Identifier la fin d'un cycle professionnel avec les soft skills

Les soft skills pour identifier la fin d’un cycle professionnel

Dossier : Soft skillsMagazine N°787 Septembre 2023
Par Bhadraka HARANG (X10)
Par Guenolée de CARMOY
Par Mathilde LAGUËS (X97)

Une dif­fi­culté peut être appréhendée soit comme un prob­lème à résoudre, soit comme une sit­u­a­tion inédite à valeur d’enseignement, qui mérite d’être ren­con­trée et appro­fondie, et dont les ten­ants et aboutis­sants sont sou­vent inac­ces­si­bles de prime abord car incon­scients. Dans le con­texte pro­fes­sion­nel, savoir iden­ti­fi­er les sig­naux, sou­vent incon­scients, de la fin d’un cycle pro­fes­sion­nel et men­er à bien la phase d’introspection qui aboutit à une nou­velle direc­tion sont des com­pé­tences clés pour une car­rière réussie.

Nous avons sou­vent été encour­agés à cul­tiv­er le réflexe de chercher à résoudre une dif­fi­culté, lorsqu’elle appa­raît. Un prob­lème appelle, automa­tique­ment, une solu­tion. Mais les prob­lèmes, qu’ils touchent à la sphère pro­fes­sion­nelle ou à la sphère per­son­nelle, sont comme les mal­adies. Ce sont par­fois les symp­tômes d’un sché­ma qui ne con­vient plus. Les soft skills peu­vent nous inviter à abor­der les choses différemment.

Avant de s’empresser à le résoudre, il peut être utile de regarder le prob­lème comme un sig­nal, un indi­ca­teur à valeur d’enseignement. D’où vient cette sit­u­a­tion ? Qu’a‑t-elle à nous appren­dre ? Savoir nav­iguer une péri­ode de ques­tion­nement et de repo­si­tion­nement pro­fes­sion­nel est une com­pé­tence clé pour men­er une car­rière durable, épanouis­sante et utile. Ces phas­es de tran­si­tions mobilisent de nom­breuses soft skills, tant dans la phase d’introspection que dans la mise en œuvre d’un nou­veau pro­jet pro­fes­sion­nel. C’est en tout cas l’expérience que nous, auteurs de ce texte, avons faite per­son­nelle­ment et que nous avons doc­u­men­tée en accom­pa­g­nant et en étu­di­ant ce type de tran­si­tions professionnelles.

“Ces phases de transitions mobilisent de nombreuses soft skills.”

Dans le passé, Mathilde Laguës (X97) a été direc­trice des affaires sci­en­tifiques dans un lab­o­ra­toire phar­ma­ceu­tique, Bhadra­ka Harang (X10) tra­vail­lait à la stratégie de BlaBlaCar et Guenolée de Car­moy est passée par HEC (2008) et le secteur ban­caire, avant de recon­fig­ur­er leurs réal­ités pro­fes­sion­nelles. Pour illus­tr­er et appro­fondir ce pro­pos, nous vous invi­tons à suiv­re avec nous le proces­sus typ­ique qui per­met d’identifier la fin d’un cycle pro­fes­sion­nel, jusqu’à l’émergence d’une nou­velle direction.

Identifier la fin d'un cycle professionnel avec les soft skills

Situation initiale

Prenons l’exemple fic­tif de Marc. Bon élève, studieux, déter­miné, Marc a réus­si ses études. Il démarre sa vie pro­fes­sion­nelle à un poste stim­u­lant, à respon­s­abil­ités, dans une entre­prise recon­nue. Marc a été repéré à haut poten­tiel par les RH de son entre­prise. Il aime les défis qui lui sont lancés, sa car­rière s’annonce bril­lante. Il y a bien quelques petits détails qui coin­cent, mais Marc n’y prête pas atten­tion. Il n’a pas le droit de se plain­dre, beau­coup rêveraient d’être à sa place. Peu à peu, Marc oublie de se deman­der si sa vie lui con­vient. Sur le papi­er, pour sa famille, il coche toutes les cas­es. Encour­agé par ses per­spec­tives pro­fes­sion­nelles, la sécu­rité matérielle, il s’engage dans sa vie per­son­nelle. Il se marie et a des enfants.

