Un gaz vieux comme le monde L’exposition par le radon aux radiations ionisantes dans les domiciles.

Dossier : Environnement et santé publiqueMagazine N°546 Juin/Juillet 1999Par : Jérôme PELLISSIER-TANON (54), chroniqueur à la revue Radioprotection

La radioactivité

En pré­am­bule, il est bon de rap­pe­ler quelques notions à ceux qui ont des sou­ve­nirs un peu nébu­leux sur la radioactivité.

Un élé­ment radio­ac­tif émet par dés­in­té­gra­tion de ses atomes des rayons alpha (noyaux d’hé­lium) ou bêta (élec­trons), accom­pa­gnés ou non de rayons gam­ma (émis­sions élec­tro­ma­gné­tiques). L’u­ni­té de mesure de l’in­ten­si­té d’une source radio­ac­tive est le bec­que­rel (Bq), qui est la dés­in­té­gra­tion d’un atome par seconde. C’est infime. Aus­si uti­lise-t-on cou­ram­ment ses mul­tiples. Par contre, le bec­que­rel reste com­mode pour pour­chas­ser la radio­ac­ti­vi­té dans l’en­vi­ron­ne­ment, sur­tout lors­qu’on parle de radio­ac­ti­vi­té mas­sique ou volu­mique. Ain­si, la norme de pota­bi­li­té (OMS) est-elle de 1 Bq/l. De même, le lec­teur sera sans doute impres­sion­né d’ap­prendre qu’il est lui-même une source radio­ac­tive de 8 000 Bq envi­ron, soit 100 Bq/kg.

Rap­pe­lons aus­si que la période d’un élé­ment radio­ac­tif est le temps néces­saire à la dés­in­té­gra­tion de la moi­tié de ses atomes : 4,5 mil­liards d’an­nées pour l’u­ra­nium 238 (12 500 Bq/g), 3,8 jours pour le radon (5,5 mil­lions de mil­liards Bq/g).

L’irradiation

Par­lons des impacts. Les bec­que­rels nous informent peu de cet aspect des choses, pas plus que le dénom­bre­ment des pro­jec­tiles de toutes sortes expé­diés sur l’en­ne­mi ne nous ren­seigne sur les dégâts subis à leur arrivée.

Les rayon­ne­ments ioni­sants cèdent de l’éner­gie à la matière tra­ver­sée. Ce trans­fert d’éner­gie a pour mesure le gray (Gy), qui est une absorp­tion de 1 joule par kilo­gramme de matière.

Le sie­vert (Sv) rend compte de l’ef­fet bio­lo­gique sur les tis­sus vivants (la « dose »). Par conven­tion, 1 sie­vert est la dose résul­tant de 1 gray trans­mis à un tis­su vivant par des rayons gam­ma (ou X).

Disons-le sans fard : pour des doses de plus de 0,2 Sv reçues par rayon­ne­ment externe sur le corps entier avec des débits de dose très impor­tants, le sui­vi des dizaines de mil­liers de sur­vi­vants des explo­sions ato­miques d’Hi­ro­shi­ma et Naga­sa­ki a per­mis de mettre en évi­dence une rela­tion linéaire entre la dose reçue et les effets sto­chas­tiques, c’est-à-dire les effets pro­ba­bi­listes et dif­fé­rés : mêmes formes de can­cers que pour des per­sonnes non irra­diées, mais en plus grand nombre. C’est cet excès qui appa­raît pro­por­tion­nel à la dose. (Avec des doses ins­tan­ta­nées de plu­sieurs sie­verts appa­raî­traient des effets déter­mi­nistes, pou­vant entraî­ner la mort à court terme.)

Les études épi­dé­mio­lo­giques de la cohorte des sur­vi­vants d’Hi­ro­shi­ma et Naga­sa­ki ne sont pas exemptes de cri­tiques ni de diver­gences d’in­ter­pré­ta­tions. On retient aujourd’­hui que le risque atta­ché à une dose de 1 sie­vert, reçue par le corps entier à fort débit de dose du fait d’un rayon­ne­ment gam­ma externe, cor­res­pond à une chance sur dix de contrac­ter un can­cer mortel.

La radioprotection

Mais com­ment éva­luer les effets quand, dans l’im­mense majo­ri­té des cas, les doses et les débits de doses sont beau­coup plus petits ?

