Mesurer sereinement les effets du réchauffement climatique

Dossier : ExpressionsMagazine N°641 Janvier 2009Par : Gérard DRÉAN (54)

Per­sonne ou presque ne nie la réa­li­té du réchauf­fe­ment. Le scep­ti­cisme ne porte que sur son carac­tère excep­tion­nel et sa péren­ni­té : la Terre a tou­jours connu des chan­ge­ments cli­ma­tiques tout aus­si amples et bru­taux, ensuite résor­bés par de nou­veaux chan­ge­ments en sens inverse. Le véri­table débat com­mence avec l’o­ri­gine du réchauf­fe­ment. Est-elle majo­ri­tai­re­ment, voire exclu­si­ve­ment anthro­pique, ou bien la part humaine est-elle mino­ri­taire voire négli­geable ? Il y a de solides argu­ments scien­ti­fiques des deux côtés, et à mon avis le débat serait loin d’être clos si le » consen­sus » ne s’é­tait pas trans­for­mé en excom­mu­ni­ca­tion de ceux qui osent mettre en ques­tion le dogme de l’o­ri­gine anthropique.

En admet­tant même que le réchauf­fe­ment soit pérenne et d’o­ri­gine anthro­pique, un deuxième niveau de débat, éga­le­ment de nature scien­ti­fique, porte sur ses effets. Le pro­blème est ici que l’ex­trême com­plexi­té des phé­no­mènes inter­dit pra­ti­que­ment de pré­voir leurs effets locaux, dont les scien­ti­fiques s’ac­cordent à pen­ser qu’ils sont très diver­si­fiés. Les scep­tiques font tout au plus remar­quer qu’on dra­ma­tise les effets néga­tifs en pas­sant sous silence les effets posi­tifs, alors que dans l’his­toire humaine les périodes de réchauf­fe­ment ont tou­jours été des époques de pros­pé­ri­té et de déve­lop­pe­ment, les périodes de refroi­dis­se­ment des périodes de misère et de violences.

Agir, mais dans quel sens ?

Admet­tons qu’il faut agir. Mais dans quel sens ? Pour empê­cher le réchauf­fe­ment ou pour s’a­dap­ter à ses effets ? Il est clair que la réponse dépend de l’o­pi­nion qu’on a de son ori­gine : si on pense que la part anthro­pique est faible, il n’y a pas d’autre choix que s’a­dap­ter. En tout état de cause, ce débat prend alors aus­si une dimen­sion éco­no­mique : quelles actions consti­tuent une uti­li­sa­tion opti­male de nos res­sources ? Cette ana­lyse doit évi­dem­ment prendre en compte les effets secon­daires des actions envi­sa­gées, où là encore l’ex­trême com­plexi­té des phé­no­mènes réserve des sur­prises et incite à la plus grande pru­dence. Nom­breux sont ceux qui pensent que la bonne voie est celle de l’a­dap­ta­tion, pro­gres­sive par nature et qui devra se faire de toute façon, et que ten­ter d’empêcher le réchauf­fe­ment est du gaspillage.

Nom­breux sont ceux qui pensent que la bonne voie est celle de l’adaptation, pro­gres­sive par nature et qui devra se faire de toute façon

Enfin, à sup­po­ser qu’on ait défi­ni ce qu’il faut faire, et quelle que soit l’ac­tion rete­nue, il reste la der­nière étape du rai­son­ne­ment, qui est de nature poli­tique. Nous devons agir, soit, mais qui est-ce » nous » ? On tombe là sur la confu­sion séman­tique habi­tuelle entre » nous » et » l’É­tat « , qui sévit dans tous les domaines. » Nous « , ce n’est pas néces­sai­re­ment l’É­tat, bien au contraire. Par exemple, pen­dant que le gou­ver­ne­ment des États-Unis refuse de signer le pro­to­cole de Kyo­to, les USA sont l’un des pays, sinon le pays, où les entre­prises inves­tissent le plus pour la pro­tec­tion de l’environnement.

La porte ouverte à la tyrannie

Depuis Locke et bien d’autres, la tra­di­tion libé­rale dit que l’É­tat n’a pas le droit d’im­po­ser des actions à tous les citoyens, que ce soit au nom de la science ou de la majo­ri­té, et que remettre les pro­blèmes entre les mains de l’É­tat est à la fois une forme de démis­sion, un gage d’i­nef­fi­ca­ci­té et la porte ouverte à la tyran­nie. Cette posi­tion s’ap­plique évi­dem­ment à tous les domaines, y com­pris la pro­tec­tion de l’environnement.

Du fait que la Terre se réchauffe ne découle donc pas néces­sai­re­ment que les États doivent légi­fé­rer pour l’empêcher. Entre les deux extré­mi­tés du rai­son­ne­ment se cachent des hypo­thèses tout à fait contes­tables que les » scep­tiques » essaient de faire remon­ter à la lumière dans l’in­té­rêt du débat, sans pour autant devoir nier la réa­li­té du réchauf­fe­ment. Bien enten­du, la posi­tion libé­rale rap­pe­lée ci-des­sus laisse toute liber­té à tous les convain­cus de faire le tra­vail d’in­for­ma­tion et de per­sua­sion qu’ils jugent utile et d’en­tre­prendre eux-mêmes les actions qu’ils pensent néces­saires, en mobi­li­sant leurs par­ti­sans mais sans impo­ser aux scep­tiques d’y par­ti­ci­per en quelque façon que ce soit.

Gérard Dréan (54)

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