Les bornes de recharge monétisables qui démocratisent l’accès à la mobilité électrique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Marc LEPAGE

Pour solu­tion­ner la pro­blé­ma­tique de la recharge des véhi­cules élec­triques, Marc Lepage, CEO et fon­da­teur de Watt­Park, une start-up inno­vante indus­trielle, est par­ti de sa propre expé­rience de la mobi­li­té élec­trique pour déve­lop­per un concept « out of the box » de bornes de recharge moné­ti­sables. Explications.

Du monde de l’armement terrestre à celui des bornes de recharge, comment êtes-vous arrivé dans le secteur de la mobilité ?

Je viens, en effet, du monde de l’armement, au sein du labo­ra­toire du GIAT, Grou­pe­ment Indus­trielle de l’Armement Ter­restre. J’ai un pro­fil très tech­nique ain­si qu’une très forte appé­tence pour le monde de l’entrepreneuriat. En m’intéressant de plus près au monde de l’automobile, avec un asso­cié, notre inté­rêt s’était alors por­tée sur une entre­prise opé­rant dans le domaine de l’autopartage. Dans cette conti­nui­té, j’ai par­ti­ci­pé au Concours Véhi­cules Intel­li­gents – Ville du Futur en 2012. Alors que je n’étais pas issu du « sérail » de l’automobile, j’ai fait par­tie des lau­réats de ce concours ce qui m’a per­mis d’avoir accès à un cer­tain nombre de déci­deurs du sec­teur, dont Renault, qui débu­tait les déve­lop­pe­ments autour de la Zoé. 

Fina­le­ment, nous n’avons pas don­né suite au rachat de cette entre­prise et je me suis alors tour­né vers une nou­velle piste : la mobi­li­té élec­trique. Pour mieux appré­hen­der ce sec­teur, j’ai conver­ti mon propre véhi­cule en hybride rechar­geable. Pen­dant deux ans, je rou­lais 70 km par jour pour aller au tra­vail. J’ai ain­si pu expé­ri­men­ter à mon échelle un des prin­ci­paux freins au déploie­ment à grande échelle de la mobi­li­té élec­trique et faire un constat rela­tif à la recharge rapide : si elle répond aux besoins des VRP qui par­courent de longues dis­tances et se déplacent de ville en ville, elle n’est tou­te­fois pas néces­saire pour les cita­dins qui repré­sentent 80 % des conduc­teurs de véhi­cules élec­triques. La ren­ta­bi­li­té de ces sys­tèmes, évi­dem­ment indis­pen­sables sur les auto­routes, n’est tou­te­fois pas évi­dente quand il s’agit de répondre aux besoins de conduc­teurs qui peuvent char­ger leur véhi­cule la nuit afin qu’il soit opé­ra­tion­nel le lendemain. 

L’intérêt d’un véhi­cule élec­trique est de pou­voir se dépla­cer d’un point A à un point B et d’être en mesure de se rechar­ger à des­ti­na­tion. Au-delà d’énormes bat­te­ries pour équi­per les véhi­cules élec­triques, l’enjeu est de garan­tir à ces uti­li­sa­teurs, qui n’ont pas besoin de charge rapide, un maillage du ter­ri­toire qui leur per­met jus­te­ment de se rechar­ger à des­ti­na­tion, y com­pris grâce à une recharge lente. 

Mon ana­lyse a, par ailleurs, été cor­ro­bo­rée par une étude com­man­dée par le gou­ver­ne­ment au BCG : le besoin en matière de recharge à domi­cile ou de recharge sur les points de des­ti­na­tion repré­sente 80 à 90 % de la pro­blé­ma­tique la mobi­li­té urbaine. 

À partir de là, vous avez développé le concept des bornes de recharge monétisables. Dites-nous en plus. 

J’ai, en effet, ima­gi­né un éco­sys­tème autour de bornes de recharge moné­ti­sables, Watt­Park qui repose sur un modèle de loca­tion de places de par­king avec la four­ni­ture d’électricité pour rechar­ger les véhi­cules élec­triques. Concrè­te­ment, toute per­sonne qui pos­sède un fon­cier ou une mai­son peut ins­tal­ler une borne et la moné­ti­ser grâce à un sys­tème pro­prié­taire que nous avons déve­lop­pé et qui fonc­tionne en mode offline. 

Une per­sonne qui a besoin de rechar­ger son véhi­cule va pou­voir réser­ver un cré­neau de recharge en ligne et obte­nir un fichier élec­tro­nique de com­mu­ni­ca­tion qui va lui per­mettre de bran­cher sa voi­ture à la borne et de la rechar­ger puis d’être fac­tu­ré. Ce sont les per­sonnes qui mettent à dis­po­si­tion une borne qui défi­nissent le prix. 

