Les relations politiques entre la France et le Brésil, opportunités et risques

Dossier : Le BrésilMagazine N°626 Juin/Juillet 2007
Par Antoine POUILLIEUTE

Le Brésil reste en effet une terre d’op­por­tu­nités. Sur le plan bilatéral, nos deux pays ont établi un parte­nar­i­at par­ti­c­ulière­ment dynamique : le Brésil est notre pre­mier parte­naire com­mer­cial en Amérique latine. C’est une terre d’im­plan­ta­tion et d’in­vestisse­ment pour la France. Quelque 500 entre­pris­es français­es sont présentes au Brésil et emploient 250 000 per­son­nes. L’in­térêt des entre­pris­es français­es pour le Brésil est ancien, et ne s’est jamais démen­ti. Le niveau des investisse­ments directs, qui nous situe au qua­trième rang tant en flux qu’en stock, témoigne de cet intérêt con­stant et de notre con­fi­ance en l’avenir de ce pays. La France, au Brésil, n’est pas seule­ment une puis­sance expor­ta­trice occa­sion­nelle. C’est un parte­naire qui investit dans la durée mal­gré les aléas de la con­jonc­ture et qui con­tribue, par le biais de ses entre­pris­es, au développe­ment du Brésil, en y appor­tant son savoir-faire et sa technologie.

S’ap­puyant sur la présence forte de nos entre­pris­es, la tenue d’une « Année de la France au Brésil », en 2008–2009, devrait per­me­t­tre de ren­forcer notre influ­ence dans les domaines sci­en­tifique, tech­nologique et culturel.

À ce pro­pos, le Brésil est le pre­mier parte­naire de la France en Amérique latine pour la coopéra­tion cul­turelle, sci­en­tifique et tech­nique. La den­sité de notre réseau cul­turel, édu­catif et sci­en­tifique par­ticipe de notre présence au Brésil et con­tribue au développe­ment d’échanges équili­brés, moti­vants et promet­teurs. L’Al­liance française, présente au Brésil depuis cent vingt ans, dis­pose de 74 implan­ta­tions et regroupe 30 000 élèves. C’est le réseau d’al­liances le plus ancien et le plus dense du monde. Le développe­ment de la langue française dans ce grand pays émer­gent est en effet pour notre pays d’un intérêt majeur.

Les échanges uni­ver­si­taires, sci­en­tifiques et tech­niques sont par­ti­c­ulière­ment dynamiques. Un col­lège doc­tor­al fran­co-brésilien a été créé pour per­me­t­tre, dès cette année, de met­tre en place des for­ma­tions doc­tor­ales com­munes. Des réseaux sci­en­tifiques se ren­for­cent sur des thèmes d’ex­cel­lence (biotech­nolo­gies, nan­otech­nolo­gies, val­ori­sa­tion des agro-ressources) tan­dis que nous dévelop­pons la coopéra­tion dans le domaine de l’in­no­va­tion technologique.

La coopéra­tion entre la France et le Brésil en matière d’en­vi­ron­nement et de ressources naturelles, avec le con­cours de nos prin­ci­paux insti­tuts de recherche dans ce domaine, le CIRAD1 et l’IRD2, celui de la Fédéra­tion des Parcs Naturels Régionaux, et les actions du Fonds Français pour l’En­vi­ron­nement Mon­di­al, con­stitue la mar­que de notre intérêt partagé à la mise en œuvre du développe­ment durable. La coopéra­tion tech­nique con­cerne égale­ment le domaine de la san­té, de l’a­gri­cul­ture durable ou encore le développe­ment urbain.

Notre pays, qui en Guyane partage avec le Brésil sa plus longue fron­tière ter­restre, est aus­si un pays ama­zonien. Nous avons, là aus­si, com­mencé à engager une action de coopéra­tion à la fois économique, humaine et aus­si écologique avec nos parcs naturels respec­tifs. Ils nous per­me­t­tront une action com­mune dans le domaine de la sauve­g­arde de la bio­di­ver­sité, de l’é­colo­gie ain­si que dans le domaine du développe­ment du tourisme. C’est dans cet esprit que nous avons signé un accord pour la con­struc­tion d’un pont sur le fleuve Oyapock qui devrait pou­voir com­mencer prochainement.

