L’industrie de la mesure, soumise au progrès perpétuel

Dossier : La mesure au cœur des sciences et de l'industrieMagazine N°649 Novembre 2009
Par Patrick ANTOINE

Plus les activ­ités humaines et les échanges se dévelop­pent et se spé­cialisent, plus la métrolo­gie et la mesure par­ticipent de cette vie économique. Le besoin de mesure s’est con­sid­érable­ment dévelop­pé avec les amélio­ra­tions de la qual­ité, le suivi de la fab­ri­ca­tion et l’amélio­ra­tion de la maîtrise des process industriels.

Repères
On peut estimer la pro­duc­tion française de l’in­dus­trie de la mesure à quelque 4 mil­liards d’eu­ros dont env­i­ron la moitié d’im­matériel (ingénierie, logi­ciel, con­trôle, étalon­nage, audits, main­te­nance, instal­la­tion) et le nom­bre d’emplois à env­i­ron 30 000.
Les grands noms dans la pro­fes­sion sont multi­na­tionaux (ABB, Emer­son, Hon­ey­well, Siemens, Yoko­gawa, etc.) ou européens (Elster, Endress Hauser, Krhone, etc.). Con­traire­ment à d’autres secteurs qui se sont inter­na­tion­al­isés, la con­cen­tra­tion et les regroupe­ments n’ont pas nui à la pro­duc­tion française. Les entre­pris­es nationales qui ont été rachetées n’ont pas été sup­primées mais ont été sou­vent ren­for­cées et les sites français se sont dévelop­pés. Par­al­lèle­ment, beau­coup de petites entre­pris­es ont dévelop­pé un savoir-faire spé­ci­fique qui leur per­met de s’im­pos­er en France et à l’é­tranger (Alma, Geor­gin, Madic, Pernin, Testo, Ultra­flux, etc.). Elles sont por­teuses de tech­nolo­gies pour l’avenir et garantes de la présence française dans un domaine essen­tiel pour le développe­ment d’une indus­trie nationale.

Information et sécurité

La mesure est aujour­d’hui au ser­vice d’ex­i­gences socié­tales, sou­vent exprimées dans des dis­po­si­tions lég­isla­tives ou réglementaires.

L’ex­i­gence d’in­for­ma­tion du pub­lic com­porte notam­ment : l’oblig­a­tion d’indi­quer la com­po­si­tion pré­cise d’un pro­duit ; la clas­si­fi­ca­tion des appareils ménagers selon leurs per­for­mances énergé­tiques ; les per­for­mances écologiques des véhicules ; le diag­nos­tic oblig­a­toire des per­for­mances énergé­tiques d’un bâti­ment à l’oc­ca­sion d’un change­ment d’oc­cu­pant, qu’il soit locataire ou propriétaire.

Exi­gence d’in­for­ma­tion et exi­gence de sécurité

L’ex­i­gence de sécu­rité porte, par exem­ple, sur les con­trôles de vitesse et de dis­tance entre véhicules sur les routes ; les con­trôles de respect de la chaîne du froid lors des opéra­tions logis­tiques (stock­age, trans­port et dis­tri­b­u­tion). Cela con­cerne des arti­cles aus­si courants que les pro­duits ali­men­taires, frais ou surgelés, et les médicaments.

Il s’ag­it là de mesures immé­di­ate­ment per­cep­ti­bles par le citoyen, dont les besoins et exi­gences sont et seront en développe­ment constant.

Des technologies nouvelles

De nou­veaux étalons
La com­plex­ité de la col­lecte et du traite­ment de telles mesures et l’ar­dente exi­gence de pré­ci­sion font que la métrolo­gie est aujour­d’hui un des prin­ci­paux domaines de la recherche fon­da­men­tale et appliquée. C’est ain­si qu’il est pro­gres­sive­ment procédé à une redéf­i­ni­tion des étalons. Le mètre étalon a main­tenant une déf­i­ni­tion ” physique “. Des chercheurs tra­vail­lent, en France, à une nou­velle déf­i­ni­tion des unités de poids.

