Compensation nationale entre affiliés des différents régimes

Les retraites des professions non salariées

Dossier : Les retraitesMagazine N°609 Novembre 2005Par : Henri CHAFFIOTTE (68), directeur de la Caisse autonome de retraite des médecins de France

Lors de la créa­tion de la Sécu­rité sociale après la fin de la Sec­onde guerre mon­di­ale, il avait été envis­agé un régime unique de retraite pour l’ensem­ble des Français. Le régime général, créé par les ordon­nances des 4 et 19 octo­bre 1945, avait voca­tion à regrouper l’ensem­ble des régimes, mais une pre­mière excep­tion con­cer­nait les régimes spé­ci­aux (fonc­tion­naires, agents des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales, Mines, EDF-GDF…) main­tenus ” pro­vi­soire­ment ” et péren­nisés en 1946.

Pour les non-salariés, qui étaient aupar­a­vant dépourvus de toute assur­ance vieil­lesse oblig­a­toire, le principe de général­i­sa­tion et d’u­nité avait été inscrit dans la loi du 22 mai 1946, mais les par­tic­u­lar­ismes pro­fes­sion­nels étaient tels que des régimes autonomes furent instau­rés par la loi du 17 jan­vi­er 1948 pour respec­tive­ment les exploitants agri­coles, les arti­sans, les indus­triels et com­merçants, et les pro­fes­sions libérales groupées en 14 sec­tions pro­fes­sion­nelles, les avo­cats con­ser­vant un régime spé­ci­fique (loi du 12 jan­vi­er 1948).

Mal­gré leurs dif­férences, tous ces régimes étaient fondés sur un principe com­mun, la répar­ti­tion, avec pour corol­laire le car­ac­tère oblig­a­toire des coti­sa­tions. Dans ce sys­tème, les retraites payées chaque année sont financées par les coti­sa­tions perçues au cours de la même année, à l’in­verse de la cap­i­tal­i­sa­tion où les retraites sont financées par les coti­sa­tions et les revenus financiers accu­mulés par les coti­sants au cours de leur vie active.

Par la suite ont été créés pro­gres­sive­ment des régimes com­plé­men­taires : AGIRC (1947) pour les cadres et ARRCO (de 1962 à 1972) pour les salariés non-cadres, dès 1948 pour cer­taines pro­fes­sions libérales, mais très récem­ment (2004) pour les com­merçants et industriels.

Les Pou­voirs publics ont tou­jours eu pour objec­tif de rap­procher les régimes de base des non-salariés du régime général des salariés.

C’est ain­si que les régimes des arti­sans, com­merçants et indus­triels ont été ” alignés ” sur le régime général en 1973.

Mais il a fal­lu atten­dre la loi ” Fil­lon ” du 22 août 2003 por­tant réforme des retraites, pour que les con­di­tions de départ à la retraite soient véri­ta­ble­ment har­mon­isées entre le régime général, les régimes spé­ci­aux et les régimes des non-salariés.

Cette loi a égale­ment créé des régimes com­plé­men­taires oblig­a­toires pour les pro­fes­sions qui n’en avaient pas encore (com­merçants et industriels).

On exam­in­era donc après un bref rap­pel de l’or­gan­i­sa­tion des régimes des pro­fes­sions non salariées les régimes de base qui présen­tent main­tenant de grandes simil­i­tudes et les régimes com­plé­men­taires qui restent spécifiques.

L’organisation des régimes de retraite des non-salariés

Depuis leur créa­tion, les régimes de retraite des pro­fes­sions indépen­dantes sont organ­isés de manière autonome. Toute­fois, la loi du 9 décem­bre 2004 prévoit la créa­tion d’un régime social unique des indépen­dants, dont les con­tours restent à définir.

L’organisation actuelle

Les organ­ismes de retraite des indépen­dants (voir encadré) sont admin­istrés par des pro­fes­sion­nels élus pour six ans par leurs pairs, con­traire­ment aux organ­ismes de régime général qui sont com­posés à par­ité de représen­tants des organ­i­sa­tions patronales et syn­di­cales. Bien que gérant un ser­vice pub­lic, ils ont un statut de droit privé.

