L’expertise, intermédiaire entre la connaissance et la décision

Dossier : Environnement : comprendre et agirMagazine N°637 Septembre 2008
Par André-Jean GUÉRIN (69)

Dans les années qua­tre-vingt, l’opin­ion publique intè­gre pro­gres­sive­ment les valeurs portées par la ” généra­tion 68 “. Les entre­pris­es sont mis­es en cause dans les pre­mières affaires de pol­lu­tion portées sur la scène inter­na­tionale et la régle­men­ta­tion envi­ron­nemen­tale se durcit. D’un côté, le verdisse­ment de la com­mu­ni­ca­tion des entre­pris­es essaie de se con­cili­er les nou­velles sen­si­bil­ités, tan­dis que, déjà, les exi­gences ren­for­cées peu­vent être instrumentalisées.

Stéphan et Mach­ka devant la porte de leur mai­son bâil­lent au soleil couchant. La tâche du jour est ter­minée. Ils n’ont rien à faire, ils s’ennuient.
Alors Stéphan, pour amuser son épouse, inter­pelle un homme du vil­lage et lui glisse un faux secret dans l’oreille :
– À deux lieux d’ici, près de Tiflis, le maire fait dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite de vin. Emporte ta jarre.
Stéphan le dit à un sec­ond, un troisième. Puis les trois le trans­met­tent aux autres. Dix gars, cruch­es au dos, s’engagent sur la route.
Stéphan et Mach­ka rient, tan­dis que main­tenant des filles de paysans chu­chotent : vin gra­tu­it… vin gra­tu­it… et se hâtent vers l’espoir.
Le vil­lage se vide. Après s’être fort amusée, Mach­ka bâille de nou­veau dans la rue déserte.
Le boi­teux se tourne, en retard. Il inter­pelle Stéphan :
– Tu ne viens pas ? Il y a une dis­tri­b­u­tion de vin gratuite.
Alors Stéphan, songeur, se lève lente­ment, prend sa cruche.
– Où vas-tu ? demande sa femme.
– Voir s’il y a vrai­ment du vin gra­tu­it à Tiflis.

Le bilan contrasté du pot catalytique

La mobil­i­sa­tion crois­sante face aux pol­lu­tions atmo­sphériques con­duit Brux­elles à agir. Pour réduire les émis­sions de CO, NOx et HC (hydro­car­bu­res imbrûlés), plusieurs voies s’ou­vrent. La réponse tech­nique qui s’im­posera est venue de Cal­i­fornie : dot­er les véhicules neufs de pots catalytiques.

Le poids du lobbying
Comme pour les trains, une com­mu­ni­ca­tion envi­ron­nemen­tale peut en cacher une autre. Celle, par exem­ple, d’un lob­by­ing effi­cace auprès des insti­tu­tions européennes. On pour­rait cer­taine­ment con­sacr­er plusieurs arti­cles pour décrire les enjeux et les jeux d’ac­teurs sou­verains et privés autour des infor­ma­tions, de la com­mu­ni­ca­tion et des ques­tions rel­a­tives au cli­mat et aux gaz à effet de serre.

Elle sert dou­ble­ment l’in­dus­trie alle­mande de la con­struc­tion auto­mo­bile. Celle-ci, comme aujour­d’hui, est ori­en­tée vers la pro­duc­tion de véhicules haut de gamme, assez lourds. Cette tech­nique néces­site l’in­jec­tion élec­tron­ique dont Bosch détient le qua­si-mono­pole en Europe. L’ad­jonc­tion d’un équipement pesant et coû­teux a une inci­dence lim­itée sur les car­ac­téris­tiques et le prix des mod­èles alle­mands. En revanche, les indus­triels français (ain­si qu’i­tal­iens et pour une part bri­tan­niques), par leur posi­tion­nement his­torique et pour répon­dre à un renchérisse­ment plus rapi­de et plus fort du prix des car­bu­rants après les ” chocs pétroliers ” (avec en out­re un dif­féren­tiel de taxe élevé en faveur du diesel à l’époque), pro­posent des gammes de véhicules moins coû­teux, légers, ayant une meilleure util­i­sa­tion de l’én­ergie (taux de com­pres­sion élevé, diesel).