Parte­naire bilatéral, le Brésil est aus­si un acteur glob­al. Sur de nom­breux sujets, nos deux pays parta­gent la même vision, comme, par exem­ple, lors de récentes crises inter­na­tionales (Irak, Haïti…) ou à pro­pos des enjeux globaux aux­quels nous sommes con­fron­tés (réforme des Nations unies, mécan­ismes inno­vants de finance­ment du développe­ment, lance­ment de la Facil­ité inter­na­tionale d’achat de médica­ments — UNITAID…). Nous parta­geons en par­ti­c­uli­er avec le Brésil la même ambi­tion d’une mon­di­al­i­sa­tion mieux maîtrisée, plus équitable et plus sol­idaire dans un monde multipolaire.

Tout cela, et bien d’autres choses dont l’énuméra­tion serait fas­ti­dieuse tant elles sont nom­breuses, témoigne de la con­fi­ance et de l’ami­tié qui exis­tent entre le Brésil et la France.

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La réal­ité du Brésil d’au­jour­d’hui jus­ti­fie pleine­ment l’en­gage­ment de la France à ses côtés. Parte­naire bilatéral en même temps que glob­al, le Brésil a depuis longtemps attiré nos entreprises.

Pour­rait-il en aller autrement ? On voit mal les cir­con­stances internes au Brésil, qui viendraient men­ac­er une his­toire certes lente, mais bien ori­en­tée. Hors l’hy­pothèse de chocs externes plus dif­fi­ciles à anticiper, deux scé­nar­ios sont possibles.

Celui de la volon­té : au prix d’in­flex­ions mineures en matière moné­taire et budgé­taire, il per­me­t­trait à l’ini­tia­tive de se libér­er dans un cadre plus trans­par­ent et, par­tant, d’ac­com­plir le saut de crois­sance per­me­t­tant au Brésil d’en­gager les réformes néces­saires pour mieux répar­tir les fruits d’un pro­grès pérenne. Le Brésil assumerait alors pleine­ment son statut de pays émergent.

Celui de la non­cha­lance : aucun risque sys­témique n’é­tant à red­outer, les choses con­tin­ueraient d’aller à leur train, sans rien de trag­ique ni rien d’ex­em­plaire, le pays con­tin­u­ant de béné­fici­er d’une image légitime­ment por­teuse. Le Brésil prof­it­erait alors de son statut avant même de l’avoir vrai­ment acquis.

Dès les pre­miers jours de son sec­ond man­dat, qui a débuté le 1er jan­vi­er dernier, le prési­dent Luiz Ina­cio Lula da Sil­va a présen­té un plan pour accélér­er la crois­sance. Mais reste à savoir s’il aura les moyens poli­tiques de men­er à bien les réformes que le pays attend, même si, il est vrai, une con­fort­able majorité devrait le soutenir au Congrès.

Quoi qu’il advi­enne, le Brésil demeur­era un ami impor­tant de la France et un acteur incon­tourn­able de la mondialisation.

Nos pays se con­nais­sent et s’ap­pré­cient depuis longtemps ; un cap­i­tal de sym­pa­thie spon­tanée les unit. Mais nous avons encore beau­coup à appren­dre l’un de l’autre. Je suis intime­ment per­suadé que dans une société mon­di­al­isée, l’é­panouisse­ment des iden­tités exige que les grandes aires de cul­ture se con­for­tent mutuelle­ment par l’échange et le dia­logue. Cela vaut naturelle­ment pour la France et le Brésil qui, j’en suis sûr, sauront resser­rer encore les liens étroits qui les unis­sent déjà. L’An­née de la France au Brésil en sera une excel­lente occasion.

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1. Cen­tre de coopéra­tion inter­na­tionale en recherche agronomique pour le développement.
2. Insti­tut de recherche pour le développement.

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