La mécanique, l’élec­tron­ique, l’in­for­ma­tique, la biolo­gie, la géné­tique, la médecine, l’au­to­mo­bile, l’aéro­nau­tique, le spa­tial, bref les indus­tries ” de pointe ” deman­dent des mesures de plus en plus pré­cis­es et sophis­tiquées non seule­ment pour la fab­ri­ca­tion des pro­duits mais aus­si pour leur utilisation.

Nous sommes dans le domaine des cap­teurs, ces petits appareils qui mesurent, trait­ent les don­nées recueil­lies et agissent.

Il en est ain­si des cap­teurs qui gèrent les vérins des portes d’avion en cal­cu­lant en per­ma­nence la pres­sion dif­féren­tielle entre l’in­térieur et l’ex­térieur de l’ap­pareil pour que les portes restent en place mal­gré les vari­a­tions de tem­péra­ture, d’alti­tude et donc de pression.

Mais il y a aus­si les cap­teurs qui mesurent des don­nées de natures dif­férentes (physiques, chim­iques, biologiques, etc.). Après les avoir col­lec­tées et rap­prochées, ils les ren­voient à un ordi­na­teur qui pro­posera ou même décidera des actions à entreprendre.

La mesure s’ap­plique à l’in­fin­i­ment grand comme à l’in­fin­i­ment petit, les nan­otech­nolo­gies sont désor­mais d’usage courant dans la géné­tique ou l’électronique.

La mondialisation

Des exi­gences formalisées
Il existe depuis 2006 une Direc­tive européenne sur les instru­ments de mesure. À une échelle plus large, l’Or­gan­i­sa­tion inter­na­tionale de métrolo­gie légale, qui juridique­ment n’émet que des recom­man­da­tions, décide en fait des exi­gences min­i­males, mais cepen­dant de plus en plus élevées, pour qu’un pays soit con­sid­éré comme dis­posant d’une lég­is­la­tion crédi­ble dans le con­cert international.

Le développe­ment du com­merce inter­na­tion­al, la présence de grands groupes multi­na­tionaux exi­gent l’u­ni­formi­sa­tion des lég­is­la­tions et des normes qui con­cer­nent à la fois les con­di­tions de réal­i­sa­tion de la mesure et les procé­dures d’é­talon­nage et d’essais.

La métrologique légale, qui con­cerne les trans­ac­tions com­mer­ciales (comp­tage et pesage) pour l’essen­tiel, devient internationale.

En métrolo­gie indus­trielle, les normes nationales, telles les normes français­es NF, sont har­mon­isées au niveau européen pour devenir des normes européennes EN. Les normes inter­na­tionales ISO sont en développe­ment con­stant et sont égale­ment con­sid­érées comme exi­gences minimales.

Cette inter­na­tion­al­i­sa­tion pose par ailleurs la ques­tion, encore à régler, de l’u­ni­formi­sa­tion des unités de mesure.

Il y a quelques mois une sonde spa­tiale, dont la con­cep­tion résul­tait d’une coopéra­tion inter­na­tionale, a ” man­qué ” la planète Mars. La cause indiquée était un défaut de rac­corde­ment suff­isam­ment pré­cis entre des unités métriques et des unités anglo-saxonnes.

Une industrie de solution

” L’in­dus­trie de la mesure ” ne vend plus un pro­duit mais une solu­tion à une ques­tion posée par un client.

Il n’y a plus que du ” sur-mesure “, com­posé d’un hard­ware fait de mécanique et d’élec­tron­ique et donc de méca­tron­ique auquel sont asso­ciés un logi­ciel de fonc­tion­nement interne dit ” de base “, un ou des logi­ciels d’in­ter­face avec d’autres appareils et le ou plus sou­vent les logi­ciels spé­ci­fiques à l’ap­pli­ca­tion. L’ensem­ble étant générale­ment désigné sous le nom de ” système “.

L’in­dus­triel de la mesure doit être capa­ble de par­ticiper à l’ensem­ble du sys­tème. Le client étant sou­vent une entre­prise multi­na­tionale, il doit égale­ment assur­er le respect de régle­men­ta­tions et de normes de niveaux dif­férents : comme nous l’avons dit, elles ne sont pas encore inter­na­tionale­ment homogènes.