Le poids accru des véhicules a induit mécanique­ment de plus fortes con­som­ma­tions d’énergie fossile

Le pot cat­aly­tique va les oblig­er à con­stru­ire plus lourd et plus cher. De sur­croît, le catal­y­seur ne sup­porte pas le plomb (diméthyl de plomb) ajouté dans l’essence pré­cisé­ment pour ses pro­priétés anti­dé­to­nantes qui per­me­t­tent de forts taux de com­pres­sion. Et il fau­dra plusieurs années aux pétroliers pour éla­bor­er des molécules de rem­place­ment (98 sans plomb). Dou­ble dif­fi­culté pour nos con­struc­teurs nationaux. Triple même car ce plomb dans l’essence, poi­son du nou­veau pot d’échappe­ment ren­du oblig­a­toire, l’est aus­si pour l’homme et pour la vie en général (métal lourd). La pos­ture d’op­po­si­tion est impos­si­ble et Jacques Cal­vet et Peu­geot l’ap­pren­dront à leurs dépens. Pour­tant, l’é­val­u­a­tion ex-post de cette mesure mérit­erait un exa­m­en atten­tif. Si la sup­pres­sion du plomb dans l’essence fait l’u­na­nim­ité par ses gains en faveur de l’en­vi­ron­nement et la san­té, elle était de toute façon pro­gram­mée. En revanche, le bilan du pot cat­aly­tique lui-même est plus con­trasté. Le poids accru des véhicules et, au moins pen­dant un temps, le frein porté à l’amélio­ra­tion des ren­de­ments énergé­tiques ont induit mécanique­ment de plus fortes con­som­ma­tions d’én­ergie fos­sile et d’émis­sions de gaz pol­lu­ants et à effet de serre (d’autres amélio­ra­tions de sécu­rité ou de con­fort des véhicules ont joué dans le même sens : airbag, cli­ma­ti­sa­tion, élec­tron­ique embar­quée, etc.). Cette nou­velle oblig­a­tion a prob­a­ble­ment retardé des efforts de recherche-développe­ment en faveur d’une meilleure com­bus­tion du car­bu­rant réduisant les émis­sions à la source et non par traite­ment des rejets. Or cette voie aurait été plus effi­cace car on sait, comme on le savait lors de la déci­sion, que les catal­y­seurs des oxy­da­tions post­com­bus­tion entrent en action au-delà d’une tem­péra­ture atteinte seule­ment après quelques kilo­mètres d’u­til­i­sa­tion. En ville, là où la réduc­tion de cette pol­lu­tion locale était recher­chée, la majorité des déplace­ments sont inférieurs à cette dis­tance ! Enfin, pour­rait-on ajouter, la com­mu­ni­ca­tion qui, à l’époque, a accom­pa­g­né la propo­si­tion d’in­tro­duc­tion de l’oblig­a­tion du pot cat­aly­tique, n’a pas hésité à s’ap­puy­er sur les images désas­treuses du dépérisse­ment des forêts notam­ment en Europe de l’Est. Or, celui-ci a eu une orig­ine sans doute mul­ti­fac­to­rielle dont une dimen­sion de pol­lu­tion atmo­sphérique au soufre émis par des cen­trales au lig­nite et peu prob­a­ble­ment lié aux rejets des véhicules automobiles.

Le rôle d’intermédiaire
Le Col­loque de décem­bre 1996, ” De l’ex­per­tise à la for­ma­tion des hommes : mieux gér­er l’en­vi­ron­nement ” a bien souligné la problématique :
” Rarement la référence sci­en­tifique a été autant sol­lic­itée qu’à l’oc­ca­sion des prob­lèmes d’en­vi­ron­nement. La diver­sité des dis­ci­plines mobil­isées et l’ab­sence d’un lan­gage com­mun aux mul­ti­ples acteurs con­duisent à une surenchère d’ar­gu­ments, alors que la démarche sci­en­tifique exige une véri­fi­ca­tion et des pré­cau­tions qui sem­blent incom­pat­i­bles avec les délais de l’ac­tion. Quelle poli­tique faut-il dévelop­per pour ren­forcer et mul­ti­pli­er les sources de l’ex­per­tise dans son rôle d’in­ter­mé­di­aire entre la con­nais­sance et la décision ? ”
Il soulig­nait à cette occa­sion deux points par­ti­c­uliers : l’ex­is­tence, à côté de l’ex­per­tise sci­en­tifique, d’une exper­tise juridique en matière d’en­vi­ron­nement ; le rôle ” d’in­ter­mé­di­aire ” se joue dans la façon dont les poli­tiques ont recours aux sci­en­tifiques et dans la manière dont ces derniers s’in­tè­grent ou ne s’in­tè­grent pas dans les proces­sus de déci­sion en matière environnementale.

