Les engagements volontaires :

Dossier : Entreprise et environnementMagazine N°587 Septembre 2003
Par Jean PELIN (71)


 

Il n’est pas sur­prenant que les entre­pris­es indus­trielles priv­ilégient, pour faire face aux exi­gences du développe­ment durable, les démarch­es d’en­gage­ment volon­taire aux autres instru­ments sou­vent mis en avant par les autorités, les États ou les respon­s­ables poli­tiques : la fis­cal­ité et les réglementations.

En effet, ces engage­ments volon­taires sont eux-mêmes sou­vent le résul­tat de pres­sions extérieures (médi­a­tiques, acci­dents liés à l’en­vi­ron­nement…) et font tou­jours l’ob­jet de con­sen­sus réels au sein des entre­pris­es, ou de groupes d’en­tre­pris­es. Ils per­me­t­tent un réel pro­grès, générale­ment quan­tifi­able, dans le domaine de l’amélio­ra­tion de l’en­vi­ron­nement. Ils s’in­scrivent en out­re dans la logique d’une économie de marché en répon­dant aux lois de l’of­fre et de la demande et en per­me­t­tant d’in­ter­nalis­er, au coût mar­gin­al, des nui­sances externes ; ce sont donc des instru­ments naturels pour les agents économiques qui y voient un des élé­ments de leur stratégie.

C’est ain­si que de nom­breuses entre­pris­es, dans tous les secteurs d’ac­tiv­ité, ont engagé depuis plus de dix ans des démarch­es volon­taires pour pro­gress­er dans tous les domaines ayant un impact sur l’en­vi­ron­nement. Les résul­tats, tan­gi­bles et quan­ti­tat­ifs, démon­trent que cette volon­té de pro­grès per­met de mod­i­fi­er en pro­fondeur les com­porte­ments man­agéri­aux et entrepreneriaux.

L’ex­em­ple du groupe ST Micro­elec­tron­ics, qui a décidé en 1994 que l’ensem­ble de ses opéra­tions serait revu sous le prisme du man­age­ment envi­ron­nemen­tal est, à cet égard, sig­ni­fi­catif. Ain­si, toutes les activ­ités de recherche, de développe­ment et de pro­duc­tion sont-elles en mesure de présen­ter des résul­tats con­crets (économie d’én­ergie sig­ni­fica­tive, con­som­ma­tion d’eau réduite de 75 %, réduc­tion de 90 % des émis­sions de com­posés flu­o­rés…) et l’en­tre­prise est désor­mais engagée dans un objec­tif de “neu­tral­ité envi­ron­nemen­tale” sur le périmètre de ses activ­ités pro­pres évidemment.

D’une manière plus générale, depuis les années qua­tre-vingt-dix, l’in­dus­trie française s’est ain­si engagée volon­taire­ment dans la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre. C’est notam­ment le cas du groupe Péchiney, qui a réduit, en 2000 par rap­port à 1990, de 73 % ses émis­sions, en valeur absolue, de tétra­flu­o­re de car­bone (CF4), gaz compt­abil­isé dans le cadre du pro­to­cole de Kyoto.

En 1996, la Fédéra­tion française de l’aci­er et la Cham­bre syn­di­cale nationale des fab­ri­cants de chaux grass­es et mag­nési­ennes se sont engagées à réduire leurs émis­sions respec­tives de CO2.

Compte tenu du car­ac­tère inter­na­tion­al du sujet, il est impor­tant de rap­pel­er les ter­mes anglo-sax­ons et leurs équiv­a­lents en français :
 
Respon­si­ble Care : Engage­ment de Progrès.
Prod­uct stew­ard­ship : Ges­tion respon­s­able des produits.
Stake­hold­ers : Par­ties prenantes.
ICCA : Inter­na­tion­al Coun­cil of Chem­i­cal Associations.

Dans le domaine du ciment, c’est le Syn­di­cat français de l’in­dus­trie cimen­tière qui prévoy­ait de réduire de 25 % entre 1990 et 2000 la total­ité de ses émis­sions de CO2 en prove­nance de la con­som­ma­tion de com­bustibles fossiles.

Dans le secteur de l’au­to­mo­bile, l’ACEA vise égale­ment à réduire à 140g/km d’i­ci 2008 les émis­sions moyennes de CO2 pour les voitures par­ti­c­ulières neuves (com­mer­cial­isées dans l’U­nion européenne par l’ACEA).

