Les aides à la conduite, facteur de sécurité

Dossier : Automobile, les nouveaux horizonsMagazine N°663 Mars 2011
Par Xavier MOULIN (96)

REPÈRES

REPÈRES
Un véhicule actuel con­tient autant d’élec­tron­ique qu’un Air­bus d’il y a dix ou vingt ans, et la part de l’élec­tron­ique dans le prix de revient d’un véhicule a été aug­men­tée de 50 % en dix ans, pas­sant de 22 % en 2000 à 35 % en 2010. Aujour­d’hui, plus d’un tiers du prix de revient d’un véhicule vient des seules fonc­tion­nal­ités élec­tron­iques embar­quées. Si on con­sid­ère le cas par­ti­c­uli­er des véhicules haut de gamme des con­struc­teurs spé­cial­istes alle­mands, les divers­es options tech­nologiques d’aide à la con­duite (donc hors équipements de con­fort et de style) pro­posées peu­vent faire grimper la fac­ture de 15% sur un véhicule dont le prix de base tutoie déjà les cent mille euros.

Reportez-vous vingt-cinq ans en arrière. Vous avez pris soin d’é­tudi­er votre itinéraire sur votre carte. Vous avez prévu de voy­ager de nuit pour éviter la forte chaleur de la journée. Vous véri­fiez que tous les occu­pants ont bien attaché leur cein­ture. Vous sortez de votre place de park­ing en faisant atten­tion à votre car­rosserie. Vous sur­veillez les lim­i­ta­tions de vitesse et n’ou­bliez pas de pass­er en feux de croise­ment quand vous croisez un autre véhicule, vous réglez sans cesse vos essuie-glaces, démar­rez en côte, etc., jusqu’à la fin du par­cours et le repos bien mérité.

L’au­to­mo­bile a con­nu la même évo­lu­tion que l’in­for­ma­tique, à l’aspect extérieur près

Vingt-cinq ans plus tard, que reste-t-il de ces tour­ments ? La cli­ma­ti­sa­tion est agréable. Vous enclenchez la fonc­tion de park­ing automa­tique et regardez votre volant tourn­er tout seul pen­dant que vous agis­sez sur les pédales. Le sys­tème de nav­i­ga­tion vous amène à des­ti­na­tion. Vous enclenchez le régu­la­teur de vitesse. L’aver­tis­seur de fran­chisse­ment de ligne vous main­tient dans le droit chemin. Les phares passent d’eux-mêmes dans la posi­tion appro­priée pour éviter d’éblouir. S’il pleut l’es­suyage automa­tique gère la vitesse des essuie-glaces. En arrivant vous vous deman­dez si vous avez vrai­ment servi à quelque chose.

Une évolution exponentielle

1) Vitesse du véhicule réglée à 70.

2) Le radar con­state que le véhicule précé­dent roule moins vite, il réduit la vitesse pour garder une dis­tance de sécurité.

3) Le régu­la­teur s’a­juste sur la vitesse du véhicule qui précède.

En vingt-cinq ans la tech­nolo­gie a per­mis de réalis­er des pro­grès con­sid­érables dans l’au­to­mo­bile. Si on com­pare avec l’in­for­ma­tique, il y a vingt-cinq ans sor­tait le pre­mier IBM PC, à com­par­er avec les solu­tions infor­ma­tiques exis­tant aujour­d’hui. L’au­to­mo­bile a con­nu la même révo­lu­tion, la seule dif­férence se situ­ant dans une évo­lu­tion moin­dre de l’aspect extérieur (après tout une voiture c’est tou­jours un habita­cle dans une caisse posée sur qua­tre roues, le tout avec un moteur).

De façon usuelle, la plu­part des inno­va­tions, qu’il s’agisse d’aides à la con­duite ou d’autres équipements, appa­rais­sent sur des véhicules haut de gamme du fait du coût de la tech­nolo­gie à son lance­ment. Puis, du fait de l’ef­fet vol­ume, ces inno­va­tions s’é­ten­dent à des véhicules de gamme inférieure jusqu’à, pour cer­taines, se généralis­er, éventuelle­ment sous con­trainte régle­men­taire ou sous la pres­sion des organ­ismes de con­sumérisme (type Euro NCAP).

Si on prend comme référence le cas du sys­tème de con­trôle de tra­jec­toire ESP, il équipe aujour­d’hui plus de 60% des véhicules ven­dus en Europe et le coût de l’op­tion est d’en­v­i­ron 300 à 600 euros suiv­ant les con­struc­teurs. À par­tir de fin 2014, tous les véhicules ven­dus en Europe devront régle­men­taire­ment être équipés de l’ESP.

