L’expérience chinoise de PSA Peugeot Citroën

Dossier : Regards sur la ChineMagazine N°589 Novembre 2003
Par Alain SARTORIS

Dix ans d’acquis

Comme d’autres indus­tries jugées stra­té­giques par les auto­ri­tés chi­noises, la pré­sence com­mer­ciale dans le sec­teur auto­mo­bile ne peut se conce­voir sans créa­tion d’un outil de pro­duc­tion local. Abri­té der­rière des bar­rières tari­faires et régle­men­taires, le mar­ché chi­nois n’a absor­bé que 6 % d’im­por­ta­tions au terme de la pre­mière année de par­ti­ci­pa­tion à l’OMC.

Notre expé­rience en Chine n’a pas échap­pé à la règle qui veut qu’un par­te­naire étran­ger soit sélec­tion­né par les auto­ri­tés pour accom­pa­gner un indus­triel local dans une aven­ture d’a­bord indus­trielle, emprun­tant à la fois aux objec­tifs de trans­fert de tech­no­lo­gie, d’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire et de cofinancement.

L’in­ves­tis­se­ment indus­triel de PSA en Chine prend aujourd’­hui la forme de deux uni­tés de pro­duc­tion ins­tal­lées dans le Hubei au centre du pays. Une usine pro­dui­sant des organes méca­niques a été construite à Xiang Fan (350 km au nord-ouest de Wuhan). Depuis 1995, elle pro­duit des moteurs, boîtes de vitesses et liai­sons au sol. Sa capa­ci­té d’u­si­nage est éga­le­ment exploi­tée pour les besoins d’ap­point du groupe PSA en Europe. L’u­sine ter­mi­nale est, quant à elle, ins­tal­lée à Wuhan et a éga­le­ment com­men­cé à pro­duire ses pre­miers véhi­cules en 1995. Elle com­prend des capa­ci­tés d’emboutissage, de fer­rage, de pein­ture et d’as­sem­blage en tout point com­pa­rables à celles dis­po­nibles en Europe, n’é­tait leur taux actuel d’u­ti­li­sa­tion. Uti­li­sé en deux équipes quo­ti­diennes, cet outil indus­triel per­met de pro­duire aujourd’­hui à une cadence de 500 véhi­cules par jour et avec une rela­tive diver­si­té puisque quatre sil­houettes dif­fé­rentes sont assem­blées sur la même ligne.

La pré­sence en Chine consti­tue donc un choix lourd de consé­quences. Ce point mérite d’être d’au­tant plus signa­lé que le dimen­sion­ne­ment de l’in­ves­tis­se­ment n’a pas tou­jours répon­du à des règles strictes de gra­dua­lisme par rap­port à l’é­clo­sion de la demande.

Au début des années quatre-vingt-dix quand Citroën s’est ins­tal­lée en Chine, le « ticket d’en­trée » était fixé à 300 000 véhi­cules par an (pour un mar­ché total qui n’a dépas­sé ce seuil qu’en 1996), décou­pé entre une ou deux phases selon les cas. Aujourd’­hui, les nou­veaux entrants s’en­gagent à finan­cer des capa­ci­tés de pro­duc­tion de l’ordre de 300 000 à 500 000 véhi­cules par an.

Les sites PSA Peugeot Citroën en ChineL’adhé­sion de la Chine à l’OMC ne modi­fie­ra d’ailleurs pas les choses. Avant 2006, les droits de douane seront pro­gres­si­ve­ment abais­sés de 80 % en 2000 à 43 % en 2002 puis 25 % d’i­ci 2006. Mais entre-temps les impor­ta­tions res­te­ront contin­gen­tées par un dis­po­si­tif de licence et par la régle­men­ta­tion appli­quée au sec­teur de la dis­tri­bu­tion. La majo­ri­té des construc­teurs mon­diaux aura donc déjà posé le pied en Chine sous forme de prises de par­ti­ci­pa­tion avec l’un des trois piliers de l’in­dus­trie auto­mo­bile natio­nale, FAW, SAIC et Dong­Feng (ex-SAW). Béné­fi­cier de l’ex­plo­sion actuelle du mar­ché est à ce prix.