Pour ne pas être en reste, dans le secteur des ser­vices, la société Trois Suiss­es France se pro­pose de réduire de 25 % ses émis­sions de gaz car­bonique, par des mesures por­tant sur la con­som­ma­tion d’én­ergie sur les sites de l’en­tre­prise, et sur les con­di­tions de trans­port des marchan­dis­es ven­dues. L’en­gage­ment con­tient aus­si bien l’amélio­ra­tion des coef­fi­cients de rem­plis­sage que le choix de trans­ports (véhicules fonc­tion­nant au gaz de pét­role liqué­fié, au gaz naturel ou à l’électricité).

Tout aus­si sig­ni­fi­catif est “l’En­gage­ment de Pro­grès”® de l’in­dus­trie chim­ique française, décli­nai­son hexag­o­nale du pro­gramme “Respon­si­ble Care®.

Un petit historique

Le pro­gramme Respon­si­ble Care est une ini­tia­tive dévelop­pée au Cana­da par la CCPA — Cana­di­an Chem­i­cal Pro­duc­ers Asso­ci­a­tion — en 1985 et adop­tée depuis par 47 pays mem­bres de l’IC­CA, dont les entre­pris­es représen­tent plus de 80 % de la pro­duc­tion chim­ique mon­di­ale en volume.

Lannemezeau, une usine Atofina en pleine nature
Lan­nemezeau, Ato­fi­na. PHOTO M. REZZADERE

L’in­dus­trie chim­ique, dont la con­tri­bu­tion au pro­grès économique et social, au développe­ment de la qual­ité de la vie et au bien-être est indis­cutable, s’en­gage, à tra­vers le Respon­si­ble Care, non seule­ment à amélior­er de façon régulière et con­tin­ue ses per­for­mances en ter­mes de sécu­rité et de pro­tec­tion de la san­té et de l’en­vi­ron­nement, mais égale­ment à mon­tr­er que ces amélio­ra­tions sont effec­tives, répon­dant ain­si aux attentes du public.

En France, si la chimie s’est engagée dans ce pro­gramme en 1990, c’est que forte de l’ex­péri­ence acquise dans le domaine de la maîtrise des ques­tions de sécu­rité et de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement, elle se sen­tait alors prête à pren­dre un tel engagement.

On peut en par­ti­c­uli­er citer quelques actions dont la pro­fes­sion avait eu l’ini­tia­tive au cours des années précédentes :

  • mise au point de fich­es de don­nées de sécu­rité pour ses clients, fich­es ensuite adop­tées qua­si­ment telles quelles par l’Afnor,
  • mise en place de sys­tèmes d’as­sis­tance divers lors d’ac­ci­dents de trans­port de matières dan­gereuses qui ont con­duit à la sig­na­ture de la con­ven­tion nationale Tran­said par l’UIC et les pou­voirs publics,
  • engage­ments de cer­tains secteurs de la chimie en ce qui con­cerne l’im­pact de leurs pro­duits sur l’en­vi­ron­nement : les fab­ri­cants de pein­ture et la réduc­tion de la teneur en solvants de cer­taines de leurs gammes, les pro­duc­teurs d’en­grais et la pro­mo­tion des bonnes pra­tiques agri­coles, les pro­duc­teurs de matières plas­tiques et le recy­clage des bouteilles de PVC.


Il était, à l’époque, apparu aux respon­s­ables de l’in­dus­trie chim­ique qu’un engage­ment solen­nel de pro­grès, signé par les chefs d’en­tre­pris­es, pou­vait égale­ment con­va­in­cre les pou­voirs publics et l’opin­ion que l’in­dus­trie chim­ique maîtri­sait ses prob­lèmes de sécu­rité, de pro­tec­tion de la san­té et de l’en­vi­ron­nement. Cela per­me­t­trait aus­si de don­ner corps à la dimen­sion envi­ron­nemen­tale du développe­ment durable, et de ren­forcer l’indis­pens­able cohé­sion de la pro­fes­sion déjà décriée pour le car­ac­tère ” pol­lu­ant ” de ses procédés de production.

