Les décideurs publics français face au défi méditerranéen

Dossier : L’administrationMagazine N°682 Février 2013
Par Antoine-Tristan MOCILNIKAR (86)

Des enjeux politiques, économiques et sociaux

Les pays du pour­tour de la Méditer­ranée et l’Union européenne rassem­blent près de 800 mil­lions de per­son­nes et 33% du PIB mondial.

Peu d’eau douce
L’eau douce (sources naturelles, pluies…) est rare : env­i­ron 3 500m3 par habi­tant pour la moyenne des pays de la rive nord et moins que 1 000m3 par habi­tant pour la rive sud et est (en dehors de la Turquie) con­tre une moyenne mon­di­ale de 6 800m3 par habi­tant. Les pays méditer­ranéens dis­posent seule­ment de 1% des ressources en eau douce du globe.

Les enjeux de cette région sont non seule­ment de nature poli­tique, mais les ques­tions économiques et sociales sont égale­ment cri­tiques. L’écart de PIB varie de 1 à 10 entre le nord de la Méditer­ranée et le Sud. Cet écart con­sid­érable de niveau de vie entre les deux rives sus­cite des flux de pop­u­la­tions et des attentes.

Alors que les États-Unis réalisent 20% de leurs investisse­ments en Amérique latine et que le Japon le fait à hau­teur de 25 % dans sa périphérie directe, l’Europe ne mobilise que 2% de ses investisse­ments dans son Sud. Les rela­tions économiques régionales de la zone sont limitées.

Cer­tains voient là une rai­son de perte de com­péti­tiv­ité de la zone et un fac­teur d’accentuation des ten­sions sociales et des dynamiques de migration.

REPÈRES
Le bassin méditer­ranéen regroupait 460 mil­lions d’habitants en 2009, et devrait en compter 520 mil­lions à l’horizon 2025, dont 350 mil­lions dans les pays du Sud et de l’Est. Mal­gré la baisse du taux de fécon­dité enreg­istrée dans la plu­part des pays, le ralen­tisse­ment de la crois­sance démo­graphique ne se fera sen­tir pleine­ment qu’après 2030 voire 2040. Ain­si la part des 25–64 ans devrait pass­er de 38 % en 2000 à plus de 50 % en 2030. Il fau­dra créer 40 mil­lions d’emplois dans les quinze prochaines années pour main­tenir le taux de chô­mage au taux actuel. Il fau­dra égale­ment con­stru­ire puisque l’on attend 80 mil­lions d’urbains en plus dans les vingt années qui viennent.

Richesse environnementale et culturelle

Par ailleurs, la Méditer­ranée représente dans ses paysages et tra­di­tions façon­nés par l’homme depuis des mil­lé­naires une iden­tité cul­turelle unique en son genre.

L’écart de PIB varie de 1 à 10 entre le nord de la Méditer­ranée et le Sud

Elle dis­pose d’un des envi­ron­nements les plus rich­es au monde avec 10 % des espèces con­nues de végé­taux supérieurs, 18% des espèces ani­males macro­scopiques et 7% des espèces marines, alors qu’elle ne représente que 1 % de la sur­face des mers et océans. 60 % des espèces végé­tales sont uniques à la Méditer­ranée et 30 % de la faune est endémique.

Elle est donc attrac­tive et plus de 30 % du tourisme inter­na­tion­al s’y con­cen­tre, ce qui per­met de génér­er pour 200 mil­liards de dol­lars de recettes. Croisent par ses eaux 30 % du fret mar­itime et 25 % du traf­ic des hydro­car­bu­res. La pêche y est intense. 63% des espèces de pois­sons et 60% des mam­mifères marins en Méditer­ranée sont menacés.

Le tiers de la pop­u­la­tion méditer­ranéenne se masse dans les régions côtières.

Premières coopérations

En Méditer­ranée, à l’issue de la Deux­ième Guerre mon­di­ale et après la décoloni­sa­tion, c’est dans le domaine tech­nique qu’une pre­mière impul­sion s’est créée pour con­stru­ire des rela­tions mul­ti­latérales. La Com­mis­sion générale des pêch­es pour la Méditer­ranée (CGPM) a été créée en 1949 avec comme objec­tifs le développe­ment, la con­ser­va­tion et la ges­tion des ressources marines vivantes, ain­si que la pro­mo­tion de pro­jets coopérat­ifs de formation.

