Le satellite de Saturne Titan vu de la Terre

L’optique en 2005

Dossier : La physique au XXIe siècleMagazine N°607 Septembre 2005
Par Pierre CHAVEL
Par Alain ASPECT

Qu’est-ce que l’optique ?

Qu’est-ce que l’optique ?

Au fil des con­tacts qu’il peut nouer au fil de ses activ­ités, le spé­cial­iste d’op­tique con­state aisé­ment que l’idée qu’ont de l’op­tique nos con­tem­po­rains en reflète la diver­sité : pour beau­coup, la sci­ence des lois de Descartes a trou­vé son épanouisse­ment dans l’ap­pareil pho­tographique et le micro­scope, instru­ments du xixe siè­cle, aujour­d’hui encore indis­pens­ables mais dont l’in­dus­trie a pra­tique­ment déserté l’Europe.

Pour l’an­cien ” taupin ” du milieu du xxe siè­cle, l’op­tique géométrique, agré­men­tée des sub­til­ités de l’anisotropie cristalline, a fourni la matière aux casse-têtes les plus fasci­nants des annales de con­cours. Pour l’in­vestis­seur en Bourse, les valeurs de l’op­tique sont intime­ment mêlées à l’é­clate­ment de la bulle économique dont les soubre­sauts nous atteignent encore : il pour­ra leur préfér­er le leader mon­di­al de la cor­rec­tion oph­talmique, Essilor.

Les poly­tech­ni­ciens qui choi­sis­sent l’É­cole supérieure d’op­tique comme école d’ap­pli­ca­tion sont sou­vent attirés par la fas­ci­na­tion de l’ac­cès immé­di­at aux énigmes du monde quan­tique que pro­posent les paires de pho­tons intriqués et les atom­es refroidis par laser, alors que le directeur des études de cette dernière école, analysant les résul­tats du con­cours d’en­trée, iden­ti­fie chaque année dans la tête de pro­mo­tion plusieurs pas­sion­nés d’astronomie.

Tous ces aspects appar­ti­en­nent à la réal­ité de l’op­tique, font ressor­tir sa diver­sité et mon­trent que, de ce fait, ses méta­mor­phoses depuis quelques décen­nies la ren­dent dif­fi­cile à cerner.

Avant d’il­lus­tr­er par quelques exem­ples frap­pants les moteurs de ces évo­lu­tions, il n’est donc pas inutile de rap­pel­er que le mot ” optique ” recou­vre bel et bien un con­cept sta­ble et clair : il s’ag­it, selon la Com­mis­sion inter­na­tionale d’op­tique et l’A­cadémie nationale des sci­ences améri­caine, de ” la dis­ci­pline sci­en­tifique et tech­nique qui cou­vre les phénomènes physiques asso­ciés à l’émis­sion, la manip­u­la­tion, la mod­u­la­tion, la trans­mis­sion et la détec­tion de la lumière, ain­si que toutes leurs appli­ca­tions ; l’op­tique s’é­tend de part et d’autre de la par­tie vis­i­ble du spec­tre élec­tro­mag­né­tique aus­si loin que les mêmes con­cepts restent util­is­ables “. Cette déf­i­ni­tion large per­met d’en­glober les néol­o­gismes qu’ont imposés les inno­va­tions à cheval entre l’op­tique et de l’élec­tron­ique, tels que ” optoélec­tron­ique “, ” pho­tonique ” et ” optronique “.

Leur émer­gence témoigne de la sen­sa­tion de nou­veauté que sus­ci­tent la fibre optique, l’holo­gramme ou le gyromètre laser : il s’ag­it assuré­ment d’ex­ten­sions de l’op­tique par rap­port à ce que la tech­nique met­tait à notre dis­po­si­tion voici, par exem­ple, cinquante ans. Une analyse hâtive a même pu don­ner l’im­pres­sion que ces ter­mes recou­vraient des champs dis­ci­plinaires rad­i­cale­ment nou­veaux, alors qu’à ce jour l’usage pro­fes­sion­nel reste à leur égard aus­si indé­cis que les déf­i­ni­tions des dic­tio­n­naires. Sans nier l’in­térêt de telles nuances, nous insis­terons ici sur l’u­nité du vaste champ de l’op­tique enten­due dans le sens large qui vient d’être énoncé.

L’op­tique sem­ble par cer­tains aspects très tra­di­tion­nelle et par d’autres éton­nam­ment mod­erne : pen­sons d’un côté aux sim­ples lunettes cor­rec­tri­ces de vue, dont on oublie trop les impor­tants pro­grès, et de l’autre aux télé­com­mu­ni­ca­tions optiques. La rai­son de cette sit­u­a­tion est qu’en l’e­space d’un demi-siè­cle trois rup­tures tech­nologiques majeures, pré­parées par des décen­nies de recherche de base en physique et en chimie, en ont décu­plé les applications.

La pre­mière de ces rup­tures n’a rien de spé­ci­fique à l’op­tique : il s’ag­it de l’ir­rup­tion de l’outil infor­ma­tique dans toutes les tech­niques comme dans la vie pro­fes­sion­nelle, qui bien enten­du a ouvert de nou­velles pos­si­bil­ités aux tech­niques optiques.

Les deux autres lui sont pro­pres : il s’ag­it du laser et de la fibre optique. Nous illus­trerons cha­cune d’elles en faisant ressor­tir la liai­son étroite qui existe en optique entre la recherche sur la nature de la lumière et son inter­ac­tion avec la matière et les appli­ca­tions actuelles ou potentielles.