Une industrie fragmentée

Lorsqu’un client lance une con­sul­ta­tion en définis­sant un besoin, il s’adresse générale­ment à un bureau d’é­tudes inté­gra­teur de moyens matériels et logi­ciels qui lui sont extérieurs. La ” solu­tion mesure ” résul­tera du rassem­ble­ment d’un ou de plusieurs fab­ri­cants d’ap­pareils, de sociétés dévelop­pant des logi­ciels d’in­ter­face, et de l’in­té­gra­teur, seul inter­locu­teur du client final.

Fab­ri­quer en grande quan­tité ou con­cevoir des appareils spécifiques

Pour les fab­ri­cants d’ap­pareils, deux sit­u­a­tions dif­férentes peu­vent en résul­ter : soit ils fab­riquent des appareils ven­dus en grandes quan­tités sur le marché inter­na­tion­al (comp­teurs domes­tiques d’eau, de gaz ou d’élec­tric­ité) ; soit ils conçoivent et fab­riquent des appareils, pas tou­jours plus sophis­tiqués, mais plus restreints dans leurs appli­ca­tions, ou plus spé­ci­fiques dans leur tech­nolo­gie. Ils peu­vent alors aller plus avant dans le développe­ment de sys­tèmes. Sur ce seg­ment, nous trou­vons encore très heureuse­ment de nom­breuses PME français­es qui se déploient sou­vent et avec suc­cès sur des nich­es qu’elles savent sat­is­faire et préserver.

De la pompe à la banque

Prenons l’ex­em­ple sim­ple d’une pompe à essence d’une station-service.
L’ap­pareil métrologique est le mesureur (comp­teur). Il est enfer­mé dans le bas de la caisse. Per­son­ne ne le voit.
La vignette verte qui, elle, est vis­i­ble est la preuve qu’il a été con­trôlé et que la mesure est cor­recte. Le cœur du sys­tème est for­mé du cal­cu­la­teur élec­tron­ique et du logi­ciel qui lui est asso­cié. Il recueille le vol­ume trans­mis par le mesureur, mul­ti­plie la quan­tité par le prix uni­taire applic­a­ble au pro­duit con­som­mé, gère l’éventuel lecteur de cartes de crédit lors d’un paiement à la pompe, reçoit de la jauge élec­tron­ique la vari­a­tion de vol­ume dans la cuve. Le cal­cu­la­teur trans­met ensuite toutes ces don­nées au pupitre qui est dans la bou­tique, lequel est relié à l’or­di­na­teur de l’exploitant.
Ce dernier gère égale­ment les pro­duits ven­dus dans le mag­a­sin (épicerie, jour­naux…) et les stocks cor­re­spon­dants. Il est bien sûr relié à la banque pour l’en­reg­istrement des ventes payées par carte à la caisse.

Des prestations de services

Le client, l’u­til­isa­teur final, est désor­mais telle­ment éloigné de la con­cep­tion de son pro­duit, qu’il ne sait sou­vent ni l’en­tretenir ni en assur­er la ges­tion métrologique (réé­talon­nage, véri­fi­ca­tions péri­odiques, enregistrements).

Il se trou­ve aus­si que cette tâche, très spé­cial­isée, ne jus­ti­fie pas sur un site déter­miné la créa­tion d’un poste deman­dant une for­ma­tion spé­ci­fique. Et pour­tant, le par­fait con­trôle de la chaîne métrologique est indis­pens­able, notam­ment pour avoir la cer­ti­fi­ca­tion qual­ité désor­mais exigée par la très grande majorité des clients.

Il s’est ain­si créé, depuis une dizaine d’an­nées, une activ­ité de presta­tion de ser­vices d’en­tre­tien du parc d’ap­pareils de mesure et de ges­tion de la métrolo­gie indus­trielle. Ces activ­ités en France se dévelop­pent rapi­de­ment, dans des con­di­tions tech­niques et économiques satisfaisantes.

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