Partager les connaissances

Pour sa part, le groupe X‑Environnement, dès 1986, avec Jean Brugi­dou son pre­mier prési­dent, se don­nait pour mis­sion de con­tribuer à une con­nais­sance partagée sur les sujets con­cer­nant l’en­vi­ron­nement, de plus en plus sou­vent objet de polémiques. Le for­mat de ses travaux les plus courants — une réu­nion de deux heures en soirée, deux ou trois inter­venants avant un débat avec la salle, absence de jour­nal­iste, mais élab­o­ra­tion d’un micro­dossier (mer­ci Pierre Malaval d’avoir intro­duit cet ajout pré­cieux) — l’a ori­en­té vers la dif­fu­sion d’in­for­ma­tions pré­cis­es, con­tra­dic­toires, fondées sur des con­nais­sances solide­ment doc­u­men­tées. En 1998, une ” con­férence de citoyens ” est organ­isée, sous l’égide de l’Ob­ser­va­toire par­lemen­taire des choix sci­en­tifiques et tech­nologiques, par Jean-Yves Le Déaut. Philippe Roque­p­lo con­tribue à la méthode. Et cette pre­mière con­férence de citoyens en France traite des OGM, déjà ! Mal­heureuse­ment, le béné­fice de cette expéri­ence n’est pas à la hau­teur des attentes de ses par­tic­i­pants : en févri­er 2002, lors d’un débat sur les OGM et les essais en plein champ qui s’est tenu au Con­seil économique et social, des mem­bres du pan­el fai­saient le con­stat amer que leurs recom­man­da­tions n’avaient pas été pris­es en compte par le gou­verne­ment, qu’ils avaient un pro­fond sen­ti­ment d’i­nachevé. Après la mobil­i­sa­tion du ” Grenelle de l’en­vi­ron­nement “, les débats sur les OGM ont repris sur la scène publique, poli­tique et médi­a­tique autour du pro­jet de loi dis­cuté au Par­lement au print­emps 2008. Où les citoyens pou­vaient-ils atten­dre une infor­ma­tion de meilleure qual­ité que devant la représen­ta­tion nationale, à l’oc­ca­sion de déci­sions qui les con­cer­nent ? Mais, trop d’aspects et trop dif­férents, les débats pou­vaient-ils entr­er dans cha­cune de ces dimen­sions : travaux de recherche, expéri­men­ta­tions en plein champ, cul­tures de pro­duc­tion, voisi­nage ; plantes mod­i­fiées : maïs, soja, colza ; types de risque : pour la san­té humaine, pour les milieux naturels, pour des acteurs économiques, etc. ; usages : médi­cal, ali­men­ta­tion humaine, ali­men­ta­tion ani­male, pro­duc­tion de bio­masse et agro­car­bu­rant ; nature des mod­i­fi­ca­tions intro­duites : pro­duc­tion d’un pes­ti­cide, résis­tance à un her­bi­cide, moin­dre besoin en eau, résis­tance au sel, syn­thèse de l’a­zote atmo­sphérique, etc. ; équili­bre des forces et des gains entre acteurs : entre­pris­es plus ou moins monop­o­lis­tiques, dis­trib­u­teurs de semences, agricul­teurs, pays, organ­ismes de recherche, etc. Com­ment éviter la dérive vers des con­sid­éra­tions éthiques ? La dis­cus­sion est dev­enue con­tro­verse et la déci­sion a con­staté le rap­port des forces en présence dans l’en­ceinte de la déci­sion. A‑t-elle éclairé la sit­u­a­tion ? Et pour­tant, sur ces ques­tions, la con­nais­sance sci­en­tifique ne fai­sait pas défaut, l’ex­per­tise plu­ral­iste existait. 

Un obstacle majeur à la participation du public

On com­prend pourquoi, lors du ” Grenelle de l’en­vi­ron­nement “, le groupe 5, ” Con­stru­ire une démoc­ra­tie écologique : insti­tu­tions et gou­ver­nance “, s’est intéressé à la ques­tion de l’expertise.

