Un gaz vieux comme le monde L’exposition par le radon aux radiations ionisantes dans les domiciles.

Dossier : Environnement et santé publiqueMagazine N°546 Juin/Juillet 1999Par : Jérôme PELLISSIER-TANON (54), chroniqueur à la revue Radioprotection

La radioactivité

En préam­bule, il est bon de rap­pel­er quelques notions à ceux qui ont des sou­venirs un peu nébuleux sur la radioactivité.

Un élé­ment radioac­t­if émet par dés­in­té­gra­tion de ses atom­es des rayons alpha (noy­aux d’héli­um) ou bêta (élec­trons), accom­pa­g­nés ou non de rayons gam­ma (émis­sions élec­tro­mag­né­tiques). L’u­nité de mesure de l’in­ten­sité d’une source radioac­tive est le bec­quer­el (Bq), qui est la dés­in­té­gra­tion d’un atome par sec­onde. C’est infime. Aus­si utilise-t-on couram­ment ses mul­ti­ples. Par con­tre, le bec­quer­el reste com­mode pour pour­chas­s­er la radioac­tiv­ité dans l’en­vi­ron­nement, surtout lorsqu’on par­le de radioac­tiv­ité mas­sique ou volu­mique. Ain­si, la norme de pota­bil­ité (OMS) est-elle de 1 Bq/l. De même, le lecteur sera sans doute impres­sion­né d’ap­pren­dre qu’il est lui-même une source radioac­tive de 8 000 Bq env­i­ron, soit 100 Bq/kg.

Rap­pelons aus­si que la péri­ode d’un élé­ment radioac­t­if est le temps néces­saire à la dés­in­té­gra­tion de la moitié de ses atom­es : 4,5 mil­liards d’an­nées pour l’u­ra­ni­um 238 (12 500 Bq/g), 3,8 jours pour le radon (5,5 mil­lions de mil­liards Bq/g).

L’irradiation

Par­lons des impacts. Les bec­querels nous infor­ment peu de cet aspect des choses, pas plus que le dénom­bre­ment des pro­jec­tiles de toutes sortes expédiés sur l’en­ne­mi ne nous ren­seigne sur les dégâts subis à leur arrivée.

Les ray­on­nements ion­isants cèdent de l’én­ergie à la matière tra­ver­sée. Ce trans­fert d’én­ergie a pour mesure le gray (Gy), qui est une absorp­tion de 1 joule par kilo­gramme de matière.

Le siev­ert (Sv) rend compte de l’ef­fet biologique sur les tis­sus vivants (la “dose”). Par con­ven­tion, 1 siev­ert est la dose résul­tant de 1 gray trans­mis à un tis­su vivant par des rayons gam­ma (ou X).

Dis­ons-le sans fard : pour des dos­es de plus de 0,2 Sv reçues par ray­on­nement externe sur le corps entier avec des débits de dose très impor­tants, le suivi des dizaines de mil­liers de sur­vivants des explo­sions atom­iques d’Hi­roshi­ma et Nagasa­ki a per­mis de met­tre en évi­dence une rela­tion linéaire entre la dose reçue et les effets sto­chas­tiques, c’est-à-dire les effets prob­a­bilistes et dif­férés : mêmes formes de can­cers que pour des per­son­nes non irradiées, mais en plus grand nom­bre. C’est cet excès qui appa­raît pro­por­tion­nel à la dose. (Avec des dos­es instan­ta­nées de plusieurs siev­erts appa­raî­traient des effets déter­min­istes, pou­vant entraîn­er la mort à court terme.)

Les études épidémi­ologiques de la cohorte des sur­vivants d’Hi­roshi­ma et Nagasa­ki ne sont pas exemptes de cri­tiques ni de diver­gences d’in­ter­pré­ta­tions. On retient aujour­d’hui que le risque attaché à une dose de 1 siev­ert, reçue par le corps entier à fort débit de dose du fait d’un ray­on­nement gam­ma externe, cor­re­spond à une chance sur dix de con­tracter un can­cer mortel.

La radioprotection

Mais com­ment éval­uer les effets quand, dans l’im­mense majorité des cas, les dos­es et les débits de dos­es sont beau­coup plus petits ?

