FLYING WHALES : le dirigeable qui réinvente la mobilité aérienne

FLYING WHALES : le dirigeable qui réinvente la mobilité aérienne

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Vincent GUIBOUT (X98)
Par Clément BARTHE (X01)

Trans­port de mar­chan­dises, désen­cla­ve­ment des zones iso­lées, mobi­li­té aérienne décar­bo­née, réduc­tion de l’empreinte envi­ron­ne­men­tale… sont autant d’enjeux au cœur du pro­jet de FLYING WHALES qui déve­loppe, construit et opère le LCA60T, un diri­geable aux capa­ci­tés inédites. Le point avec Vincent Gui­bout (X98), direc­teur géné­ral délé­gué de FLYING WHALES et Clé­ment Barthe (X01), direc­teur industriel.

À l’origine de FLYING WHALES, il y avait la volonté de l’État français de mieux exploiter les ressources en bois. Qu’en est-il et comment l’idée autour de FLYING WHALES a‑t-elle évolué depuis ? 

En effet ! Le point de départ de la réflexion autour du pro­jet FLYING WHALES était la dif­fi­cul­té de l’ONF à mieux exploi­ter et valo­ri­ser la res­source en bois à cause d’un accès com­plexe à cer­tains sites inac­ces­sibles. L’idée était alors de trou­ver un moyen pour y accé­der sans avoir à déve­lop­per de nou­velles routes. Dans le cadre de cette réflexion, la solu­tion rete­nue par les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes a été celle d’un diri­geable doté de la capa­ci­té de trans­por­ter des charges lourdes, pou­vant aller jusqu’à 60 tonnes, et tout cela sans empreinte au sol !

Le lan­ce­ment offi­ciel du pro­jet a per­mis de mettre en évi­dence qu’il exis­tait un mar­ché avec de nom­breuses appli­ca­tions pour notre diri­geable, le LCA60T, notam­ment le sec­teur de l’éolien et des infra­struc­tures élec­triques, mais aus­si toutes les indus­tries qui néces­sitent, in fine, de dimen­sion­ner leurs pro­duits afin de pou­voir les trans­por­ter par voie rou­tière. Très vite, le LCA60T s’est aus­si impo­sé comme un outil au ser­vice du désen­cla­ve­ment de régions isolées.

Aujourd’hui, quel est le positionnement de FLYING WHALES ?

Notre acti­vi­té et notre modèle s’articulent autour de deux axes :

  • FLYING WHALES Indus­try, un construc­teur aéro­nau­tique qui déve­loppe le LCA60T et prend en charge sa certification ;
  • FLYING WHALES Ser­vices qui est l’opérateur du diri­geable. C’est une « com­pa­gnie aérienne », dont le péri­mètre d’action couvre l’exploitation du diri­geable avec la ges­tion des bases, la for­ma­tion des pilotes, la maintenance.

Pour construire le LCA60T, l’exploiter et pro­po­ser nos dif­fé­rents ser­vices, nous met­tons en en place un éco­sys­tème com­plet : déve­lop­pe­ment des tech­no­lo­gies propres au diri­geable, struc­tu­ra­tion d’un consor­tium indus­triel (plus de 50 par­te­naires), créa­tion d’une école de pilo­tage… Par ailleurs, avec les auto­ri­tés com­pé­tentes, nous tra­vaillons sur la défi­ni­tion du cadre régle­men­taire autour de cet écosystème.

Actuel­le­ment, FLYING WHALES emploie plus de 150 col­la­bo­ra­teurs, nous visons une équipe de plus de 200 per­sonnes d’ici la fin de l’année. L’entreprise est ados­sée à des action­naires publics et pri­vés, qui ont per­mis de lever plus de 160M€ depuis le début. Dans son action­na­riat public, on retrouve notam­ment l’État fran­çais, la pro­vince du Qué­bec ain­si que la région Nou­velle Aqui­taine. L’actionnariat pri­vé est com­po­sé, quant à lui, de grands groupes indus­triels (ADP, Bouygues, Air­Li­quide) et de fonds d’investissement.

Aujourd’hui, dans un monde où la mobilité doit se décarboner, votre dirigeable a vocation à s’imposer comme une alternative durable avec une faible empreinte environnementale. Concrètement, qu’en est-il ? 

L’ambition de FLYING WHALES est de déve­lop­per les tech­no­lo­gies qui per­met­tront de décar­bo­ner l’aviation de demain et qui, en plus, auront une voca­tion socié­tale en contri­buant à désen­cla­ver des ter­ri­toires iso­lés par­tout dans le monde, comme en Guyane ou encore au Qué­bec, dont l’État est un de nos actionnaires.

Nous avons com­men­cé à tra­vailler sur la ques­tion du trans­port décar­bo­né dès 2012 ce qui nous a per­mis de prendre une cer­taine avance en matière d’électrification, de pro­pul­sion élec­trique, ain­si que sur la géné­ra­tion de puis­sance bas car­bone à bord d’un aéronef.

Nous avons ain­si déve­lop­pé un cer­tain nombre de tech­no­lo­gies assez nova­trices qui donnent la pos­si­bi­li­té à nos ingé­nieurs de tra­vailler sur des pro­jets et des sujets au cœur de l’aéronautique de demain.