L’U­nion des indus­tries chim­iques, depuis 1990, date offi­cielle du lance­ment, invite les prési­dents de sociétés qui lui sont affil­iées à sign­er per­son­nelle­ment les neuf principes directeurs de l’En­gage­ment de Pro­grès pour l’amélio­ra­tion de la sécu­rité, de la pro­tec­tion de la san­té et de l’en­vi­ron­nement résumés ci-dessous :

  • con­for­mité de la poli­tique de l’en­tre­prise avec l’engagement,
  • impli­ca­tion du per­son­nel à tous les niveaux,
  • appré­ci­a­tion et sélec­tion des sous-trai­tants et contractants,
  • amélio­ra­tion des performances,
  • infor­ma­tion du personnel,
  • infor­ma­tion des clients, du pub­lic et des autorités,
  • opti­mi­sa­tion des ressources, min­imi­sa­tion des déchets,
  • con­tri­bu­tion à la recherche,
  • pro­mo­tion et partage d’expériences.


L’En­gage­ment de Pro­grès a, à ce jour, été signé par plus d’un tiers des sociétés mem­bres qui représen­tent la moitié des sites chim­iques et plus de 90 % du chiffre d’af­faires de l’in­dus­trie chim­ique française.

Le cœur de cet engage­ment, qui repose sur le volon­tari­at, est bien la volon­té de l’en­tre­prise non seule­ment de respecter les dis­po­si­tions régle­men­taires et les recom­man­da­tions pro­fes­sion­nelles, de met­tre en œuvre les meilleures pra­tiques indus­trielles, mais égale­ment “de chercher con­stam­ment à amélior­er ses per­for­mances dans les domaines de la sécu­rité, de la pro­tec­tion de la san­té et de l’environnement”.

Deux objectifs pour la profession

Graphiques indicateurs de performance HSE pour la chimieUn objec­tif interne : mobilis­er toutes les entreprises :

  • en dif­fu­sant les principes et les pra­tiques de l’En­gage­ment de Pro­grès (y com­pris le Prod­uct Stewardship) ;
  • en aidant les entre­pris­es à les met­tre en œuvre ;
  • en s’as­sur­ant de l’amélio­ra­tion con­tin­ue des per­for­mances HSE (Hygiène, Sécu­rité, Envi­ron­nement) de l’ensem­ble des adhérents de l’UIC.


Un objec­tif externe : gag­n­er la con­fi­ance de tous les ” stake­hold­ers ” en com­mu­ni­quant de façon plus sys­té­ma­tique sur les réal­i­sa­tions et les per­for­mances de la pro­fes­sion avec toutes les par­ties intéressées :

  • au niveau local : per­son­nel des entre­pris­es, com­mu­nautés voisines, admin­is­tra­tions, élus, médias ;
  • au niveau nation­al : admin­is­tra­tions, grand pub­lic, médias ;
  • au niveau inter­na­tion­al : asso­ci­a­tions de chimistes mon­di­aux, admin­is­tra­tions européenne et “onusi­enne”.

Quatre thèmes stratégiques qui font l’objet d’actions prioritaires

Au-delà des objec­tifs globaux, qui sont très large­ment partagés, par toutes les entre­pris­es, grands groupes inter­na­tionaux ou PME, instal­lés en France, le pro­gramme ” Engage­ment de Pro­grès ” a fait récem­ment l’ob­jet d’un plan d’ac­tion con­cret actuelle­ment en cours de réalisation.

La mobilisation et le rassemblement de toutes les entreprises chimiques françaises

Alors qu’il y a plus de 1 200 entre­pris­es de plus de vingt salariés, en France, opérant dans le domaine de la chimie (code NAF 24. de l’IN­SEE), seule­ment à peine 400 sont sig­nataires de l’En­gage­ment de Progrès.

Par un prosé­lytisme quo­ti­di­en, tous les acteurs du pro­gramme s’emploient donc à aug­menter le nom­bre de sig­nataires ; un partage réguli­er des expéri­ences dans le domaine HSE, un proces­sus de mise à dis­po­si­tion d’ex­perts auprès des PME per­me­t­tent notam­ment d’ar­gu­menter en faveur de l’ad­hé­sion à l’En­gage­ment de Pro­grès ; l’ob­jec­tif est ici de dou­bler le nom­bre d’en­tre­pris­es sig­nataires dans un délai de trois ans.

La collecte et la publication d’indicateurs de performance

La récente mise en œuvre d’un ques­tion­naire annuel per­met non seule­ment une con­sol­i­da­tion des don­nées pour les entre­pris­es chim­iques en France, dans les domaines de la sécu­rité et de la san­té au tra­vail, de l’en­vi­ron­nement (air, eau, déchets, sites et sols…), de l’én­ergie et des trans­ports, mais aus­si et surtout per­met de visu­alis­er les pro­grès accom­plis par ce secteur indus­triel depuis 1990.

