L’astrolabe

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°549 Novembre 1999Par : Raymond D’HOLLANDER (38)Rédacteur : Jean BOURGOIN (45)

L’astrolabe détient un record de longévité dans l’instrumentation astronomique (150 ans av. J.-C. – 1750). Sa ver­sion nau­tique, sim­pli­fiée, n’a guère duré plus de deux cent cinquante ans (1500–1760), mais elle a con­tribué de façon majeure aux grandes décou­vertes. L’ouvrage de Ray­mond D’Hollander traite, de façon magis­trale et très com­plète, de l’astrolabe sous ses trois aspects : his­torique, sci­en­tifique et pra­tique. Il con­stitue prob­a­ble­ment, à ce jour, la meilleure référence sur le sujet.

La théorie de l’astrolabe planis­phérique, présen­tée de façon exhaus­tive et très péd­a­gogique, con­stitue une par­tie impor­tante de l’ouvrage. Elle ren­voie aux élé­ments fon­da­men­taux de cos­mo­gra­phie et par­ti­c­ulière­ment à la fonc­tion essen­tielle de l’instrument de résoudre le “ tri­an­gle de posi­tion ” des marins, for­mé sur la sphère céleste par le pôle (Nord), le zénith de l’observateur et l’astre observé, quand cer­tains des six élé­ments de ce tri­an­gle, angles et côtés, sont con­nus. Un inven­taire orig­i­nal et com­plet des douze prob­lèmes fon­da­men­taux ain­si sol­ubles est exposé. Il fait appel à un out­il­lage math­é­ma­tique sim­ple rel­e­vant de la géométrie et de la trigonométrie, plane et sphérique (du niveau du bac­calau­réat de l’enseignement général et de l’enseignement technique).

L’astrolabe planis­phérique est un instru­ment de cal­cul analogique, appor­tant des solu­tions graphiques par lec­ture et inter­po­la­tion de réseaux de courbes croisées. Son principe repose sur les pro­priétés de la pro­jec­tion stéréo­graphique : d’une part de la sphère céleste locale sur des “ tym­pa­ns ” (cor­re­spon­dant cha­cun à une lat­i­tude don­née) et com­por­tant deux séries de courbes (cer­cles d’égal azimut et cer­cles de hau­teurs égales (ou almi­can­tarats) ; et, d’autre part, de la sphère céleste étoilée, tour­nant autour de l’axe des pôles, appelée “ araignée ”, et com­prenant le tracé de l’écliptique, avec les signes du zodi­aque. La rota­tion de l’araignée par rap­port au tym­pan (fixe) per­met de résoudre tous les prob­lèmes de l’astronomie de posi­tion, quand on con­naît la lat­i­tude du lieu d’observation.

La recherche d’un astro­labe pou­vant servir à toutes les lat­i­tudes, sans avoir à chang­er de tym­pa­ns, a con­duit à pro­jeter la sphère céleste sur le plan con­tenant les sol­stices et l’axe du monde, appelé plan des colures.

Les astro­labes planis­phériques per­me­t­tent de résoudre graphique­ment une foule de prob­lèmes, tels que : la déter­mi­na­tion, à une date don­née, de l’instant où le Soleil ou une étoile ont une hau­teur don­née ou un azimut con­nu ; l’azimut du Soleil (ou d’une étoile) con­nais­sant l’heure ou sa hau­teur, etc. Mais ils répon­dent aus­si à d’autres ques­tions, qui ne sont pas pure­ment astronomiques, par exem­ple : la déter­mi­na­tion de l’ascendant d’un enfant, c’est-à-dire le degré de l’écliptique qui se lève à l’horizon au moment de sa nais­sance ; les heures des prières musul­manes ; la déter­mi­na­tion de l’azimut de la Qui­ba, place cen­trale de La Mecque ; les heures des prières canon­iques dans l’Occident chré­tien ; les usages astrologiques, etc.

Pour tous ces prob­lèmes, Ray­mond D’Hollander apporte les solu­tions graphiques, mais aus­si les solu­tions cal­culées, ce qui lui per­met de valid­er les pré­ci­sions éton­nantes (quelques dix­ièmes de mil­limètre dans le tracé des réseaux de courbes). Un chapitre spé­ci­fique (ch. XIII) est con­sacré à la réal­i­sa­tion d’un astro­labe mod­erne par le lecteur, exer­ci­ce du plus grand intérêt pour se famil­iaris­er avec l’appareil et ses applications.

L’astrolabe planis­phérique est un instru­ment de cab­i­net. Dans sa ver­sion courante, avec un jeu de tym­pa­ns par lat­i­tude, il est impro­pre à son usage à bord d’une passerelle, mais il con­serve toutes ses ver­tus con­cer­nant l’astronomie de posi­tion, chère au marin. Sa ver­sion marine, l’astrolabe nau­tique, per­met de mesur­er des hau­teurs d’astres à la mer, prin­ci­pale­ment celles de la Polaire et du Soleil, et donc d’avoir accès à la lat­i­tude. Les cor­rec­tions à apporter à la hau­teur de la Polaire pour avoir celle du pôle (écart de près de 4 degrés au XVIe siè­cle) sont détail­lées et d’une grande impor­tance pour la déter­mi­na­tion exacte de la lat­i­tude. Un développe­ment sub­stantiel con­cerne l’instrumentation antique et son usage du XVe au XVIIIe siècle.

D’autres chapitres trait­ent de divers­es vari­antes d’astrolabe : l’astrolabe linéaire d’al-Tusi, les astro­labes à quad­rants, les astro­labes de Rojas, de La Hire, d’Oughtred, l’horloge astrolabique.

L’astrolabe est un instru­ment pres­tigieux et pré­cieux, qui attire les vis­i­teurs des musées par sa présen­ta­tion et son mys­tère. Son très ingénieux principe, basé sur la pro­jec­tion stéréo­graphique, ouvre la voie à une approche orig­i­nale de l’astronomie de posi­tion trans­posant la sphère en plan. La rel­a­tive sim­plic­ité de sa con­cep­tion math­é­ma­tique cache la grande sophis­ti­ca­tion des innom­brables appli­ca­tions aux­quelles il se prête. Con­duits par la main, selon une péd­a­gogie très sûre et raf­finée, les lecteurs de tous hori­zons, ama­teurs d’histoire des sci­ences et des arts, ingénieurs et même astronomes, décou­vriront avec enchante­ment l’ouvrage unique en son genre et pas­sion­nant de Ray­mond D’Hollander

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