Com­ment tenir compte des voies de conta­mi­na­tion interne, lors­qu’un radio­nu­cléide est ingé­ré ou inha­lé et que son action sur les tis­sus va résul­ter sur­tout de rayons alpha ou bêta très peu péné­trants, cédant leur éner­gie dans un très petit volume de tis­sus proches ? Com­ment dans ce même cas éva­luer la durée de l’ex­po­si­tion, qui va dépendre de la durée de réten­tion du radio­nu­cléide dans les tis­sus si sa période dépasse quelques jours ? Et quelle sera la répar­ti­tion des doses entre les organes ? Tout cela dépend aus­si de l’af­fi­ni­té bio­lo­gique de l’élé­ment et de sa forme chimique.

C’est si com­plexe que des mil­liers de cher­cheurs y ont consa­cré leurs efforts à tra­vers le monde depuis cin­quante ans. Sur la base de ces tra­vaux, la CIPR (Com­mis­sion inter­na­tio­nale de pro­tec­tion contre les radia­tions) a fixé les règles du jeu de la radio­pro­tec­tion : jus­ti­fi­ca­tion, opti­mi­sa­tion, limi­ta­tion. Elle a mis en place un ins­tru­ment d’é­va­lua­tion des doses uni­ver­sel, qui est la dose effi­cace.

En par­ti­cu­lier, pour l’in­ges­tion et pour l’in­ha­la­tion de chaque radio­nu­cléide (il en existe des cen­taines) et en fonc­tion de sa forme chi­mique, des tables fixent la rela­tion becquerel/sievert per­met­tant d’é­va­luer la dose effi­cace résultante.

Un exemple fera mieux com­prendre ce concept : une dose effi­cace de 1 mil­li­sie­vert cor­res­pond à l’in­ha­la­tion ou à l’in­ges­tion de 55 mil­lions de Bq de tri­tium (H3 ), à l’in­ges­tion de 3 400 Bq de radium 226 ou à l’in­ha­la­tion de 60 Bq du même radioélément.

Enfin la CIPR énonce une règle : pour les faibles doses et les faibles débits de doses, on retien­dra qu’il existe une rela­tion dose-effet linéaire sans seuil. Elle cor­res­pond à 5 chances sur 100 de contrac­ter un can­cer mor­tel pour une dose effi­cace de 1 sie­vert. (C’est un peu plus com­pli­qué, mais cela peut être dit ainsi.)

Ce concept est d’emploi facile et répond bien au prin­cipe de pré­cau­tion, mais il est la source d’un double mal­en­ten­du. Nucléus s’é­crie : « Rien n’est démon­tré, aucune évi­dence expé­ri­men­tale ou épi­dé­mio­lo­gique ne vient à l’ap­pui de ce dik­tat. On a même un fais­ceau de résul­tats qui mettent en évi­dence des phé­no­mènes incom­pa­tibles avec le modèle linéaire sans seuil. »

Ver­dis­sime lui répond ver­te­ment : « C’est une atti­tude irres­pon­sable que de mettre en cause la règle de linéa­ri­té. Un bec­que­rel de plus est un bec­que­rel de trop. » Les radio­pro­tec­tion­nistes, hommes de ter­rain et pra­ti­ciens, savent bien que les outils de la CIPR, décli­nés par les décrets de leurs admi­nis­tra­tions, ne doivent pas être pris pour des para­digmes et que leur bon usage passe par la pra­tique de l’optimisation.

L’origine du radon

Lors de la for­ma­tion de la terre, il y a quelque cinq mil­liards d’an­nées, tous les radio­nu­cléides étaient pré­sents aux côtés des élé­ments stables. Aujourd’­hui, ne sub­sistent qu’une qua­ran­taine de radio­nu­cléides pri­mor­diaux, ceux dont la période est suf­fi­sam­ment longue.

Il existe aus­si dans la nature des radio­nu­cléides à (rela­ti­ve­ment) courtes périodes : ce sont les radio­nu­cléides induits et les radio­nu­cléides de filia­tion. Les pre­miers sont pro­duits par les rayons cos­miques dans la haute atmo­sphère. Ils sont une ving­taine. Les plus impor­tants sont le car­bone 14 (5 730 ans) et l’hy­dro­gène 3 (tri­tium, 12 ans). Les seconds naissent de la filia­tion radio­ac­tive de cer­tains nucléides pri­mor­diaux, et nous tou­chons là à notre sujet. L’u­ra­nium 238 est le chef de file d’une chaîne de dés­in­té­gra­tions qui passe par 14 radio­nu­cléides avant d’a­bou­tir au plomb 206, stable.