Nous soulignerons ain­si sur des exem­ples le car­ac­tère de par­a­digme que revêt l’op­tique pour toute la physique : elle dégage, affine, pré­cise, fait évoluer les con­cepts qui con­stituent à tout instant l’é­tat le plus évolué de notre vision de la nature, et elle les applique dans des objets qui boule­versent la société.

L’optique et les technologies de l’information

Optique adaptative et résolution ultime

Si les instru­ments d’op­tique de jadis atteignaient d’ex­cel­lentes per­for­mances par une maîtrise simul­tanée de la mécanique, du polis­sage de verre et du cal­cul des com­bi­naisons optiques, les sys­tèmes actuels y ajoutent toutes les pos­si­bil­ités de l’élec­tron­ique et de l’in­for­ma­tique : que serait par exem­ple sans elles l’op­tique adap­ta­tive, tech­nique désor­mais uni­verselle dans le domaine astronomique (fig­ure 1) ? Cette expres­sion désigne la capac­ité d’un sys­tème optique à se déformer en per­ma­nence pour com­penser à chaque instant les défauts intro­duits par la prop­a­ga­tion atmosphérique.


Fig­ure 1 
Le satel­lite de Sat­urne Titan est vu de la Terre sous un diamètre d’une sec­onde d’arc, qui est pré­cisé­ment la lim­ite de réso­lu­tion atteinte par les meilleurs téle­scopes ter­restres per­tur­bés par l’inévitable tur­bu­lence atmo­sphérique : l’image de droite, obtenue par l’Observatoire européen aus­tral (ESO) au Chili illus­tre l’apport de l’optique adap­ta­tive. Il est excep­tion­nel que, comme ici grâce à la sonde NASA Cassi­ni qui s’est approchée de Titan et s’est posée à sa sur­face en févri­er 2005, on puisse con­fron­ter les résul­tats de l’optique adap­ta­tive astronomique à une “ vérité ter­rain ” (image de gauche) : l’accord est saisissant.

Plus pré­cisé­ment, on sait que c’est aux tur­bu­lences atmo­sphériques qu’est due la scin­til­la­tion des étoiles observées à l’œil nu : la lumière d’un corps céleste nous parvient pra­tique­ment non per­tur­bée jusqu’au som­met de l’at­mo­sphère. Mais à la tra­ver­sée de cette dernière, le jeu des pres­sions et des vents mod­ule l’indice de réfrac­tion de l’air et dis­tord l’onde lumineuse qui le tra­verse. Il en résulte un phénomène de réfrac­tion à tra­vers les nom­breuses couch­es suc­ces­sives d’un corps trans­par­ent mais très épais (l’at­mo­sphère), et l’onde plane arrivée de l’e­space au som­met de l’at­mo­sphère ter­restre est trans­for­mée en arrivant au sol en une onde pro­fondé­ment per­tur­bée tant en phase qu’en ampli­tude3, avec une échelle d’ir­régu­lar­ité spa­tiale de l’or­dre de 10 cm. L’œil nu ne perçoit qu’une mod­u­la­tion aléa­toire de l’in­ten­sité perçue des étoiles, et par­fois une légère impres­sion de mou­ve­ment erra­tique de l’astre.

Pour le téle­scope, dont le miroir pri­maire dépasse large­ment 10 cm, le phénomène se trans­forme en une série de grains lumineux bouil­lon­nants, appelés par les astronomes les tavelures et en anglais speck­le, qui se sub­stituent à la tache d’Airy que les cours élé­men­taires assig­nent à la dif­frac­tion par l’ou­ver­ture cir­cu­laire du miroir. La tache for­mée par l’ensem­ble de ces grains est grande devant la tache d’Airy d’un instru­ment par­fait, d’où à la fois une perte de réso­lu­tion et une perte de lumi­nosité. L’idée de base de l’op­tique adap­ta­tive con­siste à mesur­er l’é­tat instan­ta­né de l’at­mo­sphère, puis avant qu’il se soit mod­i­fié, c’est-à-dire en l’in­ter­valle de quelques mil­lisec­on­des, à déformer l’op­tique du téle­scope pour com­penser aus­si exacte­ment que pos­si­ble la per­tur­ba­tion atmo­sphérique. Les miroirs pri­maires sont en général grands et lourds, il est plus facile de déformer un miroir sec­ondaire, plus léger, ou d’in­ter­pos­er dans la for­mule optique du téle­scope un com­posant spé­cial­isé dans cette tâche de com­pen­sa­tion. Les équipes et indus­triels français (Obser­va­toire de Paris, ONERA, Sagem en par­ti­c­uli­er) ont joué un rôle essen­tiel dans le développe­ment de l’op­tique adap­ta­tive jusqu’au niveau qu’il atteint maintenant.

