L’industrie aéronautique israélienne

Dossier : IsraëlMagazine N°537 Septembre 1998Par : Itzhac BEN-ZWI, ancien vice-président de Israël Aircraft Industries (IAI)

Le pro­fil d’I­AI se dis­tingue dans l’ensem­ble du paysage indus­triel du pays par trois car­ac­téris­tiques qui sont à la base de sa ligne de con­duite : l’au­dace, l’o­rig­i­nal­ité et la vision de l’avenir. Tout en vivant dans la réal­ité, hélas tou­jours menaçante, et tout en faisant preuve de réal­isme, IAI n’a jamais cessé de rêver, et a par­fois eu la chance de voir ses rêves s’en­v­ol­er avec succès !

Créée en 1953 par le gou­verne­ment israélien1 comme sta­tion d’en­tre­tien et de répa­ra­tion de matériel aéro­nau­tique, IAI est rapi­de­ment dev­enue le sup­port indus­triel et tech­nologique des activ­ités de Tsa­hal2 en général, de l’ar­mée de l’air3 en par­ti­c­uli­er, dont on con­naît l’im­por­tance et le niveau pro­fes­sion­nel. IAI a con­sti­tué un appui de grande valeur dans l’ef­fort nation­al visant à don­ner à l’ar­mée de l’air une haute qual­ité et une grande puissance.

Par­ti avec un équipement, un per­son­nel tech­nique et une expéri­ence pro­fes­sion­nelle qua­si nuls, Bedek4 a réus­si à s’or­gan­is­er assez rapi­de­ment pour sup­pléer aux besoins urgents de la jeune et débu­tante armée de l’air.

L’aide française de la “Belle Époque” des rela­tions fran­co-israéli­ennes5 a été d’une impor­tance cap­i­tale. La pre­mière généra­tion d’I­AI a été forte­ment mar­quée et doit énor­mé­ment à la coopéra­tion avec l’in­dus­trie aéro­nau­tique française. Les généra­tions plus jeunes, celles qui ont gran­di avec l’embargo décrété après la guerre des Six jours, con­nais­sent sen­si­ble­ment moins bien, de façon plutôt frag­men­taire, les pro­duits, les tech­nolo­gies et les com­pé­tences aérospa­ti­aux de la France. Elles con­nais­sent mieux les pro­duits et les tech­nolo­gies améri­cains, et ont acquis une for­ma­tion et une expéri­ence pro­fes­sion­nelle à l’américaine.

UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE À PLUSIEURS NIVEAUX

1• Aéro­nau­tique : IAI a mené, d’une part des travaux courants d’en­tre­tien et de répa­ra­tion d’avions, de moteurs et d’ac­ces­soires, d’autre part les activ­ités de fab­ri­ca­tion suivantes :
— avion d’en­traîne­ment (Fouga),
— avions de com­bat (Mirage 5 et Kfir),
— avion civ­il de trans­port (Ara­va),
— avion civ­il d’af­faires (West­wind).

2• Sys­tèmes d’arme­ment (par exem­ple les mis­siles mer-mer de type Gabriel).

3• Sys­tèmes d’armes élec­tron­iques très diver­si­fiés : IAI a créé des sites indus­triels dotés de tech­nolo­gies de pointe comme Elta, Tamam, Mabat, Malam.

4• Mod­i­fi­ca­tion et mod­erni­sa­tion des avions civils et mil­i­taires : IAI a été un des pio­nniers dans le monde aéronautique.

5• Util­i­sa­tion des tech­nolo­gies dévelop­pées à IAI pour d’autres pro­duits : bateaux patrouilleurs, chars de com­bat, canons, etc.

6• Entrée sur les marchés inter­na­tionaux, aus­si bien dans le domaine civ­il que mil­i­taire : une péné­tra­tion mas­sive et prestigieuse.

7• For­ma­tion du per­son­nel tech­nique et sci­en­tifique, en coopéra­tion avec d’autres insti­tu­tions israéliennes :
a. les écoles pro­fes­sion­nelles, comme celles du réseau de l’ORT, qui for­ment des ouvri­ers qual­i­fiés et des tech­ni­ciens de très bon niveau ;
b. les uni­ver­sités : IAI est liée tout spé­ciale­ment au Tech­nion de Haï­fa (fac­ultés d’aéro­nau­tique, d’élec­tron­ique, d’in­for­ma­tique, etc.), qui a for­mé plus de 2 200 ingénieurs de l’aéro­nau­tique entre 1960 et 1997.