Mais cet outil indus­triel n’a de sens que mis en valeur par un réseau com­mer­cial. Comme pour beau­coup d’in­dus­triels en Chine, la construc­tion d’une force de vente et d’une image de marque a dû pas­ser par l’ex­ploi­ta­tion dans un pre­mier temps du réseau du par­te­naire avant de pou­voir s’a­dos­ser comme ailleurs dans le monde sur des inves­tis­seurs – pri­vés ou publics. Aujourd’­hui fort de plus de 400 points de vente répar­tis dans toute la Chine, ce réseau se met au niveau de stan­dards inter­na­tio­naux de la marque Citroën avec des exi­gences « sévé­ri­sées » en termes d’in­ves­tis­se­ment et de qua­li­té de ser­vice. La marque Peu­geot se lance dans ce tra­vail de consti­tu­tion d’un réseau de conces­sion­naires afin d’être prête dès 2004 à vendre son pre­mier véhi­cule sor­ti des lignes de Wuhan.

Au terme de dix ans d’exis­tence, le bilan tiré de DCAC est clai­re­ment posi­tif de trois points de vue.

Sa part de mar­ché atteint 8 % en 2002 et même 9 % sur les der­niers mois de l’an­née, repré­sen­tant des ventes supé­rieures à 85 000 uni­tés en 2002 (contre 53 000 en 2001) et une vitesse acquise au cours du der­nier tri­mestre per­met­tant de lar­ge­ment dépas­ser 100 000 ventes en 2003, soit une per­for­mance com­pa­rable à celle réa­li­sée par le groupe dans ses plus impor­tantes filiales euro­péennes. Depuis l’é­té 2001, les nou­veaux pro­duits lan­cés par les dif­fé­rents construc­teurs repré­sentent la majo­ri­té des ventes (65 % mi-2002) et le main­tien des posi­tions com­mer­ciales dans ces condi­tions nou­velles de concur­rence doit être consi­dé­ré comme la tra­duc­tion d’un véri­table ancrage de Citroën dans le pay­sage auto­mo­bile chinois.

Der­rière un lea­der, qui repré­sente encore 43 % du mar­ché, pointent quatre dau­phins poten­tiels dont deux ont vu leur péné­tra­tion com­mer­ciale pro­gres­ser ces der­niers mois. PSA via la marque Citroën est l’un d’eux. Les sui­veurs occupent des seg­ments plus limi­tés tant en poten­tiel de déve­lop­pe­ment que de rentabilité.

Mesu­rée selon les règles comp­tables chi­noises, l’en­tre­prise dégage un béné­fice annuel posi­tif. Cette situa­tion doit être consi­dé­rée elle aus­si comme favo­rable alors que l’in­ves­tis­se­ment ini­tial a dépas­sé 10 Mds RMB de l’é­poque (1,2 Md d’eu­ros), finan­cé à 60 % par les action­naires et à 40 % par endet­te­ment. À la dif­fé­rence de cer­tains de ses concur­rents qui sacri­fient leur san­té finan­cière à la culture défla­tion­niste locale, DCAC a su jus­qu’à pré­sent suivre les évo­lu­tions du mar­ché sans sacri­fier ses résul­tats. À titre de réfé­rence, une ZX se ven­dait (hors taxes) il y a encore deux ans plus de 14 000 euros contre 11 000 cette année.

Enfin, à l’aune de l’a­ven­ture que repré­sente une ins­tal­la­tion en Chine, pour un groupe soli­de­ment enra­ci­né dans ses tra­di­tions fran­çaises, être en Chine depuis dix ans consti­tue un remar­quable actif. Le groupe a désor­mais une his­toire en Chine faite de lan­ce­ments indus­triels, d’un réseau et d’une image de marque.

2002 : la nouvelle étape

C’est à par­tir de cet acquis que se déve­loppe aujourd’­hui la nou­velle stra­té­gie de déve­lop­pe­ment du groupe en Chine. Car ici autant que sur les autres mar­chés, les posi­tions doivent être défen­dues. Défen­dues face à la concur­rence des construc­teurs déjà ins­tal­lés en Chine et qui mul­ti­plient les nou­veaux pro­duits (pas moins d’une quin­zaine de lan­ce­ments depuis le début de l’an­née 2002). Défen­dues face à la stra­té­gie des auto­ri­tés chi­noises sou­cieuses de tirer le meilleur par­ti des poten­tia­li­tés du mar­ché local.

L’op­por­tu­ni­té que consti­tue le mar­ché auto­mo­bile chi­nois ne se dément pas. Le mar­ché chi­nois est le seul béné­fi­ciant à la fois d’une crois­sance forte (15 % par an en moyenne depuis cinq ans mais 53 % en 2002) et d’une prime natu­relle aux pre­miers entrants (sous la forme d’une réponse aux besoins immé­diats alors que les impor­ta­tions res­tent contin­gen­tées). Le mar­ché chi­nois, tous véhi­cules confon­dus, est déjà le 4e mar­ché mon­dial. Limi­té aux seuls véhi­cules par­ti­cu­liers il pointe désor­mais dans les 20 pre­miers mon­diaux. Au clas­se­ment des rythmes de crois­sance il arrive aujourd’­hui en tête.