Il va sans dire qu’une telle tech­nique serait impens­able sans l’or­di­na­teur tel que nous le con­nais­sons en 2005. Là où Fou­cault, util­isant la méth­ode d’analyse des sur­faces d’onde aber­rantes à laque­lle il a lais­sé son nom, aurait passé des heures, un logi­ciel con­ven­able dépouil­lant les don­nées d’une caméra numérique met une mil­lisec­onde. Ses don­nées sont trans­mis­es à un algo­rithme d’asservisse­ment, qui à son tour provoque l’ap­pli­ca­tion des sig­naux de com­mande voulus aux élé­ments déformables, eux-mêmes d’ailleurs de plus en plus per­fec­tion­nés. Actuelle­ment encore, les per­for­mances atteintes par l’op­tique adap­ta­tive s’améliorent avec l’ac­croisse­ment de la qual­ité de cal­cul : ain­si, l’ef­fet de la tur­bu­lence est d’au­tant plus fort et d’au­tant plus rapi­de­ment vari­able que la longueur d’onde est plus petite ; ini­tiale­ment util­isée dans l’in­frarouge, l’op­tique adap­ta­tive ne peut attein­dre le spec­tre vis­i­ble qu’en trai­tant une masse de don­nées accrue en un temps plus bref : telle est bien la ten­dance d’évo­lu­tion que per­met la technologie.

L’optique au service de la microélectronique

Le cas de l’op­tique adap­ta­tive mon­tre que l’outil infor­ma­tique a fait appa­raître des résul­tats éton­nants par le développe­ment de tech­niques optiques inimag­in­ables sans lui. Récipro­que­ment, l’op­tique joue un rôle cru­cial dans les pro­grès inces­sants de la microélec­tron­ique. La pho­toré­duc­tion des masques con­sti­tu­tifs des cir­cuits microélec­tron­iques a don­né lieu à des prouess­es des tech­niques optiques, de la con­cep­tion et con­struc­tion des objec­tifs pho­tographiques de loin les plus com­plex­es et les plus per­fec­tion­nés jamais imag­inés, à l’aug­men­ta­tion de réso­lu­tion au-delà de la lim­ite de dif­frac­tion stan­dard en jouant sur la cohérence par­tielle, sur l’im­agerie d’ob­jets de phase et sur les non-linéar­ités du milieu pho­to­sen­si­ble. Ain­si, pour un coût qui reste rel­a­tive­ment min­ime dans le bud­get de la fab­ri­ca­tion des puces élec­tron­iques, l’in­ter­ven­tion de l’op­tique est un pas­sage obligé de la chaîne microélectronique.

La nanophotonique

En retour, l’utilisation des microtech­nolo­gies et des nan­otech­nolo­gies donne lieu à l’apparition de com­posants optiques com­plète­ment nou­veaux, par­fois qual­i­fiés de “nanopho­toniques ”. L’importance du recours à des gravures de dimen­sions inférieures au micromètre est ici claire : tout détail de taille voi­sine de la longueur d’onde optique influe forte­ment et de façon peu intu­itive sur la prop­a­ga­tion de la lumière ; en d’autres ter­mes, la dif­frac­tion par de tels détails, décrite par une réso­lu­tion com­plète des équa­tions de Maxwell et non pas par les méth­odes d’approximation adap­tées aux objets plus grands, présente des com­porte­ments tout à fait orig­in­aux. Deux exem­ples frap­pants reti­en­nent l’attention de nom­breux physi­ciens depuis quelques années : les matéri­aux à ban­des inter­dites pho­toniques et les tamis à lumière.

On sait qu’en physique du solide la péri­od­ic­ité de l’é­tat cristallin déter­mine une répar­ti­tion des niveaux d’én­ergie présen­tant des ” ban­des inter­dites ” séparant des ban­des per­mis­es habituelle­ment dénom­mées ” bande de valence ” et ” bande de con­duc­tion “, et que cette con­séquence de l’équa­tion de Schrödinger en poten­tiel péri­odique explique la dif­férence entre isolants, con­duc­teurs et semi-con­duc­teurs. En optique, bien que les équa­tions applic­a­bles soient celles de l’élec­tro­mag­nétisme, les équa­tions de Maxwell, et non celle de Schrödinger, des phénomènes sem­blables se man­i­fes­tent en présence d’une péri­od­ic­ité du matéri­au : c’est ce que, pro­longeant des travaux précurseurs de Léon Bril­louin, E. Yablonovitch, d’ATT Bell Lab­o­ra­to­ries, a mon­tré en 1987.

Sélecteur-extracteur de longueur d’onde à cristal photonique bidimensionnel en optique guidée.
Fig­ure 2 
Sélecteur-extracteur de longueur d’onde à cristal pho­tonique bidi­men­sion­nel en optique guidée. À gauche, sché­ma de principe : une fois lancées le long du guide, les longueurs d’onde adap­tées à la largeur locale du guide subis­sent une tran­si­tion vers un mode qui peut s’extraire latérale­ment “ sur place ” ; au milieu, pho­togra­phie du dis­posi­tif com­plet ; à droite, pho­togra­phie de la sec­tion du guide du milieu encadrée par le rec­tan­gle noir. L’espace entre trous est de 400 nm. Résul­tat E. Schwoob, H. Benisty, C. Weis­buch, Lab­o­ra­toire Charles Fab­ry de l’Institut d’optique et École poly­tech­nique. Réal­i­sa­tion Opto +, Hein­rich Hertz Institute.