Au tra­vers de ce concept et de cette approche, nous appor­tons une inno­va­tion tech­no­lo­gique mais éga­le­ment en termes d’usages qui va per­mettre d’accélérer, voire de mas­si­fier le déploie­ment de bornes de recharge à l’échelle du ter­ri­toire national. 

Qu’en est-il du positionnement de votre start-up que vous avez lancée en 2017 ? 

Watt­Park est avant tout une start-up de recherche et déve­lop­pe­ment à voca­tion indus­trielle qui a dépo­sé des bre­vets en Europe et aux États-Unis, et qui, aujourd’hui, a éga­le­ment pour pro­jet de dépo­ser un nou­veau bre­vet en Chine. 

En termes de posi­tion­ne­ment, Watt­Park a déve­lop­pé une borne de recharge pro­prié­taire fabri­quée en France. Dès le départ, nous avons sou­hai­té construire notre modèle de manière à répondre à des enjeux forts : une fabri­ca­tion en France, dans une logique de réin­dus­tria­li­sa­tion du pays, de créa­tion de valeur et d’emplois locaux.

Sur un plan plus busi­ness, la ren­ta­bi­li­té de notre modèle s’appuie sur deux piliers. Tout d’abord, la pro­duc­tion de la borne que nous com­mer­cia­li­sa­tion. Puis, une com­mis­sion de 10 % sur chaque tran­sac­tion qui est opé­rée entre une per­sonne qui met à dis­po­si­tion une borne de recharge et un uti­li­sa­teur. C’est un modèle qui fait écho à celui d’AirBnB et qui nous a, d’ailleurs, valu d’être décrit dans la presse comme le AirBnB de la recharge électrique ! 

Aujourd’hui, ce modèle fait par­ti­cu­liè­re­ment sens et inté­resse même les construc­teurs auto­mo­biles. Au-delà, avec ce pro­jet inno­vant, Watt­Park a gagné la pre­mière édi­tion de Soft­ware Répu­blique. En 2021, nous avons aus­si été lau­réat de l’ICNC 2021, un évé­ne­ment alle­mand qui récom­pense les entre­prises qui dis­ruptent le sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions grâce à notre sys­tème offline. Enfin, avec l’Île-de-France, nous avons obte­nu un PIA 4 dans le cadre duquel il s’agit de fusion­ner nos déve­lop­pe­ments logi­ciels pro­prié­taires offline avec le logi­ciel online qui est incom­pa­tible avec les ins­tal­la­tions de recharge acces­sibles sur les voiries. 

Et aujourd’hui, où en est WattPark ? 

Si à l’heure actuelle, nous avons déployé quelques bornes, notre pro­duit a voca­tion à pou­voir équi­per chaque mai­son ce qui per­met­trait de répondre à 30 % des besoins du mar­ché en matière de recharge. 

Nous avons déve­lop­pé ces bornes de recharge par­ta­geables et moné­ti­sables en pre­nant en compte le poten­tiel d’expansion du sys­tème. L’idée est, en effet, de pro­po­ser une solu­tion simple d’accès et faci­le­ment déployable et uti­li­sable pour mailler mas­si­ve­ment le ter­ri­toire et per­mettre à un tout à cha­cun de trou­ver rapi­de­ment un point de recharge. En paral­lèle, le sys­tème a aus­si été pen­sé pour pou­voir être ins­tal­lé et uti­li­sé en mode offline, ce qui per­met d’optimiser de manière signi­fi­ca­tive les coûts étant don­né qu’aucun apport du réseau n’est nécessaire. 

Comment vous projetez-vous sur le marché ? 

Nous avons signé un accord avec un grand groupe situé à Bor­deaux, qui fabri­quait his­to­ri­que­ment des boîtes à vitesse, et qui aujourd’hui se repo­si­tionne sur la mobi­li­té élec­trique. L’objectif est de fabri­quer 100 000 uni­tés. En paral­lèle, nous avons éga­le­ment acquis une socié­té basée en Île-de-France, qui fabrique un véhi­cule élec­trique. Sur le moyen et long terme, l’idée de Watt­park est aus­si de déve­lop­per des ser­vices com­plé­men­taires autour de cette mobi­li­té élec­trique en met­tant à dis­po­si­tion des véhi­cules élec­triques capables de par­cou­rir des dis­tances de moins de 100 km par jour pour répondre au besoin de la majo­ri­té des conduc­teurs en France. Enfin, il s’agit aus­si de nous déve­lop­per et de dupli­quer notre modèle en Europe, mais aus­si en Afrique et au Moyen-Orient.

Le mot de la fin ?

Pour sou­te­nir cette démarche de démo­cra­ti­sa­tion de l’utilisation de la voi­ture élec­trique et notre modèle aty­pique, il est impor­tant que l’État s’inscrive dans une logique de pro­mo­tion et de valo­ri­sa­tion de l’industrie natio­nale et locale. 

Poster un commentaire