Les Atrides en Morvan

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°608 Octobre 2005Par : Gérard TENAILLE (46)Rédacteur : Jean-Claude PARRIAUD (46)

Ce livre est sur­prenant par sa struc­ture com­pos­ite. Il se révèle vite attachant et de lec­ture attrayante. Il n’est pas dif­fi­cile au demeu­rant d’en trou­ver le fil conducteur.

Au départ une étude généalogique appro­fondie de sa famille pater­nelle dont l’auteur nous livre, en annexe, un extrait allant du XVIe siè­cle à nos jours. On y décou­vre notam­ment que dans la bour­geoisie de Clame­cy, au XVI­I­Ie siè­cle, fig­u­raient plusieurs familles Tenaille issues de la même souche qui se dis­tin­guaient par l’ajout d’un sec­ond patronyme. Et c’est à Clame­cy que se noue le drame his­torique qui fait le cœur de ce livre où l’auteur nous révèle un aspect peu con­nu de notre his­toire nationale.

La vie à Clame­cy avant 1789 était réputée douce et bril­lante pour les bour­geois, moins sans doute pour les ouvri­ers chargés du flot­tage des bois qui était la grande activ­ité de la ville. Le bois du Mor­van, prin­ci­pale source d’approvisionnement de Paris, après l’exploitation destruc­trice des forêts d’Île-de-France, était une den­rée stratégique aux épo­ques sans char­bon ni pét­role. L’auteur con­sacre une longue et intéres­sante annexe à l’historique et à la tech­nique du flottage.

En 1789, après une lente mon­tée des inquié­tudes, le vent vio­lent de la Révo­lu­tion souf­fle, sur cette ville pais­i­ble, dans une société sans doute peu récep­tive aux idées révo­lu­tion­naires, une bour­rasque de désor­dres, de haine, de déla­tion et de peur. L’auteur s’attache à cette approche “ micro­scopique ”, et nou­velle pour le lecteur, de l’histoire de la Révo­lu­tion. Sa famille y joue en effet un grand rôle ; il y a des Tenaille dans tous les comités et à la tête du direc­toire local qui vont se déchir­er comme les Atrides. Le détail de ces intrigues, dénon­ci­a­tions, empris­on­nements, inter­ven­tions à Paris, exé­cu­tions en masse, dont celle, le 25 ven­tôse de l’an II, de quinze habi­tants de Clame­cy, est d’autant plus prenant que l’auteur le traite avec la minu­tie et le détache­ment d’un chroniqueur ; d’autant plus fasci­nant qu’il ne peut man­quer de porter le lecteur à des rap­proche­ments avec les déchaîne­ments de vio­lence de l’époque contemporaine.

Après cette chronique san­guinaire, la vision soudaine­ment s’élargit dans une fresque his­torique, brossée à grands traits, rap­pelant les caus­es et con­séquences loin­taines de la Révo­lu­tion. Rap­pel bien­venu et con­traste néces­saire pour clore ce livre instruc­tif et attachant.

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