Il existe donc des matéri­aux à ” ban­des inter­dites pho­toniques “, qui se dis­tinguent par la spé­ci­ficité que la lumière d’une région spec­trale don­née ne peut s’y propager dans aucune direc­tion, et ce bien qu’ils ne soient pas absorbants. Cette pro­priété n’est obtenue que par une struc­tura­tion péri­odique con­sti­tuée de motifs de taille voi­sine de la longueur d’onde. La fab­ri­ca­tion de tels ” cristaux pho­toniques ” reste un défi aux longueurs d’onde de l’op­tique vis­i­ble (0,4 à 0,7 micromètre env­i­ron) et même des télé­com­mu­ni­ca­tions optiques (autour de 1,5 micromètre). Pour de la lumière arrivant de l’ex­térieur, un milieu à ” bande inter­dite pho­tonique ” se com­porte comme un miroir par­fait et sans perte. Il est facile d’imag­in­er l’in­térêt qu’il y aurait à les réalis­er, puis à enfer­mer une source de lumière au cœur de telles struc­tures, puis enfin à ” ouvrir la vanne ” par une com­mande élec­tron­ique. D’ores et déjà, des réal­i­sa­tions lim­itées — par exem­ple, à deux dimen­sions — per­me­t­tent d’amélior­er le ren­de­ment de diodes élec­tro­lu­mi­nes­centes ou de sépar­er les longueurs d’onde dans des sig­naux de télé­com­mu­ni­ca­tions optiques (fig­ure 2).

Dans les ” tamis à lumière “, une couche métallique opaque est per­cée d’une matrice péri­odique de trous de taille sub longueur d’onde et de forme con­trôlées. Pour une longueur d’onde don­née, il peut arriv­er que la frac­tion de lumière trans­mise excède sen­si­ble­ment la frac­tion d’aire occupée par les trous. Ce phénomène est apparu d’au­tant plus para­dox­al qu’il a été décou­vert par voie expéri­men­tale et de façon acci­den­telle : le mérite en revient à une série de travaux menés notam­ment par Ebbe­sen depuis 1992. La réso­lu­tion des équa­tions de Maxwell four­nit l’ex­pli­ca­tion en met­tant en jeu une réso­nance des charges dans le métal con­nue sous le nom de plas­mon, mais le phénomène reste néan­moins choquant pour l’in­tu­ition et fait par­tie des dif­férents effets d’op­tique élec­tro­mag­né­tique qui attirent actuelle­ment une recherche intense, en atten­dant de trou­ver éventuelle­ment des appli­ca­tions. À ce sujet, il con­vient de remar­quer que c’est bien la disponi­bil­ité d’outils tech­nologiques, aus­si bien dans le domaine des nanofab­ri­ca­tions que dans celui des moyens de cal­cul, qui a sus­cité l’in­térêt sur des thèmes dont la richesse avait échap­pé aux recherch­es pen­dant plus d’un siè­cle alors que la théorie sous-jacente était connue.

L’ère du laser

Apparu voici près d’un demi-siè­cle, le laser est le fruit de travaux fon­da­men­taux qui remon­tent à la décou­verte de l’émis­sion stim­ulée par Ein­stein en 1916, dans la lignée des recherch­es sur le ray­on­nement du corps noir : pour expli­quer la loi de Planck en ter­mes d’émis­sion et d’ab­sorp­tion de pho­tons par une assem­blée d’atomes, Ein­stein a intro­duit la pos­si­bil­ité qu’un pho­ton en inter­ac­tion avec un atome excité provoque sa désex­ci­ta­tion avec émis­sion d’un sec­ond pho­ton de même énergie et de même impul­sion. Il fal­lut encore l’in­ven­tion, par A. Kastler et J. Brossel en 1950, du pom­page optique, qui per­met d’amen­er un grand nom­bre d’atomes simul­tané­ment dans un état excité, puis la réal­i­sa­tion d’un tel pom­page dans une cav­ité réson­nante pour que Javan et Maiman obti­en­nent en 1960 les pre­miers lasers, sources de ray­on­nement de très haute cohérence, c’est-à-dire spec­trale­ment pures, et très directifs.

À l’é­ton­nement sus­cité par l’ob­ser­va­tion du phénomène suc­cé­da, en même temps que les types de laser se diver­si­fi­aient, une mois­son de décou­vertes, dont la pre­mière fut sans doute celle de l’op­tique non-linéaire : une onde lumineuse suff­isam­ment intense peut provo­quer l’émis­sion de fréquences (et donc de longueurs d’onde) dif­férentes de celle d’é­clairage, le cas le plus man­i­feste étant la ” généra­tion de sec­ond har­monique “. Plus générale­ment, l’op­tique non-linéaire est le domaine où un fais­ceau lumineux mod­i­fie l’indice de réfrac­tion et l’ab­sorp­tion des milieux qu’il tra­verse. Les non-linéar­ités con­stituent un out­il très puis­sant d’é­tude de la matière et de l’in­ter­ac­tion entre lumière et matière, mais aus­si un out­il per­me­t­tant de ” con­trôler la lumière par la lumière “.

De nos jours, on n’imag­ine pas tou­jours bien la diver­sité des appli­ca­tions du laser. Si les télé­com­mu­ni­ca­tions optiques, dont il sera à nou­veau ques­tion plus bas, et le disque com­pact font par­tie des objets quo­ti­di­ens où le laser joue un rôle cen­tral, l’usi­nage par laser, le traite­ment des affec­tions rétini­ennes, la gravure de cornée comptent égale­ment par­mi celles qui ont atteint une large notoriété. Le plus petit laser mesure un micromètre cube, le plus grand, des­tiné à l’é­tude des plas­mas très dens­es capa­bles d’in­duire des réac­tions nucléaires, occupe plusieurs bâti­ments hec­tométriques ; il est con­stru­it en deux exem­plaires cousins, la Nation­al Igni­tion Facil­i­ty aux États-Unis et le Laser Méga­joule près de Bor­deaux. Plutôt que de con­tin­uer d’é­gren­er une longue liste d’ap­pli­ca­tions, nous insis­terons ici sur l’in­térêt sci­en­tifique du laser en évo­quant un domaine de recherche physique qui en est directe­ment issu : les atom­es froids.

