Évolution du budget alloué au programme des incubateurs par l’OCS

De l’œuf au poussin : le programme israélien des incubateurs technologiques

Dossier : IsraëlMagazine N°537 Septembre 1998
Par Jean-Marie METZGER (71)
Par Katia ZILBER

Afin de ren­forcer cet axe de pri­or­ité, le bureau du directeur sci­en­tifique (OCS) du min­istère du Com­merce et de l’In­dus­trie israélien a mis en place en 1991 un pro­gramme visant à éla­bor­er et soutenir des “pépinières” ou “incu­ba­teurs” d’en­tre­pris­es. Ce pro­gramme s’ef­force de créer un out­il util­is­able sur le long terme pour soutenir le pre­mier stade d’une entre­prise, sa créa­tion sur la base de l’ex­ploita­tion d’une inno­va­tion tech­nologique, phase présen­tant le plus de risques pour les investis­seurs et expli­quant leur réti­cence à soutenir ce type de projets.

À l’in­verse des inci­ta­tions précé­dentes, le pro­gramme des incu­ba­teurs s’adresse non pas à une société mais à un entre­pre­neur déten­teur d’une inno­va­tion tech­nologique. En plus d’une assis­tance finan­cière, l’in­cu­ba­teur offre divers ser­vices et pro­pose des con­seils en gestion.

Les objectifs

1. Assister les entrepreneurs détenteurs d’innovations technologiques dans le processus de commercialisation des produits

La fonc­tion prin­ci­pale d’un incu­ba­teur con­siste à fournir un sup­port de ges­tion à un entre­pre­neur au cours de la phase ini­tiale de développe­ment tech­nologique de son pro­jet (recherche de finance­ment, mise en place de la struc­ture de la société, con­seil en recrute­ment du per­son­nel et sou­tien en ges­tion, con­seil judi­ci­aire et logis­tique) et à l’aider à con­ver­tir son idée tech­nologique en pro­duit commercialisable.

85 % du bud­get approu­vé de l’en­tre­prise (dans la lim­ite d’un pla­fond annuel de 559 000 shekels, soit env­i­ron 150 000 dol­lars, sur deux ans) est pris en charge par l’É­tat. Au-delà de la péri­ode-test de deux années, la nou­velle entre­prise (start-up) peut pré­ten­dre aux autres aides offertes par le bureau du directeur sci­en­tifique ou pos­tuler auprès d’autres organ­ismes selon la nature de sou­tien recher­chée (Export Insti­tute pour un sou­tien à l’ex­port par exemple).

L’ob­jec­tif du pro­gramme des incu­ba­teurs est la mise en place des con­di­tions néces­saires à la com­mer­cial­i­sa­tion des pro­duits au terme de la péri­ode d’in­cu­ba­tion de deux ans.

En cas de ventes, la sub­ven­tion se trans­forme en prêt rem­boursable sous forme de royalties.

2. Concrétiser les idées technologiques des nouveaux immigrants et promouvoir leur emploi dans leur domaine d’expertise

Si l’ob­jec­tif du pro­gramme est avant tout com­mer­cial, sa dimen­sion sociale ne peut être effacée. Dans les cir­con­stances de l’ar­rivée mas­sive d’im­mi­grants à fort poten­tiel sci­en­tifique, faciliter la créa­tion d’en­tre­pris­es per­met égale­ment de favoris­er leur inté­gra­tion au sein de la société israélienne.

L’incubateur

L’in­cu­ba­teur est une entité indépen­dante à statut d’as­so­ci­a­tion à but non lucratif, com­posée d’un organe de direc­tion et d’un Con­seil d’ad­min­is­tra­tion for­mé par des pro­fes­sion­nels de la recherche et du milieu des affaires. Ce dernier, en col­lab­o­ra­tion avec le bureau du directeur sci­en­tifique, étudie et sélec­tionne les can­di­da­tures. La déci­sion finale d’ap­pro­ba­tion revient à un comité d’ex­perts du monde des affaires et uni­ver­si­taire, réu­ni sur une base de volon­tari­at. La capac­ité d’ac­cueil d’un cen­tre varie entre 8 et 11 projets.

