Augmentation de la fréquence des allergies respiratoires : une conjonction de facteurs

Dossier : Environnement et santé publiqueMagazine N°546 Juin/Juillet 1999
Par Alain GRIMFELD

Augmentation de la charge allergénique

En se lim­i­tant aux fac­teurs d’al­ler­gies res­pi­ra­toires, on con­state une aug­men­ta­tion de la charge allergénique de l’air que l’on respire.

À l’intérieur des locaux

Les habi­tants ont aug­men­té le con­fine­ment en sup­p­ri­mant la ven­ti­la­tion, que ne sauraient rem­plac­er quelques aéra­tions spo­radiques ; il s’ag­it d’une inter­pré­ta­tion abu­sive de la poli­tique d’é­conomie d’én­ergie prônée depuis 1974, ces échanges d’air n’ayant qu’un effet sec­ondaire par rap­port aux autres modal­ités de pertes d’én­ergie. L’am­biance des loge­ments s’est mod­i­fiée, avec aug­men­ta­tion de la tem­péra­ture et de l’hu­mid­ité, ce qui favorise la pro­liféra­tion d’acariens, blattes et moi­sis­sures, grands pour­voyeurs d’al­lergènes. L’aug­men­ta­tion rapi­de en France du nom­bre d’an­i­maux de com­pag­nie (8 mil­lions de chats et 8 à 10 mil­lions de chiens) aggrave ce phénomène.

À l’extérieur des locaux

On a réal­isé des espaces verts dans une bonne inten­tion, mais on a sou­vent choisi pour cela des essences d’ar­bres par­mi celles qui pro­duisent les plus grandes quan­tités de pol­lens les plus allergènes, des bouleaux au nord de la Loire, des cyprès au sud. Et ces erreurs se pour­suiv­ent. Pourquoi ?

Augmentation des cofacteurs

La forte crois­sance de la pré­va­lence des aller­gies res­pi­ra­toires tient aus­si à l’aug­men­ta­tion de “cofac­teurs” qui facili­tent les mécan­ismes allergéniques.

Interactions avec des virus

Il existe des inter­ac­tions entre virus à tro­pisme res­pi­ra­toire et pneu­mal­lergènes ; les bron­chi­o­lites (inflam­ma­tion des ram­i­fi­ca­tions des bronch­es) aiguës des nour­ris­sons facili­tent à terme le développe­ment des symp­tômes d’al­ler­gies res­pi­ra­toires : la pro­duc­tion d’une “molécule d’ad­hé­sion”, récep­teur cel­lu­laire pour le rhi­no-virus, val­orise un type d’an­ti­corps respon­s­able de la réac­tion allergique. Or la fréquence de ces cas de bron­chi­o­lite aug­mente rapi­de­ment, de l’or­dre de 9 % par an en moyenne, comme le mon­tre le relevé ci-après.

BRONCHIOLITES : Consultations hebdomadaires aux urgences

Cette crois­sance aura comme con­séquence à terme une accéléra­tion de l’aug­men­ta­tion de la pré­va­lence de l’asthme qui a déjà dou­blé en quinze ans et dont le coût annuel a été éval­ué en 1992 à 7 mil­liards de francs.

Interactions avec des polluants atmosphériques

Le SO2, les fumées noires, l’o­zone déclenchent des symp­tômes d’asthme, après un délai de trois à qua­tre jours, chez les patients exposés à des accroisse­ments de pol­lu­tion de fond (en dehors des “pics”).

L’o­zone, résul­tant de réac­tions pho­tochim­iques où inter­vi­en­nent plusieurs pol­lu­ants atmo­sphériques, accroît la réac­tiv­ité bronchique des sujets sen­si­bil­isés à l’al­lergène ; les par­tic­ules fines (moins de 2,5 microns, dites PM 2,5), notam­ment celles émis­es par les moteurs Diesel facili­tent le mécan­isme allergénique en favorisant la pro­duc­tion d’IgE-dépen­dants ; le dioxyde de soufre provoque des irri­ta­tions des bronch­es, qui facili­tent l’ef­fet des allergènes.

Réduire les facteurs de risques

En réal­ité, la sit­u­a­tion est complexe :

Il y a déjà 3 mil­lions d’asth­ma­tiques en France et l’on estime à 2 000 morts pré­maturés par an les vic­times de symp­tômes de plus en plus graves et fréquents.

Une poli­tique de développe­ment durable ne se conçoit pas sans que l’on cherche à maîtris­er les caus­es non géné­tiques de l’aggravation.

Nous ne con­nais­sons pas encore très bien les phénomènes en cause et il sub­siste des incer­ti­tudes scientifiques.

Mais les per­spec­tives de pour­suite de l’évo­lu­tion con­statée sont suff­isam­ment graves pour que, par une appli­ca­tion adap­tée du Principe de pré­cau­tion, on prenne les mesures néces­saires pour réduire les fac­teurs de risques que l’on a pu dès à présent met­tre en cause.

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