Dans les années 70 et 80, Israël a élar­gi la base de cette poli­tique de formation.

8• Développe­ment des avions sans pilote (RPV) et fab­ri­ca­tion de sys­tèmes d’armes pour avions sans pilote : IAI est un pio­nnier et a créé des nou­veaux marchés dans ce domaine.

9• Activ­ité spa­tiale : satel­lites de télécommunications.

10• Développe­ment de sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tions aéri­ennes et spatiales.

11• Coopéra­tion avec d’autres indus­tries, en Israël et à l’é­tranger, y com­pris l’étab­lisse­ment de fil­iales et les investisse­ments dans des pro­jets multinationaux.

Un peu d’histoire

En 1959, IAI a acheté la licence de fab­ri­ca­tion des avions Fouga Mag­is­ter CM 170. En 1960, décolle le pre­mier avion fab­riqué en Terre Sainte, un Fouga de pro­duc­tion israélienne.

Encore plus auda­cieuse a été, en son temps, la déci­sion de dévelop­per un avion orig­i­nal de con­cep­tion israéli­enne. L’ingénieur en chef d’I­AI était à cette époque Moshe Arens6 et le PDG Al Schim­mer, deux per­son­nal­ités dotées d’une capac­ité vision­naire. IAI a ain­si opté pour un avion civ­il petit trans­porteur (“com­muter”).

Ce pro­jet a débuté dans les années 60. Le pre­mier Ara­va, dûment cer­ti­fié par la Fed­er­al Avi­a­tion Admin­is­tra­tion (FAA) des États-Unis et par d’autres organ­i­sa­tions de l’avi­a­tion civile, a été ven­du à par­tir de 1972. L’Ar­a­va fut un pas très impor­tant du point de vue de l’ingénierie. Il a beau­coup comp­té dans le développe­ment tech­nologique d’I­AI et last but not least a été un de ses suc­cès com­mer­ci­aux : IAI a fab­riqué plus de 100 appareils, ven­dus à l’étranger.

En fait, dans les années 607, IAI a vécu une péri­ode d’un dynamisme for­mi­da­ble, d’en­t­hou­si­asme, d’é­mu­la­tion, de créa­tiv­ité, ain­si qu’un essor tech­nologique et économique lequel, regardé avec le recul d’au­jour­d’hui, est par­ti­c­ulière­ment impressionnant.

IAI a mené une poli­tique indus­trielle à plusieurs niveaux (voir encadré) et a simul­tané­ment intro­duit et assim­ilé les moyens mod­ernes d’une indus­trie de haute tech­nolo­gie, en adop­tant des sys­tèmes infor­ma­tiques et des sys­tèmes de plan­i­fi­ca­tion à court et long terme. Ces derniers ont con­sti­tué le cadre et les instru­ments per­me­t­tant de définir chaque année en détail les prévi­sions et le con­trôle des activ­ités de l’an­née à venir.

Ressources humaines

Pen­dant ses quar­ante-cinq ans d’ex­is­tence, IAI a employé près de 200 000 per­son­nes, avec un pour­cent­age impor­tant d’ingénieurs, sci­en­tifiques, infor­mati­ciens, ain­si qu’un per­son­nel tech­nique qualifié.

Dans les années 1985–1987, IAI comp­tait au total plus de 22 500 per­son­nes. Actuelle­ment, elle emploie env­i­ron 13 500 per­son­nes dans les qua­tre groupes de la société (voir encadré ci-après).

Résultats financiers

Depuis 1993, IAI, comme l’ensem­ble de l’aéro­nau­tique mon­di­ale, a con­nu une péri­ode de crise. Selon les don­nées les plus récentes, cette crise est en train d’être résolue, comme l’ont été en leur temps les graves prob­lèmes qu’avait con­nus IAI en 1965–1967, en 1974 et en 1987. Ain­si, IAI a eu en 1997 un béné­fice de 22 mil­lions de dol­lars, ce qui représente 1,5 % de son chiffre d’affaires.