Com­ment tenir compte des voies de con­t­a­m­i­na­tion interne, lorsqu’un radionu­cléide est ingéré ou inhalé et que son action sur les tis­sus va résul­ter surtout de rayons alpha ou bêta très peu péné­trants, cédant leur énergie dans un très petit vol­ume de tis­sus proches ? Com­ment dans ce même cas éval­uer la durée de l’ex­po­si­tion, qui va dépen­dre de la durée de réten­tion du radionu­cléide dans les tis­sus si sa péri­ode dépasse quelques jours ? Et quelle sera la répar­ti­tion des dos­es entre les organes ? Tout cela dépend aus­si de l’affinité biologique de l’élé­ment et de sa forme chimique.

C’est si com­plexe que des mil­liers de chercheurs y ont con­sacré leurs efforts à tra­vers le monde depuis cinquante ans. Sur la base de ces travaux, la CIPR (Com­mis­sion inter­na­tionale de pro­tec­tion con­tre les radi­a­tions) a fixé les règles du jeu de la radio­pro­tec­tion : jus­ti­fi­ca­tion, opti­mi­sa­tion, lim­i­ta­tion. Elle a mis en place un instru­ment d’é­val­u­a­tion des dos­es uni­versel, qui est la dose effi­cace.

En par­ti­c­uli­er, pour l’inges­tion et pour l’in­hala­tion de chaque radionu­cléide (il en existe des cen­taines) et en fonc­tion de sa forme chim­ique, des tables fix­ent la rela­tion becquerel/sievert per­me­t­tant d’é­val­uer la dose effi­cace résultante.

Un exem­ple fera mieux com­pren­dre ce con­cept : une dose effi­cace de 1 mil­lisiev­ert cor­re­spond à l’in­hala­tion ou à l’inges­tion de 55 mil­lions de Bq de tri­tium (H3 ), à l’inges­tion de 3 400 Bq de radi­um 226 ou à l’in­hala­tion de 60 Bq du même radioélément.

Enfin la CIPR énonce une règle : pour les faibles dos­es et les faibles débits de dos­es, on retien­dra qu’il existe une rela­tion dose-effet linéaire sans seuil. Elle cor­re­spond à 5 chances sur 100 de con­tracter un can­cer mor­tel pour une dose effi­cace de 1 siev­ert. (C’est un peu plus com­pliqué, mais cela peut être dit ainsi.)

Ce con­cept est d’emploi facile et répond bien au principe de pré­cau­tion, mais il est la source d’un dou­ble malen­ten­du. Nucléus s’écrie : “Rien n’est démon­tré, aucune évi­dence expéri­men­tale ou épidémi­ologique ne vient à l’ap­pui de ce dik­tat. On a même un fais­ceau de résul­tats qui met­tent en évi­dence des phénomènes incom­pat­i­bles avec le mod­èle linéaire sans seuil.”

Verdis­sime lui répond verte­ment : “C’est une atti­tude irre­spon­s­able que de met­tre en cause la règle de linéar­ité. Un bec­quer­el de plus est un bec­quer­el de trop.” Les radio­pro­tec­tion­nistes, hommes de ter­rain et prati­ciens, savent bien que les out­ils de la CIPR, déclinés par les décrets de leurs admin­is­tra­tions, ne doivent pas être pris pour des par­a­digmes et que leur bon usage passe par la pra­tique de l’optimisation.

L’origine du radon

Lors de la for­ma­tion de la terre, il y a quelque cinq mil­liards d’an­nées, tous les radionu­cléides étaient présents aux côtés des élé­ments sta­bles. Aujour­d’hui, ne sub­sis­tent qu’une quar­an­taine de radionu­cléides pri­mor­diaux, ceux dont la péri­ode est suff­isam­ment longue.

Il existe aus­si dans la nature des radionu­cléides à (rel­a­tive­ment) cour­tes péri­odes : ce sont les radionu­cléides induits et les radionu­cléides de fil­i­a­tion. Les pre­miers sont pro­duits par les rayons cos­miques dans la haute atmo­sphère. Ils sont une ving­taine. Les plus impor­tants sont le car­bone 14 (5 730 ans) et l’hy­drogène 3 (tri­tium, 12 ans). Les sec­onds nais­sent de la fil­i­a­tion radioac­tive de cer­tains nucléides pri­mor­diaux, et nous tou­chons là à notre sujet. L’u­ra­ni­um 238 est le chef de file d’une chaîne de dés­in­té­gra­tions qui passe par 14 radionu­cléides avant d’aboutir au plomb 206, stable.