À l’initiative con­jointe de l’OCDE et du Con­seil de l’Europe, le Cen­tre inter­na­tion­al de hautes études agronomiques méditer­ranéennes a été créé par un accord entre les gou­verne­ments en 1962 et com­porte actuelle­ment treize riverains de la Méditer­ranée. Il a pour mis­sion de « don­ner un enseigne­ment com­plé­men­taire tant économique que tech­nique et de dévelop­per l’esprit de coopéra­tion inter­na­tionale par­mi les cadres de l’agriculture des pays méditerranéens ».

Développe­ment durable
En 1976, 16 pays méditer­ranéens et la Com­mu­nauté européenne ont adop­té la Con­ven­tion pour la pro­tec­tion de la mer Méditer­ranée con­tre la pol­lu­tion (la Con­ven­tion de Barcelone) qui est rebap­tisée, en 1995, Con­ven­tion pour la pro­tec­tion du milieu marin et du lit­toral de la Méditerranée.
Ce plan, qui fut une pre­mière, engage les sig­nataires à pro­téger l’environnement marin et côti­er de la Méditer­ranée tout en encour­ageant des plans régionaux et nationaux visant le développe­ment durable.
Un long sommeil
Mis en appli­ca­tion en 1990, le Dia­logue 5+5 a d’abord som­bré dans un long som­meil, à cause notam­ment de la crise algéri­enne et de l’embargo onusien imposé à la Libye entre 1992 et 1999 suite à l’affaire Lockerbie.
En 2001, le proces­sus redé­marre et voit un pre­mier som­met de chefs d’État et de gou­verne­ment se tenir en 2003 à Tunis.
En octo­bre 2012, le 2e Som­met des chefs d’État et de gou­verne­ment con­stitue une relance impor­tante de la dynamique poli­tique en Méditer­ranée suite aux Print­emps arabes.

Plus de 12 nouvelles institutions

Plus récem­ment, une nou­velle série d’institutions tech­niques a vu le jour :

Pro­téger l’environnement marin et côti­er et favoris­er le développe­ment durable

Réseau méditer­ranéen des organ­ismes de bassin, Cen­tre région­al pour les éner­gies renou­ve­lables et l’efficacité énergé­tique basé au Caire, Asso­ci­a­tion des régu­la­teurs méditer­ranéens de l’énergie, Asso­ci­a­tion méditer­ranéenne des agences nationales de maîtrise de l’énergie, Obser­va­toire méditer­ranéen de l’énergie, Asso­ci­a­tion des ges­tion­naires des réseaux élec­triques méditer­ranéens, Cen­tre de Mar­seille pour l’intégration en Méditer­ranée, Cen­tre de coor­di­na­tion pour la lutte antidrogue en Méditer­ranée à Toulon, Cen­tre région­al d’alerte aux tsunamis en Atlan­tique nord-est et Méditer­ranée occi­den­tale, Réseau des aires marines pro­tégées, Asso­ci­a­tion des parcs naturels et des aires pro­tégées en Méditer­ranée ain­si que l’Agence des villes et ter­ri­toires durables méditerranéens.

Premières instances de dialogue politique

Démar­rant dans les années 1970, des ini­tia­tives plus poli­tiques ont vu le jour. À l’initiative française, en 1973, peu après la guerre israé­lo-arabe et l’embargo pétroli­er, est lancé le Dia­logue euro-arabe entre l’Union européenne et la Ligue arabe qui a eu de la sub­stance essen­tielle­ment jusqu’en 1979 puis dans la décen­nie 1990.

Le Secré­tari­at de la Ligue arabe et la Com­mis­sion européenne ont mul­ti­plié les efforts afin de relancer le dia­logue. Malte a relancé l’idée et a accueil­li une Con­férence pays arabes-Union européenne, en févri­er 2008.

Dialogue 5+5

Déman­tèle­ment des tar­ifs douaniers
Des accords d’association ont été signés entre l’Union européenne et cha­cun des autres mem­bres. Dans le domaine économique, ils sup­pri­ment les bar­rières douanières de l’Union européenne sur les pro­duits man­u­fac­turés exportés par ses voisins méditer­ranéens et ils prévoient le déman­tèle­ment pro­gres­sif (sur douze ans) des tar­ifs douaniers appliqués aux pro­duits man­u­fac­turés de l’Union dans ces pays.
Pour ce qui est des rela­tions Sud-Sud, l’accord d’Agadir de 2004 pose les bases d’une zone de libre-échange réu­nis­sant le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jor­danie. La Turquie a égale­ment signé des accords de libre-échange avec le Maroc, la Tunisie et l’autorité palestinienne

Espace de dia­logue poli­tique informel entre les pays de la Méditer­ranée occi­den­tale, le Dia­logue 5 + 5 ou Forum 5 + 5 a été créé sur une idée pro­posée par le prési­dent François Mit­ter­rand, en 1983. Le pro­jet a pris corps suite à la créa­tion de l’Unité du Maghreb arabe en 1989. Ce Forum regroupe la Mau­ri­tanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye, d’un côté, et le Por­tu­gal, l’Espagne, la France, l’Italie et Malte, de l’autre.

