Lieutenant-colonel Deuwel : “ ni autoritarisme, ni démagogie ”

Dossier : ExpressionsMagazine N°576 Juin/Juillet 2002Par : Extrait d’X-Info, n° 127, mai 2002.

Dans vos précédentes fonctions, vous commandiez des parachutistes. La transition est-elle facile à gérer ?

Je suis, depuis l’été dernier, com­man­dant d’une pro­mo­tion de poly­tech­ni­ciens et à ce titre plus par­ti­c­ulière­ment chargé de la for­ma­tion humaine de ces élèves. Évidem­ment, le méti­er change complètement.

Mais un offici­er para­chutiste cul­tive au cours de sa car­rière une cer­taine adapt­abil­ité : per­son­nelle­ment, mes dif­férentes affec­ta­tions m’ont amené à faire aus­si bien de la logis­tique que de l’entraînement à la chute opéra­tionnelle (une tech­nique spé­ci­fique et très exigeante qui per­met de s’affranchir de cer­taines con­traintes d’environnement avant de pou­voir s’investir au sol dans des “ actions en amont ” ou des mis­sions de renseignement).

Les nom­breuses inter­ven­tions aux­quelles j’ai par­ticipé (Comores, Irak, Balka­ns, Afrique noire) m’ont con­duit à m’adapter à des sit­u­a­tions déli­cates et périlleuses. Poly­tech­nique est une nou­velle et autre forme d’aventure.

Quelles relations avez-vous eues pour le moment avec les élèves de la promotion 2001 ?

J’ai assuré leur encadrement pen­dant un mois dès leur arrivée à l’École, d’abord à Palaiseau puis à Barcelon­nette. Depuis, j’ai réal­isé le suivi de ces élèves en stage en étant pour eux leur point de con­tact pour tous les prob­lèmes qu’ils pou­vaient ren­con­tr­er. J’ai ren­du vis­ite à tous les élèves dans les écoles de for­ma­tion d’armées dans lesquelles ils ont été affec­tés après le stage de Barcelon­nette et je suis allé voir la plu­part d’entre eux après, qu’ils aient été dans une unité mil­i­taire ou dans un organ­isme civil.

J’ai réal­isé un stage d’accueil de quinze jours au prof­it des EV1 avant de les affecter dans un stage de for­ma­tion humaine comme leurs cama­rades français, ce qui est une pre­mière pour l’X. J’ai aus­si par­ticipé tout récem­ment avec 65 élèves de la pro­mo­tion au sémi­naire inter­ar­mées des grandes écoles militaires.

Comment s’est déroulé leur stage de formation humaine ?

Cer­tains stages, heureuse­ment très rares, n’ont pas répon­du cor­recte­ment aux objec­tifs de for­ma­tion humaine que se fixe l’École. Ce fut le cas de cer­taines unités très spé­cial­isées où nos élèves ont des lacunes tech­niques exces­sives ou d’autres engagées en opéra­tions extérieures aux­quelles nos élèves ne pou­vaient pas par­ticiper. Dans cer­tains organ­ismes aus­si l’absence de respon­s­abil­ités ou de con­trôle des actions menées rendait le stage moins intéres­sant. Mais la plu­part d’entre eux ont fait un stage très formateur.

Un des meilleurs, selon moi, est celui de la Brigade des Sapeurs Pom­piers de Paris : c’est loin d’être un des plus faciles mais c’est là que la prise de respon­s­abil­ité que l’on cherche à leur incul­quer prend tout son sens.

Lieu­tenant-colonel Chris­t­ian Deuwel

  • Né le 1er jan­vi­er 1961.
  • 1982–1985 : ESM Saint-Cyr Coëtquidan.
  • 1985–1986 : Groupe­ment d’application d’officiers de l’infanterie, à Montpellier.
  • 1986–1993 : chef de sec­tion com­man­do, puis com­man­dant de com­pag­nie au 9e rég­i­ment de chas­seurs para­chutistes, à Pamiers, en Ariège.
  • 1993–1996 : respon­s­able logis­tique en état-major au 3e corps d’armée, à Lille.
  • 1996–1999 : adjoint au Groupe­ment de com­man­dos para­chutistes, à Toulouse. Respon­s­able du ren­seigne­ment et des actions spéciales.
  • 1999–2001 : chef du bureau “ opéra­tions aéro­portées ” en état-major à la 11e brigade para­chutiste, à Toulouse.
  • Depuis août 2001 : com­man­dant de la pro­mo­tion 2001 à l’École polytechnique.
  • Le lieu­tenant-colonel Deuwel est mar­ié et père de qua­tre enfants.

Quels sont les traits que vos élèves ont en commun, selon vous ?

Ce sont des jeunes gens sachant tra­vailler et s’organiser et qui mon­trent le plus sou­vent une grande vivac­ité d’esprit. Ils font aus­si preuve d’exigence et d’impatience, ce que je ne peux pas leur reprocher : d’abord parce que cela tient à leur jeunesse, ensuite parce que je suis moi-même un grand impatient.

En out­re (et c’est impor­tant) la grande majorité d’entre eux est très sym­pa­thique. Mais à part ça, ils sont très dif­férents les uns des autres.

Par exem­ple, j’ai pu con­stater des dif­férences énormes dans le domaine de la com­mu­ni­ca­tion, dans leur capac­ité à exprimer une ques­tion ou un prob­lème et à argu­menter leurs propo­si­tions. Dans les mois et années à venir, ces con­sid­éra­tions vont for­cé­ment pren­dre de l’importance dans leur vie puisque leurs con­tacts vers l’extérieur vont croître. Il importe donc qu’ils aient con­science de leurs qual­ités mais aus­si de leurs lacunes.

Je ne veux pas réduire mon rôle à la sur­veil­lance. Mon rôle n’est pas de sur­veiller leurs horaires et leurs coupes de cheveux. Il con­siste, tout en faisant l’effort de com­pren­dre leurs sché­mas intel­lectuels, à les guider dans les domaines qu’ils n’ont pas encore appréhendés. Ni autori­tarisme, ni démagogie.

Que vous inspire la grande proportion d’étrangers de cette promotion ?

Il n’y aura finale­ment que qua­tre fois plus de Français que d’étrangers dans cette pro­mo­tion (pour la 2000, le rap­port est de 10 : cela change les choses).

Dans les précé­dentes pro­mo­tions, on pou­vait peut-être les con­sid­ér­er comme des cas par­ti­c­uliers : ce n’est plus pos­si­ble aujourd’hui. Ma prin­ci­pale tâche, en ce moment, est de faire con­nais­sance avec les EV2 qui con­stituent les deux tiers d’entre eux et qui arrivent sur le Plateau sans avoir par­ticipé au stage de for­ma­tion humaine.

Je suis à l’écoute des prob­lèmes que les dif­férences de langues et de cul­tures peu­vent leur causer pour leur intégration.

Là encore, la con­fronta­tion à des sit­u­a­tions par­ti­c­ulières dans les mis­sions aux­quelles j’ai par­ticipé dans des univers dif­férents de nos habi­tudes con­fort­a­bles m’a pré­paré à pren­dre en compte les spé­ci­ficités de chacun.

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