Le 7e élé­ment de cette chaîne est le radon 222, qui a la sin­gu­lar­ité d’être un gaz. L’u­ra­ni­um et les radionu­cléides de sa fil­i­a­tion se dés­in­tè­grent au sein même de la roche et il en va ain­si pour le radon, quoique gazeux, sauf si la frac­tura­tion ou la porosité du milieu favorisent son entraîne­ment vers la sur­face (il n’a que quelques jours pour réus­sir sa sortie !).

En fait, partout dans la nature, il se dégage dans l’at­mo­sphère de petites quan­tités de radon. La teneur en radon de l’air extérieur que nous respirons est extrême­ment vari­able, suiv­ant la géolo­gie du lieu, son hydrogéolo­gie, la sai­son, l’heure, les con­di­tions météorologiques. Retenons que 10 Bq/m3 sont l’or­dre de grandeur des moyennes. Con­clu­sion : nous sommes voués à respir­er du radon en petites quan­tités où que nous soyons.

Le radon et l’habitat

Les choses se com­pliquent avec l’habi­tat. L’homme préhis­torique, pour se sous­traire aux rigueurs de la nature, a par­fois occupé des cav­ernes, à l’oc­ca­sion con­stru­it des habi­ta­tions lacus­tres sur pilo­tis. Dans le pre­mier cas, il a mul­ti­plié par dix et même davan­tage son expo­si­tion au radon, dans le deux­ième cas, il l’a réduite quelque peu.

La mai­son tra­di­tion­nelle, bien calfeu­trée sur un sol en terre battue ou sur une cave pro­fonde, avec son unique chem­inée pour réalis­er une aspi­ra­tion con­trôlée, est un véri­ta­ble “piège à radon” ! C’est évidem­ment beau­coup mieux lorsque les fon­da­tions sont faites avec un vide san­i­taire con­nec­té directe­ment à l’ex­térieur, que la dalle de sol est étanche et que l’on assure une bonne aéra­tion du logis ! “le radon s’ac­cu­mule avec les odeurs”.

De fait, la mesure du radon dans les domi­ciles ou bâti­ments publics révèle des vari­a­tions impor­tantes. Ain­si en France, avec une moyenne annuelle des teneurs domes­tiques voi­sine de 65 Bq/m3, 92 % des domi­ciles seraient à moins de 200 Bq/m3, 6 % entre 200 et 400, 1,5 % entre 400 et 1 000, seule­ment 0,5 % au-dessus de 1 000. Cela fait tout de même des dizaines de mil­liers de logis à plus de 1 000 Bq/m3 !

Les plus hautes con­cen­tra­tions sont local­isées dans les régions de gran­ite. Atten­tion ! Dans le détail, une mai­son de la Creuse bien con­stru­ite et bien ven­tilée est préférable à un “piège à radon” instal­lé en Île-de-France.

Le processus d’irradiation par le radon

Une mesure de "l'émanation" en 1904.(Journal Le Radium)
Une mesure de “l’é­ma­na­tion” en 1904.

Le radon lui-même est très peu irra­di­ant : gaz rare de la famille de l’héli­um, il est expul­sé aus­si vite qu’il est inhalé, ne séjourne pas dans les poumons et n’émi­gre pas dans les autres organes. Mais il a fait naître dans l’at­mo­sphère ses descen­dants à courte vie, dont une frac­tion dite “libre” est nanométrique et une autre, dite “attachée”, est portée par des aérosols micrométriques.

Ils se déposent par inhala­tion sur cer­taines cel­lules pul­monaires où ils finiront leurs dés­in­té­gra­tions en cas­cades. C’est un proces­sus sin­guli­er, dif­fi­cile à mod­élis­er et à rac­corder aux proces­sus d’ir­ra­di­a­tion par les autres radionu­cléides. De fait, seul le risque de can­cer des poumons est con­cerné par l’in­hala­tion des descen­dants du radon et son éval­u­a­tion résulte avant tout des études épidémi­ologiques sur les mineurs d’u­ra­ni­um. Les mod­èles dosimétriques appor­tent des ten­ta­tives d’ex­pli­ca­tion “a pos­te­ri­ori” plutôt que des out­ils d’é­val­u­a­tion “a priori”.

