Les armées au défi de la transition énergétique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°769 Novembre 2021
Par Anoly SAYPHARATH
Par Jean-Charles FERRÉ

Le monde fait le bilan de sa sit­u­a­tion cli­ma­tique comme les symp­tômes d’une mal­adie trop longtemps ignorée. Les souch­es de mor­bid­ité sont con­nues et les COP suc­ces­sives le rap­pel­lent. La France se veut exem­plaire dans la lutte con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et le min­istère des armées est aux avants postes de cette exemplarité.

Une vision maîtrisée

Le but des forces armées est d’assurer sa supéri­or­ité sur ses adver­saires en toutes circonstances.

Le con­texte énergé­tique mon­di­al subit de pro­fondes muta­tions. Cette évo­lu­tion des principes de con­som­ma­tion fera, comme au XIXe siè­cle, l’objet d’un boule­verse­ment géopoli­tique mon­di­al qui pèsera sur les scé­nar­ios d’emplois de la force. Les tech­nolo­gies de rup­ture nées de cette révo­lu­tion et l’impératif de fru­gal­ité impacteront en out­re les modes d’action militaires.

Ces cir­con­stances, inédites depuis l’avènement du roi pét­role, s’imposent dans la réflex­ion stratégique sur le plan opéra­tionnel et envi­ron­nemen­tal ; le min­istère des Armées n’étant pas exempt des efforts de l’État dans le domaine écologique. Elles s’inscrivent comme un enjeu fon­da­men­tal pour les armées qui ne peu­vent, depuis Nabu­chodonosor, se pass­er d’énergie pour avancer et pour gagner.

Dans cette per­spec­tive révo­lu­tion­naire, les sché­mas actuels de sou­tien énergé­tique fos­sile dévoilent leur fragilité. Bien­tôt caduques par la loi du monde, ils imposent une réflex­ion dépous­siérée, voire dis­rup­tive de nos con­cepts d’emploi des éner­gies (pét­role, élec­tric­ité, hydrogène) et le min­istère des Armées par sa stratégie énergé­tique de défense (SED) s’est engagé sur le chemin de la tran­si­tion énergé­tique. Ce doc­u­ment min­istériel offre une per­spec­tive en recher­chant à faire de cette tran­si­tion énergé­tique un « atout au prof­it des forces ».

Un outils adapté : le service de l’énergie opérationnelle

Par­mi les réformes indis­pens­ables, celle du ser­vice des essences des armées (SEA) s’impose naturelle­ment. Son périmètre « fos­sile » n’était plus en phase avec les boule­verse­ments à venir. Aban­don­nant l’essence au prof­it de l’énergie, ce ser­vice renom­mé Ser­vice de l’Énergie Opéra­tionnelle (SEO) vient désor­mais en appui de tous les acteurs du min­istère qui œuvrent à l’adaptation des forces et de leur con­cept d’emploi, en appor­tant un regard éclairé sur les défis énergé­tiques. Ses mis­sions vont de l’approvisionnement, stock­age et dis­tri­b­u­tion de car­bu­rants, ingré­di­ents, pro­duits et embal­lages aux forces armées, multi­na­tionales et alliées à l’expertise et con­seil techniques.

L’objectif est bien de faire des con­traintes énergé­tiques un atout opéra­tionnel pour les armées (terre, mer, air) dans un con­texte inédit où la volon­té de tran­si­tion énergé­tique est désor­mais com­mune aux grandes fonc­tions du min­istère des Armées. Ce mod­èle nova­teur invite à être exporté.

Une révolution sous surveillance

Cette exi­gence de con­som­ma­tion maîtrisée et durable s’invite néan­moins comme un con­vive per­tur­ba­teur à la table de la par­tic­u­lar­ité mil­i­taire. La régle­men­ta­tion envi­ron­nemen­tale ne peut s’imposer à l’action régali­enne de l’État. Toute forme de pro­grès lié à la tran­si­tion énergé­tique devra être analysée au prisme de ses impli­ca­tions militaires.

La règle­men­ta­tion nationale et européenne impac­tant la cir­cu­la­tion, l’emploi tech­nologique et la résilience doit demeur­er cohérente avec l’emploi de la force, au risque de s’interdire des modes d’action engageant le suc­cès mil­i­taire, et en par­ti­c­uli­er hors de France où les con­di­tions énergé­tiques sont très éloignées des stan­dards européens.

La déf­i­ni­tion des besoins des armées devra elle aus­si s’exprimer en objec­tifs énergé­tiques à attein­dre dans le respect des règles de la com­mande publique pro­pre à la défense.

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