Courrier des lecteurs

Dossier : ExpressionsMagazine N°608 Octobre 2005

À propos du In Memoriam de Marc Chervel (52), publié dans la livraison de juin-juillet, n° 606.

Élie SALIN (35)

Notre cama­rade Élie Salin, alors chef d’escadron d’artillerie, était à Alger en 1958, rat­taché au Cab­i­net mil­i­taire du Min­istre rési­dent Robert Lacoste. Il nous a envoyé les pré­ci­sions ci-après sur les événe­ments de mai 1958.

Le 13 mai, les man­i­fes­ta­tions étaient une protes­ta­tion dans toute l’Algérie con­tre le FLN qui avait jugé et fusil­lé trois jeunes sol­dats français détenus depuis dix-huit mois dans des con­di­tions par­ti­c­ulière­ment pénibles et humiliantes.

Le Gou­verne­ment français étant démis­sion­naire et le Min­istre rési­dent ayant été rap­pelé à Paris, cer­tains groupes à Alger ont décidé de prof­iter de cette carence du pou­voir pour ten­ter une action de force con­tre l’administration : vers 18h30, ils envahissent le Gou­verne­ment général.

Le général Salan, faute de pop­u­lar­ité auprès de la pop­u­la­tion, ne peut intervenir.

Sur sa demande, c’est le général Mas­su qui réus­sit à canalis­er les man­i­fes­tants et à calmer la foule. Il réu­nit les représen­tants des man­i­fes­tants et d’Associations d’anciens com­bat­tants et, avec l’accord du général Salan, con­stitue un “ Comité de Salut pub­lic ” qu’il pré­side et où il invite une dizaine d’officiers.

Vers 21h30, Félix Gail­lard, prési­dent du Gou­verne­ment démis­sion­naire, habilite le général Salan “ à pren­dre toutes mesures pour la pro­tec­tion des per­son­nes et des biens ” – délé­ga­tion de pou­voir con­fir­mée le lende­main 14 mai au matin par le nou­veau prési­dent du Gou­verne­ment Pierre Pflimlin.

En fin de journée, Pierre de Chevi­gné, nou­veau min­istre de la Défense, donne, au nom du Prési­dent de la République, “ l’ordre aux mil­i­taires de rester dans le devoir sous l’autorité du Gou­verne­ment de la République ”.

Marc Chervel envoie alors, avec le cap­i­taine Paquet, sa let­tre dans laque­lle il con­damne le Comité de Salut pub­lic. L’intention était louable mais c’était, prob­a­ble­ment par défaut d’information, une erreur d’interprétation politique.

Il y a dans la chaîne hiérar­chique des officiers qui font par­tie des Comités de Salut pub­lic locaux. Il est classé comme opposant et la sanc­tion poli­tique tombe, bru­tale. Poli­tique et jus­tice sont sou­vent en opposition !

Il était effec­tive­ment proche du milieu chré­tien pro­gres­siste dont quelques élé­ments avaient pu lier des rela­tions avec le FLN. Lui-même a tou­jours été étranger à ces con­tacts et sa rigueur morale et sa droi­ture ne peu­vent en aucune façon être mis­es en cause.

Et puisque est évo­quée cette douloureuse péri­ode, Élie Salin veut saluer la mémoire de notre cama­rade Salah Bouak­ouir (28), fidèle Kabyle et fidèle Français. Secré­taire général auprès du Min­istre rési­dent, il fit face à toutes les men­aces. Il se noya acci­den­telle­ment en sep­tem­bre 1961 près de Djidjelli.

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Quelques réflexions sur le sujet de l’avenir des Grandes Écoles

David DORNBUSCH (94)

L’avenir des Grandes Écoles et en par­ti­c­uli­er de l’X fait l’objet de nom­breuses réflex­ions aux­quelles je souhaitais con­tribuer par une approche quelque peu iconoclaste.