La mesure du radon

Mal­gré ce qui vient d’être dit, c’est le radon que l’on mesure dans l’at­mo­sphère des habi­ta­tions, et non ses descen­dants, car c’est beau­coup plus facile et cela reste une représen­ta­tion cor­recte des dos­es inhalées.

On peut faire une mesure instan­ta­née, pour alert­er l’opin­ion ou se faire peur. Mais la vari­abil­ité de la teneur en radon est très grande : d’une pièce à l’autre, entre le jour et la nuit, entre l’hiv­er et l’été, au hasard des ouver­tures et fer­me­tures de portes. C’est une mesure inté­grée, sur plusieurs semaines et si pos­si­ble plusieurs mois, en été puis en hiv­er, à mi-hau­teur dans la pièce de vie la plus fréquen­tée, qui don­nera un résul­tat exploitable, car c’est bien l’ex­po­si­tion cumulée qui est le fac­teur de risque

Cette mesure fait l’ob­jet d’une norme BNEN-AFNOR appuyée sur une solide doc­u­men­ta­tion. L’ap­pareil­lage est d’emploi facile, pourvu qu’on ne le remise pas dans un plac­ard. Bref, tout le monde peut obtenir à bon marché un mesurage de son domi­cile, à la con­di­tion d’être motivé et patient.

L’assainissement des maisons

Dans un pre­mier temps il ne coûte pas cher de rétablir une aéra­tion con­ven­able des pièces de vie, ni plus ni moins que ne l’ex­ige la chas­se aux odeurs de “ren­fer­mé”, en veil­lant à ne pas met­tre ces pièces en dépression.

À sup­pos­er que les résul­tats de la mesure vous déci­dent à entre­pren­dre une action d’as­sainisse­ment, il existe aujour­d’hui des experts capa­bles d’é­tudi­er et pro­pos­er les actions qui vous don­neront le meilleur rap­port coût/efficacité.

Une opéra­tion d’as­sainisse­ment peut coûter de 1 000 à 20 000 francs. Pas d’af­fole­ment, vous avez assumé le risque depuis des dizaines d’an­nées, vous n’en êtes pas à quelques mois près.

Le résul­tat peut être spec­tac­u­laire : quand on part de loin (1 000 Bq/m3 ou plus), on peut alors obtenir des abaisse­ments de 90 % et même davan­tage. Par con­tre, si le niveau est faible ou moyen (moins de 200 Bq/m3) et la mai­son saine, gardez-vous d’un activisme guidé par votre radiophobie.

Si vous faites con­stru­ire une mai­son dans une zone à forte éma­na­tion de radon, les dis­po­si­tions à pren­dre vous occa­sion­neront moins de 1 % de surcoûts.

Le risque du radon domestique

Le radon dans nos maisons nous expose à quel niveau de risque, s’il y en a un ?

La CIPR fixe pour le radon un coef­fi­cient de con­ver­sion de 1 mil­lisiev­ert par an pour 66 Bq/m3 dans les domi­ciles. Donc, la moyenne des Français serait exposée à 1 mSv/an du fait du radon domes­tique, s’a­joutant aux autres caus­es d’ex­po­si­tion naturelle dans un total de 2,4 mSv/an. D’après l’échelle des risques de la CIPR, le nom­bre de décès par can­cer du poumon attribuables au radon serait de 5 pour 100 000 per­son­nes et par an en moyenne nationale, pas­sant à 15 pour 200 Bq/m3 et à 75 pour 1 000 Bq/m3.

Si vous com­parez ces chiffres aux décès dus au tabag­isme ou aux acci­dents de la route, vous pou­vez être amené à juger que l’as­sainisse­ment de votre domi­cile est un enjeu per­son­nel et famil­ial, au même titre que les efforts que vous faites pour moins fumer et pour con­duire sage­ment dans un véhicule bien entretenu.

La position des pouvoirs publics

Et que dis­ent les autorités ?