Répar­ti­tion des ventes d’IAI en 1997
Électronique
Avions militaires
BEDEK
Avions civils
Autres
600 M US $
370 M US $
380 M US $
300 M US $
45 M US $
36%
22%
23%
18%
1%

En 1997, les ventes d’I­AI ont dépassé le 1,6 mil­liard de dol­lars (voir la répar­ti­tion en encadré). Leur niveau est à peu près con­stant depuis 1989 (vari­a­tions de 1,45 à 1,6), avec une part des expor­ta­tions de près de 80 %, soit env­i­ron 1,3 mil­liard de dol­lars en 1997. Il est impor­tant de con­stater que, de nos jours, près du tiers des ventes8 sont civiles.

Le car­net de com­man­des a été à peu près con­stant entre 1989 et 1996 (entre 2,5 et 2,6 mil­liards de dol­lars), c’est-à-dire que IAI a signé chaque année de cette péri­ode de nou­veaux con­trats à l’ex­por­ta­tion pour plus de 1 mil­liard de dol­lars (entre 1 et 1,25), qui s’a­joutent à un mon­tant de 250 à 350 mil­lions de dol­lars sur le marché intérieur, prin­ci­pale­ment mil­i­taire. En 1997, le mon­tant des nou­veaux con­trats à l’ex­por­ta­tion a été de plus de 2 mil­liards de dol­lars et le car­net de com­man­des a dépassé 3,5 mil­liards de dollars.

Les ventes par employé sont d’en­v­i­ron 125 000 dol­lars, ce qui pour Israël est un chiffre mod­este, mais raisonnable (il faut plus de 150 000 dol­lars pour une bonne rentabilité).

Il con­vient d’ob­serv­er que, durant l’an­née 1997, IAI a investi 34 mil­lions de dol­lars en R&D, ce qui représente de l’or­dre de 2 % de son chiffre d’af­faires. L’in­dus­trie aéro­nau­tique ne peut renon­cer ni à la recherche ni au développe­ment, même en péri­ode dif­fi­cile. Mais une société comme IAI a cer­taine­ment besoin d’un vol­ume de R&D plus important.

Activité aéronautique industrielle en Israël

LES 4 GROUPES D’IAI

1• Groupe Bedek aviation :
— entre­tien, répa­ra­tions et révi­sions d’avions, de moteurs et d’accessoires,
— mod­i­fi­ca­tions d’avions civils (B747),
— mod­i­fi­ca­tions d’avions de combat,
— ali­men­ta­tion en vol en combustibles ,
— Ram­ta : patrouilleurs (Dvo­ra) et matéri­aux composites.

2• Groupe des avions civils :
— con­struc­tions de jets d’af­faires : Astra, Galaxy,
— ingénierie,
— fabrication,
— entrée d’air (“Air Intake”),
— sous-traitance.

3• Groupe des avions militaires :
— Lahav : mod­i­fi­ca­tion d’avions mil­i­taires (Kfir, Mig 21, Mig 23, F‑4),
— Mata : mod­erni­sa­tion et entre­tien d’hélicoptères,
— Malat : développe­ment, fab­ri­ca­tion et mar­ket­ing des RPV.

4• Groupe électronique :
— Mabat : sys­tèmes pour satel­lites, bombes intel­li­gentes, mis­siles tac­tiques, simulateurs,
— Tamam : optron­ique, sys­tèmes de vision jour et nuit,
— Malam : sys­tèmes stratégiques, lanceurs, télé­com­mu­ni­ca­tions terrestres,
— Elta : radars, ordi­na­teurs mil­i­taires, sys­tèmes de télé­com­mu­ni­ca­tions aéri­ennes, sys­tèmes infrarouges, etc.

L’ac­tiv­ité aéro­nau­tique indus­trielle a com­mencé en Israël avec IAI. Depuis ses débuts et jusqu’à aujour­d’hui, IAI est le noy­au cen­tral de cette activ­ité. En se dévelop­pant, celle-ci est dev­enue de plus en plus com­plexe. Pour ses pro­duits, IAI a eu besoin d’un large sup­port indus­triel : des entre­pris­es métal­lurgiques (forge, fonderie), mécaniques (fab­ri­ca­tion de pièces, traite­ments, etc.), élec­tron­iques, des bureaux d’é­tude, etc., ont été créés. Durant les derniers dix à quinze ans, IAI a passé com­mande aux autres entre­pris­es israéli­ennes pour un mon­tant annuel de 250 à 350 mil­lions de dol­lars. Beau­coup de ces entre­pris­es indus­trielles ont dévelop­pé leurs pro­pres pro­duits et tech­nolo­gies, et sont actives de manière indépen­dante sur les marchés internationaux.

