Chargeur d'auto électrique

L’innovation en entreprise, c’est l’affaire de tous !

Dossier : Dossier FFEMagazine N°722 Février 2017
Par Vincent MARET

Aujourd’hui, pourquoi est-il si important d’innover pour un grand groupe tel que Bouygues ?

Nous évo­luons dans un monde qui se trans­forme extrê­me­ment rapi­de­ment et qui apporte de nou­velles dimen­sions que nous devons inté­grer : le para­doxe entre la glo­ba­li­sa­tion et l’hyper-localisation ou encore le chan­ge­ment de la notion du temps qui implique une réac­ti­vi­té à la seconde dans le monde pro­fes­sion­nel com­bi­née à la capa­ci­té à rai­son­ner sur le long terme. 

À cela s’ajoute l’émergence des outils numé­riques qui altèrent les modes de com­mu­ni­ca­tion dans le monde vir­tuel et les modes d’interaction dans le monde phy­sique au niveau de tous nos métiers : construc­tion, médias et télécoms. 

Tous ces nou­veaux para­mètres nous poussent à inno­ver et à nous réin­ven­ter. L’innovation a tou­jours été une valeur fon­da­trice et cen­trale au sein du groupe Bouygues. Tra­di­tion­nel­le­ment, elle était reliée à la tech­no­lo­gie et à la R&D.

Aujourd’hui, nous la retrou­vons aus­si au niveau des pro­ces­sus, de la métho­do­lo­gie de tra­vail et de l’organisation. Elle est deve­nue l’affaire de tous au sein des entreprises. 

Qu’en est-il de l’Open Innovation ?


City­charge. ©Fré­dé­ric Berthet

J’utilise sou­vent une ana­lo­gie avec le monde mari­time pour expli­quer le rôle de l’Open Inno­va­tion dans un groupe tel que le nôtre. Com­pa­rons le groupe Bouygues à « un super tan­ker » évo­luant dans des eaux dan­ge­reuses. Aupa­ra­vant, le dan­ger venait prin­ci­pa­le­ment d’autres super tan­kers, ce qui nous lais­sait le temps d’anticiper ce danger. 

Aujourd’hui, ce dan­ger peut éga­le­ment pro­ve­nir de petites vedettes rapides et inno­vantes. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, les start-ups qui opèrent en mode agile ont com­plè­te­ment bou­le­ver­sé les modèles aux­quels nous étions habi­tués. Il n’est en effet plus pos­sible de tout explo­rer tout seul. 

Pour réus­sir, il faut s’entourer d’une « flotte de bateaux ». C’est ce que l’Open Inno­va­tion nous per­met de faire en nous ouvrant sur les dif­fé­rents éco­sys­tèmes qui nous entourent dans l’optique de ser­vir un objec­tif commun. 

Les entreprises sont, d’ailleurs, de plus en plus invitées à avoir recours à l’Open Innovation. Qu’en est-il pour vous ?

Le groupe Bouygues a tou­jours fonc­tion­né de manière très décen­tra­li­sée. Cha­cun de nos métiers dis­pose d’une grande indé­pen­dance et auto­no­mie dans son propre sec­teur d’activité. Chaque enti­té a donc sa propre équipe dédiée à l’Open Innovation. 

Bouygues SA, la hol­ding du Groupe, s’est dotée d’une direc­tion de l’innovation, appe­lée e‑Lab pour ani­mer l’innovation pour l’ensemble du Groupe. Au sein du e‑lab, je suis en charge des sujets liés à l’Open Inno­va­tion de manière transverse. 

Ain­si, chaque métier a créé sa propre rela­tion avec les start-ups en les iden­ti­fiant, en met­tant en place des par­te­na­riats et en allant même jusqu’à prendre des par­ti­ci­pa­tions à tra­vers un fonds d’investissement qui lui est propre. 

En paral­lèle, Bouygues SA, à tra­vers Bouygues Déve­lop­pe­ment, accom­pagne les enti­tés du Groupe en inter­ve­nant, notam­ment, au niveau de l’évaluation tech­ni­co-éco­no­mique des star­tups qui est réa­li­sée selon un modèle commun. 

Ils pour­ront éva­luer la per­ti­nence de la start-up et faire un sui­vi de la prise de par­ti­ci­pa­tion, par exemple. 

Concrètement, quel est le rôle de la direction de l’innovation et du e‑Lab ?

