À propos de l’article “ La mutation des réseaux ” par Jean-Philippe Vanot (72), n° 604, avril 2005, p. 48.

Dossier : ExpressionsMagazine N°607 Septembre 2005Par : Pierre Le GALL (48)

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À la lec­ture de cet article je me suis trou­vé trans­por­té cin­quante ans aupa­ra­vant avec le même but : offrir le maxi­mum de moyens et de sécu­ri­té aux usa­gers grâce aux tech­niques actuelles des télécommunications.

Mais, quelle dif­fé­rence dans les notions adop­tées ! La “ source de tra­fic ”, source d’indépendance et de sécu­ri­té, dis­pa­raît. Moyen­nant quoi, il est très facile de jon­gler à coup de muta­tions. Et on ne peut plus com­prendre la pos­si­bi­li­té de grandes pannes : par exemple, celle du 3 mai 2000 au départ de Paris pour la télé­pho­nie (durant douze heures) et com­men­tée de façon erro­née par l’AFP, le 25 mai 2000. En fait, j’en ai don­né la cause scien­ti­fique dans, après l’énoncé de la Pro­prié­té d’indiscernabilité dans les phé­no­mènes d’attente. C’est que tous nos sys­tèmes de télé­com­mu­ni­ca­tions modernes uti­lisent main­te­nant les phé­no­mènes d’attente entraî­nant l’indiscernabilité des paquets, l’usager disparaissant.

Au début de ma car­rière, seuls les réseaux à appels per­dus exis­taient (avec iden­ti­té entre l’usager et la com­mu­ni­ca­tion) : grâce à une signa­li­sa­tion rapide et à la sélec­tion conju­guée sur plu­sieurs étages, l’appel ne pre­nait un che­min qu’après l’avoir tes­té com­plè­te­ment. La source de tra­fic conser­vait donc pra­ti­que­ment son iden­ti­té, d’étage en étage, et la loi d’Erlang a béné­fi­cié d’une grande lon­gé­vi­té, don­nant la prio­ri­té à la charge des cir­cuits, para­mètre fon­da­men­tal à obser­ver pour la ges­tion des réseaux.

En 1956, un pré­sident de Socié­té (major des Arts et Métiers) invente un gros com­mu­ta­teur cross­bar, très solide mais dif­fi­cile à caser dans un réseau. Il eut alors l’idée, en cas d’insuccès, de pré­sen­ter l’appel sur une autre entrée du réseau grâce à un maillage sup­plé­men­taire d’entraide. Je fus alors char­gé d’examiner cette nou­veau­té d’indis­cer­na­bi­li­té des liai­sons dans un contexte de concur­rence poli­ti­co- économique.

En 1965 à la Direc­tion tech­nique du Shape, je vois appa­raître l’ancêtre de l’Internet. Char­gé de pré­sen­ter la pro­po­si­tion de l’industrie fran­çaise (signa­li­sa­tion ultra­ra­pide de don­nées), je suis ame­né à contri­buer sur les consé­quences de l’effet d’indis­cer­na­bi­li­té des paquets face à une des­truc­tion mas­sive des circuits.

Et l’on conti­nue de gérer les réseaux par l’observation des charges de cir­cuits, alors qu’il fau­drait s’inquiéter de l’organisation et du dimen­sion­ne­ment de la “ zone de com­mande”, sou­mise à l’influence domi­nante des longs paquets impo­sant leur temps de séjour aux petits paquets par suite du phé­no­mène d’agglu­ti­na­tion des paquets.

Encore fau­drait-il deman­der à l’enseignement d’apprendre aux élèves “ l’effet queue série ”, rem­pla­çant la source de tra­fic et l’influence des charges de cir­cuits par de fortes influences des modu­la­tions de lon­gueurs de paquets : à appli­quer à la grande panne de la com­mande d’un réseau de télé­phones por­tables en novembre 2004, réseau basé sur une grande concen­tra­tion (à plu­sieurs étages) vers de simples ser­veurs, ultra­ra­pides mais rece­vant de plein fouet “ l’effet queue série ”.

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1. P. LE GALL – L’indiscernabilité locale dans les réseaux de files d’attente à mul­ti­liai­sons ou mul­ti­ser­veurs – Annales des Télé­comm. (2004), 59, n° 1–2, p. 214–237.

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