Atomes refroidis par laser

Le refroidisse­ment d’atomes par laser est un vaste champ dont le développe­ment a valu le prix Nobel de physique 1997 à trois de ses pio­nniers, Cohen-Tan­noud­ji, Phillips et Chu. Le principe bien con­nu de la con­ser­va­tion d’im­pul­sion lors des col­li­sions mécaniques per­met de com­pren­dre com­ment arrêter des atom­es dont la vitesse ini­tiale, à tem­péra­ture ambiante, est de plusieurs cen­taines de mètres par sec­onde : dans une enceinte où règne un vide poussé, on injecte un jet atom­ique de faible den­sité créé, par exem­ple, en chauf­fant dans un four un métal tel que le rubid­i­um. Les atom­es ain­si éva­porés quit­tent le four par un ori­fice vers lequel on dirige un fais­ceau laser. Si la longueur d’onde est con­ven­able­ment choisie, les pho­tons du laser sont absorbés par les atom­es au cours d’un choc frontal qui ralen­tit un peu l’atome. Au bout de quelques mil­lions de col­li­sions, au cours desquelles on aura pris soin d’a­juster la longueur d’onde du laser pour com­penser l’ef­fet Doppler, les atom­es peu­vent être arrêtés. Des tech­niques de piégeage par champ mag­né­tique per­me­t­tent alors de les empris­on­ner sous la forme de nuages de quelques mil­limètres cubes de matière diluée comme un gaz mais placée à une tem­péra­ture extrême­ment basse — on se sou­vient que la tem­péra­ture d’un gaz est une mesure sta­tis­tique de la vitesse moyenne de ses atom­es ou molécules.

La tech­nique, dévelop­pée à par­tir des années 1980, a rapi­de­ment atteint une cer­taine matu­rité et per­mis d’ou­vrir des études spec­tro­scopiques de pré­ci­sion iné­galée et surtout un résul­tat remar­quable, la manip­u­la­tion des fonc­tions d’onde des atom­es. On sait en effet que la longueur d’onde de De Broglie asso­ciée à un atome, con­cept fon­da­teur de la mécanique ondu­la­toire et de la mécanique quan­tique, est inverse­ment pro­por­tion­nelle à sa vitesse. Un atome de rubid­i­um à la tem­péra­ture de quelques nanokelvins a ain­si une longueur d’onde d’un micromètre, que des dis­posi­tifs bien conçus per­me­t­tent d’ob­serv­er. On atteint la pos­si­bil­ité de faire inter­fér­er des atom­es et plus générale­ment de faire subir à leurs fonc­tions d’onde toutes les opéra­tions habituelles des ondes lumineuses : c’est le domaine de l’op­tique atom­ique. Son suc­cès le plus spec­tac­u­laire et le plus ent­hou­si­as­mant pour les chercheurs est la ” con­den­sa­tion de Bose-Ein­stein “, véri­ta­ble nou­v­el état de la matière atteint aux tem­péra­tures les plus froides, observé pour la pre­mière fois en 1995 par Ket­ter­le, Cor­nell et Wie­mann (prix Nobel de physique 2001). L’ef­fet se man­i­feste lorsque la longueur d’onde des atom­es devient de l’or­dre de la dis­tance atom­ique, ce qui se traduit par la créa­tion d’un état col­lec­tif où les atom­es sont tous dans le même état quan­tique (fig­ure 3).

Condensation de Bose-Einstein d’hélium métastable
Fig­ure 3 
Con­den­sa­tion de Bose-Ein­stein d’hélium métastable obtenu pour la pre­mière fois par l’équipe d’Optique atom­ique du Lab­o­ra­toire Charles Fab­ry de l’Institut d’optique en 2001. L’image de gauche représente le sys­tème expéri­men­tal, dont l’originalité est d’utiliser un dis­posi­tif per­me­t­tant de détecter un par un les atom­es d’hélium métastable (en rouge) relâchés depuis le piège mag­né­tique où ils sont con­finés et refroidis à des tem­péra­tures inférieures au microkelvin. On peut ain­si obtenir (image du milieu) l’histogramme de dis­tri­b­u­tion de vitesses des atom­es, qui présente une forme gaussi­enne pour une dis­tri­b­u­tion ther­mique (Maxwell-Boltz­mann). Lorsque la con­den­sa­tion de Bose- Ein­stein est atteinte, on voit appa­raître un pic cor­re­spon­dant aux atom­es con­den­sés dans un état quan­tique unique. Ce phénomène est ana­logue à l’effet laser dans lequel tous les pho­tons “ con­densent ” dans un seul mode du champ élec­tro­mag­né­tique, et on com­mence à voir appa­raître des lasers à atom­es (image de droite).
Illus­tra­tions Groupe d’optique atom­ique, LCFIO.