Pour tout acteur mon­dial du sec­teur auto­mo­bile, la pré­sence en Chine consti­tue ain­si une qua­si-obli­ga­tion. Les ventes de Citroën y repré­sen­taient 9 % des ventes totales de PSA hors Europe de l’Ouest en 2001. L’ob­jec­tif est d’at­teindre 18 % en 2004. Cet objec­tif n’est pas propre à PSA et les « offres de ser­vice » des grands groupes auprès des auto­ri­tés chi­noises se mul­ti­plient pour qui a man­qué le train des pre­mières joint ven­tures.

Aujourd’­hui, les trois piliers de l’in­dus­trie locale ont tous au moins deux partenaires.

Cette saine ému­la­tion se tra­duit par l’ac­cé­lé­ra­tion des phases de déve­lop­pe­ment, l’offre de nou­velles formes de coopé­ra­tion : déve­lop­pe­ments de centres tech­niques per­met­tant de relayer le trans­fert tech­no­lo­gique par la construc­tion d’une véri­table capa­ci­té locale de déve­lop­pe­ment ; pre­miers pas dans le domaine du finan­ce­ment automobile.

Pour sai­sir cette oppor­tu­ni­té, le groupe se fon­de­ra sur deux des piliers de sa réus­site actuelle dans le reste du monde et en par­ti­cu­lier en Europe :

  • la pré­sence de deux marques per­met­tant de déve­lop­per deux stra­té­gies com­mer­ciales dif­fé­rentes au ser­vice de clien­tèles différentes,
  • une poli­tique de plate-forme indus­trielle per­met­tant de par­ta­ger les coûts entre plu­sieurs types de véhi­cules tout en per­met­tant de diver­si­fier les modèles. En l’oc­cur­rence, la plate-forme 2 de PSA sera intro­duite en Chine à par­tir de 2004. C’est elle qui, en Europe, a été inau­gu­rée avec la Peu­geot 307.


Cette stra­té­gie s’est tra­duite par la signa­ture d’un nou­vel accord de joint ven­ture qui est l’oc­ca­sion de don­ner éga­le­ment une nou­velle forme à notre coopé­ra­tion : équi­libre dans la répar­ti­tion du capi­tal, orga­ni­sa­tion com­mer­ciale plus proche des stan­dards du groupe, modi­fi­ca­tion des condi­tions de contrôle de l’en­tre­prise par les actionnaires.

Être en Chine, une exigence permanente pour un groupe industriel français

Au-delà des cli­chés sur les oppor­tu­ni­tés chi­noises et la néces­si­té d’y déve­lop­per une stra­té­gie répon­dant point par point au canon de l’Art de la Guerre, il me semble utile de relire notre expé­rience d’un œil plus cri­tique, au moins du point de vue de notre propre enga­ge­ment vis-à-vis de ce pays et de ce mar­ché. L’a­ven­ture chi­noise est celle de l’exi­gence pour au moins trois raisons.

La première est celle du management local

Le mariage arran­gé que consti­tue une joint ven­ture sup­pose un exer­cice quo­ti­dien d’é­qui­libre entre les par­ties. Dans cer­tains cas, comme celui de Peu­geot avec la muni­ci­pa­li­té de Can­ton entre 1986 et 1991, l’af­faire peut débou­cher sur un constat de désac­cord. Dans le cas de Citroën à Wuhan, la tour­nure des évé­ne­ments a été plus favo­rable. Au terme des huit pre­mières années, le mana­ge­ment est reve­nu à la par­tie chi­noise. Le trans­fert de savoir-faire, la conso­li­da­tion des aspects com­mer­ciaux et finan­ciers et l’ac­cé­lé­ra­tion du déve­lop­pe­ment passent donc par de nou­velles formes de mana­ge­ment et par l’as­si­mi­la­tion par le par­te­naire de ces exi­gences. Cela ne va pas de soi. Je veux en citer quelques exemples vécus.

La ges­tion des res­sources humaines pour­rait appa­raître comme la moindre des dif­fi­cul­tés au regard de la sta­bi­li­té répu­tée du pays. Long­temps, la même per­sonne a occu­pé les postes d’ad­mi­nis­tra­teur de la socié­té, de pré­sident du syn­di­cat (et donc secré­taire du PCC de l’en­tre­prise) et de direc­teur des res­sources humaines.