Le 7e élé­ment de cette chaîne est le radon 222, qui a la sin­gu­la­ri­té d’être un gaz. L’u­ra­nium et les radio­nu­cléides de sa filia­tion se dés­in­tègrent au sein même de la roche et il en va ain­si pour le radon, quoique gazeux, sauf si la frac­tu­ra­tion ou la poro­si­té du milieu favo­risent son entraî­ne­ment vers la sur­face (il n’a que quelques jours pour réus­sir sa sortie !).

En fait, par­tout dans la nature, il se dégage dans l’at­mo­sphère de petites quan­ti­tés de radon. La teneur en radon de l’air exté­rieur que nous res­pi­rons est extrê­me­ment variable, sui­vant la géo­lo­gie du lieu, son hydro­géo­lo­gie, la sai­son, l’heure, les condi­tions météo­ro­lo­giques. Rete­nons que 10 Bq/m3 sont l’ordre de gran­deur des moyennes. Conclu­sion : nous sommes voués à res­pi­rer du radon en petites quan­ti­tés où que nous soyons.

Le radon et l’habitat

Les choses se com­pliquent avec l’ha­bi­tat. L’homme pré­his­to­rique, pour se sous­traire aux rigueurs de la nature, a par­fois occu­pé des cavernes, à l’oc­ca­sion construit des habi­ta­tions lacustres sur pilo­tis. Dans le pre­mier cas, il a mul­ti­plié par dix et même davan­tage son expo­si­tion au radon, dans le deuxième cas, il l’a réduite quelque peu.

La mai­son tra­di­tion­nelle, bien cal­feu­trée sur un sol en terre bat­tue ou sur une cave pro­fonde, avec son unique che­mi­née pour réa­li­ser une aspi­ra­tion contrô­lée, est un véri­table « piège à radon » ! C’est évi­dem­ment beau­coup mieux lorsque les fon­da­tions sont faites avec un vide sani­taire connec­té direc­te­ment à l’ex­té­rieur, que la dalle de sol est étanche et que l’on assure une bonne aéra­tion du logis ! « le radon s’ac­cu­mule avec les odeurs ».

De fait, la mesure du radon dans les domi­ciles ou bâti­ments publics révèle des varia­tions impor­tantes. Ain­si en France, avec une moyenne annuelle des teneurs domes­tiques voi­sine de 65 Bq/m3, 92 % des domi­ciles seraient à moins de 200 Bq/m3, 6 % entre 200 et 400, 1,5 % entre 400 et 1 000, seule­ment 0,5 % au-des­sus de 1 000. Cela fait tout de même des dizaines de mil­liers de logis à plus de 1 000 Bq/m3 !

Les plus hautes concen­tra­tions sont loca­li­sées dans les régions de gra­nite. Atten­tion ! Dans le détail, une mai­son de la Creuse bien construite et bien ven­ti­lée est pré­fé­rable à un « piège à radon » ins­tal­lé en Île-de-France.

Le processus d’irradiation par le radon

Une mesure de "l'émanation" en 1904.(Journal Le Radium)
Une mesure de « l’é­ma­na­tion » en 1904.

Le radon lui-même est très peu irra­diant : gaz rare de la famille de l’hé­lium, il est expul­sé aus­si vite qu’il est inha­lé, ne séjourne pas dans les pou­mons et n’é­migre pas dans les autres organes. Mais il a fait naître dans l’at­mo­sphère ses des­cen­dants à courte vie, dont une frac­tion dite « libre » est nano­mé­trique et une autre, dite « atta­chée », est por­tée par des aéro­sols micrométriques.

Ils se déposent par inha­la­tion sur cer­taines cel­lules pul­mo­naires où ils fini­ront leurs dés­in­té­gra­tions en cas­cades. C’est un pro­ces­sus sin­gu­lier, dif­fi­cile à modé­li­ser et à rac­cor­der aux pro­ces­sus d’ir­ra­dia­tion par les autres radio­nu­cléides. De fait, seul le risque de can­cer des pou­mons est concer­né par l’in­ha­la­tion des des­cen­dants du radon et son éva­lua­tion résulte avant tout des études épi­dé­mio­lo­giques sur les mineurs d’u­ra­nium. Les modèles dosi­mé­triques apportent des ten­ta­tives d’ex­pli­ca­tion « a pos­te­rio­ri » plu­tôt que des outils d’é­va­lua­tion « a priori ».