Notre diri­geable est por­té par de l’hélium. Il ne consomme aucune éner­gie pour se main­te­nir en alti­tude. La pro­pul­sion est prin­ci­pa­le­ment uti­li­sée pour se dépla­cer. En com­pa­rai­son avec un héli­co­ptère, le LCA60T émet 10 à 20 fois moins de CO2. Au-delà, le fait que notre diri­geable puisse opé­rer de manière sta­tion­naire sans emprise ou infra­struc­ture au sol per­met aus­si de géné­rer des gains envi­ron­ne­men­taux impor­tants. Pour le futur, nous tra­vaillons sur l’électrification totale de l’appareil afin de se pas­ser de la géné­ra­tion ther­mique de puis­sance. Cette évo­lu­tion contri­bue­ra à amé­lio­rer le bilan car­bone qui est déjà très bon ! Plus par­ti­cu­liè­re­ment, en termes d’électrification, pour la géné­ra­tion élec­trique, nous explo­rons dif­fé­rentes pistes. Actuel­le­ment, nous uti­li­sons un tur­bo-géné­ra­teur capable d’être ali­men­té par du SAF (Sus­tai­nable Avia­tion Fuel) et nous tra­vaillons aus­si bien sur l’utilisation d’hydrogène dans les tur­bines que sur le rem­pla­ce­ment du tur­bo géné­ra­teur par des piles à hydrogène.

Aujourd’hui, qui sont vos principaux clients ? 

Nous opé­rons sur le seg­ment du B2G ou Busi­ness To Govern­ment. Dans ce cadre, nous sommes consi­dé­rés comme une infra­struc­ture de trans­port, au même titre que le train, le métro ou les aéro­ports. Nous contri­buons à l’aménagement du ter­ri­toire et le déve­lop­pe­ment éco­no­mique d’une zone dif­fi­cile d’accès ou d’une région iso­lée. Cette dimen­sion « sou­ve­raine » explique notam­ment le fait que l’on retrouve des États dans notre actionnariat.

En paral­lèle, nous four­nis­sons un ser­vice de trans­port à des indus­triels qui ont des pro­blé­ma­tiques de logis­tique ponc­tuelle et récur­rente. Notre soute nous per­met de trans­por­ter des objets qui ont une lon­gueur iden­tique à celle d’un ter­rain de football !

Aujourd’hui, FLYING WHALES a éta­bli de nom­breux accords et de liens pré­li­mi­naires avec des acteurs finaux, comme l’ONF. Par­mi ceux-ci, on retrouve Ariane pour le trans­port de récu­pé­ra­tion de sa fusée, des fabri­cants d’éoliennes (Ves­tas, Sie­mens…), des fabri­cants et des ins­tal­la­teurs d’infrastructures élec­triques comme RTE… Récem­ment, nous avons signé un par­te­na­riat avec Bol­lo­ré Logis­tics afin d’utiliser notre solu­tion, notam­ment en Afrique. À l’heure actuelle, nous avons ain­si signé plus d’une qua­ran­taine d’accords préliminaires.

Quelles sont les prochaines étapes pour FLYING WHALES ? 

Notre déve­lop­pe­ment s’articule autour trois axes principaux :

Le déve­lop­pe­ment du diri­geable : nous sommes en pleine phase de concep­tion. L’intégration démar­re­ra en 2024 ;

La construc­tion de nos lignes d’assemblage : la région Nou­velle Aqui­taine nous sou­tient dans le pro­jet d’implantation près de Bor­deaux, ain­si que nos par­te­naires qué­bé­cois pour s’implanter près de Mont­réal. La construc­tion du site près de Bor­deaux doit démar­rer en 2024, en fonc­tion des auto­ri­sa­tions administratives ;

La mise en place de l’écosystème autour du métier d’opérateur : nous tra­vaillons sur le cadre régle­men­taire, la créa­tion d’une école pour for­mer les pilotes…

Quels sont vos enjeux ? 

Notre pre­mier enjeu est humain. Nous recher­chons et recru­tons des ingé­nieurs pour tra­vailler sur l’infrastructure, les opé­ra­tions, l’exploitation… Nous sommes aus­si sur des métiers à la croi­sée de l’aviation, de l’aérodynamique, de la ther­mique, de l’électronique, de l’ergonomie…, mais aus­si sur des sujets spé­ci­fiques au monde du diri­geable comme le tex­tile, les sys­tèmes de bal­las­tages et de treuils…

D’ici la fin d’année, nous visons une équipe de plus de 200 per­sonnes en France, mais aus­si une tren­taine de per­sonnes au Québec.

Aujourd’hui, FLYING WHALES est une start-up qui n’a pas encore d’activité com­mer­ciale. Nous avons donc un enjeu bud­gé­taire afin de pour­suivre notre déve­lop­pe­ment en capi­ta­li­sant sur les dif­fé­rents fonds et sou­tiens que nous avons reçus.

Et pour conclure ? 

FLYING WHALES crée de nou­velles appli­ca­tions et un nou­veau domaine autour du diri­geable. Nous sommes pas­sés du trans­port du bois, des éoliennes, des pylônes, à des enjeux de désen­cla­ve­ment de zones iso­lées, d’accès au soin avec des hôpi­taux mobiles et au déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té aérienne décar­bo­née de demain. Aujourd’hui, le diri­geable est indé­nia­ble­ment un géné­ra­teur d’idées et contri­bue à réin­ven­ter une socié­té où le déve­lop­pe­ment durable et la dimen­sion socié­tale sont au cœur des préoccupations.

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