L’É­tat four­nit le bud­get de fonc­tion­nement et d’ad­min­is­tra­tion des pro­jets à l’in­cu­ba­teur. La direc­tion de la pépinière d’en­tre­pris­es est con­fiée à un directeur général pro­fes­sion­nel, expéri­men­té et rémunéré, qui agit comme un admin­is­tra­teur au nom de l’É­tat pour gér­er les entre­pris­es nais­santes. Si les sub­ven­tions annuelles de l’É­tat pour un pro­jet se mon­tent à 85 % des dépens­es approu­vées (jusqu’à 145 000 dol­lars), 100 % des frais de fonc­tion­nement de l’in­cu­ba­teur sont pris en charge (avec un pla­fond annuel de 668 000 shekels, soit env­i­ron 180 000 dol­lars), inclu­ant le salaire du directeur du cen­tre, les frais de ges­tion et les dépens­es asso­ciées au recrute­ment des pro­jets. Le Comité de sélec­tion guide et dirige les pro­jets égale­ment au cours de leur développement.

Pour être éli­gi­bles les pro­jets doivent sat­is­faire qua­tre critères :

1• les pro­duits sont com­mer­cial­is­ables à l’export,
2• les pro­duits relèvent des tech­nolo­gies de pointe,
3• les pro­duits sont fab­riqués en Israël,
4• au moins 50 % des employés de l’en­tre­prise nais­sante sont des nou­veaux immigrants.

Moins de 10 % du bud­get du directeur sci­en­tifique est alloué au pro­gramme des incu­ba­teurs. Le mon­tant des fonds alloué n’a cessé d’aug­menter depuis le début du pro­gramme gou­verne­men­tal pour se sta­bilis­er en 1997 à 32 mil­lions de dollars.

On recense à ce jour 26 incu­ba­teurs répar­tis sur l’ensem­ble du ter­ri­toire d’Is­raël, à prox­im­ité des grandes villes comme dans les zones de développe­ment. Si l’É­tat a don­né l’im­pul­sion au pro­gramme, les uni­ver­sités, cen­tres de recherche et com­munes ont pris l’ini­tia­tive de la local­i­sa­tion des pépinières. Ain­si, la ville de Kiry­at Gat est à l’o­rig­ine de l’in­cu­ba­teur implan­té sur les ter­rains municipaux.

L’aide gou­verne­men­tale est sou­vent com­plétée par les organ­ismes suiv­ants : l’A­gence juive, les autorités locales, les insti­tuts de recherche (Tech­nion) et des indus­tries israéli­ennes (au début de l’an­née 1998, Dow Chem­i­cals a investi 750 000 dol­lars au sein de l’in­cu­ba­teur d’Ashkelon).

De 28 à 84 ans : la réussite du programme des incubateurs

Lors de son année de lance­ment en 1991, le pro­gramme présen­tait un bud­get de 1 mil­lion de dol­lars et accueil­lait 50 pro­jets. À la mi-97, 538 pro­jets avait sol­lic­ité le sou­tien du pro­gramme des pépinières d’en­tre­pris­es, dont 200 sont encore en cours de développement.

Répar­ti­tion des pro­jets par activité
Chimie
Électronique
Divers
Informatique/logiciel
Équipement médical
29%
25%
20%
13%
13%
Source : bureau du directeur scientifique

Par­mi les 338 start-up qui ont ter­miné leur péri­ode d’in­cu­ba­tion, 45 % ont vu leur pro­jet échouer tan­dis que 55 % con­tin­u­aient de se dévelop­per. Par­mi ces “bons élèves”, 72 % ont fab­riqué un pro­duit com­mer­cial­is­able et pour­suiv­ent leur crois­sance avec des parte­naires stratégiques et 28 % se trou­vent à des stades var­iés de négo­ci­a­tion avec des investis­seurs poten­tiels. Exem­ple de suc­cès, la société Téra­dion, qui fab­rique des ther­momètres per­me­t­tant de mesur­er des tem­péra­tures à dis­tance, emploie, deux ans après sa sor­tie du pro­gramme, 16 per­son­nes et a réal­isé un chiffre d’af­faires cumulé de 2 mil­lions de dol­lars (pour 3 mil­lions de dol­lars de finance­ment reçu).

Depuis 1991, plus de 100 mil­lions de dol­lars ont été investis dans des jeunes entre­pris­es inno­vantes issues du pro­gramme, ces dernières ayant réal­isé des ventes d’un mon­tant supérieur à 40 mil­lions de dollars.