Les caisses de retraite des non-salariés

MSA (Mutu­al­ité sociale agri­cole) – www.msa.fr
ORGANIC (Organ­i­sa­tion autonome nationale de l’industrie et du com­merce) – www.organic.fr
CANCAVA (Caisse autonome nationale de com­pen­sa­tion de l’assurance vieil­lesse des arti­sans) – www.cancava.fr
CNAVPL (Caisse nationale d’assurance vieil­lesse des pro­fes­sions libérales) – www.cnavpl.fr
CRN (Caisse de retraite des notaires) – www.crn.fr
CAVOM (Caisse d’assurance vieil­lesse des officiers min­istériels, officiers publics et des com­pag­nies judi­ci­aires) – www.cavom.fr
CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France) – www.carmf.fr
CARCD (Caisse autonome de retraite des chirurgiens-den­tistes) – www.carcd.tm.fr
CAVP (Caisse d’assurance vieil­lesse des phar­ma­ciens) – www.cavp.fr
CARSAF (Caisse autonome de retraite des sages-femmes français­es) – www.carsaf.fr
CARPIMKO (Caisse autonome de retraite et de prévoy­ance des infir­miers, masseurskinésithérapeutes, pédi­cures-podologues, ortho­phon­istes et orthop­tistes) – www.carpimko.fr
CARPV (Caisse autonome de retraite et de prévoy­ance des vétéri­naires) – www.carpv.veterinaire.fr
CAVAMAC (Caisse d’allocation vieil­lesse des agents généraux et des man­dataires non salariés de l’assurance et de la cap­i­tal­i­sa­tion) – www.cavamac.fr
CAVEC (Caisse d’assurance vieil­lesse des experts-compt­a­bles et des com­mis­saires aux comptes) – www.cavec.fr
CIPAV (Caisse inter­pro­fes­sion­nelle de prévoy­ance et d’assurance vieil­lesse) – www.cipavberri.org
CNBF (Caisse nationale des bar­reaux français) – www.cnbf.fr
CAVIMAC (Caisse d’assurance vieil­lesse, inva­lid­ité et mal­adie des cultes) – www.cavimac.fr

La retraite des exploitants agri­coles est gérée, comme leur assur­ance mal­adie, par la Mutu­al­ité sociale agri­cole (MSA) qui gère égale­ment la pro­tec­tion sociale des salariés agri­coles. De statut mutu­al­iste, elle com­prend une caisse cen­trale et des caiss­es locales (cinquante-huit en 2005).

La retraite des com­merçants et indus­triels est gérée par le réseau ORGANIC (Organ­i­sa­tion autonome nationale de l’in­dus­trie et du com­merce) con­sti­tuée d’une caisse nationale, de vingt-sept caiss­es régionales inter­pro­fes­sion­nelles et de trois caiss­es professionnelles.

La retraite des arti­sans est gérée par le réseau AVA (Assur­ance vieil­lesse des arti­sans) et com­prend une caisse nationale, la CANCAVA, trente caiss­es régionales inter­pro­fes­sion­nelles et deux caiss­es cen­trales professionnelles.

Les caiss­es nationales déter­mi­nent la poli­tique générale, ven­ti­lent les ressources et coor­don­nent l’ac­tion des caiss­es de base, qui sont chargées des rap­ports avec les affil­iés, du recou­vre­ment des coti­sa­tions et du paiement des prestations.

La retraite des pro­fes­sions libérales est gérée par l’Or­gan­i­sa­tion autonome des pro­fes­sions libérales qui com­prend une caisse nationale, la CNAVPL, et onze caiss­es professionnelles.

La caisse nationale coor­donne la ges­tion du régime de base, mais les sec­tions pro­fes­sion­nelles gèrent les régimes com­plé­men­taires de façon autonome.

Par ailleurs, la retraite des avo­cats est gérée par une caisse séparée, la Caisse nationale des bar­reaux français (CNBF).

Enfin, la retraite des religieux est gérée par la CAVIMAC, Caisse d’as­sur­ance vieil­lesse, inva­lid­ité et mal­adie des cultes.

Pour l’ensem­ble de ces caiss­es, la liber­té de ges­tion est toute rel­a­tive puisque les car­ac­téris­tiques des régimes sont fixées par les pou­voirs publics (lois et décrets), qui exer­cent par ailleurs un pou­voir de tutelle (appro­ba­tion des bud­gets, con­trôle des déci­sions, con­trôle de la gestion).

Le Régime social des indépendants (RSI)

Dans le cadre des mesures de sim­pli­fi­ca­tion du droit mis­es en œuvre par les Pou­voirs publics, la loi du 9 décem­bre 2004 a prévu la créa­tion par ordon­nance d’un Régime social des indépen­dants, qui exercera les mis­sions d’un inter­locu­teur social unique et regroupera la ges­tion de l’ensem­ble des presta­tions sociales assurées par les dif­férentes caiss­es non agri­coles (à l’ex­cep­tion de l’as­sur­ance vieil­lesse des pro­fes­sions libérales).

