Start-up nation et licorne

Étymologie :
À propos des X et de la start-up Nation

Dossier : ExpressionsMagazine N°728 Octobre 2017
Par Pierre AVENAS (X65)

Une start-up nation ? Est-ce une nation jeune et dynamique comme une start-up, ou une nation tournée vers les nou­velles tech­nolo­gies et les start-up ? Dans les deux cas, le mot-clef, c’est start-up, qui, encore une fois, est un angli­cisme : pour désign­er une jeune entité à son com­mence­ment, il paraît logique de par­tir du verbe to start, dont le sens usuel est « com­mencer », mais le sens orig­inel de ce verbe est plus spé­ci­fique, comme on va le voir.

Dans start-up, la notion d’élan initial

Le verbe to start sig­nifi­ait en vieil anglais « bondir, faire un mou­ve­ment soudain et impul­sif… », un sens qui se perçoit tou­jours dans des expres­sions comme to wake with a start « se réveiller en sur­saut ». Ce sens ancien se con­tin­ue bien dans le start­ing-block, sur lequel l’athlète s’appuie pour bondir et s’élancer dans la compétition.

Ain­si dans start-up, il y a non seule­ment la notion de com­mence­ment et la volon­té de crois­sance (up), mais plus spé­ci­fique­ment celle d’un élan ini­tial, d’une impul­sion forte don­née au départ de l’entreprise.

Il faut recon­naître que l’expression jeune pousse, recom­mandée en français par le Jour­nal offi­ciel, ne fait pas du tout le même effet que l’anglais : une plan­tule nais­sante évoque un com­mence­ment lent, qui certes peut men­er loin, mais n’est pas jaillissement.

D’ailleurs, l’expression jeune pousse ne fait pas florès et elle est loin de détrôn­er le franglais start-up, comme, par exem­ple, ordi­na­teur l’a emporté sur com­put­er.

Quand la start-up devient licorne

Une autre image vient à l’esprit : celle de la start­ing-gate, qui s’ouvre pour libér­er les chevaux prêts à se lancer sur la piste.
Est-ce en com­para­nt les start-up à des chevaux de course qu’Aileen Lee, fon­da­trice de Cow­boy Ven­tures et très en vue dans le monde des start-up et du ven­ture cap­i­tal, a qual­i­fié de licorne (uni­corn en anglais), dans un arti­cle de 2013 sur TechCrunch, toute start-up ayant atteint une val­ori­sa­tion de plus d’un mil­liard de dollars ?

Des start-up ayant donc con­nu un suc­cès excep­tion­nel, sinon fab­uleux, aus­si fab­uleux que ce cheval blanc muni d’une corne tor­sadée, la licorne.

Il existe moins de 200 licornes dans le monde, dont par exem­ple la française BlaBlaCar et l’israélienne IronSource.

L’origine de la licorne remonte à l’Antiquité. Le grec monokeros, puis le latin uni­cor­nis ont qual­i­fié des ani­maux à une corne, réels ou plus sou­vent imaginaires.

D’où en ancien français l’adjectif uni­corne et l’animal fab­uleux, l’uni­corne, avec un seul mot pour l’adjectif et l’animal, comme en anglais uni­corn ou en ital­ien uni­corno, mais pas en français mod­erne, car le nom de l’animal fab­uleux devient licorne à par­tir du XIVe siècle.


POURQUOI LICORNE EN FRANÇAIS ?

On peut penser à une con­fu­sion dans les arti­cles : uni­corne com­pris comme une icorne, d’où l’icorne et finale­ment la licorne. L’influence de l’ancien ital­ien alicorno, vari­ante de uni­corno, et invo­quée par cer­tains auteurs, mais elle reste hypothétique.

Il y a du mys­tère autour de la licorne, y com­pris dans l’étymologie de son nom en français !


Épilogue

Le suc­cès du terme licorne, avec son allure médié­vale, voire suran­née, est un peu éton­nant dans ce monde ultra-mod­erne des start-up, où l’on se risque même à par­ler de déca­cornes et de super­licornes !

Les X aus­si asso­cient la moder­nité et les sym­bol­es, comme celui du bicorne qui leur est remis céré­monieuse­ment par leurs anciens. Et quand on a porté le bicorne, rien n’empêche de se tourn­er vers les licornes…

Tapisserie de la Dame à la Licorne
La Dame à la Licorne, musée de Cluny

Décou­vrir les chroniques Ety­mologiX de Pierre Avenas

Poster un commentaire