Dans ce domaine, les entre­pris­es les plus con­nues sont Rafael, Taas, Elbit, Tadi­ran, Elis­ra, El-Op, Tat, Carmel Forge, Cyclon.

Le chiffre d’af­faires de l’in­té­gral­ité des activ­ités aérospa­tiales israéli­ennes9 est de l’or­dre de 2,5 à 3 mil­liards de dol­lars par an. Leur effec­tif total est de l’or­dre de 25 000 employés. À titre de com­para­i­son, la total­ité des activ­ités indus­trielles en Israël cor­re­spond à un chiffre d’af­faires de l’or­dre de 15 à 20 mil­liards de dol­lars par an, pour un effec­tif de l’or­dre de 250 000 employés.

Ces chiffres mon­trent claire­ment que, dans l’ensem­ble des activ­ités indus­trielles d’Is­raël, la part de l’ac­tiv­ité aérospa­tiale approche les 15 %. IAI con­tribue à approx­i­ma­tive­ment 60 % de ces 15 %, d’où l’im­pact d’I­AI sur l’ensem­ble de l’é­conomie israélienne.

À titre de com­para­i­son, l’in­dus­trie dia­man­taire a un chiffre d’af­faires annuel de 1,5 à 2 mil­liards de dol­lars, tan­dis que l’in­dus­trie agri­cole se situe à env­i­ron 700 mil­lions de dollars.

Il con­vient enfin d’ap­pel­er l’at­ten­tion sur l’im­por­tance — en per­spec­tive — de l’in­tro­duc­tion et du développe­ment des tech­nolo­gies de pointe pour le pro­fil général du pays, ain­si que leur incal­cu­la­ble portée pour son économie.

Grands programmes d’IAI

Les grands pro­grammes d’I­AI (voir encadré) con­cer­nent aujour­d’hui des activ­ités com­plex­es et sont con­sti­tués de sys­tèmes aérospa­ti­aux, et non seule­ment de pro­duits aérospa­ti­aux. IAI est dev­enue depuis longtemps un “Sys­tem House” pos­sé­dant une com­pé­tence en matière de “man­age­ment”, des moyens tech­nologiques, ain­si qu’une organ­i­sa­tion de “mar­ket­ing” pour ini­ti­er, exé­cuter, financer et rentabilis­er de tels pro­grammes à l’échelle inter­na­tionale. Bien enten­du, ceci se déroule dans des pro­por­tions israéliennes !

La pri­or­ité dans les pro­grammes d’I­AI a été, et reste cer­taine­ment, le développe­ment, la fab­ri­ca­tion et la mod­i­fi­ca­tion d’avions, civils et mil­i­taires ; mais aus­si, une grande par­tie de l’ac­tiv­ité d’I­AI est con­sti­tuée des pro­grammes dans le domaine de l’électronique.

LES GRANDS PROGRAMMES D’IAI

1• Fabrication d’avions

IAI a pro­duit les qua­tre caté­gories d’avions, évo­quées plus haut : for­ma­tion de pilotes (Fouga) ; com­bat (M‑5, Kfir, Lavi) ; trans­port civ­il, “com­muter” (Ara­va) ; voy­ages d’af­faires (West­wind, Astra et Galaxy). Durant ses trente-sept ans d’ac­tiv­ité dans ce domaine indus­triel (1960–1997), IAI a fab­riqué, sous licence ou par développe­ment pro­pre, plus de 1 000 avions (soit une moyenne de 27–28 avions par an), dont plus de 60 % d’avions civils.

Certes, IAI n’est ni Boe­ing ni Das­sault, mais ces chiffres sont impor­tants pour un petit pays comme Israël. Le pays a en effet démar­ré sans infra­struc­ture, ni tra­di­tion indus­trielle, et sans cap­i­taux. Il vit en état de guerre pra­tique­ment con­tin­uel et utilise un per­son­nel ayant, à tous les niveaux, des for­ma­tions hétérogènes, voire hétéro­clites, provenant d’é­coles aus­si dif­férentes que pos­si­ble, avec des habi­tudes de tra­vail et des modes de vie dis­sem­blables, par­lant toutes les langues de la Terre, qui s’u­ni­fient avec l’hébreu ! Ceci ne l’empêche pas de fab­ri­quer des avions !