Nous avons 3 mis­sions complémentaires : 

  • un métier de pros­pec­tive : nous sommes en veille per­ma­nente pour suivre ce qui se passe dans le monde et iden­ti­fier les idées, les ten­dances, les inno­va­tions qui peuvent nous impac­ter notre Groupe.
    Dans cette optique, nous nous appuyons sur deux bureaux : Win­no­va­tion, situé dans la Sili­con Val­ley, et Bouygues Asia, à Tokyo. Nous orga­ni­sons aus­si régu­liè­re­ment des « voyages d’études » avec notam­ment nos mana­gers opé­ra­tion­nels pour leur per­mettre de se confron­ter à d’autres usages ; 
  • un métier d’animation : pour inno­ver, il faut trou­ver et iden­ti­fier de bonnes idées, mais éga­le­ment apprendre de ses erreurs et les com­prendre pour en tirer les leçons. Nous ani­mons ce tra­vail de fer­ti­li­sa­tion croi­sée entre inno­va­teurs du Groupe ; 
  • un métier de ser­vices : nous sommes au ser­vice de nos métiers et de nos busi­ness units. Nous leur ven­dons des pres­ta­tions d’accompagnement, comme le font des socié­tés de ser­vices, de conseils, sur des sujets au plus proche de leurs besoins et de leurs clients. 

Nous tra­vaillons ain­si en per­ma­nence entre court terme et long terme 

Quels sont les enjeux qui persistent dans cette démarche ?

La route solaire de la société Wattway
La route solaire de la socié­té Watt­way. © Joa­chim Bertrand/ Colas

Aux enjeux connus par tous les grands groupes tels que Bouygues s’ajoutent les défis sec­to­riels connus par cha­cun de nos métiers. La trans­for­ma­tion numé­rique qui bou­le­verse les modèles tra­di­tion­nels reste un des prin­ci­paux enjeux auquel toutes nos filiales sont confron­tées. Il est pri­mor­dial de capi­ta­li­ser sur les nou­veaux outils offerts par le numé­rique pour faire évo­luer nos offres et réin­ven­ter notre manière de ser­vir nos clients tout en nous adap­tant au contexte de cha­cun de nos métiers. 

En effet, les actions menées au niveau de la route, de la construc­tion ou des télé­coms ne seront pas les mêmes. Par exemple, au niveau de la route, c’est la pos­si­bi­li­té d’utiliser dif­fé­rem­ment les infra­struc­tures rou­tières, jusque-là pas­sives, pour pro­duire de l’énergie comme le fait la socié­té Watt­way et sa route solaire. 

Dans le monde de la construc­tion, City­box rend l’éclairage urbain intel­li­gent avec des lam­pa­daires connec­tés qui offrent une mul­ti­tude de nou­veaux ser­vices : accès à inter­net, point de recharge pour les véhi­cules élec­triques, sta­tion météo, régu­la­tion du tra­fic urbain… 

Vos perspectives ?

Pour être en capa­ci­té de four­nir ces nou­veaux ser­vices et de faire évo­luer nos métiers, il faut se réin­ven­ter en met­tant en place cette pro­fonde trans­for­ma­tion qui dépasse le cadre de l’innovation tech­no­lo­gique et qui touche toutes les com­po­santes de l’entreprise, tous ses processus. 

Il faut pas­ser d’une approche tech­no-cen­trée à une approche cen­trée sur le client et l’usage. On parle alors d’innovation fru­gale : nous ne sommes plus dans un contexte où nous ima­gi­nons un pro­duit, éta­blis­sons un cahier des charges, lan­çons un appel d’offres, fabri­quons puis ven­dons un produit. 

Il faut doré­na­vant se foca­li­ser sur le besoin et l’usage du ser­vice, du pro­duit que nous ima­gi­nons en col­la­bo­rant avec nos clients et en pre­nant en compte ses attentes. On com­men­ce­ra par réa­li­ser un pro­to­type non fonc­tion­nel pour réflé­chir avec notre client afin de co-conce­voir pro­gres­si­ve­ment le pro­duit final adap­té aux attentes et aux besoins du marché. 

Et pour conclure ?

Cette démarche modi­fie consi­dé­ra­ble­ment la manière d’innover et de tra­vailler au sein d’un grand groupe. Il faut don­ner l’opportunité aux col­la­bo­ra­teurs de vivre ce chan­ge­ment. L’année der­nière, nous avons lan­cé une ini­tia­tive pour per­mettre à nos col­la­bo­ra­teurs d’innover en mode « start-up » autour de la ques­tion du bâti­ment à éco­no­mie positive. 

Parce que le bâti­ment reste un centre de coût éle­vé, l’enjeu est de faire en sorte qu’il soit plus ren­table en valeur : finan­ciè­re­ment, mais aus­si en appor­tant une contri­bu­tion posi­tive au niveau socié­tal. Ce défi a été pré­sen­té à une tren­taine de col­la­bo­ra­teurs repré­sen­tant tous les métiers et la diver­si­té du Groupe. 

Au bout de 6 mois, nous avons obte­nu 6 pro­jets de start-ups. Nous allons accom­pa­gner le déve­lop­pe­ment de plu­sieurs d’entre elles afin qu’elles par­ti­cipent concrè­te­ment à notre trans­for­ma­tion, à notre réinvention.

Poster un commentaire