La mesure du radon

Mal­gré ce qui vient d’être dit, c’est le radon que l’on mesure dans l’at­mo­sphère des habi­ta­tions, et non ses des­cen­dants, car c’est beau­coup plus facile et cela reste une repré­sen­ta­tion cor­recte des doses inhalées.

On peut faire une mesure ins­tan­ta­née, pour aler­ter l’o­pi­nion ou se faire peur. Mais la varia­bi­li­té de la teneur en radon est très grande : d’une pièce à l’autre, entre le jour et la nuit, entre l’hi­ver et l’é­té, au hasard des ouver­tures et fer­me­tures de portes. C’est une mesure inté­grée, sur plu­sieurs semaines et si pos­sible plu­sieurs mois, en été puis en hiver, à mi-hau­teur dans la pièce de vie la plus fré­quen­tée, qui don­ne­ra un résul­tat exploi­table, car c’est bien l’ex­po­si­tion cumu­lée qui est le fac­teur de risque

Cette mesure fait l’ob­jet d’une norme BNEN-AFNOR appuyée sur une solide docu­men­ta­tion. L’ap­pa­reillage est d’emploi facile, pour­vu qu’on ne le remise pas dans un pla­card. Bref, tout le monde peut obte­nir à bon mar­ché un mesu­rage de son domi­cile, à la condi­tion d’être moti­vé et patient.

L’assainissement des maisons

Dans un pre­mier temps il ne coûte pas cher de réta­blir une aéra­tion conve­nable des pièces de vie, ni plus ni moins que ne l’exige la chasse aux odeurs de « ren­fer­mé », en veillant à ne pas mettre ces pièces en dépression.

À sup­po­ser que les résul­tats de la mesure vous décident à entre­prendre une action d’as­sai­nis­se­ment, il existe aujourd’­hui des experts capables d’é­tu­dier et pro­po­ser les actions qui vous don­ne­ront le meilleur rap­port coût/efficacité.

Une opé­ra­tion d’as­sai­nis­se­ment peut coû­ter de 1 000 à 20 000 francs. Pas d’af­fo­le­ment, vous avez assu­mé le risque depuis des dizaines d’an­nées, vous n’en êtes pas à quelques mois près.

Le résul­tat peut être spec­ta­cu­laire : quand on part de loin (1 000 Bq/m3 ou plus), on peut alors obte­nir des abais­se­ments de 90 % et même davan­tage. Par contre, si le niveau est faible ou moyen (moins de 200 Bq/m3) et la mai­son saine, gar­dez-vous d’un acti­visme gui­dé par votre radiophobie.

Si vous faites construire une mai­son dans une zone à forte éma­na­tion de radon, les dis­po­si­tions à prendre vous occa­sion­ne­ront moins de 1 % de surcoûts.

Le risque du radon domestique

Le radon dans nos mai­sons nous expose à quel niveau de risque, s’il y en a un ?

La CIPR fixe pour le radon un coef­fi­cient de conver­sion de 1 mil­li­sie­vert par an pour 66 Bq/m3 dans les domi­ciles. Donc, la moyenne des Fran­çais serait expo­sée à 1 mSv/an du fait du radon domes­tique, s’a­jou­tant aux autres causes d’ex­po­si­tion natu­relle dans un total de 2,4 mSv/an. D’a­près l’é­chelle des risques de la CIPR, le nombre de décès par can­cer du pou­mon attri­buables au radon serait de 5 pour 100 000 per­sonnes et par an en moyenne natio­nale, pas­sant à 15 pour 200 Bq/m3 et à 75 pour 1 000 Bq/m3.

Si vous com­pa­rez ces chiffres aux décès dus au taba­gisme ou aux acci­dents de la route, vous pou­vez être ame­né à juger que l’as­sai­nis­se­ment de votre domi­cile est un enjeu per­son­nel et fami­lial, au même titre que les efforts que vous faites pour moins fumer et pour conduire sage­ment dans un véhi­cule bien entretenu.

La position des pouvoirs publics

Et que disent les autorités ?