Il s’in­scrit aus­si dans un con­texte de “report­ing” inter­na­tion­al et l’in­dus­trie chim­ique est ain­si en mesure de com­mu­ni­quer l’évo­lu­tion de son pro­gramme aux instances inter­na­tionales, telles que la Com­mis­sion européenne, le PNUE1, le WBCSD2, etc.

Le renforcement de la communication interne et externe

Secteur par­ti­c­ulière­ment touché en France par la récente cat­a­stro­phe de Toulouse, l’in­dus­trie chim­ique doit impéra­tive­ment se “réc­on­cili­er” avec la pop­u­la­tion pour assur­er son développe­ment ; sans nier le car­ac­tère dan­gereux de ses pro­duits, l’in­dus­trie chim­ique s’emploie à com­mu­ni­quer sur sa réelle maîtrise des risques, sur l’u­til­i­sa­tion qui est faite de ces pro­duits, et bien évidem­ment sur les enjeux qu’elle représente pour l’é­conomie et pour l’emploi.

La démarche “Engage­ment de Pro­grès” est indis­cutable­ment un atout spé­ci­fique du secteur qui mérite une meilleure recon­nais­sance de la part du pub­lic, des médias et des ONG.

Il incombe ain­si à toutes les entre­pris­es sig­nataires de présen­ter un plan de com­mu­ni­ca­tion au même titre qu’elles répon­dent à l’en­quête annuelle sur les prin­ci­paux indi­ca­teurs HSE.

Le développement du “Product Stewardship

Le “Prod­uct Stew­ard­ship” (Ges­tion respon­s­able des pro­duits) est le volet le plus com­plexe à met­tre en œuvre dans l’En­gage­ment de Pro­grès. En effet, il con­siste à impli­quer tous les acteurs de la chaîne logis­tique (four­nisseurs, clients, dis­trib­u­teurs, util­isa­teurs fin­aux) dans un proces­sus har­mon­isé où tous s’en­ga­gent, mal­gré des intérêts quelque­fois diver­gents, à œuvr­er dans la même direction.

C’est en prenant en compte cette com­plex­ité que les indus­triels ont adop­té une démarche très prag­ma­tique, con­sis­tant à cibler des actions pré­cis­es sur les pro­duits chim­iques : à titre indi­catif, on peut citer :

  • un accord entre les pro­duc­teurs d’éther de gly­col (classés tox­iques pour la repro­duc­tion) qui a per­mis de met­tre en place un sys­tème d’en­gage­ment formel de leurs dis­trib­u­teurs d’en con­trôler les ventes pour qu’au­cun pro­duit ne soit util­isé pour des appli­ca­tions grand public ;
  • des rela­tions plus régulières avec la chaîne aval (grande dis­tri­b­u­tion) et une volon­té d’har­mon­i­sa­tion dans le domaine de l’é­ti­que­tage et de l’in­for­ma­tion des consommateurs ;
  • un accord liant formelle­ment le secteur de la dis­tri­b­u­tion de pro­duits chim­iques et par lequel ce dernier s’en­gage à met­tre en œuvre l’En­gage­ment de Pro­grès, à l’in­star des industriels.


Ces thèmes pri­or­i­taires font l’ob­jet de revues sys­té­ma­tiques par les com­mis­sions ad hoc qui s’emploient à main­tenir la dynamique de ce pro­gramme ; car le risque d’es­souf­fle­ment, au bout de douze ans, est bien réel et per­cep­ti­ble et c’est pré­cisé­ment ce risque qu’il est indis­pens­able de prévenir, en faisant preuve de créa­tiv­ité et de dynamisme collectif.

Les résul­tats, indis­cuta­bles, aux­quels ont per­mis d’aboutir les engage­ments volon­taires, témoignent ain­si de la réelle per­ti­nence de ce type d’in­stru­ments pour les acteurs économiques. 

Pour des ren­seigne­ments plus com­plets sur les pro­grammes “Engage­ment de Pro­grès” et “Respon­si­ble Care”, con­sul­ter les sites Web de l’UIC (www.uic.fr) et et de l’IC­CA (www.icca-chem.org).

1. Pro­gramme des Nations unies pour l’environnement.
2. World Busi­ness Coun­cil for Sus­tain­able Development.


 

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