2. Développement et fabrication de systèmes d’avions sans pilote (RPV)

IAI a beau­coup tra­vail­lé sur ces sys­tèmes d’armes et s’est trou­vé dans la sit­u­a­tion d’ex­pli­quer et de con­va­in­cre qu’il ne s’agis­sait pas de jou­ets, mais de sys­tèmes mil­i­taires sophis­tiqués. IAI a non seule­ment conçu, dévelop­pé et fab­riqué les sys­tèmes RPV, mais aus­si créé le marché des RPV. Dans ce domaine, IAI n’a pas pénétré dans un marché déjà exis­tant, mais a dû con­va­in­cre et démon­tr­er à l’ar­mée — organ­isme très con­ser­va­teur et dont on ne change pas facile­ment les méth­odes de tra­vail — que le RPV est un sys­tème d’arme effi­cace et puis­sant, qui trans­forme les règles de la guerre. Ain­si, les RPV ont été intro­duits dans le domaine mil­i­taire, d’abord à Tsa­hal puis dans d’autres armées, avec une util­i­sa­tion et une effi­cac­ité remarquables.

Il existe aujour­d’hui plus de sept sys­tèmes dif­férents, conçus et pro­duits par IAI : des sys­tèmes de com­bat pas­sif, mais aus­si des sys­tèmes agres­sifs munis d’équipements qui sont par­fois l’ex­pres­sion des tech­nolo­gies de pointe les plus avancées au monde. IAI reste aujour­d’hui le numéro 1 mon­di­al dans ce domaine.

3. Modification et modernisation d’avions civils et militaires

Pour les avions civils, cette activ­ité a débuté en 1970, avec la remise en état de Boe­ing 707 qui, en ce temps là, avaient ter­miné leur vie fonc­tion­nelle. Comme le B‑707 est un bon avion, IAI a remis en état et a don­né une nou­velle vie fonc­tion­nelle à plus de 100 appareils. Ces appareils ont repris l’air, cer­tains avec leur fonc­tion orig­inelle (trans­port de per­son­nes ou de matériel-car­go), d’autres ont été mod­i­fiés com­plète­ment et sont devenus, dans le domaine mil­i­taire, des citernes volantes, des appareils d’al­i­men­ta­tion en vol pour les avions de com­bat, ou encore des avions de com­bat électronique.

La mod­erni­sa­tion d’avions mil­i­taires a com­mencé par l’équipement des Fouga Mag­is­ter, avec des mod­i­fi­ca­tions impor­tantes, pour leur util­i­sa­tion comme avions d’at­taque au sol pen­dant la guerre des Six jours. Puis, en 1968, IAI a mod­i­fié le Super Mys­tère, en en rem­plaçant le moteur par un moteur améri­cain. En 1980, IAI a à nou­veau mod­ernisé les Fouga. Dans les années 70 et 80, IAI a adap­té aux besoins de ses pilotes, ain­si que pour l’ex­por­ta­tion, des Mirage 3, des Mirage 5, des F‑4 Phan­tom, des Sky­hawk, des F‑15 et des F‑16, ain­si que des héli­cop­tères. Ces dernières années, IAI a com­mencé à mod­erniser les avions de com­bat russ­es Mig 21, Mig 23, Mig 29. Le “lance­ment” au début de l’été 1995 du Mig 21 mod­i­fié par les soins d’I­AI a été un véri­ta­ble événe­ment car c’é­tait le pre­mier vol d’un avion russe mod­ernisé en Occident !

IAI est dev­enue une des com­pag­nies con­nues dans ce domaine, pour lequel il existe assez peu de vrais spé­cial­istes dans l’in­dus­trie aéro­nau­tique mon­di­ale. Peu d’in­dus­tries aéro­nau­tiques sont de par le monde en mesure de con­ver­tir un Boe­ing 747 de con­fig­u­ra­tion pas­sagers en con­fig­u­ra­tion car­go en obtenant la cer­ti­fi­ca­tion de la FAA américaine.

4. Satellites de télécommunications

Entre 1988 et 1993, IAI a lancé avec suc­cès, au moyen de son pro­pre lanceur, trois satel­lites expéri­men­taux Ofeq. En coopéra­tion avec une société française et une société alle­mande, IAI a dévelop­pé le satel­lite de télé­com­mu­ni­ca­tions civiles Amos, qui a été lancé en 1996 par une fusée Ari­ane. Espérons que cette nou­velle coopéra­tion avec l’Eu­rope sera couron­née de suc­cès et que, en s’en­volant ensem­ble, Amos et Ari­ane ont ouvert de nou­veaux hori­zons pour une relance des bonnes rela­tions entre IAI et les divers pays d’Eu­rope con­cernés, en par­ti­c­uli­er la France.

