Cours d'Alain Finkielkraut à l'Ecole polytechnique

Les beaux jeudis matin du département HSS

Dossier : L'X et les humanitésMagazine N°701 Janvier 2015
Par Camille PICOT (12)

D’aucuns con­sid­éreront qu’en l’absence d’équations ou de résul­tats quan­ti­tat­ifs, ces qua­tre heures ne valent pas plus qu’un morceau de pipeau, d’autres au con­traire y trou­veront la légitim­ité de la place spé­ciale con­sacrée aux humanités.

REPÈRES

Sans aucun doute, l’enseignement à l’École polytechnique ne serait pas le même sans ces quatre heures particulières du jeudi matin proposées aux élèves polytechniciens afin de parfaire leur culture (littéraire, historique, artistique, philosophique), forcer leur talent créatif ou développer leur connaissance du monde de l’entreprise et de l’innovation.
« Et de lettres, vous n’avez que les trois » – H, S, S – pour nommer cette étonnante association d’humanités et sciences sociales, pour regrouper ces disciplines si différentes en un pot-pourri de matières dépourvues de mathématiques.

Un éveil au sens propre

L’éveil aux HSS est d’abord un éveil au sens pro­pre, dès huit heures le jeu­di matin, soit trente min­utes plus tôt que les cours scientifiques.

“ Un moment libérateur et un gage d’ouverture d’esprit ”

Le « couloir des nou­veaux amphis » voit se dis­pers­er les élèves dans une tor­peur hâtive, qui vers le sémi­naire d’anthropologie, qui en soci­olo­gie, dessin ou droit des entreprises.

Dans le vaste cat­a­logue du départe­ment, les cours et sémi­naires sont répar­tis en trois caté­gories : « Droit, économie et sci­ences poli­tiques », « Sci­ences humaines » et « Art ». Aucune règle ne s’applique dans le choix des cours, et les élèves peu­vent aus­si bien se spé­cialis­er dans un domaine que « papil­lon­ner » de caté­gorie en catégorie.

Interactivité

DU BAROQUE AU ROCK

Qu’on ne se laisse pas tromper par le grand nombre de cours proposés : en humanités, la quantité n’exclut pas la qualité des intervenants. Avide de découvertes, Damien Specq (par ailleurs président de la revue X‑Passion) avait choisi le séminaire d’histoire de la musique « Du baroque au rock » et « Introduction à la psychanalyse » : « Les intervenants étaient dans les deux cas de grands spécialistes de leur domaine et le contenu de grande qualité.
Le plus marquant m’a semblé que des élèves comme nous, qui ne nous destinons pas a priori à des études poussées sur ces sujets, puissent y avoir accès dans le cadre de leur cursus et que des intervenants fassent le choix de venir enseigner leur spécialité à des élèves de l’École polytechnique. C’est tout simplement dans ces moments que l’on réalise la chance d’y être. »

Mal­gré l’expertise des inter­venants, la tech­nique péd­a­gogique est très ouverte et chaque pro­fesseur laisse générale­ment place à la dis­cus­sion pen­dant sa séance. La répar­ti­tion en petits groupes d’une ving­taine d’élèves favorise l’interactivité, les sémi­naires étant ryth­més par les témoignages d’intervenants, les exposés d’élèves ou encore le développe­ment de pro­jets per­son­nels sur lesquels porte l’évaluation finale.

Celle-ci sanc­tionne ain­si bien plus l’intérêt pour une matière sou­vent récem­ment décou­verte que le bachotage systématique.

Développer sa réflexion

Les deux pre­mières heures de sémi­naire sont suiv­ies de qua­tre-vingt-dix min­utes de cours en plus grand comité (cinq cours au choix, con­tre vingt sémi­naires env­i­ron) por­tant sur un thème indépendant.

Enseigné de façon plus tra­di­tion­nelle, il com­plète le cours magis­tral d’Alain Finkielkraut (rem­placé désor­mais par Mick­aël Foes­sel) suivi par toute la pro­mo­tion au pre­mier semes­tre. L’évaluation est plus académique et se fait par une dis­ser­ta­tion com­mune dont le sujet, volon­taire­ment ouvert, doit per­me­t­tre aux élèves de dévelop­per une réflex­ion nour­rie par des références aus­si var­iées que leur his­toire personnelle.

RÉFÉRENCES VARIÉES

Un cinquième de la promotion est constitué d’élèves étrangers dont la majorité ne parlait pas français à leur entrée, et qui suivent les mêmes cours et réalisent les mêmes compositions que les francophones.

Recon­nais­sons que les human­ités n’ont pas la même valeur pour tous les élèves de l’École. Si les plus zélés d’entre nous regret­tent de ne pou­voir suiv­re qu’un cours et un sémi­naire par péri­ode, les moins ent­hou­si­astes demeurent indif­férents voire absents en ces heures matinales.

Cepen­dant, quel que soit le sujet traité et l’intérêt qu’on lui porte, le cours d’humanités me sem­ble être un moment libéra­teur et un gage d’ouverture d’esprit.

Tan­dis que les zones les plus cartési­ennes du cerveau se relâchent, l’imagination, la créa­tiv­ité, la rhé­torique et la con­cen­tra­tion du lecteur pren­nent le relais de la course aux con­nais­sances et per­me­t­tent de s’évader le temps d’une matinée.

Le cours magis­tral d’Alain Finkielkraut (rem­placé désor­mais par Michaël Foes­sel) est suivi par toute la pro­mo­tion au pre­mier semes­tre. © JÉRÉMY BARANDE / EP Alain Finkielkraut ne fait plus cours cette année mais il est tout de même venu pour les X2013 dans le cadre du cours de M. Foes­sel (que l’on aperçoit au pre­mier rang tout au fond

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