Phhoto de Christian Bordé

Les constantes fondamentales, à la base de la métrologie moderne

Dossier : La mesure au cœur des sciences et de l'industrieMagazine N°649 Novembre 2009
Par Jean-Pierre GÉRARD (60)

Repères

Repères
Le sys­tème métrique naît sous la Révo­lu­tion fran­çaise avec l’i­dée-force de mettre en place un sys­tème d’u­ni­tés uni­ver­sel, acces­sible à tous les peuples de tous les temps. La dimen­sion de la Terre, les pro­prié­tés de l’eau appa­raissent alors comme une base uni­ver­selle mais sont vite dénon­cées par Max­well comme moins uni­ver­selles que les pro­prié­tés des molé­cules elles-mêmes. L’é­tape sui­vante est fran­chie par Johns­tone-Sto­ney, puis par Planck, qui montrent qu’on peut aller encore plus loin et fon­der un sys­tème d’u­ni­tés uni­que­ment sur un jeu de constantes fon­da­men­tales issues de la phy­sique théo­rique. Il en résulte un long divorce entre les exi­gences pra­tiques de la métro­lo­gie ins­tru­men­tale et le rêve des phy­si­ciens théoriciens.
Un ensemble de décou­vertes et de nou­velles tech­no­lo­gies per­met de pen­ser que la liai­son est pos­sible. Il existe donc à nou­veau une ten­dance forte à rat­ta­cher les uni­tés de base à des constantes fon­da­men­tales et le débat est ouvert quant à la per­ti­nence, l’op­por­tu­ni­té et la for­mu­la­tion de nou­velles définitions.

Cet article est tiré d’une com­mu­ni­ca­tion faite à l’Académie des sciences par Chris­tian Bor­dé, membre de l’Académie des sciences.
 
www.academie-sciences.fr/publications/lettre/pdf/lettre_20.pdf

Le sys­tème inter­na­tio­nal com­porte sept uni­tés de base en cours d’é­vo­lu­tion : le mètre a déjà été redé­fi­ni à par­tir de la seconde et la vitesse de la lumière ; le kilo­gramme, défi­ni par un arte­fact de pla­tine iri­dié, pour­rait être redé­fi­ni à rela­ti­ve­ment court terme à par­tir de la constante de Planck ; les uni­tés élec­triques ont pris leur indé­pen­dance vis-à-vis de l’am­père en rete­nant pour les constantes de Joseph­son et de von Klit­zing des valeurs conven­tion­nelles ; le kel­vin uti­lise le point triple de l’eau, alors qu’il serait bien plus satis­fai­sant de fixer la constante de Boltzmann ;

Les nou­velles tech­no­lo­gies per­mettent de relier uni­tés et constantes fondamentales

la can­de­la n’est qu’une uni­té déri­vée de flux éner­gé­tique ; la mole est défi­nie à par­tir de la masse de l’a­tome de car­bone par un nombre sans dimen­sion, le nombre d’A­vo­ga­dro, celui-ci devrait être mieux déter­mi­né pour per­mettre une alter­na­tive à la redé­fi­ni­tion de l’u­ni­té de masse, dans laquelle il serait fixé ; la seconde pour­rait à plus long terme être mieux défi­nie à par­tir d’une hor­loge optique, ce qui per­met­trait de la relier à la constante de Ryd­berg et, peut-être un jour, à la masse de l’électron.

On a donc un ensemble dis­pa­rate de défi­ni­tions. Le lien direct entre la défi­ni­tion d’une uni­té de base à par­tir d’une constante fon­da­men­tale, sa mise en oeuvre pra­tique et une décou­verte scien­ti­fique majeure est bien illus­tré dans le cas du mètre et de sa redé­fi­ni­tion. C’est l’ar­ché­type d’une démarche qui peut ser­vir de modèle à une redé­fi­ni­tion des autres unités.

L’exemple du mètre

Le mètre est l’exemple le plus connu d’une uni­té de base pour laquelle une nou­velle défi­ni­tion s’est impo­sée à par­tir d’une constante fon­da­men­tale, la vitesse de la lumière. Les coor­don­nées d’es­pace et de temps sont liées natu­rel­le­ment dans le cadre concep­tuel de la théo­rie de la rela­ti­vi­té (où inter­vient la vitesse de la lumière). Elle a pu ser­vir à redé­fi­nir l’u­ni­té de lon­gueur à par­tir de l’u­ni­té de temps parce que l’op­tique moderne per­met une incer­ti­tude rela­tive infé­rieure à celle des meilleures mesures de lon­gueurs, mais aus­si parce que les mêmes tech­niques sont appli­cables de façon pra­tique et quotidienne.