Nous con­stru­isons notre tra­jec­toire en nous appuyant autant sur nos appé­tences person­nelles que sur ce que l’on nous a encour­agés à aimer ou à désir­er, ce que l’on nous a présen­té comme val­able, et sur les attentes qui ont été placées en nous. Le « bon élève » est sou­vent pris par le souhait d’être à la hau­teur de ce que l’on attend de lui, d’autant plus qu’il en est capa­ble. Les pre­miers choix de car­rière con­stituent sou­vent une réponse à un envi­ron­nement cul­turel et familial.

Inconfort invisible

En réal­ité, Marc n’est pas tout à fait aligné avec ses valeurs à lui. Il peine à trou­ver un équili­bre avec sa vie per­son­nelle. Il mul­ti­plie les angines, y com­pris en été. Petit à petit, l’inconfort grandit.

Cette tra­jec­toire con­stru­ite sur un référen­tiel majori­taire­ment extérieur présente cepen­dant un coût invis­i­ble, car par­fois en dis­cor­dance avec un référen­tiel intérieur d’abord inac­ces­si­ble car incon­scient. Ce sché­ma de fonc­tion­nement con­duit nom­bre de high achiev­ers à faire pass­er les attentes du monde extérieur avant leurs pro­pres besoins, y com­pris cor­porels, met­tant pro­gres­sive­ment en péril l’équilibre du corps et donc la santé.

Dans notre exem­ple, mal­gré tous ses suc­cès, depuis sa petite enfance Marc manque de con­fi­ance en lui : il cherche en per­ma­nence la val­i­da­tion de son man­ag­er, il lui envoie le sig­nal qu’il est prêt à faire plus ; il aug­mente ses deman­des et son niveau d’exigence ; il tra­vaille trop ; Marc fait pass­er son besoin de recon­nais­sance avant ses besoins pri­maires (som­meil, repas équili­brés, temps en famille..) ; ses rela­tions de cou­ple se tendent.

Ain­si, c’est sou­vent par le corps que vont venir les sig­naux du déséquili­bre, comme dans notre exem­ple les angines à répéti­tion de Marc. Mais le malaise peut aus­si se faire sen­tir par d’autres biais : dés­in­vestisse­ment dans les rela­tions ami­cales ou famil­iales, sup­pres­sion ou sur­in­vestisse­ment dans les loisirs, aug­men­ta­tion des addic­tions « pour tenir » (tabac, alcool, jeux vidéo, café, bois­sons éner­gisantes…), con­flits répétés, trou­bles du som­meil, blessures à répéti­tion, dif­fi­cultés dans la ges­tion de la colère ou du stress… Les sig­naux peu­vent être de nature très différente.

Événement perturbateur

Un jour, il se passe quelque chose : un con­flit de trop avec son man­ag­er au sujet d’une présen­ta­tion dans laque­lle il a mis toute son énergie. Sa con­jointe lui reproche de n’avoir pas été présent pour dîn­er en semaine depuis plus d’un mois, c’est tou­jours elle qui court pour pren­dre le relai de la nour­rice, qui assure tous les ren­dez-vous de pédi­a­tre. Marc perd sa voix, il retourne chez le médecin pour traiter une nou­velle angine. Il com­prend que ça ne va pas, il faut agir. Mais com­ment ? Marc prend une semaine de vacances, pour se repos­er. Il a guéri, récupéré de l’énergie. Ce n’était pas si grave que ça, après tout. Il reprend sa vie comme avant. Ça va aller. Sauf que ça ne fonc­tionne plus. Son cou­ple en souf­fre tou­jours. Sa femme est furieuse car, même à la mai­son, il est épuisé et ne con­tribue pas plus à la vie de la famille. Il tombe de plus en plus sou­vent malade. Il dort mal. Ses amis, son entourage com­men­cent à s’inquiéter. Marc finit par enten­dre le mes­sage que sa vie lui adresse. Il recon­naît que ça ne va pas. 