Chaîne de fabrication des Peugeot 307 en Chine
Chaîne de fabri­ca­tion des Peu­geot 307. DOMINIQUE PIZZALLA–PSA PEUGEOT CITROËN

À défaut d’être un modèle de « cor­po­rate gover­nance », ce cumul peut appor­ter un gage d’ef­fi­ca­ci­té dans le dia­logue social ! En fait, la réa­li­té du ter­rain est com­plexe. L’offre de tech­ni­ciens, d’in­gé­nieurs ou de ges­tion­naires n’at­teint pas encore la demande des entre­prises. Les salaires deman­dés par les jeunes diplô­més dépassent lar­ge­ment ceux des cadres diri­geants des entre­prises tra­di­tion­nelles. Pour un salaire net de l’ordre de 3 500 RMB par mois pour un ingé­nieur ou un infor­ma­ti­cien, les demandes se situent au-delà de 15 000 RMB à Shan­ghai ou à Can­ton. Ne pas se limi­ter à l’ex­ploi­ta­tion des coûts de la main-d’œuvre ouvrière est donc un véri­table chal­lenge, en par­ti­cu­lier dans les régions non côtières.

La trans­pa­rence des infor­ma­tions finan­cières ne consti­tue pas non plus un point de ren­contre natu­rel entre par­te­naires. La comp­ta­bi­li­té chi­noise s’o­riente pro­gres­si­ve­ment vers des pra­tiques proches de celles géné­ra­le­ment admises en Occi­dent, mais les règles fis­cales res­tent dif­fi­ciles à appréhender.

Le domaine tech­nique n’é­chappe pas à ces dif­fi­cul­tés. Le rac­cour­cis­se­ment des délais de déve­lop­pe­ment a emprun­té aux États-Unis et en Europe la voie d’une modi­fi­ca­tion des règles de mana­ge­ment des équipes, des condi­tions de rela­tion entre les dif­fé­rents métiers de l’automobile.

Le mana­ge­ment trans­ver­sal est deve­nu la règle et les orga­ni­sa­tions matri­cielles se sont impo­sées. En Chine, ce type d’or­ga­ni­sa­tion n’est pas, loin s’en faut, natu­rel. La rela­tion hié­rar­chique, la pré­émi­nence du rang sur la mis­sion, le pri­mat de l’o­béis­sance sur l’i­ni­tia­tive sont autant de dif­fi­cul­tés à surmonter.

En dix ans près de 200 col­la­bo­ra­teurs du groupe PSA se sont suc­cé­dé en Chine pour avan­cer sur l’en­semble de ces sujets. Le choix qui a été fait est celui de spé­cia­listes de leurs métiers, faute de pou­voir à de rares excep­tions près faire le choix de spé­cia­listes de la Chine.

Le choc de cultures, l’â­pre­té des négo­cia­tions est un basique pour qui a déjà tra­vaillé en Chine.

Je suis per­sua­dé qu’à très court terme ce modèle devra évo­luer au pro­fit de cadres chi­nois, for­més aux tech­niques et au mana­ge­ment en France et dis­po­sant de l’a­van­tage cultu­rel et lin­guis­tique d’une for­ma­tion ini­tiale en Chine et d’une par­faite connais­sance des rouages de la socié­té chinoise.

La seconde exigence est celle des relations entre la joint venture et sa maison mère

Le suc­cès en Chine sup­pose de trou­ver un équi­libre entre l’ap­pli­ca­tion des recettes indus­trielles et com­mer­ciales ayant fait leurs preuves sur les mar­chés tra­di­tion­nel­le­ment concur­ren­tiels et mûrs et la prise en compte des spé­ci­fi­ci­tés chi­noises. En l’oc­cur­rence, PSA n’est pas seule­ment l’ac­tion­naire de la joint ven­ture, il est la source de ses pro­duits, de ses méthodes.

Ces spé­ci­fi­ci­tés s’ap­pliquent natu­rel­le­ment au pro­duit lui-même. Les ZX chi­noises ont ain­si été adap­tées au mar­ché en leur ajou­tant un coffre incon­nu des ver­sions « occi­den­tales » et même 18 cen­ti­mètres entre les places avant et les places arrière pour satis­faire les élites admi­nis­tra­tives. La même adap­ta­tion s’ap­pli­que­ra aux lan­ce­ments qui vont se suc­cé­der chaque année jus­qu’en 2008.