Un point mérite d’être souligné ici : alors que les études sur les atom­es froids et sur la con­den­sa­tion de Bose-Ein­stein con­tin­u­ent de se mul­ti­pli­er au niveau le plus fon­da­men­tal, tant par la théorie que sous forme expéri­men­tale, les pre­mières per­spec­tives d’ap­pli­ca­tion com­men­cent déjà d’at­tir­er l’at­ten­tion d’in­dus­triels. Si l’u­til­i­sa­tion d’in­ter­féromètres atom­iques comme senseurs iner­tiels et grav­i­ta­tion­nels est encore dans les lab­o­ra­toires de recherche ” académique “, l’hor­loge atom­ique à atom­es froids est en train d’en sor­tir. Depuis longtemps déjà, la déf­i­ni­tion de la sec­onde est réal­isée par la fréquence d’une tran­si­tion atom­ique. Plus le nuage d’atomes ser­vant de référence est froid, moins la raie spec­trale de référence est per­tur­bée par l’ef­fet Doppler lié aux vitesses aléa­toires des atom­es indi­vidu­els : l’in­térêt des atom­es froids tels que nous venons de les présen­ter est donc évi­dent. L’ef­fet Doppler écarté, et toute per­tur­ba­tion par un champ élec­tro­mag­né­tique de con­fine­ment étant à pro­scrire, la lim­ite de pré­ci­sion dans la déter­mi­na­tion de la fréquence d’une tran­si­tion atom­ique vient de l’in­ter­valle de temps disponible pour sa mesure ; c’est alors en pra­tique la chute de l’atome sous le champ de pesan­teur qui devient le phénomène lim­i­tant. C’est donc un cas où le recours à l’ape­san­teur se jus­ti­fie. Les pre­miers essais, réal­isés dans un avion du CNES en vol parabolique, ont con­sti­tué la pre­mière phase de l’ex­péri­ence PHARAO (Pro­jet d’hor­loge atom­ique par refroidisse­ment d’atomes en orbite), dont le suc­cès a déter­miné l’A­gence spa­tiale européenne à l’embarquer en 2007 sur satel­lite dans le cadre du pro­jet ACES (Atom­ic clock ensem­ble in space). L’in­dus­tri­al­i­sa­tion du pro­jet con­stitue un défi majeur même si elle peut s’ap­puy­er sur l’ex­péri­ence du GPS, où déjà des hor­loges atom­iques (mais non des hor­loges à atom­es froids) sont mis­es en œuvre. L’a­vance­ment de PHARAO sur ACES est illus­tré sur la fig­ure 4. Avec une incer­ti­tude ne por­tant que sur le seiz­ième chiffre sig­ni­fi­catif, l’hor­loge la plus pré­cise jamais réal­isée servi­ra à des tests de rel­a­tiv­ité et à des mesures astronomiques.

Fibres et télécommunications optiques

La purifi­ca­tion de la sil­ice des fibres optiques a per­mis, en l’e­space de quelques années autour de 1970, de faire pass­er les pertes en ligne de quelques déci­bels par mètre à quelques déci­bels par kilo­mètre. Le record actuel est de 0,15 déci­bel par kilo­mètre. L’idée immé­di­ate d’ap­pli­quer ce résul­tat à la trans­mis­sion des infor­ma­tions se heur­ta d’abord à l’ab­sence de source adap­tée, et il fal­lut presque une dizaine d’an­nées pour que des diodes laser fiables émet­tant dans le rouge puis­sent per­me­t­tre avec une fibre et une pho­to­di­ode les pre­mières liaisons expérimentales.

La crois­sance du débit instal­lé sur une fibre optique unique con­nut dès lors pen­dant une ving­taine d’an­nées, jusqu’à la ” bulle ” économique des télé­com­mu­ni­ca­tions autour de 2000, une crois­sance expo­nen­tielle à cadence par­ti­c­ulière­ment soutenue tirée par une demande con­sid­érable. Si les télé­com­mu­ni­ca­tions optiques ont pu soutenir cette crois­sance, c’est grâce à qua­tre révo­lu­tions tech­nologiques qui, toutes, sont par­ties de recherch­es exploratoires pour arriv­er à des pro­duits indus­triels : elles méri­tent à ce titre d’être briève­ment évo­quées ici. Elles sont exem­plaires de la démarche qui part d’une analyse fon­da­men­tale (les hauts débits néces­si­tent l’ac­cès aux fréquences élevées, donc à l’op­tique si on veut dépass­er 1010 bits/s) pour pouss­er la recherche tech­nologique aux lim­ites ultimes autorisées par les lois physiques, et enfin stim­uler l’ap­pari­tion de pro­duits indus­triels com­pat­i­bles avec les réal­ités économiques.

La liai­son optique de 1980 évo­quée ci-dessus et lim­itée à une diode laser, une fibre et une pho­to­di­ode util­i­sait de la fibre mul­ti­modale à ” gros ” cœur d’en­v­i­ron 50 micromètres4. Plusieurs cen­taines de modes pou­vaient s’y propager à faibles pertes, mais pas à la même vitesse, occa­sion­nant une défor­ma­tion du sig­nal préju­di­cia­ble à la trans­mis­sion à grande dis­tance et imposant donc de fréquentes remis­es en forme du sig­nal. La maîtrise indus­trielle de la fab­ri­ca­tion de fibres monomodales et des com­posants néces­saires pour les posi­tion­ner devant la diode laser avec la pré­ci­sion de l’or­dre d’un micromètre néces­saire pour éviter les pertes a été la pre­mière évo­lu­tion tech­nologique majeure.