Recherche de solutions alternatives : volonté d’agir immédiatement

Marc est un homme d’action. Un prob­lème se règle avec une solu­tion. Le prob­lème vient du tra­vail ? il se met à chercher du tra­vail. À un autre poste sim­i­laire dans une autre entre­prise. Avec un autre man­ag­er, ça sera réglé. En réal­ité, il cherche à fuir. Marc envoie 46 can­di­da­tures, pas tou­jours ‑qual­i­fiées, sou­vent tard dans la nuit. Il répond à tous les chas­seurs de têtes qui lui ont écrit sur LinkedIn. Il accepte un nou­veau job : le même type de poste chez un con­cur­rent. Il cherche tou­jours la val­i­da­tion de sa ‑man­ag­er. Celle-ci se dit qu’elle a fait le meilleur recrute­ment de l’année, quel pro­fes­sion­nal­isme et quel engage­ment ! Il veut sat­is­faire son nou­v­el employeur, jus­ti­fi­er la belle aug­men­ta­tion de salaire qu’il a ‑obtenue : nou­veau poste veut dire grand ‑investisse­ment, pas de vacances… Marc tra­vaille trop. Il manque le gala de danse de sa fille. Elle est déçue et tente de le cacher, mais il le voit bien. Sa femme ne se réjouit pas de sa pro­mo­tion. Les angines reviennent.

Notre mou­ve­ment naturel est en général de chercher l’origine du prob­lème dans ce que nous voyons : prin­ci­pale­ment, le monde autour de nous. Ce qui n’est en général pas per­cep­ti­ble, à ce stade, ce sont les racines intérieures du prob­lème : nos sché­mas de fonc­tion­nement, nos modal­ités habituelles de réac­tion au monde extérieur, nos loy­autés incon­scientes, nos croy­ances lim­i­tantes. Une fois le prob­lème iden­ti­fié, alors nous avons appris à le résoudre. En changeant, là aus­si, les paramètres extérieurs : le lieu de tra­vail, les horaires, le con­texte. Une dif­fi­culté est sou­vent asso­ciée à une éval­u­a­tion péjo­ra­tive. Elle doit être résolue, rapidement.

Dans notre exem­ple, Marc n’a pas encore décodé le mes­sage que son corps lui envoie. Il con­tin­ue à ne pas ques­tion­ner ses valeurs, ses besoins pro­pres. Sans les pren­dre en compte, l’épanouissement ne sera pas pos­si­ble. Marc est imprégné de croy­ances héritées de sa famille : le tra­vail et le plaisir, ce sont deux choses incom­pat­i­bles ; il faut tra­vailler dans une grande entre­prise pour garan­tir la sécu­rité matérielle de sa famille ; le monde du tra­vail est sans pitié, il faut savoir faire des sac­ri­fices ; les émo­tions sont signes de faib­lesse, un homme n’est pas cen­sé avoir des faib­less­es – tant qu’il sera agi par ce type de sché­ma interne, Marc ne pour­ra que repro­duire un sché­ma sim­i­laire, dans un con­texte un peu différent.

Sortie du déni

Un jour, c’est dans son cou­ple que la dis­pute éclate. Ça ne va plus. Il faut que ça change. Il com­prend qu’il a besoin d’aide. Des amis, de la famille, un coach, un thérapeute. Marc trou­ve des oreilles bien­veil­lantes et com­mence à se pos­er les bonnes ques­tions. De quoi s’agit-il, en réal­ité ? Qu’est-ce qui est souf­frant, dans cette sit­u­a­tion. Quels sont ces besoins, pour­tant vitaux, qu’il a si longtemps ignorés ? Et pourquoi ? Qu’est-ce qu’il aime, dans le fond ? Qu’est-ce qui est vrai­ment impor­tant pour lui, au-delà de ce qu’on lui a appris à aimer, de ce qu’on l’a con­duit à désirer ? 