5. Missiles antimissiles

IAI et Rafael ont dévelop­pé ensem­ble le sys­tème Barak pour la marine mil­i­taire. IAI est actuelle­ment dans une phase avancée du développe­ment du mis­sile antimis­sile Flèche (“Hetz” en hébreu et “Arrow” en anglais) dans un pro­gramme qui béné­fi­cie du sup­port américain.

6. Systèmes électroniques

Dans le domaine de l’élec­tron­ique, IAI tra­vaille à des pro­grammes par­ti­c­ulière­ment impor­tants. Il s’ag­it de radars, de sys­tèmes de télé­com­mu­ni­ca­tions (Sig­int, Comint), de sys­tèmes de vision de tir jour et nuit, d’équipements de com­bat avec une intel­li­gence pro­pre, etc. Ces équipements sont en général instal­lés sur des “plate­formes” divers­es : avions, navires ou véhicules terrestres.

Adaptation et souplesse : le Lavi

L’o­rig­i­nal­ité, le prag­ma­tisme10 et le réal­isme qui car­ac­térisent l’or­gan­i­sa­tion d’I­AI lui per­me­t­tent de tra­vers­er avec une cer­taine habileté des péri­odes de ten­sion et de sur­charge de tra­vail, ain­si que des péri­odes de crise.

Pro­duits et ser­vices d’IAI 
(liste non exhaustive)

Électronique

  • Com­mu­ni­ca­tion par satellite
  • Sys­tème de défense con­tre les mis­siles sol-sol (pro­gramme Arrow/Hetz)
  • Sys­tème de défense con­tre les mis­siles (pro­gramme Barak pour la marine)
  • Radars
  • EW
  • Ordi­na­teurs militaires
  • Mis­siles tactiques
  • Électro-optique
  • C3I
  • Navigation

Aviation militaire

  • Kfir
  • Phal­con AEW A/C
  • Sys­tèmes UAV
  • Mod­erni­sa­tion du F‑16
  • Mod­erni­sa­tion du F‑15 Eagle
  • Mod­erni­sa­tion du F‑4 Phan­tom 2000
  • Mod­erni­sa­tion du F‑5E
  • Mod­erni­sa­tion du Mig 21
  • Mod­erni­sa­tion de l’héli­cop­tère CH-53D
  • Sièges résis­tant aux crashes

Aviation civile

  • Jet d’af­faires Galaxy
  • Jet d’af­faires Astra
  • Sous-trai­tance du MD-11
  • Sous-trai­tance du Boe­ing 777
  • Nacelles
  • Ingénierie aéronautique
  • Com­posants de sys­tèmes hydrauliques
  • Trains d’atterrissage
  • Sys­tèmes de con­trôle du vol

Aviation Bedek

  • Con­ver­sion du B‑747
  • Con­ver­sion du C‑130
  • Main­te­nance de plate­forme, révi­sion et mod­erni­sa­tion d’avions Boe­ing, Dou­glas et Lookheed
  • Répa­ra­tion, révi­sion et retro­fit de 30 types de moteurs
  • Répa­ra­tion et révi­sion de 6 000 acces­soires et instru­ments aéronautiques
  • Matéri­aux com­pos­ites avancés

En ter­mes plus choi­sis, la sou­p­lesse de son organ­i­sa­tion lui crée un cer­tain avan­tage par rap­port aux entre­pris­es de ce genre et de ce gabar­it, plus tra­di­tion­al­istes et plus con­ser­va­tri­ces dans leur organisation.

C’est ce qui s’est passé avec le tris­te­ment célèbre pro­gramme Lavi…

Avec le pro­gramme Lavi, je pense avec regret que cha­cun en Israël a fait des erreurs : les hommes poli­tiques, les mil­i­taires, les écon­o­mistes, les jour­nal­istes, les ingénieurs.

Le pro­gramme ini­tial a été conçu comme un petit avion de com­bat, un avion de petite taille qu’Is­raël était en mesure de con­cevoir, de dévelop­per, de con­stru­ire et de financer. Il devait équiper l’ar­mée de l’air comme un avion de masse. Ce pro­jet avait été approu­vé par le gou­verne­ment d’Is­raël en 1980.

