“A propos des tribunaux de commerce”, interview de Jean-Claude Delarue, paru dans le numéro d’avril 2003

Dossier : ExpressionsMagazine N°587 Septembre 2003Par : François CORPET (51), Bernard PRUGNAT (52), Alexandre-Robert BONAY (59), Philippe FLEURY (59)

Les tri­bunaux de com­merce ont été créés pour ren­dre une jus­tice adap­tée aux exi­gences de rapid­ité de la vie des affaires. Il n’est pas néces­saire pour être juge d’être un juriste pro­fes­sion­nel. Il faut avant tout une solide expéri­ence du monde des affaires, du bon sens, une apti­tude à con­duire un raison­nement logique, et la fac­ulté de s’adapter à une dis­ci­pline et à des prob­lèmes nou­veaux, toutes qual­ités (y com­pris le bon sens !) répan­dues chez les X. Les con­nais­sances juridiques sont néces­saires ; elles s’ac­quièrent grâce à la doc­u­men­ta­tion disponible, à la for­ma­tion dis­pen­sée avant l’en­trée en fonc­tion, puis com­plétée au cours de ses­sions régulières, égale­ment sur le tas au con­tact des mag­is­trats plus anciens et des avo­cats qui ne man­quent pas de soulever les points de droit.

Dans les tâch­es des tri­bunaux de com­merce, les fail­lites ne con­stituent que la par­tie émergée de l’ice­berg, la par­tie mécon­nue est le règle­ment des lit­iges entre entre­pris­es. Le traite­ment des fail­lites est très étroite­ment encadré par une loi de 237 arti­cles et ses décrets d’ap­pli­ca­tion. En out­re les déci­sions des juges sont sus­cep­ti­bles d’ap­pel. Le plus sou­vent (90 % des cas), la sit­u­a­tion de l’en­tre­prise défail­lante est si dés­espérée que la liq­ui­da­tion s’im­pose. Le juge, tel le com­mis­saire de police, voit son rôle lim­ité à con­stater le décès ; il lui reste à régler le moins mal pos­si­ble la sit­u­a­tion qui en résulte.

Il est regret­table que des pam­phlé­taires aient cru devoir attribuer cet état de fait aux tri­bunaux de com­merce, d’au­tant que ceux-ci s’ef­for­cent depuis des années de dévelop­per une action préven­tive avant qu’il ne soit trop tard. L’ex­péri­ence pro­fes­sion­nelle des juges trou­ve là son plein emploi, car ce n’est pas dans une loi qu’on trou­ve les remèdes ad hoc.

Quoi qu’il en soit, si, après dépôt de bilan, une reprise de l’ac­tiv­ité paraît pos­si­ble le juge du com­merce, pro­fes­sion­nel des affaires habitué à tra­vailler dans un envi­ron­nement incer­tain, est bien placé pour appréci­er la via­bil­ité du pro­jet et les qual­ités du repre­neur. C’est un pari sur l’avenir qui lui est alors demandé.

Au-delà des affaires en péril, les tri­bunaux de com­merce trait­ent les lit­iges que les entre­pris­es ne peu­vent résoudre ami­able­ment. Le plus sou­vent il s’ag­it d’in­ter­pré­ta­tions dif­férentes de con­trats, plus ou moins rédigés ; c’est le lot quo­ti­di­en du juge. Con­traire­ment à une opin­ion com­mune, les tri­bunaux de com­merce ne peu­vent écarter les règles de droit et juger en équité. Ils doivent comme tous les tri­bunaux civils étay­er leurs déci­sions en appli­quant scrupuleuse­ment les textes en vigueur. Ils le font sans doute assez cor­recte­ment, car le pour­cent­age de leurs juge­ments infir­més par les cours d’ap­pel est sen­si­ble­ment inférieur à celui des autres juri­dic­tions civiles.

Par­mi les 400 juges dans la région parisi­enne, beau­coup sor­tent de grandes écoles. Les tri­bunaux de com­merce pour­raient voir aug­menter la pro­por­tion des X : nous ne sommes en effet qu’une grosse vingtaine.

L’ac­tiv­ité de juge est assez prenante dans les tri­bunaux où nous sommes, elle peut représen­ter dix à vingt-cinq heures de tra­vail par semaine, essen­tielle­ment chez soi ; elle s’adresse donc plutôt aux cama­rades en fin de car­rière qui ont la maîtrise de leur emploi du temps. Ils y trou­veront une occu­pa­tion utile et très enrichissante, qu’ils pour­ront pour­suiv­re au début de leur retraite.

Cha­cun, suiv­ant ses goûts, décou­vri­ra des facettes de l’é­conomie qu’il ignore en général, tel le petit com­merce ; il s’y pas­sion­nera aus­si pour appréci­er les respon­s­abil­ités de mal­façons sur des cen­trales ther­miques en Chine et pour étudi­er les cas de con­tre­façon d’ours en peluche ou d’emballages de par­fums. Par-dessus tout, on l’au­ra com­pris, le juge du com­merce trou­ve dans sa fonc­tion une pos­si­bil­ité stim­u­lante d’œu­vr­er au ser­vice du monde des entreprises.

N’hésitez pas à con­tac­ter l’un de nous ou de ceux que vous trou­verez sur la liste non exhaus­tive de l’an­nu­aire (rubrique 00 0048).

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