Recon­naître que ça ne va pas est la pre­mière étape vers la réso­lu­tion de la sit­u­a­tion. C’est pour­tant sou­vent la plus dif­fi­cile. Surtout quand on est ani­mé par des moteurs internes aus­si puis­sants que « tu dois être fort », « il faut gag­n­er », qui inter­dis­ent à toute forme de dif­fi­culté ou de faib­lesse de se man­i­fester. Marc, qui a l’habitude de réus­sir dans sa vie, prend con­science que quelque chose lui échappe. Il n’arrive pas à résoudre cette équa­tion-là. En tout cas, pas tout seul. C’est ce qui le con­duit à aller chercher ailleurs. D’autres façons de réfléchir, d’autres out­ils de trans­for­ma­tion. Avant de résoudre, il y a quelque chose à com­pren­dre, quelque chose d’encore invis­i­ble à faire apparaître. 

C’est là qu’interviennent les soft skills, dans le proces­sus de trans­for­ma­tion : ce sont les out­ils pour abor­der la dimen­sion du prob­lème qui n’est pas objec­tivable, qui ne se met pas en équa­tion. Car nous ne pou­vons pas abor­der cer­taines dif­fi­cultés sans pren­dre en compte notre pro­pre sub­jec­tiv­ité (et rien n’est moins naturel pour un ingénieur !). Para­doxale­ment, ce qui va être le plus utile, dans ce type de sit­u­a­tion, c’est d’abord de rester avec le prob­lème, aus­si incon­fort­able soit-il. Ain­si, les enseigne­ments vont pou­voir émerg­er et les change­ments utiles pou­voir s’opérer. Nous allons voir cela dans la suite du proces­sus. Pour­suiv­ons notre chemin avec Marc.

Remise en question, chaos

Avec toutes ces ques­tions, la solu­tion devrait com­mencer à se dessin­er. Pour­tant c’est le con­traire qui se passe. Chaque ques­tion amène des ques­tions sup­plé­men­taires. Il n’a plus envie de vivre sa vie pro­fes­sion­nelle à ce rythme effréné. Il a envie de pass­er plus de temps avec sa famille. Mais il a peur de ne plus pou­voir assumer le loy­er de leur grand apparte­ment. Et puis, pour faire quoi ? Il aime les maths. Un méti­er plus tech­nique ? Non, il en a marre de devoir con­va­in­cre, faire des présen­ta­tions, être con­stam­ment chal­lengé. Marc a con­stam­ment mal à la gorge, il dort mal. Il ne se sent pas à la hau­teur. Pour y arriv­er, il faut être un gag­neur, il faut avoir l’esprit de com­péti­tion. Il ne l’a pas. Ça ne marchera pas pour lui. Découragé, il com­mence à partager ses doutes avec sa femme. Elle l’écoute, lui con­seille d’en par­ler avec ses amis. Lui qui avait jusqu’alors tou­jours tout bril­lam­ment réus­si tout seul, il n’a pas d’autre issue que de s’appuyer sur son entourage, de recevoir de l’aide, de s’autoriser à être soutenu. 

Lorsque l’on com­mence à regarder au bon endroit, ce qui appa­raît en pre­mier, ce n’est pas la solu­tion. C’est l’étendue du problème.

Avant de pou­voir résoudre, il faut pren­dre la pleine mesure de la com­plex­ité de la sit­u­a­tion à laque­lle on s’adresse. Le nœud est con­sti­tué de nos croy­ances pro­fondes et de tout ce qui nous a empêchés de faire autrement jusqu’alors : nos freins, nos lim­ites acquis­es, nos peurs incon­scientes. La peur de décevoir notre famille, de ne pas être à la hau­teur… Tout ce sur quoi nous nous sommes con­stru­its. C’est pourquoi, quand on com­mence à y regarder, en général c’est ver­tig­ineux. C’est un proces­sus de lev­ée d’anesthésie : quand on accepte de com­mencer à sen­tir la douleur, alors on va pou­voir met­tre en œuvre les soins appropriés.