En 1960 le mètre avait été redé­fi­ni à par­tir de la radia­tion four­nie par la lampe à kryp­ton. La décou­verte des lasers, en 1959, a per­mis de pour­suivre réso­lu­ment dans cette direc­tion. L’ap­pa­ri­tion de nou­velles méthodes a per­mis de mesu­rer la fré­quence de ces sources lumi­neuses direc­te­ment à par­tir de l’hor­loge à césium. Par­tant de là, la vitesse de la lumière a pu être mesu­rée avec une incer­ti­tude suf­fi­sam­ment faible abou­tis­sant en 1983 à rat­ta­cher le mètre à la seconde. Cette démarche peut-elle être géné­ra­li­sée ? Quelles sont les constantes fon­da­men­tales dis­po­nibles pour les autres unités ?

Les constantes fondamentales

Réduire le nombre d’u­ni­tés indépendantes
Il est pos­sible, comme dans le cas du mètre, de relier l’u­ni­té de masse à l’u­ni­té de temps. En effet, la théo­rie de la rela­ti­vi­té nous per­met d’in­ter­pré­ter la masse m d’un objet comme son éner­gie interne, don­née par la fameuse rela­tion E = mc2. Quelques consi­dé­ra­tions, trop com­plexes pour être rap­por­tées ici, montrent qu’il suf­fit de mesu­rer une fré­quence, dire fré­quence de De Bro­glie-Comp­ton, mesu­rable direc­te­ment dans le cas de par­ti­cules micro­sco­piques, telles que les atomes et les molé­cules, par les tech­niques d’in­ter­fé­ro­mé­trie ato­mique. Par­tant de là, on peut relier l’u­ni­té de masse à celle de temps. L’u­ni­té de masse serait alors défi­nie en fixant cette fré­quence, ce qui revient à fixer la constante de Planck.

Les constantes fon­da­men­tales sont toutes issues des grandes théo­ries de la phy­sique moderne : rela­ti­vi­té, méca­nique quan­tique, méca­nique sta­tis­tique, théo­rie des champs, théo­rie des cordes. Elles appar­tiennent à deux caté­go­ries bien distinctes.

D’une part, les constantes de conver­sion. Elles relient des gran­deurs qui recouvrent la même réa­li­té phy­sique. Un exemple bien connu est l’é­qui­va­lence entre cha­leur et tra­vail qui a conduit à l’é­qui­valent méca­nique de la calo­rie : 4,18 joules par calorie.

D’autre part, la nature nous impose la valeur de rap­ports sans dimen­sion, par exemple les constantes de cou­plage liées aux inter­ac­tions fon­da­men­tales. La plus connue est la constante de struc­ture fine qui décrit le cou­plage de la matière avec le champ élec­tro­ma­gné­tique. La valeur de ces constantes est indé­pen­dante du sys­tème d’unités.

La redéfinition du kilogramme

Depuis 1889, l’u­ni­té de masse est la masse du pro­to­type inter­na­tio­nal, cylindre de pla­tine iri­dié appe­lé K et conser­vé dans un caveau du Pavillon de Bre­teuil à Sèvres en com­pa­gnie de six témoins. Il serait bien plus satis­fai­sant de par­tir de la masse d’une par­ti­cule micro­sco­pique (atome ou élec­tron) a prio­ri repro­duc­tible et de remon­ter à l’é­chelle macro­sco­pique. Mais si les masses se com­parent très bien entre elles à l’é­chelle macro­sco­pique ou à l’é­chelle ato­mique, toute la dif­fi­cul­té réside dans le rac­cor­de­ment de ces deux échelles. Il faut donc réa­li­ser un objet dont le nombre d’a­tomes soit connu et dont la masse puisse être com­pa­rée à celle du kilo­gramme éta­lon. Cela revient à déter­mi­ner le nombre d’A­vo­ga­dro NA qui défi­nit la mole.