Là, il convient de faire un peu d’his­toire. L’exis­tence d’un gaz radio­ac­tif dans la filia­tion de l’u­ra­nium 238 (et aus­si, du tho­rium 232 et de l’u­ra­nium 235) n’a été vrai­ment recon­nue qu’au cours des années 10. La dis­sé­mi­na­tion de radio­ac­ti­vi­té dont il était la cause, fort gênante pour les mesures en labo­ra­toire, était attri­buée à « l’é­ma­na­tion », sans qu’on puisse encore dire ce qu’elle était.

Dans les années 20 et 30, on a décrit la mala­die pro­fes­sion­nelle des mineurs d’u­ra­nium d’Eu­rope cen­trale mais on n’en a com­pris l’o­ri­gine qu’à la fin des années 40, avec l’es­sor de l’ex­trac­tion minière de l’uranium.

On n’a plus dou­té que l’oc­cur­rence anor­ma­le­ment éle­vée de can­cers du pou­mon par­mi les mineurs d’u­ra­nium était due, au moins pour une part, à la concen­tra­tion éle­vée du radon dans les chan­tiers souterrains.

Dans les années 50, la radio­pro­tec­tion des mineurs fut mise en place avec la mesure sys­té­ma­tique de la teneur en radon dans les mines et par la ven­ti­la­tion for­cée des gale­ries et chan­tiers. Les Fran­çais y ont joué un rôle de pre­mier plan. Par la suite, onze cohortes de mineurs d’u­ra­nium ont fait l’ob­jet d’un sui­vi épi­dé­mio­lo­gique jus­qu’à ce jour (en France, aux États-Unis, au Cana­da, en Tché­co­slo­va­quie, en Chine).

Les résul­tats ont mon­tré « qu’il existe une rela­tion cau­sale entre l’ex­po­si­tion cumu­lée au radon et le risque de décès par can­cer du pou­mon chez les mineurs d’u­ra­nium ». Les expo­si­tions cumu­lées cou­vertes par l’é­tude et révé­lant une rela­tion cau­sale sont, pour les plus faibles, de l’ordre de gran­deur de celles que l’on cumule après trente ans pas­sés dans un domi­cile à quelques cen­taines Bq/m3.

C’est ce constat, appuyé par de très impor­tantes expé­ri­men­ta­tions sur le rat, qui a pous­sé la Com­mis­sion euro­péenne et les auto­ri­tés sani­taires de dif­fé­rents pays à éta­blir des règles pour le contrôle du radon dans les maisons.

Elles sont glo­ba­le­ment homo­gènes et pour la France (cir­cu­laire inter­mi­nis­té­rielle du début 99) comme pour le reste de l’Eu­rope, on dis­tingue trois niveaux : seuil d’a­lerte à 1 000 Bq/m3, seuil d’in­ter­ven­tion à 400 Bq/m3 dans les loge­ments anciens et objec­tif de moins de 200 Bq/m3 dans les loge­ments nou­veaux. Sauf s’il s’a­git d’une école, d’un lieu de tra­vail ou d’un lieu ouvert au public, c’est une affaire de droit pri­vé. Mais, comme dans les pays en avance sur nous dans ce domaine de pré­ven­tion, un « cer­ti­fi­cat de radon » sera de plus en plus sou­vent exi­gé par l’a­che­teur d’une mai­son en zone radigène.

La controverse sur le risque lié au radon domestique

Ce récit peut vous don­ner l’im­pres­sion qu’il n’y a pas (ou plus) de matière à contro­verse dans le dos­sier du radon domes­tique. En réa­li­té, le débat sur le vrai niveau de risque asso­cié au radon domes­tique reste ouvert.

Ceux qui pensent que le risque en est sur­es­ti­mé mettent en avant les argu­ments suivants :