La dis­cus­sion devient con­tro­verse et la déci­sion reflète le rap­port des forces en présence

L’asymétrie en matière d’ex­per­tise appa­raît comme un obsta­cle majeur à la par­tic­i­pa­tion effec­tive du pub­lic à l’élab­o­ra­tion des déci­sions. À cette fin, les con­di­tions d’im­pli­ca­tion des par­ties prenantes dans l’ori­en­ta­tion des travaux des organ­ismes d’ex­per­tise, et en par­ti­c­uli­er le développe­ment d’ex­per­tis­es plu­ral­istes, celles de leur accès à leurs résul­tats, ain­si que leurs règles d’éthique et de trans­parence, néces­si­tent un cadre sys­té­ma­tique. Ce cadre doit claire­ment for­malis­er le rôle des dif­férents inter­venants afin que ne soient exonérés de leurs respon­s­abil­ités civiles ou pénales ni le maître d’ou­vrage por­teur d’un pro­jet, ni l’or­gan­isme pub­lic qui est saisi de l’analyse cri­tique de celui-ci. Et le groupe de con­clure : En résumé, il est aujour­d’hui néces­saire de garan­tir que les proces­sus de déci­sion dans les dif­férents domaines mobilisent des exper­tis­es locales, nationales, européennes, et mon­di­ales, qui per­me­t­tent le meilleur éclairage pos­si­ble et la moti­va­tion des déci­sions, ces dernières doivent être disponibles pour toutes les par­ties prenantes. L’at­ten­tion des divers­es com­posantes de la société civile aux infor­ma­tions con­cer­nant l’en­vi­ron­nement et la san­té publique s’ap­puie aujour­d’hui sur des dis­po­si­tions issues, par exem­ple, de la con­ven­tion d’Aarhus. Le ” Grenelle de l’en­vi­ron­nement ” apportera sa con­tri­bu­tion à cette oeu­vre. Ces évo­lu­tions améliorent, n’en dou­tons pas, l’ac­cès aux infor­ma­tions et la trans­parence des proces­sus de décision.

Des expériences risquées

L’ob­jec­tif n’est pas mince : mieux cern­er et réduire les risques qui, de façon crois­sante, sont générés par l’ac­tion humaine col­lec­tive, se dif­fusent glob­ale­ment et se man­i­fes­tent à échéance. Le ” principe de pré­cau­tion ” y con­tribue. Pour autant, il serait illu­soire d’en atten­dre la sup­pres­sion du risque fon­da­men­tal. Pour s’en con­va­in­cre, il nous faut aller au coeur même de la pro­duc­tion de la con­nais­sance sci­en­tifique fon­da­men­tale. Le grand col­li­sion­neur de hadrons (LHC) est un gigan­tesque instru­ment sci­en­tifique en con­struc­tion près de Genève, à cheval sur la fron­tière fran­co-suisse, à env­i­ron 100 mètres sous terre. C’est un accéléra­teur de par­tic­ules, avec lequel les physi­ciens vont étudi­er les plus petites par­tic­ules con­nues : les com­posants fon­da­men­taux de la matière. Selon le site Inter­net du CERN, le LHC va révo­lu­tion­ner notre com­préhen­sion du monde, de l’in­fin­i­ment petit, à l’in­térieur des atom­es, à l’in­fin­i­ment grand de l’U­nivers… Le LHC doit recréer les con­di­tions qui exis­taient juste après le Big Bang… Les don­nées expéri­men­tales obtenues grâce aux éner­gies très élevées du LHC per­me­t­tront de repouss­er les fron­tières du savoir, met­tant au défi ceux qui cherchent à con­firmer les théories actuelles et ceux qui rêvent à de nou­veaux paradigmes.