Là, il con­vient de faire un peu d’his­toire. L’ex­is­tence d’un gaz radioac­t­if dans la fil­i­a­tion de l’u­ra­ni­um 238 (et aus­si, du tho­ri­um 232 et de l’u­ra­ni­um 235) n’a été vrai­ment recon­nue qu’au cours des années 10. La dis­sémi­na­tion de radioac­tiv­ité dont il était la cause, fort gênante pour les mesures en lab­o­ra­toire, était attribuée à “l’é­ma­na­tion”, sans qu’on puisse encore dire ce qu’elle était.

Dans les années 20 et 30, on a décrit la mal­adie pro­fes­sion­nelle des mineurs d’u­ra­ni­um d’Eu­rope cen­trale mais on n’en a com­pris l’o­rig­ine qu’à la fin des années 40, avec l’es­sor de l’ex­trac­tion minière de l’uranium.

On n’a plus douté que l’oc­cur­rence anor­male­ment élevée de can­cers du poumon par­mi les mineurs d’u­ra­ni­um était due, au moins pour une part, à la con­cen­tra­tion élevée du radon dans les chantiers souterrains.

Dans les années 50, la radio­pro­tec­tion des mineurs fut mise en place avec la mesure sys­té­ma­tique de la teneur en radon dans les mines et par la ven­ti­la­tion for­cée des galeries et chantiers. Les Français y ont joué un rôle de pre­mier plan. Par la suite, onze cohort­es de mineurs d’u­ra­ni­um ont fait l’ob­jet d’un suivi épidémi­ologique jusqu’à ce jour (en France, aux États-Unis, au Cana­da, en Tché­coslo­vaquie, en Chine).

Les résul­tats ont mon­tré “qu’il existe une rela­tion causale entre l’ex­po­si­tion cumulée au radon et le risque de décès par can­cer du poumon chez les mineurs d’u­ra­ni­um”. Les expo­si­tions cumulées cou­vertes par l’é­tude et révélant une rela­tion causale sont, pour les plus faibles, de l’or­dre de grandeur de celles que l’on cumule après trente ans passés dans un domi­cile à quelques cen­taines Bq/m3.

C’est ce con­stat, appuyé par de très impor­tantes expéri­men­ta­tions sur le rat, qui a poussé la Com­mis­sion européenne et les autorités san­i­taires de dif­férents pays à établir des règles pour le con­trôle du radon dans les maisons.

Elles sont glob­ale­ment homogènes et pour la France (cir­cu­laire inter­min­istérielle du début 99) comme pour le reste de l’Eu­rope, on dis­tingue trois niveaux : seuil d’alerte à 1 000 Bq/m3, seuil d’in­ter­ven­tion à 400 Bq/m3 dans les loge­ments anciens et objec­tif de moins de 200 Bq/m3 dans les loge­ments nou­veaux. Sauf s’il s’ag­it d’une école, d’un lieu de tra­vail ou d’un lieu ouvert au pub­lic, c’est une affaire de droit privé. Mais, comme dans les pays en avance sur nous dans ce domaine de préven­tion, un “cer­ti­fi­cat de radon” sera de plus en plus sou­vent exigé par l’a­cheteur d’une mai­son en zone radigène.

La controverse sur le risque lié au radon domestique

Ce réc­it peut vous don­ner l’im­pres­sion qu’il n’y a pas (ou plus) de matière à con­tro­verse dans le dossier du radon domes­tique. En réal­ité, le débat sur le vrai niveau de risque asso­cié au radon domes­tique reste ouvert.

Ceux qui pensent que le risque en est sures­timé met­tent en avant les argu­ments suivants :