Le chemin passe par la redé­cou­verte de nos besoins pri­maires : rééquili­br­er notre som­meil, notre ali­men­ta­tion, notre besoin de mou­ve­ment, de détente. De la même façon, on n’attend pas d’un enfant qu’il aille à l’école lorsqu’il a de la fièvre : d’abord on le soigne, ensuite revien­dra le temps de l’apprentissage. Ain­si que le besoin de plaisir : c’est par le jeu que l’enfant apprend, se développe. Sans plaisir, il ne peut plus y avoir de progression.

Lâcher-prise

Marc finit par lâch­er ses ques­tions, qui n’amènent que des ques­tions et des maux de tête. Il n’y arrive plus, de toute façon. Il est en arrêt mal­adie pour un mois. Il s’occupe de lui, de façon beau­coup plus prag­ma­tique. Son corps l’a rap­pelé à l’ordre, il n’a pas le choix. Dormir suff­isam­ment. Stim­uler son sys­tème immu­ni­taire. Chercher des solu­tions naturelles pour apais­er la brûlure per­ma­nente de sa gorge. Il lâche du lest sur son tra­vail. Il ne sera pas à la hau­teur, tant pis ! Il va chercher sa fille à son cours de danse, aide ses enfants dans leurs devoirs, lit l’histoire du soir. Il va courir toutes les semaines avec un ami. Il n’a aucune idée de là où il va. Puisque l’heure n’est pas à con­stru­ire de grands pro­jets de car­rière, autant laiss­er entr­er un peu de plaisir. 

Para­doxale­ment, c’est lorsqu’on lâche l’objectif – et par con­séquent le futur – des yeux, pour revenir à la réal­ité des besoins de l’instant présent, que nous com­mençons à avancer vers la suite, sans s’en ren­dre compte.

Dans notre exem­ple, Marc reprend con­tact avec ses besoins fon­da­men­taux : il se libère de ses injonc­tions à être tou­jours au top, il accepte son état actuel ; il soigne son corps (som­meil, gorge) et retrou­ve la san­té ; il soigne ses rela­tions qui sont le pili­er de son bien-être, le lien à sa famille, ses enfants, ses amis ; il s’autorise à vivre du plaisir et de la détente.

Déclic

Marc récupère. Marc s’amuse. Il ne sait tou­jours pas où il va, mais le sourire revient. La joie revient. Il con­stru­it des maque­ttes en car­ton avec ses enfants pour leur expli­quer la géométrie. Marc se sou­vient : ce qui l’animait, quand il était enfant. Quand il jouait à faire la classe… Et c’est là, au moment où il ne l’attend plus, que com­mence à venir la pre­mière réponse. Être en com­pag­nie d’enfants, expli­quer, don­ner à com­pren­dre, manier les notions math­é­ma­tiques. Prof de maths, voilà ce qu’il a tou­jours voulu faire, en réalité. 

L’enfant, quand il est épuisé, tombe de som­meil. Le matin, il sort de son lit reposé, en pleine forme, plein de joie et d’élan vers les décou­vertes de la journée. De la même façon, lorsque la récupéra­tion a eu lieu, le mou­ve­ment reprend de façon naturelle. L’élan pre­mier est tou­jours là, notre tra­vail n’est pas de le faire naître, mais de retir­er les obsta­cles qui en entra­vent l’apparition. De la même façon qu’on ne fait pas réciter ses leçons à un enfant au milieu de la nuit, il est inutile et même con­tre-pro­duc­tif de forcer la mise en mou­ve­ment pen­dant une péri­ode de récupéra­tion. Le corps, et le psy­chisme, sauront recon­naître le moment où l’énergie est de nou­veau suff­isante pour aller sur un nou­veau chemin. 