Le cadre insti­tu­tion­nel s’élargit aux par­lemen­taires, aux min­istres de l’Intérieur, de la Défense, des Trans­ports, de l’Environnement et du Tourisme. Des pro­jets se dévelop­pent dans tous ces domaines avec comme infra­struc­ture emblé­ma­tique le bouclage autorouti­er d’Agadir à Tunis, décidé en 2012 et en cours de con­struc­tion. Le domaine du trans­port est par­ti­c­ulière­ment dynamique avec la mise en place du Cen­tre d’études des trans­ports pour la Méditer­ranée occidentale.

Le 2e Som­met des chefs d’État et de gou­verne­ment acte l’articulation du Dia­logue 5 + 5 avec l’Union pour la Méditer­ranée et iden­ti­fie comme nou­veaux domaines de dia­logue et de coopéra­tion les domaines pri­or­i­taires tels que l’emploi, l’investissement, le com­merce, l’agriculture et l’énergie.

L’ambition euro-méditerranéenne

Plus éten­du, le Proces­sus euro-méditer­ranéen a été créé en 1995 à Barcelone, sous impul­sion française, avec l’Union européenne (UE) et dix autres États riverains de la mer Méditer­ranée (Algérie, Autorité pales­tini­enne, Égypte, Israël, Jor­danie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie). Son but est de con­cili­er le besoin de sécu­rité de l’Europe et les besoins de développe­ment des pays du sud et de l’est de la Méditer­ranée. Le Proces­sus plutôt ambitieux s’est don­né pour objec­tif de fonder un espace de sta­bil­ité et de paix respectueux des droits de l’homme (volet poli­tique), de dévelop­per les échanges cul­turels pour favoris­er le dia­logue et la com­préhen­sion mutuelle (volet cul­turel), et de pro­mou­voir les rela­tions économiques et finan­cières, au tra­vers notam­ment de la mise en place d’une zone de libreéchange (volet économique).

Organ­is­er des activ­ités cul­turelles et pro­mou­voir les échanges

D’autres pro­grès ont été ren­dus pos­si­bles. Dans le domaine financier, des instru­ments impor­tants ont été mis en place, comme le pro­gramme MEDA par lequel l’Union européenne apporte une aide finan­cière et tech­nique à ses parte­naires méditer­ranéens pour favoris­er les pro­jets de développe­ment économique et social. L’Union européenne a soutenu le Proces­sus de Barcelone à hau­teur de 9 mil­liards d’euros entre 1995 et 2006. En 2007, MEDA a été rem­placé par l’Instrument européen de voisi­nage et de partenariat.

Par ailleurs, une Facil­ité euro-méditer­ranéenne d’investissement et de parte­nar­i­at (FEMIP) a été créée en 2002. Financée par la Banque européenne d’investissement et l’Union européenne, la FEMIP vise à dévelop­per l’activité économique du secteur privé et à faciliter l’accès des PME au finance­ment au tra­vers de prêts et de subventions.

Dans les domaines cul­turel et édu­catif, une insti­tu­tion est créée. La Fon­da­tion euro-méditer­ranéenne Anna Lindh pour le dia­logue entre les cul­tures a été inau­gurée en juin 2004 à Alexan­drie. Elle encour­age le dia­logue cul­turel entre le nord et le sud de la Méditer­ranée, organ­ise des activ­ités cul­turelles et promeut les échanges, la coopéra­tion et la mobil­ité des personnes.

De nouvelles ambitions

L’Union pour la Méditer­ranée, sur une idée française et une ini­tia­tive fran­co-égyp­ti­enne, est fondée en 2008 par 43 pays et l’Union européenne. La Ligue arabe est invitée aux réu­nions de l’Union. L’Union s’appuie sur l’acquis du Proces­sus de Barcelone, l’englobant totale­ment, et per­met ain­si de rehauss­er les ambi­tions méditerranéennes.