Intégration du modèle d’identification de l’horloge à atomes froids PHARAO
Intégration du modèle d’identification de l’horloge à atomes froids PHARAO
Fig­ure 4 
Inté­gra­tion du mod­èle d’identification de l’horloge à atom­es froids PHARAO (pho­tos Sagem). Le tube à ultra­vide (à gauche) présente toutes les zones de manip­u­la­tion des atom­es : refroidisse­ment, sélec­tion et détec­tion. Les out­ils de manip­u­la­tion atom­iques sont des fais­ceaux laser intro­duits via des fibres optiques depuis la source optique (à droite). Ce mod­èle per­me­t­tra de pré­cis­er les per­for­mances optomé­caniques et élec­tron­iques néces­saires. Conçue par le CNES avec l’appui du lab­o­ra­toire SYRTE (Obser­va­toire de Paris et CNRS), l’horloge PHARAO doit fonc­tion­ner dans la Sta­tion spa­tiale inter­na­tionale et fournir une référence de temps aux per­for­mances inégalées.


Sen­si­ble­ment en même temps arrivait égale­ment à matu­rité la tech­nolo­gie des semi-con­duc­teurs com­posés ter­naires et qua­ter­naires néces­saires pour fab­ri­quer des diodes laser émet­tant à la longueur d’onde des min­i­ma d’ab­sorp­tion de la sil­ice, dans l’in­frarouge proche vers 1,3 et 1,55 micromètre, région désor­mais con­nue pour être la bande spec­trale priv­ilégiée des télé­com­mu­ni­ca­tions. De ces deux avancées est résulté un pre­mier bond en avant de la longueur de tronçon de liai­son optique. L’at­ténu­a­tion et la dis­tor­sion de sig­nal étant dimin­uées sans être annulées, il restait néces­saire de détecter le sig­nal en bout de tronçon, c’est-à-dire après quelques dizaines de kilo­mètres, pour l’am­pli­fi­er et le réémet­tre dans le tronçon suivant.

Vers 1990, les travaux con­comi­tants du Français Desurvire aux États-Unis et de Payne en Grande-Bre­tagne ont per­mis d’in­tro­duire l’am­plifi­ca­teur à fibre dopée : une espèce chim­ique bien choisie, un ion de l’er­bium peut être pom­pé optique­ment vers un niveau excité pour ampli­fi­er le sig­nal optique, évi­tant l’é­tape de détec­tion et d’am­pli­fi­ca­tion électronique.

Alors que ces évo­lu­tions ont per­mis d’in­staller des liaisons optiques de qual­ité crois­sante à coût décrois­sant, la sat­is­fac­tion de la demande crois­sante ne pou­vait être assurée que par l’aug­men­ta­tion du débit du canal trans­mis par la por­teuse optique. Bien­tôt, la com­plex­ité des cir­cuits élec­tron­iques de détec­tion devint un fac­teur pénal­isant : alors que la bande pas­sante optique disponible dans la bande spec­trale des télé­com­mu­ni­ca­tions se mesure en téra­hertz, la dynamique des por­teurs lim­ite celle des détecteurs à quelques dizaines de giga­hertz. Il est donc logique de jux­ta­pos­er, dans une même fibre monomodale, plusieurs canaux de longueurs d’onde. Cela impose le développe­ment de cir­cuits optiques inté­grés pour injecter ou extraire sélec­tive­ment une longueur d’onde d’un ensem­ble de fais­ceaux se propageant ensem­ble : tel est le défi relevé par le mul­ti­plex­age en longueurs d’onde, déjà illus­tré sur la fig­ure 2 et désor­mais uni­verselle­ment util­isé dans les liaisons à longue portée.

Depuis env­i­ron l’an 2000, les télé­com­mu­ni­ca­tions à longue dis­tance sont très majori­taire­ment assurées par voie optique dans des liaisons d’une com­plex­ité con­sid­érable qui assurent la super­po­si­tion de paque­ts de bits codés à des longueurs d’onde dif­férentes, gèrent les non-linéar­ités optiques provo­quées par leur recou­vre­ment et leur croise­ment, com­pensent les dis­per­sions linéaires et non-linéaires par des fibres spé­ciale­ment conçues à cet effet, ampli­fient et remet­tent en forme les bits optiques puis sépar­ent les mes­sages à l’ar­rivée en fonc­tion de leur longueur d’onde. La prochaine évo­lu­tion prévis­i­ble, avec le pas­sage des liaisons com­mer­ciales à 40 giga­bits par sec­onde et par canal de longueur d’onde, est la com­mu­ta­tion entière­ment assurée par voie optique — pour l’in­stant, les fonc­tions de routage vers le des­ti­nataire sont en effet encore très majori­taire­ment assurées par voie élec­tron­ique, quitte à être recon­ver­ties sous forme optique pour les étapes suivantes.

Laser accordable
Laser accordable
Fig­ure 5 
La Société Nettest (autre­fois Pho­to­net­ics) a mis au point un laser accord­able des­tiné aux tests et à la main­te­nance des réseaux optiques mul­ti­longueurs d’onde. Par accord d’un réseau en cav­ité éten­due, ce laser, bap­tisé “ Tunics ”, peut se caler sur toute valeur du “ peigne ” des longueurs d’onde nor­mal­isées de l’Union inter­na­tionale des télé­com­mu­ni­ca­tions et plus générale­ment sur toute longueur d’onde du spec­tre des télé­com­mu­ni­ca­tions optiques ; on iden­ti­fie sur la pho­to, à droite, les élé­ments présen­tés sur le sché­ma, à gauche (doc­u­ments Nettest).