Un recours en justice

Com­ment ne pas se réjouir de telles per­spec­tives ? Pour­tant, tous les sci­en­tifiques ne s’en réjouis­sent pas. Mar­tin Rees est un spé­cial­iste recon­nu d’as­tronomie et d’as­tro­physique. En 2005, il a été nom­mé à la tête de la ” Roy­al Soci­ety “, l’A­cadémie des sci­ences bri­tan­nique. En 2004, il pub­li­ait Our final cen­tu­ry, dans lequel il décrit les divers risques qui men­a­cent l’hu­man­ité du XXIe siè­cle. Out­re les armes de destruc­tion mas­sive, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, les bio et nan­otech­nolo­gies, il sig­nale les dan­gers, sans doute très hypothé­tiques, mais telle­ment destruc­teurs s’il adve­nait que la for­ma­tion d’un strangelet, d’un trou noir, ou d’une bulle de vide, engloutisse non seule­ment l’en­vi­ron­nement immé­di­at, le lab­o­ra­toire, mais aus­si la planète, voire le sys­tème solaire et l’u­nivers lui-même. Pré­cisé­ment le type de risque dont les expéri­ences prévues au grand col­li­sion­neur de hadrons pour­raient réduire l’im­prob­a­bil­ité. C’est la rai­son pour laque­lle cer­tains vont jusqu’à dépos­er un recours devant la jus­tice, à Hawaï, et deman­dent l’in­ter­dic­tion de ces expéri­ences1. Au-delà de l’hy­pothé­tique com­pé­tence des mag­is­trats de cet État améri­cain loin­tain pour se saisir de cette ques­tion, quelle exper­tise pour­ront-ils éventuelle­ment mobilis­er là où les expéri­ences envis­agées ont pré­cisé­ment pour final­ité de valid­er les hypothès­es théoriques qui per­me­t­traient de con­naître la prob­a­bil­ité du risque ? Pour­ront-ils sim­ple­ment évo­quer le ” principe de pré­cau­tion ” ? Ce dernier, en effet, requiert des ini­tia­tives de recherche de nature à réduire l’in­cer­ti­tude qui, momen­tané­ment, jus­ti­fie de prévenir un risque de dom­mage grave et irréversible. Dans le cas d’e­spèce, ce sont ces actions de recherche elles-mêmes qui pour­raient génér­er le risque.

Faut-il savoir à tout prix ?

Alors, faut-il savoir, con­naître, accéder à l’in­for­ma­tion à tout prix ? Jusqu’où peut aller la volon­té de puissance ?

Il serait trompeur d’indi­quer com­ment et auprès de qui avoir la bonne information 

On le voit, la sci­ence elle aus­si se fonde sur une croy­ance, il n’est point de sci­ence ” sans pré­sup­po­si­tion “. La ques­tion de savoir si la vérité est néces­saire ne doit pas seule­ment au préal­able avoir trou­vé sa réponse affir­ma­tive, cette réponse doit encore l’af­firmer de telle sorte qu’elle exprime le principe, la croy­ance, la con­vic­tion que ” rien n’est aus­si néces­saire que la vérité et que par rap­port à elle tout le reste n’est que d’im­por­tance sec­ondaire.2 ” Au terme de cet arti­cle, je ne suis pas sûr d’avoir répon­du aux attentes des con­cep­teurs de ce numéro. Si mes­sage de ces quelques lignes il y avait, ce serait celui que le prob­lème de la sat­u­ra­tion de nos capac­ités de prise de con­nais­sance et d’analyse face à la pro­fu­sion de l’in­for­ma­tion ne peut mal­heureuse­ment pas être évac­ué en s’en remet­tant à un tiers de con­fi­ance. Il serait réduc­teur, voire trompeur, aujour­d’hui d’indi­quer com­ment et auprès de qui avoir la bonne infor­ma­tion. Il y a encore quelques années, Ency­clopae­dia Uni­ver­salis a pu faire autorité. Aujour­d’hui, Wikipae­dia con­tient bien plus d’en­trées, pro­pose une infor­ma­tion de qual­ité, améliorée en per­ma­nence, sous le con­trôle de ses lecteurs, dont les experts de cha­cun des sujets, et gra­tu­ite. Cela ne pré­mu­nit pas l’en­cy­clopédie en ligne de manip­u­la­tions, bien au con­traire, mal­gré toutes les pro­tec­tions pro­gres­sive­ment intro­duites pour éviter les attaques et les instru­men­tal­i­sa­tions. La con­nais­sance est sor­tie de la sphère académique et s’im­pose comme ressource vitale tant col­lec­tive qu’in­di­vidu­elle. Le sens précède sou­vent le con­tenu. ” La Vérité “, a for­tiori uni­verselle, ne peut plus faire illu­sion. Seul reste encore le chemin à par­courir pour l’at­tein­dre, tou­jours incer­tain, tou­jours à retrac­er, et la néces­sité ” d’imag­in­er Sysiphe heureux “. Les médecins ont cou­tume de rap­pel­er que la mal­adie la plus sûre­ment mortelle est la vie elle-même.

1. http://www.nytimes.com/2008/03/29/science/29collider.html?pagewanted=1&_r=1
2. Niet­zsche, Le Gai Savoir.

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