Des réal­i­sa­tions concrètes
Par­mi les opéra­tions ini­tiées, on peut citer l’usine de dessale­ment d’eau pour la bande de Gaza, 51 pro­jets con­cer­nant la dépol­lu­tion avec un finance­ment sécurisé à hau­teur de 4,2 Md€, la cen­trale ther­moso­laire de 150 MW de Ouarza­zate, le pre­mier tronçon de LGV (Ligne grande vitesse) entre Rabat et Tanger, le hub fer­rovi­aire moyen-ori­en­tal en Jor­danie, le finance­ment de 10 à 15 quartiers durables pour un mon­tant de 1 mil­liard d’euros et qui con­cern­era 100 000 à 200 000 habi­tants ; le cap­tage de résur­gences d’eau douce en mer (avec des pro­jets pilotes à l’étude en Espagne, au Liban, au Maroc et une unité opéra­tionnelle en Grèce).

La dynamique poli­tique se développe certes moins qu’espérée mais des instances représen­ta­tives agis­sent au sein de l’Union pour la Méditer­ranée comme l’Assemblée par­lemen­taire de l’Union pour la Méditer­ranée (APUPM), l’Assemblée régionale et locale euro-méditer­ranéenne (ARLEM), l’Assemblée des con­seils économiques et soci­aux et insti­tu­tions sim­i­laires de l’Union pour la Méditer­ranée et le Forum de la société civile euro-méditerranéenne.

D’un autre côté, le volet pro­jets a pris une dimen­sion impor­tante. 273 pro­jets ont été retenus dans le cadre des réu­nions inter­na­tionales offi­cielles organ­isées pour un besoin d’investissement total de 41 Md€.

La Com­mis­sion européenne mobilise 80,5 M€ d’assistance tech­nique pour ces pro­jets et dynamiques et au total 214 mil­lions d’euros sur la péri­ode 2007–2013 lorsque l’on y ajoute les pro­jets de coopéra­tions con­cer­nant les col­lec­tiv­ités locales. 84 pro­jets sont très avancés dans cette liste de 273 pro­jets (51 dans la dépol­lu­tion, 25 dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables et 8 dans les trans­ports) pour un investisse­ment de 7,5 Md€. 207 pro­jets sup­plé­men­taires ont été identifiés.

Le pari de la démocratie

Une Méditer­ranée des projets
La France développe, avec l’engagement de l’Union européenne, une Méditer­ranée des pro­jets. Elle affiche claire­ment la pri­or­ité « pro­jet » de l’Union pour la Méditer­ranée, en cohérence avec la Poli­tique européenne de voisi­nage et son secré­tari­at pen­sé et recon­nu comme un incu­ba­teur de pro­jets de développe­ment par­i­taire et parte­nar­i­al. Le Parte­nar­i­at de Deauville peut nous per­me­t­tre d’accompagner au mieux le développe­ment des pays en tran­si­tion politique.
La France accorde une atten­tion toute par­ti­c­ulière à la coopéra­tion avec les pays du Maghreb. Finale­ment, la façade mar­itime a voca­tion à dévelop­per un lien très direct avec nos parte­naires méditer­ranéens. Mar­seille Métro­pole en con­stitue un symbole.

Suite aux Print­emps arabes a été mis en place, spé­ci­fique­ment, le « Parte­nar­i­at de Deauville », lancé le 27 mai 2011 dans le cadre de la prési­dence française du G8. Il est des­tiné à mobilis­er le plus large­ment pos­si­ble la com­mu­nauté inter­na­tionale en rassem­blant les pays du G8, cer­tains pays tiers con­tribu­teurs (Turquie, Ara­bie Saou­dite, Émi­rats arabes unis, Qatar, Koweït), insti­tu­tions finan­cières inter­na­tionales et organ­i­sa­tions régionales au prof­it des « pays engagés dans des proces­sus de tran­si­tion ou de réforme crédi­bles » (Tunisie, Égypte, Libye, Maroc et Jordanie).

L’Union pour la Méditer­ranée est par­tie prenante du Parte­nar­i­at de Deauville. Les secteurs pri­or­i­taires sont le développe­ment du secteur privé, le développe­ment des PME, la créa­tion d’emplois ain­si que le développe­ment de pro­jets d’infrastructures.