Les élec­tions des futurs Con­seils d’ad­min­is­tra­tion sont prévues en 2006, mais dans la pra­tique, la fusion des organ­ismes devrait deman­der plus de temps.

Por­tant sur l’or­gan­i­sa­tion, ces dis­po­si­tions ne mod­i­fieront pas les car­ac­téris­tiques des régimes, de base et com­plé­men­taires, résul­tant de la loi Fillon.

Des régimes de base en voie d’harmonisation

Si des dis­par­ités sub­sis­tent entre les coti­sa­tions et les mon­tants de retraites, les con­di­tions d’ou­ver­ture des droits sont désor­mais les mêmes pour tous les régimes.

Les cotisations

Les coti­sa­tions des régimes des com­merçants, indus­triels et arti­sans, sont alignées sur celles du régime général, soit 16,45 % du revenu dans la lim­ite du pla­fond annuel de la Sécu­rité sociale (30 192 € en 2005). Elles sont cal­culées à titre prévi­sion­nel sur le revenu pro­fes­sion­nel non salarié de l’an­née n‑2, et font l’ob­jet d’une régu­lar­i­sa­tion dès que le revenu de l’an­née con­sid­érée est connu.

Pour les pro­fes­sions libérales, l’assi­ette et le taux des coti­sa­tions ont été mod­i­fiés pour toutes les pro­fes­sions à par­tir du 1er jan­vi­er 2004. Deux taux de coti­sa­tions s’ap­pliquent à deux tranch­es de revenus :

  • 8,6 % sur les revenus inférieurs à 85 % du pla­fond de la Sécu­rité sociale (soit 25 663 € en 2005),
  • 1,6 % sur les revenus supérieurs à 85 % du pla­fond de la Sécu­rité sociale et inférieurs à 5 fois ce pla­fond (150 960 €).


Pour les avo­cats, la coti­sa­tion com­prend une part for­faitaire, fonc­tion de l’an­ci­en­neté (1 380 € max­i­mum) et une part pro­por­tion­nelle de 2 % du revenu (pla­fon­né à 229 320 € en 2005).

Enfin, les exploitants agri­coles ont une dou­ble cotisation :

  • Assur­ance vieil­lesse agri­cole (AVA) : 10,97 % sur les revenus inférieurs au pla­fond de la Sécu­rité sociale ; 1,64 % pour les revenus au-dessus du plafond.
  • Assur­ance vieil­lesse indi­vidu­elle (AVI) : 3, 2 % sur les revenus inférieurs au pla­fond de la Sécu­rité sociale.


Les tra­vailleurs indépen­dants ont de plus la pos­si­bil­ité de cotis­er volon­taire­ment sur une assi­ette minorée pour leur con­joint col­lab­o­ra­teur. Toute­fois, une loi récente du 2 août 2005 a apporté des mod­i­fi­ca­tions devant être pré­cisées par décret.

Les retraites

Si les modal­ités de cal­cul restent dif­férentes, la loi Fil­lon du 21 août 2003 a aligné les con­di­tions d’âge et de départ à la retraite de tous les régimes non salariés sur celles du régime général. Les principes en sont les suivants :

Pour béné­fici­er à par­tir de 60 ans du taux max­i­mum de retraite (taux plein), le pro­fes­sion­nel doit jus­ti­fi­er d’une durée d’ac­tiv­ité, tous régimes con­fon­dus, de 154 trimestres en 2005, durée qui sera pro­gres­sive­ment portée à 160 trimestres en 2008 et 164 trimestres en 2012 (pour les pro­fes­sions libérales, cette durée est de 160 trimestres dès 2004).

Effec­tifs 2004 (Régime de base)
Coti­sants Retraités* Rap­port démo­graphique cotisants/retraités
MSA 641 512 1 918 080 0,33
ORGANIC 708 505 964 231 0,73
CANCAVA 546 826 764 304 0,72
Pro­fes­sions libérales 511 261 180 110 2,84
ENSEMBLE 2 408 104 3 826 725 0,63
* Droits pro­pres et droits dérivés.

Si le nom­bre de trimestres min­i­mum n’est pas atteint, une décote pro­por­tion­nelle au nom­bre de trimestres man­quants (ou, s’il est inférieur, au nom­bre de trimestres séparant l’âge de départ de 65 ans) est appliquée, à hau­teur de 1,25 % par trimestre man­quant. Les trimestres man­quants peu­vent être rachetés (12 au maximum).