Guidage d’onde, spec­tro­scopie de la sil­ice et des ter­res rares, non-linéar­ités optiques, dis­per­sion, inter­férences, lasers à semi-con­duc­teurs : les pro­grès des télé­com­mu­ni­ca­tions optiques sont des vic­toires des lois de la physique domes­tiquées par des tech­nolo­gies de pointe. Ces dernières années, un inter­mède de car­ac­tère non tech­nologique a cepen­dant per­tur­bé cette évo­lu­tion. La crois­sance de la demande de télé­com­mu­ni­ca­tions, pour être con­sid­érable en rai­son notam­ment de la banal­i­sa­tion de l’In­ter­net, a cepen­dant été sures­timée par les acteurs économiques, et ce dans une mesure telle que l’an­tic­i­pa­tion inadap­tée des besoins a créé puis fait explos­er la ” bulle de l’In­ter­net “. Main­tenant que cette phase s’achève, il reste un fait : la demande con­tin­ue de croître et lorsque la sur­ca­pac­ité des liaisons instal­lées en 2001 aura été con­som­mée par le marché, il con­vien­dra à nou­veau d’é­ten­dre le réseau des télé­com­mu­ni­ca­tions optiques. Bien enten­du, il n’y a aucune incom­pat­i­bil­ité, mais au con­traire une par­faite et même sys­té­ma­tique com­plé­men­tar­ité, entre des liaisons à courte dis­tance mis­es en œuvre par voie hertzi­enne vers des télé­phones ou ordi­na­teurs porta­bles ou élec­tron­ique vers des télé­phones ou ordi­na­teurs fix­es et des liaisons à plus longue dis­tance qui pren­nent le relais par voie optique.

Conclusion

L’op­tique est si riche qu’on tomberait dans la litanie rien qu’à évo­quer la liste des sujets non abor­dés ici : le lidar et ses appli­ca­tions en mesure de pol­lu­ants atmo­sphériques, les impul­sions brèves, qui se mesurent par­fois en attosec­on­des (1 as = 10–18s), l’op­tique des ray­on­nements syn­chro­trons et plus générale­ment l’op­tique X, les débouchés en sci­ences de la vie de l’im­agerie de flu­o­res­cence, la micro­scopie de champ proche qui a dépassé la lim­ite de réso­lu­tion réputée fon­da­men­tale des micro­scopes optiques d’a­vant 1980, les grands inter­féromètres de détec­tion d’évène­ments grav­i­ta­tion­nels comme le pro­jet fran­co-ital­ien Vir­go, la cryp­togra­phie quan­tique qui fait déjà son entrée sur le marché en haut de gamme du marché de la trans­mis­sion sûre et, plus prospec­tive, l’in­for­ma­tion quantique…

Au moment de la bulle de l’In­ter­net, des déc­la­ra­tions un peu sché­ma­tiques ont affir­mé que le xxie siè­cle serait celui de l’op­tique. En fait, le mariage des tech­nolo­gies pour sat­is­faire les besoins de la société est de plus en plus intriqué. L’op­tique y joue une part crois­sante. Elle inter­vient d’ailleurs dans la panoplie des solu­tions à déploy­er pour faire face aux défis iden­ti­fiés comme majeurs pour les prochaines décen­nies : la sécu­rité sous tous ses aspects, la san­té, l’en­vi­ron­nement, la con­som­ma­tion et la four­ni­ture d’én­ergie, sans oubli­er la société de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion dont les besoins en capac­ité de trans­mis­sion, de stock­age, et de traite­ment de l’in­for­ma­tion, sont immen­sé­ment grands, sans lim­ite claire­ment iden­ti­fi­able aujourd’hui.

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1. Alain Aspect, mem­bre de l’A­cadémie des sci­ences et de l’A­cadémie des tech­nolo­gies, est directeur de recherche au CNRS et pro­fesseur à l’É­cole poly­tech­nique. Pierre Chav­el, directeur du Lab­o­ra­toire Charles Fab­ry de l’In­sti­tut d’op­tique, est directeur de recherche au CNRS.
2. Le Lab­o­ra­toire Charles Fab­ry de l’In­sti­tut d’op­tique, ain­si nom­mé en hom­mage au fon­da­teur et pre­mier directeur de l’In­sti­tut d’op­tique, (X 1885), est une unité mixte de recherche du Cen­tre nation­al de la recherche sci­en­tifique, de l’In­sti­tut d’op­tique et de l’u­ni­ver­sité Paris-Sud. Il regroupe les recherch­es menées à l’In­sti­tut d’op­tique, étab­lisse­ment dont la mis­sion d’en­seigne­ment est essen­tielle­ment menée au sein de l’É­cole supérieure d’op­tique, école d’ap­pli­ca­tion de l’É­cole polytechnique.
3. Le phénomène est ana­logue à l’ef­fet de vaguelettes à la sur­face d’une piscine qui dessi­nent des ombres et des caus­tiques au fond du bassin.
4. Rap­pelons que la par­tie de la fibre optique qui guide la lumière est un ” cœur ” d’indice de réfrac­tion plus élevé que celui de la gaine. Le nom­bre de modes guidés par la fibre varie comme le car­ré du diamètre du cœur ; en dessous d’une valeur lim­ite de l’or­dre de quelques longueurs d’onde, un seul mode est guidé.

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