Dans ce con­texte nou­veau que con­naît la Méditer­ranée, la France regarde avec con­fi­ance les change­ments dans le monde arabe car elle est con­va­in­cue qu’il est tou­jours préférable de faire le pari de la démoc­ra­tie. Il y a des lignes qui bougent et des dic­ta­teurs qui tombent. Il y a la vital­ité des peu­ples, leur aspi­ra­tion démoc­ra­tique, les exi­gences d’une bonne gou­ver­nance et la capac­ité d’innovation que trou­vent tou­jours les êtres humains.

La France regarde avec con­fi­ance les change­ments dans le monde arabe, mais avec lucidité

En cela, le monde évolue dans un sens qui est celui du pro­grès. Avec con­fi­ance, mais avec lucid­ité, car nous n’ignorons pas les défis du présent, du proche avenir et du long terme. Il n’est pas en notre pou­voir de trans­former mécanique­ment les révo­lu­tions en suc­cès et nous n’avons pas à nous ingér­er dans la vie poli­tique d’États sou­verains. C’est tout l’enjeu des Print­emps arabes, dès lors que les for­ma­tions poli­tiques qui se récla­ment de l’islam s’engagent à garan­tir les lib­ertés, notam­ment celles des femmes, à respecter l’alternance, à pro­téger les minorités, qu’elles soient cul­turelles ou religieuses.

Il leur appar­tient, à ces pays qui font œuvre de tran­si­tion, d’en faire la démon­stra­tion et à nous d’encourager le mou­ve­ment, sans défi­ance, mais avec vigilance.

Commentaire

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Alain CHAUDRON (70)répondre
22 mars 2013 à 5 h 53 min

Les forêts méditerranéennes :

En plein accord avec Antoine-Tris­tan MOCILNIKAR, Alain CHAUDRON (70) pro­pose le com­plé­ment suiv­ant sur le sujet sujet.

Les forêts méditerranéennes :

Un siè­cle de coopéra­tion au ser­vice du développe­ment durable des territoires


Mocil­nikar nous rap­pelle les richess­es envi­ron­nemen­tale et cul­turelle de la Méditer­ranée et ses paysages façon­nés par l’homme depuis des mil­lé­naires. Les forêts y tien­nent une place toute par­ti­c­ulière : qu’il me soit donc per­mis d’apporter quelques com­plé­ments sur ce point.


Com­posante impor­tante des ter­ri­toires, les forêts et autres espaces boisés méditer­ranéens cou­vrent 75 mil­lions d’hectares. Out­re leur sim­ple présence physique, sou­vent évo­quée pour ce qui est d’un décor appré­cié, ils con­tribuent de façon sig­ni­fica­tive au développe­ment rur­al, à la réduc­tion de la pau­vreté et à la sécu­rité ali­men­taire des pop­u­la­tions riveraines.


Ils sont à la fois source de bois, de liège, d’énergie, de nour­ri­t­ure, de revenus et de mul­ti­ples autres biens et ser­vices envi­ron­nemen­taux : préser­va­tion de la diver­sité de la flo­re et de la faune, con­ser­va­tion des eaux et des sols, four­ni­ture d’espaces récréat­ifs, poten­tiel non nég­lige­able de stock­age de car­bone. Sans eux, de nom­breux autres secteurs économiques de la région (agri­cul­ture et ali­men­ta­tion, con­ser­va­tion des eaux et des sols, four­ni­ture d’eau potable, tourisme, énergie) seraient en péril.


Du fait de la grande diver­sité des bio­cli­mats locaux, des alti­tudes et des sols, ain­si que d’une his­toire com­plexe et mou­ve­men­tée (his­toire du cli­mat au qua­ter­naire, puis his­toire du développe­ment pas­toral et agraire depuis dix mil­lé­naires), ils sont d’une diver­sité biologique et paysagère con­sid­érable. La Méditer­ranée est con­sid­érée comme un des prin­ci­paux « hot-spots » de la bio­di­ver­sité mondiale.


J’écris ces quelques lignes à quelques jours de la troisième semaine forestière méditer­ranéenne, qui aura lieu à Tlem­cen en Algérie du 16 au 21 mars prochains. A cette occa­sion devraient être adoptés :

l’état des forêts méditer­ranéennes en 2013 ;

un cadre stratégique sur les forêts méditerranéennes ;

une déc­la­ra­tion ministérielle.