Musée de la Sci­ence à Jérusalem © AMBASSADE D’ISRAËL

Le Doc­teur Yosef Zin­man racon­té par lui-même

Yosef Zin­mann est né en Russie en mars 1914.

Il a étudié à la fac­ulté de physique de l’U­ni­ver­sité de Leningrad.

Ayant immi­gré en Israël en 1980, ce n’est que dix ans plus tard, au cours de leur séjour d’in­té­gra­tion dans le nord du pays que sa fille et son gen­dre ren­con­trèrent d’autres nou­veaux immi­grants et décidèrent de dévelop­per les idées que Yosef Zin­man n’avait pu con­cré­tis­er en Union soviétique.

Cette déci­sion les con­duisit à l’in­cu­ba­teur tech­nologique d’ELTAM près de Haï­fa (aujour­d’hui fer­mé), où ils présen­tèrent un pro­gramme de développe­ment d’une tech­nique de purifi­ca­tion du sili­ci­um. Ils obt­in­rent suc­ces­sive­ment le sou­tien de Intel et Motoro­la, et à l’is­sue de la péri­ode d’in­cu­ba­tion et une mis­sion de présen­ta­tion aux États-Unis, cinq fonds de cap­i­tal-risque améri­cains et israéliens décidèrent d’in­ve­stir 4,5 mil­liards de dol­lars dans la société Sizarri, créée pour l’in­dus­tri­al­i­sa­tion du procédé.

La société Sizarri est aujour­d’hui implan­tée dans le parc tech­nologique de Tefen en Galilée et emploie 19 per­son­nes, nou­veaux immi­grants et Israéliens de souche.


En général, les pro­jets cou­vrent tous les spec­tres d’ac­tiv­ité de la R&D et il n’y a pas de domaine priv­ilégié de spé­cial­i­sa­tion imposé aux pépinières d’en­tre­pris­es qui font par­tie de ce programme.

La moitié des pro­jets est l’ini­tia­tive de nou­veaux immigrants.

750 pro­fes­sion­nels sont employés dans ces cen­tres, dont 70 % sont des nou­veaux immi­grants de l’ex-URSS. La majorité du per­son­nel des incu­ba­teurs et des per­son­nes tra­vail­lant sur des pro­jets “lau­réats” est com­posée de sci­en­tifiques et d’ingénieurs.

Le suc­cès du pro­gramme est réel : la moitié des entre­pris­es qui ont passé la péri­ode d’in­cu­ba­tion de deux ans est encore en activ­ité, com­paré à un taux de survie mon­di­al de seule­ment 10 % : l’in­cu­ba­teur tech­nologique est la struc­ture indis­pens­able per­me­t­tant aux nou­veaux immi­grants comme aux Israéliens de souche de béné­fici­er d’une oppor­tu­nité sans égale pour trans­former leurs con­cepts en pro­duits com­mer­ci­aux viables.

Conçu ini­tiale­ment pour favoris­er l’in­té­gra­tion de jeunes immi­grants, le pro­gramme des incu­ba­teurs a dépassé sa mis­sion ini­tiale pour con­stituer un for­mi­da­ble pôle de développe­ment de l’ensem­ble de la tech­nolo­gie du pays. Le plus jeune béné­fi­ci­aire du pro­gramme est un Israélien de 28 ans, né dans le pays, dont la société (encore en stade d’in­cu­ba­tion) tra­vaille avec 19 per­son­nes dans le domaine de la réal­ité virtuelle sur Inter­net ; le plus ancien est un immi­grant de l’ex-URSS, âgé de 84 ans, dont la société a mis au point un procédé de purifi­ca­tion du sili­ci­um (voir encadré).

Le Doc­teur Rina Pri­dor, chargée au min­istère du Com­merce et de l’In­dus­trie de la ges­tion du pro­gramme des incu­ba­teurs estime que celui-ci n’a pour autre but que d’amen­er les pro­jets tech­nologiques du stade de l’œuf à celui du poussin, le secteur financier, indus­triel ou de cap­i­tal-risque se chargeant de fournir les fonds qui amèneront le poussin à matu­rité. Devant les suc­cès déjà engrangés, le pro­gramme est en passe de devenir pour Israël une poule aux œufs d’or.

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