­si­tions rel­a­tives au ren­force­ment de la recherche et de l’ex­per­tise ain­si qu’à l’amélio­ra­tion du débat pub­lic et de l’in­for­ma­tion, les députés ont recom­mandé au Pre­mier ministre :

  • la mise en place d’un plan nation­al pluri­an­nuel en san­té-envi­ron­nement, notam­ment dans la per­spec­tive de la con­férence de Lon­dres et de ses suites,
  • la for­mal­i­sa­tion de la coopéra­tion inter­min­istérielle par la créa­tion d’un comité de liai­son thé­ma­tique réu­nis­sant les prin­ci­paux directeurs d’ad­min­is­tra­tion concernés,
  • la créa­tion d’un Haut Comité Sci­en­tifique en san­té envi­ron­nemen­tale, chargé en par­ti­c­uli­er de coor­don­ner les travaux des dif­férents comités exis­tants (CPP, CSHPF, CSC…) dans le domaine de la san­té environnementale,
  • le ren­force­ment de la veille par le développe­ment de l’IVS et la créa­tion de l’In­sti­tut de Veille Envi­ron­nemen­tale (IVE) à par­tir de l’IFEN,
  • le développe­ment et la coor­di­na­tion de l’é­val­u­a­tion des risques par la créa­tion d’une Agence de sécu­rité san­i­taire envi­ron­nemen­tale à par­tir de l’INER­IS et de l’INRS.

    Commentaires sur les propositions

    Les trois pre­mières propo­si­tions ont, pour autant qu’on puisse en juger, fait l’ob­jet d’un large con­sen­sus. La créa­tion de l’IVE appa­raît égale­ment comme une réponse appro­priée au besoin crois­sant de ren­force­ment et de coor­di­na­tion des fonc­tions de veille.

    La dernière propo­si­tion (créer une Agence de sécu­rité san­i­taire envi­ron­nemen­tale) s’ap­puie sur une démarche plus poli­tique que tech­nique, peut-être du fait que la mis­sion par­lemen­taire n’a pas dis­posé du temps néces­saire pour con­duire une inves­ti­ga­tion détail­lée des prob­lèmes que soulève une telle propo­si­tion. Ces prob­lèmes sont de trois ordres.

    En pre­mier lieu, il est indis­pens­able, quel que soit le scé­nario choisi, de ren­forcer la capac­ité d’ex­per­tise nationale dans ce domaine, ce qui sup­pose à la fois un mécan­isme de finance­ment de ressources sup­plé­men­taires et une meilleure coor­di­na­tion des moyens exis­tants au sein d’or­gan­ismes de recherche et d’ex­per­tise, moyens dont la dis­per­sion restera en grande par­tie inévitable.

    La nou­velle TGAP peut-elle con­stituer à elle seule une réponse légitime, s’il s’ag­it essen­tielle­ment d’une ini­tia­tive de poli­tique san­i­taire ? L’A­gence éventuelle doit-elle avoir voca­tion à coor­don­ner l’ac­tion, ou au con­traire à réalis­er elle-même une bonne par­tie du tra­vail, tout en ayant un rôle de coor­di­na­tion à l’é­gard des organ­ismes les plus extérieurs au dispositif ?

    En sec­ond lieu, le champ de com­pé­tence de cette Agence fait inévitable­ment l’ob­jet d’un débat : se réduit-il à un objec­tif stricte­ment san­i­taire, ou au con­traire doit-il per­me­t­tre de ren­forcer l’ac­tion de l’É­tat au regard de l’en­vi­ron­nement, dans une per­spec­tive indi­recte de préven­tion en amont des risques san­i­taires ? Dans l’un ou l’autre cas, com­ment s’in­sér­era cette nou­velle Agence dans le dis­posi­tif exis­tant de préven­tion des risques envi­ron­nemen­taux et sanitaires ?

    Enfin, on ne saurait trop insis­ter sur le besoin de crédi­bil­ité du dis­posi­tif français de préven­tion des risques dans le cadre européen. La par­cel­li­sa­tion des moyens et cen­tres de déci­sion au niveau français, face à des organ­ismes sou­vent mieux cen­tral­isés et dotés de moyens d’ex­per­tise con­sid­érables chez nos parte­naires, est-elle un choix gag­nant pour opti­miser notre influ­ence à Bruxelles ?

    Deux voies de pro­grès seraient à explorer :

    • la pre­mière, prag­ma­tique et avec une ambi­tion poli­tique sur le moyen terme, con­sis­terait à favoris­er un rap­proche­ment pro­gres­sif des prin­ci­paux acteurs con­cernés (INRS, INERIS, IVS, IFEN, Agence de sécu­rité san­i­taire), pour con­stru­ire à terme, à par­tir d’or­gan­ismes aux statuts et mis­sions aujour­d’hui très divers, un pôle d’ex­per­tise puis­sant et respecté ;
    • la sec­onde, plus volon­tariste, con­sis­terait à créer une “Grande Agence”, à car­ac­tère inter­min­istériel, com­pé­tente pour l’ensem­ble du champ d’ex­per­tise des risques liés à l’en­vi­ron­nement, et sus­cep­ti­ble d’af­fecter la sécu­rité (acci­dents indus­triels, ou met­tant en cause les sys­tèmes de trans­port), la san­té humaine (impact des sub­stances chim­iques notam­ment), ou la préser­va­tion des écosys­tèmes, elle-même sou­vent liée à long terme aux enjeux de san­té publique.

    ___________________________________
    1. Con­tac­ter Clau­dine Bouygues au 01.40.63.75.12.
    2. http://www.aschieri.net
    3. D. Orechkine, La Recherche, n° 226, nov. 1990, p. 1380–1388.
    4. Le pre­mier texte large­ment dif­fusé, Wey­bridge report on endocrin dis­rup­tors, date de 1997.
    5. IFEN : L’é­tat de l’en­vi­ron­nement en France, édi­tion 1994–1995, p. 330.
    6. Source : rap­port d’é­tape n° 5 “cost effec­tive con­trol of aci­ci­fi­ca­tion and ground lev­el ozone” réal­isé par l’In­ter­na­tion­al Insti­tute for Sys­tem Analy­sis pour la DG XI.

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