Les constantes fon­da­men­tales sont toutes issues des théo­ries de la phy­sique moderne

La mole est une quan­ti­té d’ob­jets micro­sco­piques défi­nie comme un nombre conven­tion­nel d’en­ti­tés iden­tiques. Ce nombre sans dimen­sion a été choi­si arbi­trai­re­ment égal au nombre d’a­tomes, sup­po­sés iso­lés, au repos et dans leur état fon­da­men­tal, conte­nus dans 0,012 kg de car­bone 12. C’est donc, à un fac­teur numé­rique 0,012 près, le rap­port sans dimen­sion de la masse du kilo­gramme éta­lon à la masse de l’a­tome de car­bone. Ce nombre et cette constante ne sont ni plus ni moins qu’une autre façon d’ex­pri­mer la masse de l’a­tome de car­bone ou son douzième.

Il existe un pro­gramme inter­na­tio­nal pour la déter­mi­na­tion du nombre d’A­vo­ga­dro à par­tir de la connais­sance d’une sphère de sili­cium sous tous ses » angles » (dimen­sion, masse, volume de la maille, com­po­si­tion iso­to­pique, état de sur­face, etc.). Il abou­ti­rait à une déter­mi­na­tion du nombre d’A­vo­ga­dro avec une exac­ti­tude com­pa­tible avec une redé­fi­ni­tion du kilo­gramme. Celui-ci serait alors défi­ni à par­tir de la masse d’une par­ti­cule élémentaire.

Fixer la charge de l’électron

Avant le mètre, l’am­père est his­to­ri­que­ment le pre­mier exemple d’une uni­té défi­nie à par­tir d’une constante fon­da­men­tale, la per­méa­bi­li­té magné­tique du vide µ0 (1948). La com­bi­nai­son de ces deux défi­ni­tions fixe donc l’en­semble des pro­prié­tés de pro­pa­ga­tion des ondes élec­tro­ma­gné­tiques dans le vide : vitesse c et impé­dance Z0 = µ0c.

Dans la pra­tique, les repro­duc­ti­bi­li­tés des effets Joseph­son et Hall quan­tiques sont à un niveau tel que les mesures élec­triques uti­lisent aujourd’­hui ces effets sans autre rac­cor­de­ment à la défi­ni­tion de l’am­père. Si la constante de Planck était fixée, la ten­ta­tion serait donc grande pour les élec­tri­ciens de fixer la charge de l’élec­tron plu­tôt que la charge de Planck, avec l’ar­rière-pen­sée de fixer ain­si les constantes de Joseph­son et de von Klitzing.

L’effet tun­nel per­met de comp­ter les élec­trons un par un

La métro­lo­gie élec­trique quan­tique est en train de connaître une troi­sième révo­lu­tion avec l’ef­fet tun­nel à un élec­tron per­met­tant de comp­ter les élec­trons un par un. La loi d’Ohm devient alors une éga­li­té entre fré­quences : une dif­fé­rence de poten­tiel est expri­mée comme une fré­quence Joseph­son, un cou­rant comme un nombre d’élec­trons par seconde et les résis­tances élec­triques rap­por­tées à la résis­tance de von Klit­zing sont sans dimension.

L’unité de température

La méca­nique sta­tis­tique nous per­met de pas­ser des pro­ba­bi­li­tés à l’en­tro­pie grâce à une autre constante fon­da­men­tale, la constante de Boltz­mann kB.

Actuel­le­ment, l’é­chelle des tem­pé­ra­tures est arbi­trai­re­ment défi­nie par le point triple de l’eau, phé­no­mène certes natu­rel mais néan­moins très éloi­gné des constantes fon­da­men­tales. Par ana­lo­gie avec le cas de la constante de Planck, il paraît natu­rel de pro­po­ser de fixer la constante de Boltz­mann kB. Les variables conju­guées sont le temps et l’in­verse de la tem­pé­ra­ture, avec les deux constantes fon­da­men­tales asso­ciées que sont le quan­tum d’ac­tion h et le quan­tum d’in­for­ma­tion kB. Celles-ci inter­viennent toutes deux en méca­nique quan­tique sta­tis­tique par leur rap­port kB/h. Cer­taines mesures actuel­le­ment à l’é­tude per­mettent d’es­pé­rer une incer­ti­tude suf­fi­sam­ment faible pour arri­ver à une nou­velle défi­ni­tion du kel­vin à par­tir de la constante de Boltz­mann. Sur le prin­cipe, cette redé­fi­ni­tion ne semble pas ren­con­trer d’op­po­si­tion et pour­rait se faire dès que l’exac­ti­tude requise sera au rendez-vous.