Le gou­verne­ment de l’époque a approu­vé ce pro­jet, tout en men­tion­nant que le pro­gramme était par­ti­c­ulière­ment impor­tant pour l’in­dus­trie et l’é­conomie du pays. Il était clair que l’ar­mée de l’air pour­rait tou­jours s’équiper avec des avions étrangers, notam­ment améri­cains comme le F‑15 ou le F‑16.

Trois pro­to­types du Lavi ont été fab­riqués. Tous les tests et essais ont démon­tré un suc­cès tech­nologique indis­cutable, voire total. Les trois avions Lavi ont effec­tué plus de 100 vols, tous réus­sis avec de très bonnes per­for­mances. Le directeur du pro­gramme a reçu en mai 1987 la plus pres­tigieuse dis­tinc­tion nationale, le prix d’Israël.

Mais, un aspect avait été nég­ligé, à savoir les coûts : l’a­van­tage de con­stru­ire un avion israélien con­cur­rençant le F‑16 devait se trou­ver, out­re dans ses bonnes per­for­mances, dans un prix incom­pa­ra­ble­ment plus bas. Or, il s’est avéré que le Lavi, dévelop­pé et fab­riqué avec des finance­ments améri­cains, n’é­tait pas sen­si­ble­ment moins cher que le F‑16. Aus­si, IAI ne pou­vant pas être com­péti­tif face aux Améri­cains, le pro­gramme a‑t-il été arrêté le 30 août 1987.

Cet arrêt a été un coup très dur pour IAI, à beau­coup de points de vue. Il a touché l’ensem­ble du groupe d’une manière qui aurait pu lui être fatale. Mais, devant le désas­tre, il fal­lait réa­gir. Prag­ma­tisme, inven­tiv­ité et com­bat­iv­ité réu­nis, IAI a décou­vert que le Lavi était une occa­sion excep­tion­nelle, voire unique, de dévelop­per des pro­duits et tech­nolo­gies de pointe pou­vant être util­isés indépen­dam­ment. Ain­si, après 1987, la vente sur les marchés mon­di­aux de pro­duits et tech­nolo­gies de pointe a per­mis à IAI de réalis­er des gains très impor­tants, qui ont facil­ité le redresse­ment — en moins de trois ans — de la société.

Conclusion et perspectives

Avant de bross­er les per­spec­tives d’avenir, je souhait­erais présen­ter quelques con­sid­éra­tions per­son­nelles. Dans le passé, et surtout pen­dant les années où j’ai été chef de la Mis­sion d’I­AI à Paris, j’ai beau­coup tra­vail­lé pour l’amélio­ra­tion des rap­ports avec les sociétés français­es, que ce soit l’Aérospa­tiale, Das­sault, Das­sault Élec­tron­ique, la Snec­ma, Thom­son CSF, et beau­coup d’autres.

Les résul­tats ont été remar­quables mais, il faut l’avouer, bien en deçà des pos­si­bil­ités voire plutôt mod­estes. Cepen­dant, j’ai eu le sen­ti­ment que mes inter­locu­teurs, col­lègues et parte­naires français, tenaient à ce que, quoi qu’il en soit, nous main­te­nions des liens, fussent-ils momen­tané­ment déli­cats ou fragiles.

Dans la con­jonc­ture actuelle, l’in­térêt de relancer les rela­tions d’af­faires bilatérales est évide­ment prof­itable aux deux par­ties. Bien que lim­ité, le marché israélien est, sur le plan tech­nologique et opéra­tionnel, d’une impor­tance majeure au plan mon­di­al. D’autre part, les Israéliens sont très act­ifs sur les marchés inter­na­tionaux11, où l’on trou­ve leurs pro­duits et tech­nolo­gies, civils et militaires.

Je pense qu’une coopéra­tion entre les sociétés aérospa­tiales des deux pays, sous la forme d’une col­lab­o­ra­tion intel­li­gente et pro­fes­sion­nelle­ment com­pé­tente dou­blée d’une poli­tique éco­nom­i­co-finan­cière de per­spec­tive, peut don­ner une impul­sion d’en­ver­gure, ain­si qu’une syn­ergie pour men­er les parte­naires vers un nou­v­el essor. Comme les Israéliens vendent aujour­d’hui aux États-Unis pour près de 750 mil­lions de dol­lars par an, une telle coopéra­tion fran­co-israéli­enne, bien menée, pour­rait aug­menter de beau­coup la péné­tra­tion française et israéli­enne sur les marchés améri­cains, et pas seule­ment américains !