  • 1) les études des cohort­es de mineurs ont sous-estimé les expo­si­tions, ce qui a amené à sures­timer la rela­tion dose/effet ;
  • 2) l’ex­po­si­tion des mineurs com­por­tait d’autres can­cérigènes, comme la fumée des moteurs Diesel, l’arsenic… sans oubli­er le tabac, fac­teurs de con­fu­sion qu’on n’a pas pris en compte et par­tant, caus­es de sures­ti­ma­tion pour le radon ;
  • 3) de nom­breuses études épidémi­ologiques de type géo­graphique ont été con­duites dans les vingt dernières années, com­para­nt l’in­ci­dence du can­cer du poumon entre des régions à forte éma­na­tion de radon et d’autres, à faible éma­na­tion. Cela a été fait en France comme ailleurs et elles n’ont pas, dans leur ensem­ble, mis en évi­dence de surincidence ;
  • 4) la stricte appli­ca­tion de la rela­tion linéaire sans seuil extrapolée des études sur les mineurs d’u­ra­ni­um, (celle que recom­mande la CIPR), con­duit à attribuer au radon domes­tique dans notre pays quelque 3 000 décès annuels par can­cer du poumon sur un total observé de 22 000, dont 17 000 sont attribuables au tabag­isme. Or, il y a bien d’autres agents con­nus du can­cer du poumon, qui pèsent davan­tage que ces chiffres ne le suggèrent ;
  • 5) les plus récentes études de radio­bi­olo­gie sur la can­céro­genèse du poumon cor­ro­borent l’idée d’une sures­ti­ma­tion actuelle du risque aux faibles doses.


Ceux qui pensent le con­traire répliquent :

  • 1) et 2) que les con­clu­sions des études épidémi­ologiques des mineurs d’u­ra­ni­um résis­tent à la prise en compte des fac­teurs de con­fu­sion ou de sures­ti­ma­tion sig­nalés, lesquels n’ont pu jouer qu’un rôle secondaire ;

  • 3) que les études géo­graphiques com­por­tent, dans leur principe même, un biais lié à l’u­til­i­sa­tion de moyennes cou­vrant un ensem­ble d’in­di­vidus, alors que la dis­tri­b­u­tion des fac­teurs de risque (radon ou tabac) entre les indi­vidus n’est absol­u­ment pas régulière ;

  • 4) et 5) quoique ces obser­va­tions ne soient pas dénuées de fonde­ment, elles n’ap­por­tent pas la démon­stra­tion que l’hy­pothèse linéaire sans seuil retenue pour la ges­tion de la radio­pro­tec­tion est incom­pat­i­ble avec les faits observés et donc celle-ci reste pour le moins un choix con­ven­able en ver­tu du principe de précaution.

Le programme de recherche européen

À l’heure actuelle, l’U­nion européenne coor­donne de très impor­tants pro­grammes sur le radon, en par­ti­c­uli­er des études épidémi­ologiques dans plusieurs pays mem­bres, (cer­taines sont achevées), suiv­ant la méthode “cas-témoins”, per­me­t­tant d’e­spér­er réduire les biais et les fac­teurs de confusion.

Dès main­tenant, cer­tains résul­tats sug­gèrent un effet mul­ti­pli­catif entre tabac et radon.

Pour ma part, leur exa­m­en me sug­gère que l’on pour­rait bien un jour revoir le risque du radon à la baisse pour les non-fumeurs et à la hausse, pour les grands fumeurs. Cette opin­ion toute per­son­nelle m’amène à adress­er le mes­sage suiv­ant au fumeur habi­tant une mai­son “radon­isée” : “Investis dans son assainisse­ment les économies que tu ferais en arrê­tant de fumer pen­dant un an.”

Pour ceux qui voudraient en savoir plus

L’IPSN a pub­lié une excel­lente mono­gra­phie : Le radon, de l’en­vi­ron­nement à l’homme, (274 pages, Édi­tions EDP Sci­ences, 91940 Les Ulis cedex A).

Pour l’examen de votre habitation

  • La DDASS de votre département.
  • Insti­tut de Pro­tec­tion et de Sûreté Nucléaire (IPSN), BP 6, 92265 Fonte­nay-aux Roses.
     — Cen­tre de doc­u­men­ta­tion : tél. : 01.46.54.80.07.
     — Ser­vice d’É­val­u­a­tion et de Ges­tion des Risques : tél. : 01.46.54.73.42.
  • DOSIRAD, Vil­la Parc Le Chêne, rue Lech Wale­sa, 77185 Lognes, tél. : 01.60.17.91.08.
  • ALGADE, RN 20, BP 46, 87250 Bessines-sur-Gartem­pes, tél. : 05.55.60.50.00.
  • CRIIRAD, 471, avenue Vic­tor Hugo, 26000 Valence, tél. : 04.75.41.82.50.

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