La mesure du temps

Les hor­loges optiques
 
Par­mi les révo­lu­tions récentes, citons les hor­loges optiques qui, asso­ciées aux peignes de fré­quence four­nis par les lasers fem­to­se­condes (J. L. Hall et T. Haensch, prix Nobel 2005), per­met­tront de comp­ter mieux et plus vite et ont de bonnes chances de sup­plan­ter les hor­loges micro-ondes à l’avenir.

L’exac­ti­tude des hor­loges ato­miques gagne un fac­teur 10 tous les dix ans et leur exac­ti­tude est aujourd’­hui de l’ordre de 10-15. Grâce à ce très haut niveau d’exac­ti­tude, la mesure du temps tire vers le haut les autres mesures, qui se ramènent le plus sou­vent à une mesure de temps ou de fré­quence. Elle s’en­ra­cine dans la phy­sique ato­mique la plus avan­cée (atomes froids) et a aus­si des appli­ca­tions au quo­ti­dien, en par­ti­cu­lier pour les sys­tèmes satel­li­taires glo­baux de navi­ga­tion tels que le GPS. Les équipes fran­çaises ont fait œuvre de pion­nier dans l’u­ti­li­sa­tion des atomes froids pour la réa­li­sa­tion d’hor­loges sous forme de fon­taines atomiques.

Quel sera le rôle du spa­tial pour com­pa­rer les hor­loges et dis­tri­buer le temps ? L’u­ti­li­sa­tion des hor­loges sur Terre sera for­cé­ment limi­tée à 10-17 par mécon­nais­sance du poten­tiel de gra­vi­ta­tion ter­restre. Il fau­dra alors dis­po­ser d’une hor­loge de réfé­rence en orbite. Qui seront les maîtres du temps dans l’a­ve­nir ? Les futures redé­fi­ni­tions pos­sibles de la seconde consti­tuent un débat ouvert. Y aura-t-il pour la seconde comme pour le mètre une défi­ni­tion uni­ver­selle assor­tie d’une mise en pra­tique et de réa­li­sa­tions secon­daires ? Cela pose, comme pour le mètre, le pro­blème de la varia­tion pos­sible des constantes fon­da­men­tales qui affec­te­rait dif­fé­rem­ment les dif­fé­rentes tran­si­tions retenues.

Sera-t-il pos­sible de rat­ta­cher for­mel­le­ment l’u­ni­té de temps à une constante fon­da­men­tale ? Il serait pré­ma­tu­ré de l’en­vi­sa­ger mais il faut bien prendre conscience qu’il existe un lien impli­cite entre la défi­ni­tion de l’u­ni­té de temps et ces constantes fondamentales.

Une révolution silencieuse

On assiste à une révo­lu­tion silen­cieuse de la métro­lo­gie où la méca­nique quan­tique joue un rôle de plus en plus important.

On a clai­re­ment une com­pé­ti­tion entre deux sché­mas pour la défi­ni­tion de l’u­ni­té de masse : dans le pre­mier de ces sché­mas, la constante de Planck est fixée et la balance du watt per­met la mesure com­mode des masses ; dans le deuxième, le nombre d’A­vo­ga­dro est déter­mi­né et fixé et l’u­ni­té de masse est défi­nie à par­tir d’une masse élé­men­taire telle que celle de l’électron.

En ce qui concerne les uni­tés élec­triques, faut-il fixer la charge du posi­tron e ou bien la charge de Planck qP ? Le rap­port de ces deux charges étant la racine car­rée de la constante de struc­ture fine, l’in­cer­ti­tude cor­res­pon­dante se trou­ve­ra repor­tée sur la charge qui n’au­ra pas été fixée.

Tous ces choix font l’ob­jet d’é­tudes et de décou­vertes qui seront mises en œuvre pour la réforme de 2011 de la Confé­rence géné­rale des poids et mesures (CGPM).

La seule chose que l’on sache aujourd’­hui c’est que les incer­ti­tudes concer­nant les dif­fé­rentes approches laissent pré­voir de fortes évo­lu­tions de la métro­lo­gie à par­tir des constantes fondamentales.

Der­niers développements
 

Chris­tian Bor­dé, membre de l’Académie des sciences, membre de l’Académie des tech­no­lo­gies, direc­teur de recherche émé­rite au CNRS, fait le point sur les tra­vaux les plus récents.

