Tendances récentes du placement immobilier

Dossier : Placements financiersMagazine N°590 Décembre 2003
Par Hubert LÉVY-LAMBERT (53)

Investissement direct ou placement collectif

Le place­ment immo­bili­er a tou­jours eu la cote auprès des Français. Même s’il ne s’ag­it pas d’un place­ment de tout repos, ses fluc­tu­a­tions ne sont rien à côté de celles de la Bourse. A long terme, ce place­ment est tou­jours gag­nant sur l’in­fla­tion. Il per­met en out­re de join­dre l’u­tile à l’a­gréable car beau­coup de Français aiment plac­er eux-mêmes directe­ment leur argent, ce que seul l’im­mo­bili­er permet.

Si on veut inve­stir 50 ou 100.000 € dans les télé­com­mu­ni­ca­tions, les matéri­aux de con­struc­tion ou la grande dis­tri­b­u­tion, on n’en­vis­agera pas d’a­cheter quelques mètres car­rés de cen­tral télé­phonique, de cimenterie ou d’hy­per­marché. On achètera par exem­ple des actions de France Télé­com, Lafarge ou Car­refour, ou bien des parts de Sicav ou fonds com­muns de placement.

En revanche, pour inve­stir la même somme dans l’im­mo­bili­er, on pour­ra choisir par­mi de nom­breuses sociétés immo­bil­ières cotées ou non mais beau­coup préfèreront inve­stir directe­ment dans un stu­dio qu’ils rénoveront et met­tront en loca­tion et qu’ils géreront et entre­tien­dront eux-mêmes.

Pour­tant, si l’on tient compte des frais que cela implique et des aléas d’un place­ment isolé, sans compter le temps qu’il faut y con­sacr­er, le recours à des place­ments col­lec­tifs gérés par des pro­fes­sion­nels est cer­taine­ment plus rentable et moins risqué.

Ces place­ments col­lec­tifs sont nom­breux et var­iés, qu’il s’agisse de SCPI ou de fon­cières cotées. Les unes et les autres ont béné­fi­cié récem­ment de nou­velles dis­po­si­tions lég­isla­tives et régle­men­taires favorables.

Prix de l’immobilier ancien à Paris de 1988 à 2003

Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI)

Nées d’une loi de 1970, les SCPI sont à la fois des sociétés civiles et des « instru­ments financiers », au même titre que les actions ou les oblig­a­tions (art. L 211–1 et 214–1 du Code moné­taire et financier). Il y a un peu moins de deux cents SCPI cap­i­tal­isant près de 10 G€. Elles sont générale­ment spé­cial­isées dans une caté­gorie d’im­mo­bili­er : habi­ta­tion, bureaux, murs de mag­a­sins notamment.
Elles sont gérées par des sociétés de ges­tion agréées par la COB, générale­ment fil­iales de grandes ban­ques mais il existe aus­si des groupes indépen­dants qui gèrent des SCPI petites et grandes.

L’a­van­tage de la SCPI par rap­port au place­ment direct est la ges­tion déléguée, la divi­sion des risques et la liq­uid­ité. La SCPI béné­fi­cie en out­re de la trans­parence fis­cale, ses asso­ciés étant imposés au pro­ra­ta de leur par­tic­i­pa­tion, sans dou­ble imposition.

Pen­dant la crise des années 90, les SCPI ont été beau­coup cri­tiquées sur leur absence de liq­uid­ité, mais il s’agis­sait en fait d’une cri­tique qui s’adres­sait plus générale­ment à l’ensem­ble du marché immo­bili­er et pas unique­ment aux SCPI. Quoi qu’il en soit, la loi du 9 juil­let 2001 a mod­i­fié le fonc­tion­nement du marché sec­ondaire des SCPI à cap­i­tal fixe en sup­p­ri­mant la notion de « prix de ces­sion con­seil­lé » qui était à l’o­rig­ine de nom­breux malen­ten­dus1.

Dans le nou­veau sys­tème, chaque SCPI accu­mule les ordres pen­dant une péri­ode générale­ment men­su­elle, mais pou­vant aller d’une journée à trois mois ; les ordres de vente sont triés par prix crois­sants et les ordres d’achat triés par prix décrois­sants ; le prix d’exé­cu­tion, unique pour la péri­ode, est celui qui per­met d’équili­br­er l’of­fre et la demande en assur­ant l’échange du plus grand nom­bre de parts.
Cette réforme n’est qu’une étape vers le but qui est que les SCPI fonc­tion­nent comme un vrai pro­duit financier mod­erne avec un marché cen­tral­isé acces­si­ble à tous sur Internet.