En revanche, si le nom­bre de trimestres au moment de la liq­ui­da­tion est supérieur au min­i­mum req­uis, une sur­cote de 0,75 % par trimestre sup­plé­men­taire est appliquée.

Enfin, les indépen­dants ayant com­mencé à tra­vailler à par­tir de 14 ans peu­vent, sous cer­taines con­di­tions, béné­fici­er d’une retraite à taux plein à par­tir de 56 ans.

Le mon­tant de la retraite dif­fère toute­fois selon les régimes. Pour l’OR­GAN­IC et la CANCAVA, alignés sur le régime général, le mon­tant de la retraite à taux plein est de 50 % du revenu pro­fes­sion­nel moyen lim­ité au pla­fond de la Sécu­rité sociale (soit un mon­tant max­i­mum de retraite de 15 096 € par an en 2005).

La retraite à taux plein des exploitants agri­coles com­prend une part for­faitaire, fonc­tion du nom­bre d’an­nées d’ac­tiv­ité, et une part pro­por­tion­nelle par points. Son mon­tant max­i­mum annuel est égal à celui du régime général (15 096 €).

La retraite à taux plein des pro­fes­sions libérales cor­re­spond au nom­bre de points acquis sur les deux tranch­es de coti­sa­tion. La retraite max­i­male, actuelle­ment d’en­v­i­ron 8 000 € par an, est inférieure de moitié à celle du régime général et des régimes alignés.

Toutes les retraites des non-salariés sont réversibles sur la tête du con­joint sur­vivant. La loi Fil­lon a har­mon­isé le taux de réver­sion (54 %) et sup­primé pro­gres­sive­ment les con­di­tions d’âge, mais la pen­sion de réver­sion est ver­sée sous con­di­tions de ressources (inférieures à 15 828 € par an pour une per­son­ne seule, 25 326 € pour un couple).

Si les con­di­tions d’ac­cès à la retraite se rap­prochent, les dif­férents régimes n’en con­nais­sent pas moins des dis­par­ités tech­niques ayant des con­séquences finan­cières importantes.

Des disparités démographiques nécessitant des mécanismes de compensation financière

Principe de la compensation
On sup­pose un régime unique fic­tif regroupant l’ensem­ble des affil­iés des régimes et dans lequel tous les retraités perçoivent la même presta­tion, appelée ” presta­tion de référence “.
On cal­cule une coti­sa­tion par tête équili­brant le régime dite ” coti­sa­tion de référence “.
Dans ce cadre fic­tif, chaque caisse prélève la coti­sa­tion de référence à ses coti­sants, verse la presta­tion de référence à ses béné­fi­ci­aires et dégage un sol­de, posi­tif ou négatif selon sa sit­u­a­tion démographique.
Les sol­des posi­tifs sont ver­sés à une caisse de com­pen­sa­tion (en l’oc­cur­rence l’É­tat) qui redis­tribue l’ar­gent aux caiss­es présen­tant des sol­des négatifs.

Au total, les sol­des posi­tifs et négat­ifs s’an­nu­lent puisque le régime unique fic­tif est équilibré.La sit­u­a­tion démo­graphique des régimes des non-salariés appa­raît très con­trastée. L’équili­bre financier d’un régime dépend en effet du rap­port entre le nom­bre de coti­sants et le nom­bre de retraités. À cet égard, si la sit­u­a­tion des pro­fes­sions libérales est sat­is­faisante, celle des arti­sans, com­merçants et indus­triels est beau­coup moins favor­able, et celle des agricul­teurs pire encore.

Il est évi­dent qu’avec un coti­sant pour trois retraités, les seules coti­sa­tions des exploitants agri­coles ne suff­isent pas à équili­br­er le régime. Il en est de même pour les com­merçants, indus­triels et artisans.

Des finance­ments extérieurs con­tribuent donc à l’équili­bre de ces régimes :

  • jusqu’en 2003, l’É­tat ver­sait une sub­ven­tion au régime agricole,
  • une Con­tri­bu­tion sociale de sol­i­dar­ité à la charge des sociétés (CSSS) a été insti­tuée pour com­penser la perte de coti­sants liée au pas­sage du statut d’indépen­dant à celui de salarié. Cette con­tri­bu­tion (0,13 % du chiffre d’af­faires) est recou­vrée par l’ORGANIC,
  • pour cor­riger l’ef­fet des dis­par­ités démo­graphiques, des mesures de com­pen­sa­tion finan­cière ont été insti­tuées et général­isées en 1974. Ces mécan­ismes jouent entre régimes de salariés (régime général et régimes spé­ci­aux) mais égale­ment entre régimes de salariés et de non-salariés. C’est la com­pen­sa­tion général­isée vieillesse.