En novembre 2007, la 23e Confé­rence géné­rale des poids et mesures (CGPM) a voté une réso­lu­tion recom­man­dant aux ins­ti­tuts natio­naux de métro­lo­gie et au BIPM la pour­suite des expé­riences per­met­tant d’évaluer la pos­si­bi­li­té de redé­fi­nir le kilo­gramme, l’ampère, le kel­vin et la mole en fixant les valeurs de constantes fon­da­men­tales au cours de la 24e CGPM en 2011.

Dans un rap­port récent (sep­tembre 2008) la coor­di­na­tion inter­na­tio­nale Avo­ga­dro a cor­ri­gé les valeurs anté­rieures des masses molaires des échan­tillons de sili­cium natu­rel uti­li­sés pour la déter­mi­na­tion du nombre d’Avogadro et cette cor­rec­tion récon­ci­lie com­plè­te­ment les deux méthodes pos­sibles pour obte­nir la valeur de la constante de Planck : les résul­tats de la balance du watt du NIST seraient main­te­nant en par­fait accord avec ceux de la sphère de sili­cium. Une sphère de sili­cium iso­to­pi­que­ment enri­chie (99,99 % de sili­cium 28) don­ne­ra une réponse plus défi­ni­tive mais seule­ment dans un à deux ans.

Le scé­na­rio aujourd’hui le plus pro­bable est la redé­fi­ni­tion du kilo­gramme en fixant la valeur de la constante de Planck. Reste un pro­blème de taille : com­ment for­mu­ler une défi­ni­tion du kilo­gramme fixant la constante de Planck et que tout un cha­cun puisse com­prendre ? À l’échelle macro­sco­pique du kilo­gramme, la fré­quence de De Bro­glie-Comp­ton d’un objet est gigan­tesque et sa signi­fi­ca­tion appa­raît à cer­tains comme seule­ment for­melle. Pour­tant, c’est elle que mesure la balance du watt. L’autre écueil ren­con­tré est de devoir uti­li­ser un concept issu de la méca­nique quan­tique dans le domaine macro­sco­pique où sa vali­di­té peut être mise en ques­tion, en par­ti­cu­lier à cause du phé­no­mène de déco­hé­rence. Pour­tant, la balance du watt du BIPM met­tra bel et bien en jeu une phase quan­tique à cette échelle grâce à la supra­con­duc­ti­vi­té de sa bobine. Pro­fi­tant de l’additivité des masses, on pour­rait aus­si résoudre cette double dif­fi­cul­té en défi­nis­sant une masse macro­sco­pique comme l’addition d’un très grand nombre (à choi­sir) d’entités micro­sco­piques (par­ti­cules mas­sives hypo­thé­tiques) sans inter­ac­tions mutuelles et de fré­quence de De Bro­glie-Comp­ton fixée. Mais ces par­ti­cules mas­sives ne peuvent pas cor­res­pondre à des par­ti­cules réelles sous peine de redé­fi­nir ain­si l’unité de temps.

En ce qui concerne cette uni­té de temps, il est aujourd’hui envi­sa­gé de la redé­fi­nir plu­tôt à par­tir d’une tran­si­tion ato­mique du domaine optique. Les hor­loges optiques ont main­te­nant lar­ge­ment dépas­sé les hor­loges à césium en matière de repro­duc­ti­bi­li­té et de sta­bi­li­té. Il faut choi­sir l’une d’entre elles. Sur quels cri­tères ? Comme dans le cas du césium, leurs fré­quences ne s’expriment pas de façon connue avec une exac­ti­tude suf­fi­sante en fonc­tion de constantes fon­da­men­tales. On ren­contre les limites du concept de redé­fi­ni­tion des uni­tés à par­tir des seules constantes fon­da­men­tales : les cor­rec­tions à appor­ter aux expres­sions théo­riques sont incon­nues au niveau de la repro­duc­ti­bi­li­té du phé­no­mène uti­li­sé pour la défi­ni­tion de l’unité ou sa mise en pra­tique. Cette situa­tion pour­rait être générique.

La métro­lo­gie quan­tique est en marche mais elle sou­lève encore bien des pro­blèmes de fond. L’Académie des sciences vient de consti­tuer un comi­té « Science et métro­lo­gie » pour exa­mi­ner toutes ces ques­tions au plus haut niveau scien­ti­fique. Il lui sera cepen­dant bien dif­fi­cile de rendre le nou­veau sys­tème faci­le­ment com­pré­hen­sible par le grand public.
http://christian.j.borde.free.fr

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