Les SCPI vien­nent en out­re d’être autorisées à céder chaque année 15 % de leur pat­ri­moine au lieu de 5 % aupar­a­vant. D’autres réformes sont atten­dues de longue date, dont l’élar­gisse­ment de leur objet social à toutes les caté­gories d’im­mo­bili­er y com­pris l’ac­qui­si­tion de titres de sociétés immo­bil­ières, alors qu’il est actuelle­ment restreint à l’ac­qui­si­tion d’im­mo­bili­er en direct et la sup­pres­sion de la taxe de 4,80 % sur les transferts.

Ces réformes, en chantier depuis des années, per­me­t­traient aux SCPI de se rap­procher des fon­cières français­es et des REITs améri­cains ou des fonds ouverts alle­mands, qui drainent des mil­liards de dol­lars ou d’eu­ros sur leur marché domestique.

Les sociétés immobilières d’investissement cotées (SIIC)

Au nom­bre d’une trentaine et cap­i­tal­isant près de 20 G€, les fon­cières cotées per­me­t­tent d’in­ve­stir dans l’im­mo­bili­er via la Bourse, avec les avan­tages et les incon­vénients qui en résultent.

La liq­uid­ité rel­a­tive qu’im­plique la Bourse a en effet comme corol­laire une vari­abil­ité des cours dont la moyenne mar­que une décote sig­ni­fica­tive par rap­port à la valeur de l’ac­t­if net de ces sociétés. Cette décote est en passe de se réduire suite à l’im­por­tante réforme fis­cale inter­v­enue en 2002, qui a vu la créa­tion de sociétés immo­bil­ières d’in­vestisse­ment cotées (SIIC).

Ce statut, choisi effec­tive­ment par la plu­part des fon­cières cotées, les exonère d’im­pôt sur les sociétés moyen­nant un cer­tain nom­bre de con­traintes dont l’oblig­a­tion de dis­tribuer la qua­si-total­ité de leurs résul­tats. En con­trepar­tie, leurs action­naires n’ont plus droit à l’avoir fis­cal mais celui-ci est de toute façon en sursis.

Pour entr­er dans ce statut, elles doivent pay­er immé­di­ate­ment (sur 4 ans) l’im­pôt sur leurs plus-val­ues latentes à un taux réduit (« taxe de sor­tie », appelée on ne sait pourquoi « exit tax »). Il en résul­tera des ren­trées fis­cales accrues de 2004 à 2007, par­ti­c­ulière­ment appré­ciées au moment où Bercy essaye de ramen­er le déficit budgé­taire à 3 %, taux déjà con­sid­érable car on oublie sou­vent qu’il s’ag­it de 3 % du PIB et non 3 % du budget.

Il est trop tôt pour savoir si cette réforme aug­mentera l’at­trac­tiv­ité rel­a­tive de ces sociétés par rap­port aux SCPI et si elle con­duira à gon­fler le vol­ume du com­par­ti­ment immo­bili­er de la place de Paris.

Au moment de met­tre sous presse, il est envis­agé d’é­ten­dre le béné­fice de la taxe de sor­tie aux fon­cières non cotées. Moyen sup­plé­men­taire d’amélior­er les finances publiques à un moment crucial…

D’autres réformes ont été décidées récem­ment (de Robi­en) ou inclus­es dans le pro­jet de loi de Finances pour 2004, touchant notam­ment à la fis­cal­ité des particuliers.

La loi de Robien

Comme chaque min­istre du loge­ment depuis des lus­tres, Gilles de Robi­en a fait vot­er sa loi d’en­cour­age­ment à l’in­vestisse­ment immobilier.

Reprenant les ter­mes de la loi précé­dente (Besson) qui repre­nait les ter­mes de celles d’a­vant (Péris­sol, Méhaigner­ie, Quiles, etc), la loi Robi­en per­met aux acquéreurs de biens immo­biliers des­tinés à la loca­tion de béné­fici­er de la déduc­tion d’un « amortissement ».

La nova­tion est que les pla­fonds de loy­ers sont améliorés, que l’achat d’an­cien avec travaux est encour­agé et que l’in­vestisse­ment peut aus­si être fait via des SCPI.

L’ex­péri­ence mal­heureuse des investis­seurs « Méhaigner­ie » con­duit toute­fois à recom­man­der la pru­dence face à cet avan­tage fis­cal qui ne fait qu’es­say­er de com­penser par­tielle­ment les lourds hand­i­caps de l’im­mo­bili­er locatif résul­tant des nom­breux textes favorisant les locataires par rap­port aux propriétaires.