Lors de la deux­ième semaine forestière méditer­ranéenne, en avril 2011 à Avi­gnon, nous avions célébré les cent ans du lance­ment de la pre­mière coopéra­tion forestière méditer­ranéenne. En effet, lors du con­grès inter­na­tion­al d’agriculture à Madrid en mai 1911, Robert HICKEL écrivait : « Il faut créer l’unité de la sylve méditer­ranéenne, créer un lien entre forestiers méditer­ranéens, à quelque nation qu’ils appar­ti­en­nent. Ce lien, j’estime qu’il pour­rait se trou­ver dans une Asso­ci­a­tion inter­na­tionale des tech­ni­ciens des divers pays intéressés et dans la créa­tion d’un organe périodique ».


Cette idée n’a pu se con­cré­tis­er qu’après la pre­mière guerre mon­di­ale, en 1922, avec la créa­tion de la « ligue forestière méditer­ranéenne » ou « sil­va mediter­ranea ». Elle a été active et a pub­lié des bul­letins jusqu’en 1935 (télécharge­ables sur le site de la FAO).


Par la suite, peu après la sec­onde guerre mon­di­ale, l’Or­gan­i­sa­tion pour l’al­i­men­ta­tion et l’a­gri­cul­ture (FAO) a été créée à Québec le 16 octo­bre 1945. Des com­mis­sions régionales forestières et une instance spé­cial­isée sur les ques­tions forestières méditer­ranéennes ont été rapi­de­ment mis­es en place. Cette dernière a tenu sa pre­mière réu­nion à Rome en décem­bre 1948.


Depuis lors, le Comité des ques­tions forestières méditer­ranéennes Sil­va mediter­ranea s’est régulière­ment réu­ni. Il a tenu sa 21e ses­sion en févri­er 2012 à Antalya. C’est le seul forum inter­gou­verne­men­tal (avec les forces et faib­less­es de ce type de struc­ture) spé­cial­isé dans le domaine de la foresterie et de la ges­tion des espaces naturels dans le bassin méditerranéen.


Pour ce qui con­cerne la société civile, Alexan­dre SEIGUE (31) a fondé, avec d’autres, l’Association Forêt Méditer­ranéenne en 1978. Cette asso­ci­a­tion, tou­jours très active, pub­lie une revue éponyme de qual­ité. Plus de 1 400 arti­cles sont disponibles en libre accès sur son site internet.

En 1996 a été créée l’Association Inter­na­tionale Forêts Méditer­ranéennes (AIFM), elle aus­si très active au nord, au sud et à l’est de la Méditer­ranée. L’AIFM ani­me un réseau d’or­gan­ismes et de per­son­nes intéressées, fort de 3 000 con­tacts dans 25 pays, facil­i­tant les échanges d’expériences et la cap­i­tal­i­sa­tion des con­nais­sances acquis­es dans le bassin méditerranéen.


Enfin, un Parte­nar­i­at de Col­lab­o­ra­tion sur les Forêts Méditer­ranéennes (PCFM), qui regroupe une ving­taine d’institutions (organ­i­sa­tions inter­gou­verne­men­tales, agences de coopéra­tion, insti­tuts de recherche, organ­i­sa­tions non gou­verne­men­tales) du pour­tour méditer­ranéen soucieuses de coor­don­ner leurs actions, a été insti­tué en 2010 pour répon­dre aux nou­veaux enjeux, notam­ment le change­ment cli­ma­tique : adapter les forêts ; atténuer les émis­sions de gaz à effet de serre dans le domaine de l’utilisation des ter­res. Les coopéra­tions alle­mande (GIZ) et française (AFD/FFEM) lui appor­tent un appui précieux.


Ain­si, comme le mon­tre ce qui précède, la coopéra­tion forestière méditer­ranéenne est cer­taine­ment par­mi les plus anci­ennes : de l’ordre du siè­cle. Elle est diverse et implique toute une série d’acteurs des insti­tu­tions publiques et de la société civile. Elle est active et a su s’adapter aux enjeux présents et futurs.


En effet, les change­ments globaux qui affectent aujourd’hui le pour­tour de la Méditer­ranée (évo­lu­tions des sociétés et des modes de vie, ain­si que les change­ments cli­ma­tiques) hypothèquent forte­ment l’avenir des espaces boisés (perte de diver­sité biologique, aug­men­ta­tion des risques de feux de forêts, dégra­da­tion des bassins ver­sants et accen­tu­a­tion des proces­sus de déser­ti­fi­ca­tion) et, par con­séquent, peu­vent remet­tre en cause la four­ni­ture durable de ces mul­ti­ples biens et ser­vices aux populations.


C’est donc bien un défi majeur, auquel nous devons col­lec­tive­ment faire face !

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