Les chiffonniers de Paris

Les chiffonniers de Paris

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°739 Novembre 2018Par : Antoine Compagnon (70)Rédacteur : Gérard Blanc (68)Editeur : Gallimard, octobre 2017

Antoine Com­pa­gnon, pro­fes­seur de lit­té­ra­ture fran­çaise moderne et contem­po­raine au Col­lège de France, étu­die depuis de nom­breuses années, entre autres auteurs fran­çais, l’œuvre de Bau­de­laire. Le chif­fon­nage y est dis­sé­mi­né, « res­source poé­tique irri­guant toute son œuvre et au-delà de celle-ci tout le xixe siècle ». Alors il n’existait pas d’objets mis com­plè­te­ment au rebut, en rai­son jus­te­ment des chif­fon­niers qui venaient les récu­pé­rer et leur don­naient une nou­velle vie, acteurs essen­tiels de cette « éco­no­mie cir­cu­laire » que nous essayons de réta­blir de nos jours. Ils repré­sentent ain­si une « figure car­di­nale » de la vie pari­sienne entre le Consu­lat et les années 1880, un per­son­nage mar­gi­nal, mais indis­pen­sable dans la ville indus­trielle du xixe siècle. 

Antoine Com­pa­gnon uti­lise le kaléi­do­scope des chif­fon­niers pour renou­ve­ler la vision de la vie pari­sienne à tra­vers leurs liens avec les révo­lu­tion­naires, la police, les indi­ca­teurs, la pros­ti­tu­tion, la mode, les bals mas­qués, les épi­dé­mies, etc. Il ali­mente sa réflexion de toutes les sources docu­men­taires dis­po­nibles : romans, nou­velles, poé­sie, théâtre, quo­ti­diens, revues, cor­res­pon­dances, gra­vures, cari­ca­tures, affiches, jour­naux de mode, etc. Son éru­di­tion inépui­sable ne s’avère jamais lassante. 

Le cré­pus­cule des chif­fon­niers com­mence en 1883, lorsque le pré­fet Pou­belle inter­dit le dépôt d’ordures au coin des bornes de Paris. Pou­belle pré­voyait déjà trois pou­belles (matières putres­cibles, papiers et chif­fons, verre et faïence), pré­fi­gu­ra­tion du tri sélec­tif des déchets. Il a fal­lu attendre cent dix ans pour que trois pou­belles soient dis­po­nibles dans tous les arron­dis­se­ments et cent dix-neuf ans pour que la col­lecte sélec­tive des déchets soit ins­tal­lée dans toute la capitale ! 

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