Toutes ces lois fis­cales n’ont pour effet que d’es­say­er de faire avancer la machine de l’in­vestisse­ment immo­bili­er en appuyant sur l’ac­céléra­teur alors que d’autres appuient simul­tané­ment sur le frein. Il serait plus sim­ple et moins coû­teux pour le con­tribuable d’é­dicter enfin des textes équilibrés…

L’imposition des plus-values

La fis­cal­ité immo­bil­ière a tou­jours été un domaine à part, qu’il s’agisse des revenus ou des plus-val­ues. Ces dernières étaient jusqu’à main­tenant imposées au niveau des par­ti­c­uliers au même taux que les revenus mais avec une assi­ette dégres­sive à par­tir de la 3e année, faisant dis­paraître toute impo­si­tion au bout de 22 ans, sans qu’on sache bien pourquoi.

Cette durée de 22 ans sera réduite à 15 ans, la dégres­siv­ité com­mençant à par­tir de la 5e année, sans jus­ti­fi­ca­tion par­ti­c­ulière. Simul­tané­ment, le taux de l’im­pôt sera aligné avec celui des plus-val­ues mobil­ières (16 % plus prélève­ments soci­aux), ce qui est plus com­préhen­si­ble. Enfin, l’im­pôt sera prélevé à la source par le notaire, ce qui acces­soire­ment dou­blera les ren­trées fis­cales de 2004…

Il est trop tôt pour savoir si ce nou­veau régime, qui est neu­tre par rap­port à l’an­cien autour de 8 ans, accélér­era ou ralen­ti­ra les arbi­trages immo­biliers des par­ti­c­uliers. Avant 15 ans, l’in­térêt d’at­ten­dre une année de plus est en effet 2 fois plus grand qu’avant…
On ne sait pas non plus si ce régime mod­i­fiera l’équili­bre avec l’in­vestisse­ment immo­bili­er via l’as­sur­ance vie qui béné­fi­cie d’une exonéra­tion des plus-val­ues au bout de 8 ans mais a l’in­con­vénient d’une moin­dre liquidité.

La révision du barème de l’usufruit

Le barème retenu par le fisc pour les démem­bre­ments de pro­priété n’avait pas changé depuis un siè­cle, alors que l’e­spérance de vie des Français avait forte­ment aug­men­té pen­dant ce temps.

Ce sera chose faite avec la loi de Finances 2004 qui aug­mente grosso modo de 20 % la valeur de l’usufruit à tout âge : ain­si, l’an­cien barème don­nait 20 % pour un usufruiti­er ayant de 60 à 69 ans. Le nou­veau barème donne 40 % pour un usufruiti­er ayant de 61 à 70 ans. A par­tir de 70 ans, l’usufruit valait uni­for­mé­ment 10 %. Il vaut main­tenant 30 % jusqu’à 80 ans, 20 % jusqu’à 90 ans, 10 % au delà.

Cette réforme, jus­ti­fiée, sera favor­able aux dona­tions clas­siques de nue pro­priété avec réserve d’usufruit. Toute­fois, agi­ra en sens inverse une réduc­tion tem­po­raire de 50 % qui sera accordée jusqu’en 2005 aux dona­tions en pleine pro­priété afin de favoris­er les trans­ferts de pat­ri­moine de généra­tion à génération.

Au total, l’an­née 2003 aura été par­ti­c­ulière­ment riche en nou­veaux textes. Il reste à espér­er que le marché restera favor­able car les avan­tages fis­caux ne peu­vent être que la cerise sur le gâteau et ne devraient en aucun cas être le guide de déci­sions impor­tantes engageant son pat­ri­moine pour de longues durées.

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1. Cette réforme ne con­cerne pas les SCPI à cap­i­tal vari­able (dont Pierre 48 et Nova­pierre 1, du groupe Paref), qui rachè­tent elles-mêmes à prix fixe les parts à ven­dre en vue de les annuler, ce qui évite au sur­plus le droit de 4,80 % perçu par le fisc lors des transferts.

Commentaire

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denisrépondre
13 janvier 2017 à 8 h 38 min

j’ai choisi l’op­tion d’

j’ai choisi l’op­tion d’inve­stir sous pinel mais la scpi est très avan­tageuse aus­si comme vous le soulignez il y a la pos­si­bil­ité de partager le finance­ment et donc les risques, non ?

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