Les polytechniciens “pieds-noirs” ; réflexions sur la photosynthèse

Dossier : ExpressionsMagazine N°585 Mai 2003Par : René MAYER (47) et Alain ARNAUD (89)

Un polytechnicien sur vingt est un pied-noir

Tou­jours extrê­me­ment ser­viable, la Biblio­thèque cen­trale (ser­vice des archives) de l’É­cole poly­tech­nique a fort aima­ble­ment accep­té à ma demande de cal­cu­ler l’ef­fec­tif, pro­mo­tion par pro­mo­tion, des poly­tech­ni­ciens de natio­na­li­té fran­çaise nés en Afrique du Nord. Confor­mé­ment à la loi infor­ma­tique et liber­té, elle a pré­ser­vé tou­te­fois leur anonymat.

De 1922 à 1925, 29 Fran­çais ori­gi­naires d’A­frique du Nord – ceux qu’on appelle ici les pieds-noirs – ont été reçus dans cette grande école tan­dis qu’à titre fran­çais celle-ci accueillait un total de 1 199 élèves. Le pour­cen­tage était donc de 2,41 %.

De pieds-noirs élèves fran­çais soit
1926 à 1935 77 2 274 3,38%
1936 à 1945 90 2 416 3,72%
1946 à 1955 101 2 125 4,75%
1956 à 1965 189 2 964 6,37%
1966 à 1975 163 2 937 5,55%
1976 à 1981 127 2 142 5,93%

La popu­la­tion totale des 55 pro­mo­tions consi­dé­rées est de 14 858 élèves fran­çais. Par­mi eux, 747 sont nés en Afrique du Nord, soit 5,03 %. Un sur vingt.

Je ne pos­sède pas les don­nées exactes des divers recen­se­ments de popu­la­tion effec­tués à ces époques, tant en Métro­pole qu’en AFN. Mais les ordres de gran­deur sont bien connus : un petit mil­lion de pieds-noirs pour l’Al­gé­rie, 100 000 en Tuni­sie, un peu moins au Maroc et, pour la popu­la­tion métro­po­li­taine : 40 à 55 mil­lions d’ha­bi­tants sui­vant la période. Au pro­ra­ta des popu­la­tions concer­nées, le pour­cen­tage de pieds-noirs reçus à l’X aurait donc dû être d’en­vi­ron 1 élève sur 50, soit 6 à 8 élèves par promotion.

En fait, leur nombre réel est en moyenne de 7,9 pour les pro­mo­tions 1922 à 1952. Il croît jus­qu’à 19,2 pour les pro­mo­tions 1953 à 1962. La moyenne est de 17,5 pour les pro­mo­tions 1963 à 1982, en mar­quant un maxi­mum pour quatre pro­mo­tions suc­ces­sives : 1977 à 1980, cor­res­pon­dant à des indi­vi­dus nés entre début 1957 et fin 1961. Pour ces années, le nombre moyen de pieds-noirs par pro­mo­tion s’é­ta­blit à 25,5, soit 8,35 % de l’ef­fec­tif, ou encore 1 élève sur 12.

La sta­tis­tique prend fin en 1982. La plu­part des Fran­çais d’A­frique du Nord ayant dû, en 1962, fuir leur lieu de nais­sance, vingt ans plus tard, le nombre des can­di­dats fran­çais nés là-bas s’effondre.

En revanche, le nombre d’é­lèves reçus à titre étran­ger, en grande majo­ri­té des Maro­cains et des Tuni­siens, a conti­nué de progresser.

Cette pro­por­tion inat­ten­due de Fran­çais d’A­frique du Nord reçus à Poly­tech­nique ne doit rien à l’o­ri­gine sociale des can­di­dats. Cette der­nière était géné­ra­le­ment modeste.

Avant 1962, ce fort taux de réus­site peut cer­tai­ne­ment être por­té au cré­dit du niveau excep­tion­nel­le­ment éle­vé des grands éta­blis­se­ments secon­daires, tels les lycées Car­not à Tunis, Bugeaud à Alger, Lyau­tey à Casa­blan­ca, etc., qui avaient su s’at­ta­cher les meilleurs maîtres.

Mais après l’exode, quand les can­di­dats ont été dis­per­sés entre tous les lycées et toutes les classes pré­pa­ra­toires de France ?

René MAYER (47)

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Réflexions

Pour pro­lon­ger l’ar­ticle d’A­lain Chau­dron (70) et Cyril Loi­sel (93), n° 581 de jan­vier 2003, ain­si que le com­men­taire de Marc Péle­grin (43), n° 583 de mars 2003, on ne peut man­quer d’é­vo­quer l’ef­froyable catas­trophe éco­lo­gique qui a frap­pé notre pla­nète il y a bien long­temps déjà, bien avant l’ap­pa­ri­tion de l’homme et de la plu­part des formes de vie actuelles.

Je veux par­ler de l’in­ven­tion par la nature de la pho­to­syn­thèse. Il faut réa­li­ser que la terre vivait alors (pai­si­ble­ment ?) avec son atmo­sphère de méthane et de CO2 régu­liè­re­ment ali­men­tée par l’ac­ti­vi­té vol­ca­nique. Et, tout à coup, par cette inven­tion, la com­po­si­tion atmo­sphé­rique va bas­cu­ler vers celle que nous connais­sons aujourd’­hui. Si l’hu­ma­ni­té avait pu être témoin de ce chan­ge­ment, nul doute qu’elle se fût divi­sée en deux camps.

Les pes­si­mistes auraient fait valoir que l’ar­ri­vée mas­sive d’oxy­gène dans une atmo­sphère riche en méthane allait conduire à un mélange hau­te­ment inflam­mable et pro­vo­quer l’ex­plo­sion finale qui rui­ne­rait défi­ni­ti­ve­ment la ten­ta­tive d’ins­tal­la­tion de la vie dans le sys­tème solaire. Les opti­mistes auraient dit que, de toute façon, les maté­riaux éla­bo­rés par pho­to­syn­thèse se dégra­de­raient pour recons­ti­tuer le CO2 ori­gi­nel et que la com­po­si­tion atmo­sphé­rique ne chan­ge­rait guère.

Ils auraient tort, les uns comme les autres. En fait, il s’est trou­vé que le poly­mère issu de la pho­to­syn­thèse avait une den­si­té légè­re­ment supé­rieure à l’eau douce. À peine supé­rieure : heu­reux hasard ! Impé­rieuse néces­si­té ! Mais suf­fi­sam­ment quand même pour que, une fois tom­bés dans l’eau douce, ces maté­riaux soient sous­traits à l’ac­tion cor­ro­sive de l’oxygène.

À mesure de leur vieillis­se­ment, ils allaient perdre leurs atomes d’oxy­gène et d’hy­dro­gène pour se trans­for­mer en lignite et en char­bon. Ain­si, une petite par­tie des maté­riaux issus de la pho­to­syn­thèse seraient sous­traits au cycle du car­bone et l’at­mo­sphère attein­drait-elle la com­po­si­tion que nous lui connais­sons aujourd’hui.

Mieux que les ruines de Pom­péi, les lagunes d’eau douce ont consti­tué d’im­menses et admi­rables puits de car­bone avant que l’homme ne s’a­vise que ces cailloux noirs pou­vaient ali­men­ter un feu pour autant que l’on sache construire une chaudière.

Fau­dra-t-il rem­plir le lac Baï­kal avec la forêt sibé­rienne ? Ou reve­nir au feu de bois ?

Sans doute ni l’un ni l’autre.

Cou­rage, inventons !

Alain ARNAUD (59)

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