Les archives de Gaspard Monge à l’École polytechnique

Dossier : ExpressionsMagazine N°577 Septembre 2002
Par Christian MARBACH (56)

Tous les lecteurs de La Jaune et la Rouge con­nais­sent évidem­ment Gas­pard Mon­ge. Même s’ils ne se sont pas par­ti­c­ulière­ment intéressés à l’histoire de leur École et à l’épopée de sa déf­i­ni­tion fon­da­trice, ils asso­cient à ce per­son­nage un cer­tain nom­bre d’images.

  • La géométrie descrip­tive, bien sûr (du moins pour ceux qui ont eu le plaisir de tra­vailler cette matière que Bona­parte ne se las­sait pas de se faire expli­quer par Monge).
  • “ L’amphi Monge ”.
  • La cam­pagne d’Égypte et la “ décou­verte ” de la rai­son d’être des mirages, pro­posée aux grenadiers de la garde avant de l’être à Dupont et Dupond dans les albums de Tintin et Milou.
  • Les savants sauvant la Révo­lu­tion, qui avait besoin de salpêtre autant que de bras et d’élan.
  • Et, aus­si, et, d’abord, la fon­da­tion de l’École, la con­cep­tion de ce sys­tème de “ sélec­tion – enseigne­ment – débouchés” défi­ni par Mon­ge, d’abord, Mon­ge, surtout, Mon­ge qui pesa de tout son poids et de toute son influ­ence sur le clan con­ven­tion­nel des Bour­guignons, sur le Pre­mier Con­sul, sur l’Empereur pour “ for­mater ” l’École, la dévelop­per, la protéger.


Mais Gas­pard Mon­ge ne se réduit pas à ces images, ni aux déf­i­ni­tions que l’on trou­ve dans les dic­tio­n­naires. Sa vie, pen­dant cette péri­ode où l’histoire des sci­ences se con­fondait avec l’histoire de France (pour para­phras­er Michel Ser­res), pro­pose bien des lec­tures. Celle d’un “ ascenseur social ” per­mis par l’excellence sci­en­tifique et le dévoue­ment à la chose publique. Celle d’un par­cours sci­en­tifique mul­ti­dis­ci­plinaire, éclairant de mul­ti­ples aspects math­é­ma­tique, physique, chim­ique, géo­graphique grâce à un appétit prêt à répon­dre à toutes les sol­lic­i­ta­tions, celles de l’Institut comme celles de ce qui était, sans en porter le titre, la “ délé­ga­tion générale à l’armement ”.

Celle d’un par­cours poli­tique avec ses fidél­ités et ses reniements, davan­tage de fidél­ités que de reniements. Celle d’un par­cours de grand com­mis de l’État, exem­ple de la “ société civile ” venu au(x) gouvernement(s) pour être min­istre, ou mem­bre du Con­seil des Cinq-Cents, ou com­mis­saire des Arts et des Sci­ences en Ital­ie, ou plénipo­ten­ti­aire, ou séna­teur, ou prési­dent du Sénat. Celle d’un époux tou­jours proche de sa chère Marie, à qui il a écrit des cen­taines de let­tres postées du Caire, comme de Cam­po Formio ou de Liège, et de ses deux filles.

Gaspard MONGELes archives de Gas­pard Mon­ge qui vien­nent, début juin, de rejoin­dre la bib­lio­thèque de l’École poly­tech­nique ont été détenues et préservées depuis deux siè­cles par la famille, plus pré­cisé­ment par les descen­dants de l’une de ses filles, Lucie.

Gas­pard et Marie Mon­ge avaient gardé beau­coup de doc­u­ments, “privés” (leurs let­tres) ou “publics” (doc­u­ments de min­istère, ou de com­mis­sion officielle).

Les spé­cial­istes des archives savent que, à cette époque, le devenir des archives de gou­verne­ment ou d’administration était loin d’être for­mal­isé : beau­coup de hauts per­son­nages les empor­taient (pré­cau­tion ou désir d’écrire des mémoires), d’autres les détru­i­saient (Gas­pard Mon­ge, pris de panique, en a brûlé une par­tie en 1815), d’autres les vendaient (il n’y a pas de petits prof­its). Ne leur jetons pas trop vite la pierre : com­bi­en de doc­u­ments sont passés dans des cof­fres privés ou à la déchi­que­teuse dans nos cab­i­nets min­istériels lors des change­ments de gou­verne­ment, au mépris des règles désor­mais bien plus pré­cis­es rel­a­tives aux archives publiques ?

Soyons donc recon­nais­sants aux quelques généra­tions des descen­dants de Mon­ge, les Eschas­séri­aux, les Chaubry, pour avoir pris soin de ces doc­u­ments, les avoir “ enrichis ” à l’occasion en recher­chant des pièces chez les “ cor­re­spon­dants ”, les avoir tran­scrits et classés, en avoir par­fois autorisé la lec­ture avec un soin jaloux… ce qui com­pli­quait le tra­vail des his­to­riens mais avait aus­si son bon côté, d’en éviter la dis­per­sion et la perte.

Soyons leur recon­nais­sants aus­si, à la nième généra­tion, d’avoir approché la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne pour pro­pos­er que ces archives devi­en­nent, désor­mais, sa pro­priété – “ notre propriété ”.

Grâce à l’AX, qui a décidé très vite de répon­dre favor­able­ment à ma sug­ges­tion et accep­té de racheter ces archives ; grâce à l’École et à sa bib­lio­thèque, qui ont accep­té de pren­dre la respon­s­abil­ité de ces caiss­es de doc­u­ments pour, très bien­tôt, les ranger, repro­duire par­tielle­ment, exploiter ; grâce à la Sabix, qui a joué son rôle de “ go-between ” entre toutes les par­ties et pro­posé un mon­tage qui leur con­vi­enne, à toutes, voici donc le fonds “ Gas­pard Mon­ge ” affec­té à l’École poly­tech­nique – un autre de ses enfants.

Nous aurons, dans quelques mois, l’occasion de revenir dans La Jaune et la Rouge sur la descrip­tion pré­cise de ce fonds en pro­posant une pre­mière analyse de ce qu’il con­tient, une approche cri­tique des travaux d’historiens déjà per­mis par leur con­sul­ta­tion, une approche prospec­tive des travaux futurs qu’il nous fau­dra encourager.

Nous espérons pou­voir aus­si organ­is­er (en 2003?) un col­loque “autour” de ces archives et de Gas­pard Mon­ge, et faire signe à cette occa­sion aux asso­ciés de la Sabix et aux lecteurs de La Jaune et la Rouge intéressés par cet éton­nant personnage.

Commentaire

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Rou­quette clauderépondre
16 juin 2018 à 20 h 40 min

Gas­pard mon­ge exam­i­na­teur de marine
Je vous informe de la pub­li­ca­tion de mon livre « Le col­lège de Nep­tune » qui relate l’his­toire du col­lège naval d’Alais(1786/1792) où Gas­pard Mon­ge exerça comme examinateur.
Ce doc­u­ment inédit sur la vie des élèves et les pro­fesseurs est pré­facé par le Cdt de l’Ecole navale et le chef d’e­tat major de la marine.
Edi­tions les press­es du midi.
C. Rouqette 

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