Pour un ingénieur, il est en général frus­trant, voire inac­cept­able, d’envisager que cette mise en route ne puisse ni se prévoir, ni se con­stru­ire. En vérité, elle se pré­pare en accep­tant de tra­vers­er toutes les étapes que nous avons décrites plus haut. Et, de la même façon que le soleil se lève après chaque nuit, elle aura inévitable­ment lieu. Le sig­nal de ce déclic est sou­vent l’envie. C’est l’envie de jouer (ou celle de manger) qui sort l’enfant du lit. Dans notre exem­ple, c’est l’envie d’enseigner qui va per­me­t­tre à Marc de recon­necter son énergie et d’aller explor­er la suite. 

Mise en route

L’envie ne suf­fit pas. Il faut ensuite la con­fron­ter avec le réel : repren­dre le chemin de l’école, financer les étapes, trou­ver la con­fi­ance, s’ajuster face à l’imprévu, bâtir pas à pas les bases d’un nou­veau fonc­tion­nement (ce proces­sus est détail­lé dans l’ouvrage très doc­u­men­té Tout pla­quer avec suc­cès). C’est un proces­sus pro­gres­sif pour lequel il est bon de con­tin­uer à recevoir du sou­tien. Il existe aus­si le piège de croire que la « nou­velle vie » à laque­lle nous sommes par­venus est un point d’arrivée, une sit­u­a­tion finale dépourvue des dif­fi­cultés que nous pou­vions ren­con­tr­er aupar­a­vant. En vérité, c’est une nou­velle étape qui se con­stru­it sur les appren­tis­sages précé­dents et porte de nou­veaux défis.

“Les soft skills sont les ressources les plus précieuses dont nous disposons.”

Finale­ment, Marc démarre une nou­velle vie pro­fes­sion­nelle, dans laque­lle il est tou­jours très engagé, il tra­vaille beau­coup, par­fois trop. Il lui arrive d’avoir des angines, d’être moins disponible pour sa famille. C’est pareil qu’auparavant, en fin de compte, pour­rait penser son entourage, depuis l’extérieur. Mais Marc, lui, sait que tout a changé. À l’intérieur. Avec tout ce chemin, il a appris à sen­tir, à s’écouter, à se ques­tion­ner, à par­ler de lui. Il s’est ren­con­tré. Sa rela­tion avec lui-même s’est considérable­ment dévelop­pée. Et sa rela­tion avec son entourage est for­cé­ment pro­fondé­ment trans­for­mée, elle aus­si, même si ce n’est pas per­cep­ti­ble de l’extérieur. Marc s’était aban­don­né, il s’est retrou­vé et il se promet qu’il ne se lais­sera plus tomber.

Il est indis­pens­able, à chaque étape du proces­sus, de garder un œil sur son mode de fonc­tion­nement : nos habi­tudes comporte­mentales, nos croy­ances pro­fondes sont des chaus­sons con­fort­a­bles qu’il est facile d’enfiler à nou­veau sans s’en ren­dre compte.

Nécessité des soft skills

Ce chem­ine­ment de la recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle que nous venons de décrire est en réal­ité un cycle de trans­for­ma­tion que nous allons par­courir sous dif­férentes formes à toutes les étapes de notre vie. Il s’applique à dif­férents domaines : notre pos­ture pro­fes­sion­nelle comme nos rela­tions, notre créa­tiv­ité… Cer­tains chem­ine­ments durent des années, cer­tains quelques jours. De la même façon que pour marcher il faut remet­tre en jeu l’équilibre à chaque pas en soule­vant un pied, chaque étape de notre développe­ment passe par une remise en ques­tion, tou­jours incon­fort­able, d’une forme d’équilibre chère­ment acquise. Ce qui per­met de garder la sta­bil­ité, même dans une péri­ode d’instabilité, c’est l’invariable du sys­tème : nous-mêmes. C’est pour cette rai­son que les soft skills et toute la con­nais­sance de soi que nous pou­vons dévelop­per par leur biais sont les ressources les plus pré­cieuses dont nous dis­posons pour tra­vers­er nos incon­forts et les trans­former en progrès.


Références

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