  • 1) les études des cohortes de mineurs ont sous-esti­mé les expo­si­tions, ce qui a ame­né à sur­es­ti­mer la rela­tion dose/effet ;
  • 2) l’ex­po­si­tion des mineurs com­por­tait d’autres can­cé­ri­gènes, comme la fumée des moteurs Die­sel, l’ar­se­nic… sans oublier le tabac, fac­teurs de confu­sion qu’on n’a pas pris en compte et par­tant, causes de sur­es­ti­ma­tion pour le radon ;
  • 3) de nom­breuses études épi­dé­mio­lo­giques de type géo­gra­phique ont été conduites dans les vingt der­nières années, com­pa­rant l’in­ci­dence du can­cer du pou­mon entre des régions à forte éma­na­tion de radon et d’autres, à faible éma­na­tion. Cela a été fait en France comme ailleurs et elles n’ont pas, dans leur ensemble, mis en évi­dence de surincidence ;
  • 4) la stricte appli­ca­tion de la rela­tion linéaire sans seuil extra­po­lée des études sur les mineurs d’u­ra­nium, (celle que recom­mande la CIPR), conduit à attri­buer au radon domes­tique dans notre pays quelque 3 000 décès annuels par can­cer du pou­mon sur un total obser­vé de 22 000, dont 17 000 sont attri­buables au taba­gisme. Or, il y a bien d’autres agents connus du can­cer du pou­mon, qui pèsent davan­tage que ces chiffres ne le suggèrent ;
  • 5) les plus récentes études de radio­bio­lo­gie sur la can­cé­ro­ge­nèse du pou­mon cor­ro­borent l’i­dée d’une sur­es­ti­ma­tion actuelle du risque aux faibles doses.


Ceux qui pensent le contraire répliquent :

  • 1) et 2) que les conclu­sions des études épi­dé­mio­lo­giques des mineurs d’u­ra­nium résistent à la prise en compte des fac­teurs de confu­sion ou de sur­es­ti­ma­tion signa­lés, les­quels n’ont pu jouer qu’un rôle secondaire ;

  • 3) que les études géo­gra­phiques com­portent, dans leur prin­cipe même, un biais lié à l’u­ti­li­sa­tion de moyennes cou­vrant un ensemble d’in­di­vi­dus, alors que la dis­tri­bu­tion des fac­teurs de risque (radon ou tabac) entre les indi­vi­dus n’est abso­lu­ment pas régulière ;

  • 4) et 5) quoique ces obser­va­tions ne soient pas dénuées de fon­de­ment, elles n’ap­portent pas la démons­tra­tion que l’hy­po­thèse linéaire sans seuil rete­nue pour la ges­tion de la radio­pro­tec­tion est incom­pa­tible avec les faits obser­vés et donc celle-ci reste pour le moins un choix conve­nable en ver­tu du prin­cipe de précaution.

Le programme de recherche européen

À l’heure actuelle, l’U­nion euro­péenne coor­donne de très impor­tants pro­grammes sur le radon, en par­ti­cu­lier des études épi­dé­mio­lo­giques dans plu­sieurs pays membres, (cer­taines sont ache­vées), sui­vant la méthode « cas-témoins », per­met­tant d’es­pé­rer réduire les biais et les fac­teurs de confusion.

Dès main­te­nant, cer­tains résul­tats sug­gèrent un effet mul­ti­pli­ca­tif entre tabac et radon.

Pour ma part, leur exa­men me sug­gère que l’on pour­rait bien un jour revoir le risque du radon à la baisse pour les non-fumeurs et à la hausse, pour les grands fumeurs. Cette opi­nion toute per­son­nelle m’a­mène à adres­ser le mes­sage sui­vant au fumeur habi­tant une mai­son « rado­ni­sée » : « Inves­tis dans son assai­nis­se­ment les éco­no­mies que tu ferais en arrê­tant de fumer pen­dant un an. »

Pour ceux qui voudraient en savoir plus

L’IPSN a publié une excel­lente mono­gra­phie : Le radon, de l’en­vi­ron­ne­ment à l’homme, (274 pages, Édi­tions EDP Sciences, 91940 Les Ulis cedex A).

Pour l’examen de votre habitation

  • La DDASS de votre département.
  • Ins­ti­tut de Pro­tec­tion et de Sûre­té Nucléaire (IPSN), BP 6, 92265 Fon­te­nay-aux Roses.
     – Centre de docu­men­ta­tion : tél. : 01.46.54.80.07.
     – Ser­vice d’É­va­lua­tion et de Ges­tion des Risques : tél. : 01.46.54.73.42.
  • DOSIRAD, Vil­la Parc Le Chêne, rue Lech Wale­sa, 77185 Lognes, tél. : 01.60.17.91.08.
  • ALGADE, RN 20, BP 46, 87250 Bes­sines-sur-Gar­tempes, tél. : 05.55.60.50.00.
  • CRIIRAD, 471, ave­nue Vic­tor Hugo, 26000 Valence, tél. : 04.75.41.82.50.

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