On peut approcher aujourd’hui Poly­tech­nique et un cer­tain nom­bre d’autres écoles français­es comme des “mar­ques”, au strict sens mar­ket­ing du terme : un signe de recon­nais­sance qui guide le “ con­som­ma­teur ” par­mi la mul­ti­tude de pro­duits qui sont disponibles sur le marché. Il serait intéres­sant de réalis­er une étude sur les “ mar­ques ” les plus fortes en France aujourd’hui, sans doute ver­rait-on que Poly­tech­nique est et reste l’une des dix ou vingt mar­ques les plus fortes en France entre… Renault, Le Monde, La Poste et d’autres, tant auprès du grand pub­lic que des décideurs. Ceci serait à mesur­er rigoureuse­ment mais ce qui est égale­ment cer­tain sans qu’aucune étude ne soit néces­saire est que Poly­tech­nique est une mar­que stricte­ment française et que sa valeur est proche de zéro dès les fron­tières de l’Hexagone franchies. La nou­velle édi­tion du fameux classe­ment de l’université de Shang­hai vient de nous le rap­pel­er cruellement.

On pour­rait donc approcher la ques­tion de l’avenir des Grandes Écoles sous un angle totale­ment dif­férent, celui de la ges­tion d’une mar­que “ locale ” dans l’univers

mon­di­al­isé, à l’instar, soyons bru­taux, des anci­ennes mar­ques de lessive nationale Dash et Omo inté­grées par les lessiviers mon­di­aux. Autrement dit, com­ment cap­i­talis­er sur l’actif que con­stitue une mar­que locale-nationale pour “ rebondir ” au niveau mondial.

La lit­téra­ture sci­en­tifique et com­mer­ciale sur le mar­ket­ing pro­pose plusieurs straté­gies à cet effet, issues des straté­gies des grands groupes.

Un des élé­ments qui ressort de cette réflex­ion est qu’il n’y a pas de fatal­ité au déclin d’une mar­que. On con­naît les cycles de vie des pro­duits, leur dis­pari­tion inéluctable dès qu’apparaît une inno­va­tion qui rend obsolète la précé­dente. On a de nom­breux exem­ples de mar­ques qui meurent par déci­sion stratégique ou plus sou­vent, croiton, par vieil­lesse. Or il n’y a aucune rai­son pour qu’une mar­que meure si elle fait bien son tra­vail. Des mar­ques rel­a­tive­ment anci­ennes (Coca-Cola 1895, Kellog’s 1903, Maille 1747, Renault 1899, Guer­lain 1828, Peu­geot 1810, Miche­lin 1898, LU 1860, La Vache qui rit 1921) sont tou­jours con­sid­érées comme des mar­ques lead­ers en ter­mes d’image.

On peut à partir de là imaginer diverses stratégies

La réponse générale est que le développe­ment des mar­ques passe de plus en plus par le brand stretch­ing (élar­gisse­ment).

Par­fois la mar­que se lance seule dans cette entre­prise (Car­refour Voy­age, Car­refour et le crédit ban­caire, etc.). Dans ce cas il s’agirait de la créa­tion ou fusion dans une mar­que mon­di­ale : “ Poly­tech­nics ”… ( avec toutes les Écoles poly­tech­niques du Monde).

Mar­que ombrelle : de nom­breuses mar­ques sor­tent de leur sphère de com­pé­tence d’origine pour s’attaquer à d’autres marchés (Andros, Lus­tu­cru, Uncle Bens, etc.). On pour­rait ain­si imag­in­er con­va­in­cre le MIT de devenir une mar­que mon­di­ale et se met­tre sous son para­pluie en devenant MIT France.

Co-brand­ing : sur le mod­èle co-brand­ing de Danone- Mot­ta, Mer­cedes-Swatch, Côte d’Or-Yoplait, on pour­rait imag­in­er MIT-Poly­tech­nique, ou Cam­bridge-Poly­tech­nique, voire même au-delà Microsoft-Poly­tech­nique ou Google-Poly­tech­nique (un peu provo­cant pour stim­uler le débat), etc.

Ce cour­ri­er a pour but d’ouvrir les imag­i­na­tions et non pas de pro­pos­er une stratégie de référence qui doit inclure de très nom­breux paramètres et ne se résume pas au choix du “ nom le plus plaisant à l’oreille ”. En par­ti­c­uli­er les ques­tions de qual­ité et de per­cep­tion du pro­duit sont indis­pens­ables dans une telle analyse.

Le point essen­tiel reste que, une fois con­va­in­cu de la grav­ité de la sit­u­a­tion, il faut entamer une démarche. Poly­tech­nique a été pio­nnier (élar­gisse­ment des pro­mos, étu­di­ants étrangers, etc.), mais il s’agit désor­mais de pass­er à la vitesse supérieure.

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