Cet exer­cice indis­pen­sable com­porte deux dif­fi­cul­tés : celle de la bonne lec­ture des spé­ci­fi­ci­tés chi­noises (à n’en pas dou­ter le besoin de coffre ne sub­sis­te­ra pas à un tel niveau d’i­ci les trois pro­chaines années) ; celle des délais et des res­sources néces­saires pour ces adap­ta­tions (un lan­ce­ment majeur tous les sept mois dans notre usine). La construc­tion sur place d’une capa­ci­té de déve­lop­pe­ment sinon auto­nome du moins de bon niveau dans le domaine du mar­ke­ting et du déve­lop­pe­ment tech­nique consti­tue une réponse à ces besoins. Au même titre que les exi­gences de sini­sa­tion des équipes, celle de l’é­qui­libre entre des déve­lop­pe­ments déjà vali­dés et des adap­ta­tions gérées sur place néces­site donc des res­sources spécifiques.

La troisième exigence est celle des relations entre constructeurs et fournisseurs

À cet égard, le groupe PSA béné­fi­cie en Chine des deux cas­quettes au tra­vers des cinq implan­ta­tions de Fau­re­cia sur place dans deux de ses métiers principaux.

La com­plexi­té des rap­ports de force entre construc­teurs et four­nis­seurs consti­tue une pre­mière dif­fi­cul­té. Outre les ves­tiges des anciennes entre­prises d’É­tat ou des conglo­mé­rats mili­taires, les myriades de par­ti­ci­pa­tions croi­sées nuisent à l’é­non­cé d’une stra­té­gie claire et d’une appré­cia­tion objec­tive du tis­su indus­triel local. Les fon­de­ments mêmes de l’acte d’a­chat consti­tuent un véri­table écart avec les meilleures pra­tiques mon­diales. Les pro­grès réa­li­sés par construc­teurs et four­nis­seurs dans leur par­te­na­riat au cours des dix der­nières années res­tent à appli­quer en Chine. Or, ce sec­teur des achats est stra­té­gique pour l’en­tre­prise. La part de la valeur ajou­tée est encore limi­tée et le niveau des charges fixes aura ten­dance à se réduire au fur et à mesure de l’aug­men­ta­tion des volumes. La part des achats, rela­ti­ve­ment au prix de vente, dans le prix de revient d’un véhi­cule chi­nois est encore le double de celui connu en Europe.

La néces­si­té d’une inté­gra­tion locale res­te­ra donc une évi­dence. Elle le res­te­ra pour des rai­sons dif­fé­rentes de celles impo­sées il y a dix ans et qui ont conduit à inté­grer 85 % de la ZX contre 42 % actuel­le­ment pour Picas­so. La régle­men­ta­tion tend en effet à réduire le seuil en deçà duquel des taux de douane pro­hi­bi­tifs sont appli­qués. La sta­bi­li­té moné­taire rend l’in­té­gra­tion locale moins cru­ciale qu’au Mer­co­sur comme parade aux varia­tions moné­taires. Au moins à court terme, l’an­crage du ren­min­bi au dol­lar semble défen­du (la Chine a les plus grandes réserves moné­taires mon­diales). Mais la dépré­cia­tion du dol­lar par rap­port à l’eu­ro fait bien peser un risque sur les coûts locaux compte tenu des parts impor­tées. De plus, l’ex­ploi­ta­tion des avan­tages com­pé­ti­tifs en termes de main-d’œuvre comme la néces­si­té de ne pas peser sur l’u­ti­li­sa­tion de capa­ci­tés de pro­duc­tion euro­péennes consti­tuent des motifs sérieux d’intégration.

En conclu­sion, je me risque à sacri­fier aux pon­cifs des trai­tés de stra­té­gie. Plus que l’Art de la Guerre, je conseille la lec­ture des 36 stra­ta­gèmes qui détaillent les tac­tiques à adop­ter dans les mul­tiples cas de figure d’une bataille « déjà empor­tée » ou « indé­cise ». À l’is­sue d’une négo­cia­tion tou­jours dif­fi­cile, l’in­dus­triel étran­ger a la dou­lou­reuse impres­sion d’en avoir été une nou­velle illus­tra­tion. De fait, nos amis chi­nois excellent dans l’art de faire payer chè­re­ment l’ac­cès à leur mar­ché, tant en termes de par­tage des pou­voirs que de négo­cia­tion stric­te­ment com­mer­ciale. Mais à l’heure où tous les construc­teurs se tournent vers la Chine pour y trou­ver un relais de crois­sance, ces tour­ments passent au second plan. La Chine est clai­re­ment un enjeu stra­té­gique pour notre groupe.

Commentaire

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MICHELrépondre
26 août 2016 à 15 h 43 min

Je connais bien Alain
Je connais bien Alain Sar­to­ris et je pense que ce n’est pas sa pho­to qui est insé­rée dans cet article.… 

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