Si le principe de la com­pen­sa­tion est sim­ple (voir encadré), dans la pra­tique, les cal­culs sont com­plex­es et les paramètres dif­fi­ciles à fix­er vu la dis­par­ité des régimes.

Néan­moins, les régimes des agricul­teurs, arti­sans, com­merçants et indus­triels sont les grands béné­fi­ci­aires, les pro­fes­sions libérales con­tribuant pour leur part, de façon importante.

Des régimes complémentaires spécifiques

Con­traire­ment aux régimes de base, les régimes com­plé­men­taires ont des anci­en­netés et des car­ac­téris­tiques très dif­férentes chez les non-salariés.

Les caiss­es des pro­fes­sions libérales se sont dotées de régimes com­plé­men­taires à par­tir de la fin des années quar­ante jusqu’aux années qua­tre-vingt. Celui des arti­sans a été créé en 1979, mais il a fal­lu atten­dre 2003 et 2004 pour les agricul­teurs et les com­merçants et indus­triels. Ces derniers béné­fi­ci­aient aupar­a­vant d’un régime fac­ul­tatif en cap­i­tal­i­sa­tion, trans­féré à la Mutualité.

Désor­mais, tous les non-salariés béné­fi­cient d’un régime com­plé­men­taire oblig­a­toire. Ces régimes sont tous des régimes par points, les car­ac­téris­tiques vari­ant en fonc­tion des professions.

Les coti­sa­tions sont en général pro­por­tion­nelles aux revenus, dans la lim­ite d’un pla­fond. Les taux sont vari­ables : 2,97 % pour les agricul­teurs, 6,5 % pour les com­merçants et indus­triels, 7 % pour les artisans.

Les modes de cal­cul sont très vari­ables chez les pro­fes­sions libérales (class­es de coti­sa­tions, coti­sa­tion mixte for­faitaire et pro­por­tion­nelle, coti­sa­tion proportionnelle).

L’âge de la retraite est à 60 ans pour les agricul­teurs, com­merçants et indus­triels, et arti­sans, mais 65 ans pour les pro­fes­sions libérales, compte tenu des car­rières en général plus cour­tes du fait de la longueur des études.

Les pro­fes­sions libérales médi­cales et paramédi­cales béné­fi­cient d’un sec­ond régime com­plé­men­taire, l’A­van­tage social vieil­lesse (ASV) organ­isé par pro­fes­sion : médecins, chirurgiens-den­tistes, infir­miers et masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes.

Ces régimes ont la par­tic­u­lar­ité d’être financés par­tielle­ment par les caiss­es d’as­sur­ance mal­adie en con­trepar­tie de con­traintes con­ven­tion­nelles imposées aux pro­fes­sion­nels de san­té (lim­i­ta­tion d’hono­raires par exemple).

Enfin, les pro­fes­sions libérales ont créé en 1994, dans le cadre de la loi Madelin, deux régimes fac­ul­tat­ifs en cap­i­tal­i­sa­tion : FONLIB, géré par la CNAVPL pour l’ensem­ble des libéraux et CAPIMED, géré par la CARMF pour les médecins.

Perspectives des régimes

Ce tour d’hori­zon des régimes de retraite des non-salariés serait incom­plet sans quelques élé­ments de prospective.

Après l’e­uphorie du ” baby-boom ” et des années de crois­sance des années soix­ante, et mal­gré les deux crises pétrolières et la mon­tée du chô­mage des années 70–80, le prob­lème des retraites n’a vrai­ment été soulevé qu’à par­tir du Livre blanc sur les retraites pub­lié en 1991. En 1995, un groupe de tra­vail du Com­mis­sari­at général au Plan, présidé par Raoul Bri­et, con­duit à un nou­veau rap­port : ” Per­spec­tives à long terme des retraites “.

En 1999, un nou­veau rap­port de Jean-Michel Charpin, com­mis­saire au Plan, sur L’avenir de nos retraites est pub­lié. Il fau­dra atten­dre 2003 pour que la réforme des retraites voie le jour avec la loi du 21 août.