Modernisation du Phantom F-4 de la Turkish Air Force, en cours à IAI
Pro­gramme de mod­erni­sa­tion du Phan­tom F‑4 de la Turk­ish Air Force, en cours à IAI/LAHAV Divi­sion. © ISRAËL AIRCRAFT INDUSTRIES

En ce qui con­cerne les per­spec­tives d’I­AI, il appa­raît que les don­nées qui exis­tent déjà per­me­t­tent d’être opti­mistes et de prévoir du tra­vail, des développe­ments, des ventes. Simul­tané­ment, la société a entre­pris une restruc­tura­tion qui la mèn­era à un rap­port annuel meilleur que celui de 1997.

Pour les années 1998–2000, on envis­age une crois­sance du chiffre d’af­faires et une rentabil­ité accrue. Tous les domaines d’ac­tiv­ité men­tion­nés plus haut con­tin­ueront prob­a­ble­ment leur développe­ment. Il existe des pro­grammes bien défi­nis, qui con­stitueront le cadre tech­nologique, économique, du développe­ment et du mar­ket­ing pour les cinq années à venir.

IAI ten­dra vers un chiffre d’af­faires du niveau de 2 mil­liards de dol­lars en l’an 2000, com­prenant 80 % d’ex­por­ta­tions (~ 1,6 mil­liard de dol­lars), de nou­veaux con­trats à l’ex­por­ta­tion pour un total annuel de 2 à 2,2 mil­liards de dol­lars, ain­si que des ventes de 300 mil­lions de dol­lars sur le marché intérieur.

En ce qui con­cerne les développe­ments dans le domaine des avions, seul le Galaxy sera pour­suivi et intro­duit sur le marché.

Une petite société comme IAI doit être atten­tive à ce qui se passe dans l’aéro­nau­tique mon­di­ale, car le monde attend une nou­velle généra­tion d’avions. Mais elle doit égale­ment détecter et trou­ver les nich­es qui lui per­me­t­tront de nou­veaux développe­ments et la péné­tra­tion dans des marchés qui seront créés de par le monde. Le poten­tiel d’I­AI dans la haute tech­nolo­gie est telle­ment impor­tant qu’il est à envis­ager de nou­veaux pro­grammes spec­tac­u­laires dans les prochaines années.

Enfin, parce que les indus­tries aérospa­tiales d’Is­raël sont des indus­tries mod­ernes, avec des tech­nolo­gies de pointe, et surtout parce qu’elles utilisent les com­pé­tences pro­fes­sion­nelles d’émi­nents ingénieurs et sci­en­tifiques — cha­cun avec ses ressources intel­lectuelles et pro­fes­sion­nelles — je crois très forte­ment que ces indus­tries ont devant elles l’avenir le plus posi­tif au plan tech­nologique, économique et du marketing.

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1. Il détient encore aujour­d’hui la total­ité des actions de la société.
2. Tsa­hal : acronyme de Tsa­va Hagana LeIs­rael (Armée de Défense d’Israël).
3. “Heyl Avir” en hébreu.
4. IAI a fait ses pre­miers pas sous ce nom.
5. Les années 50 et 60.
6. Qui a par la suite mené une car­rière poli­tique et fut notam­ment min­istre de la Défense dans les gou­verne­ments Begin et Shamir.
7. Tant avant qu’après la guerre des Six jours.
8. Soit 533 mil­lions de dol­lars en 1997.
9. Y com­pris l’élec­tron­ique, l’avion­ique et l’op­tron­ique util­isées pour les activ­ités aérospatiales.
10. La néces­sité d’im­pro­vis­er et de faire face soudain à des sit­u­a­tions totale­ment imprévues sont des épreuves qui lais­sent des traces : dura lex, sed lex.
11. USA, Extrême-Ori­ent, pays d’Eu­rope de l’Est et de l’ex-URSS, ain­si que dans plus de 100 pays.

Commentaire

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zer­bib nissimrépondre
28 juillet 2017 à 9 h 58 min

arti­cle très intéres­sant
Arti­cle très intéressant.
On serait très heureux d’y voir une suite sous forme d’ac­tu­al­i­sa­tion plus récente d’un arti­cle qui date ! en tout cas mer­ci pour toute ces infor­ma­tions passionnantes !

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