Plus de dix ans ont été néces­saires pour aboutir à une réforme qui a, certes, le mérite d’in­tro­duire une plus grande équité entre les dif­férents régimes de retraite, et de reculer sans le dire, l’âge de départ en retraite, mais qui sera sans doute insuff­isante à long terme. Toutes les pro­jec­tions (et en par­ti­c­uli­er le dernier rap­port du Con­seil d’ori­en­ta­tion des retraites du 3 juin 2004) mon­trent une dégra­da­tion du rap­port coti­sants-retraités, due au pas­sage à la retraite des ” baby-boomers ” et à l’aug­men­ta­tion de l’e­spérance de vie des retraités, entraî­nant des déséquili­bres financiers considérables.

Dans ce cadre, les régimes des non-salariés con­naîtront des évo­lu­tions con­trastées : le rap­port démo­graphique des agricul­teurs, tout en restant très bas, arrêtera de se dégrad­er tout comme celui des com­merçants et indus­triels. On ver­ra la sit­u­a­tion du régime des arti­sans se détéri­or­er forte­ment, comme celle des pro­fes­sions libérales qui con­serveront toute­fois le meilleur rap­port démo­graphique des non-salariés.

Les mécan­ismes de com­pen­sa­tion pour­ront-ils con­tin­uer à jouer leur rôle dès lors que la sit­u­a­tion des grands régimes con­tribu­teurs (notam­ment le régime général) va elle aus­si se dégrader ?

En fait, c’est l’ensem­ble du sys­tème de retraite français, y com­pris les régimes com­plé­men­taires, qui est concerné.

Face à cette sit­u­a­tion, quelles solu­tions envisager ?

Le sys­tème par répar­ti­tion ne peut pas faire fail­lite mais devra subir des ajuste­ments importants :

  • la hausse des coti­sa­tions sera évidem­ment néces­saire, mais elle ne pour­ra excéder un cer­tain seuil,
  • la baisse du niveau moyen des retraites est enclenchée avec la loi Fil­lon et se pour­suiv­ra inexorablement,
  • l’aug­men­ta­tion de l’âge de la retraite appa­raît être le seul paramètre vrai­ment effi­cace d’un rééquili­brage. La retraite à 60 ans insti­tuée en 1982 por­tait les ger­mes d’un déséquili­bre à long terme. La France est d’ailleurs un des seuls pays d’Eu­rope et du Monde à con­serv­er l’af­fichage de l’âge de départ à 60 ans. Toutes les réformes en cours à l’é­tranger visent à porter cet âge à 65 ans, voire 67 ou 70 ans, ce qui est d’ailleurs logique compte tenu de l’en­trée plus tar­dive dans la vie active et de l’aug­men­ta­tion de l’e­spérance de vie,
  • le recours par­tiel à la cap­i­tal­i­sa­tion col­lec­tive ou indi­vidu­elle déjà engagé devra être pour­suivi. La créa­tion du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) s’in­scrit dans cet objec­tif de même que les Plans d’é­pargne retraite pop­u­laire (PERP) créés par la loi Fillon.


Dans cette per­spec­tive, les régimes des non-salariés pour­ront-ils con­serv­er leurs spé­ci­ficités ? Ils présen­tent l’a­van­tage de mieux associ­er leurs affil­iés à la ges­tion par le biais de Con­seils d’ad­min­is­tra­tion com­posés de pro­fes­sion­nels élus par leurs pairs et donc proches de leurs préoc­cu­pa­tions, et con­stituent en matière de retraite un inter­locu­teur unique des pro­fes­sion­nels, alors que les salariés du régime général dépen­dent de plusieurs caiss­es (CNAMTS, AGIRC, ARRCO).

En out­re, la diver­sité des régimes com­plé­men­taires des non-salariés appelle des ges­tions par­ti­c­ulières incom­pat­i­bles avec une inté­gra­tion dans les régimes de salariés. L’ex­em­ple des pays étrangers mon­tre d’ailleurs que la ges­tion des régimes com­plé­men­taires dits du ” deux­ième pili­er ” est large­ment organ­isée par profession.

En matière de retraite, avec le développe­ment des moyens mod­ernes d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion, les ques­tions d’or­gan­i­sa­tion devi­en­nent sec­ondaires par rap­port à la ges­tion à long terme des régimes.

À cet égard, con­fi­er cette respon­s­abil­ité à ceux qui sont con­cernés est le meilleur moyen de faire pren­dre et accepter les déci­sions nécessaires. 


 

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