Le GPS et ses applications

Le GPS s’est inté­gré et démocratisé

Le GPS (Glob­al Posi­tion­ing Sys­tem) est un sys­tème opéra­tionnel depuis le milieu des années 1990 per­me­t­tant un posi­tion­nement du récep­teur avec une pré­ci­sion d’une quin­zaine de mètres. Ce sys­tème utilise pour fonc­tion­ner un réseau de satel­lites lancés par l’ar­mée des États-Unis.

Intro­duit dans l’u­nivers auto­mo­bile, sa pre­mière appli­ca­tion est de fournir une fonc­tion de nav­i­ga­tion et guidage à l’u­til­isa­teur. C’est au tra­vers de cette appli­ca­tion que le sys­tème s’est démoc­ra­tisé, en par­ti­c­uli­er par le biais des sys­tèmes nomades (type ” Tom Tom”) qui ont per­mis une baisse sen­si­ble du prix d’achat des sys­tèmes inté­grés pro­posés par les con­struc­teurs d’au­to­mo­biles. Ain­si trou­ve-t-on aujour­d’hui des GPS inté­grés ven­dus en option entre 400 et 800 euros, là où leurs prédécesseurs, bien que dotés de fonc­tion­nal­ités iden­tiques, étaient ven­dus entre 2 000 et 3 000 euros il y a cinq à dix ans.

Ultérieure­ment la fonc­tion de guidage sim­ple s’est enrichie de fonc­tion­nal­ités de type “info-traf­ic ” per­me­t­tant la prise en compte des embouteil­lages dans le cal­cul de l’it­inéraire opti­mal. Le déploiement de cette fonc­tion­nal­ité n’est pas général­isé et dépend des zones géo­graphiques, le Japon se situ­ant par exem­ple à la pointe dans ce domaine (une néces­sité compte tenu de la den­sité de pop­u­la­tion des méga­lopoles japonaises).

Les appli­ca­tions du GPS peu­vent être mul­ti­ples, puisque de très nom­breuses fonc­tions d’un véhicule peu­vent avan­tageuse­ment être améliorées si on con­naît la posi­tion de celui-ci sur une carte.

Topogra­phie et limitations
Out­re la fonc­tion de guidage aujour­d’hui bien con­nue du grand pub­lic le posi­tion­nement GPS du véhicule peut égale­ment per­me­t­tre d’op­ti­miser le fonc­tion­nement d’autres sys­tèmes du véhicule. Il est par exem­ple pos­si­ble (ce dis­posi­tif est pro­posé aujour­d’hui sur cer­tains véhicules haut de gamme) d’adapter les lois de pas­sage d’une boîte de vitesses automa­tisée en ten­ant compte de la topogra­phie de la route emprun­tée (relief, approche d’un virage, etc.). Inutile, par exem­ple, de pass­er le rap­port supérieur à l’ap­proche d’un virage sus­cep­ti­ble de néces­siter un ralen­tisse­ment du véhicule.
Une autre appli­ca­tion pos­si­ble est, pour les véhicules équipés d’un éclairage direc­tion­nel (des phares dont l’ori­en­ta­tion du fais­ceau peut vari­er en s’é­car­tant de l’axe véhicule pour éclair­er la route à l’in­térieur d’un virage), de dévi­er préven­tive­ment le fais­ceau lumineux avant même que le con­duc­teur ne tourne le volant. Citons enfin la pos­si­bil­ité de con­naître les lim­i­ta­tions de vitesse en vigueur pour ajuster la con­signe d’un régu­la­teur ou lim­i­teur de vitesse.

La régulation de vitesse

Le pre­mier sys­tème de régu­la­tion de vitesse est apparu en 1958 aux États-Unis. Il était basé sur un sys­tème con­trôlant mécanique­ment la posi­tion de l’ac­céléra­teur. Ultérieure­ment est apparu le régu­la­teur de vitesse élec­tron­ique, util­isant le logi­ciel de con­trôle moteur pour gér­er l’al­i­men­ta­tion en air du moteur afin de main­tenir la vitesse de con­signe. Autre­fois réservé aux véhicules haut de gamme, ce sys­tème s’est démoc­ra­tisé et est aujour­d’hui disponible en série ou en option sur la qua­si-total­ité des véhicules ven­dus en Europe.

Les systèmes de sécurité active

L’ABS est aujour­d’hui oblig­a­toire en Europe

De nom­breux sys­tèmes ont pour rôle d’amélior­er la sécu­rité active du véhicule, c’est-à-dire qu’ils inter­vi­en­nent en vue d’éviter un acci­dent. Par­mi ceux-ci on peut notam­ment citer l’an­tiblocage des roues (ABS). Visant à éviter le blocage des roues lors d’une phase de freinage, l’ABS per­met par con­séquent de main­tenir le pou­voir direc­tion­nel du véhicule pour réalis­er une manœu­vre d’évite­ment, par exemple.

Mar­que déposée par l’équipemen­tier alle­mand Bosch en 1978, lors du lance­ment du sys­tème, il a été com­mer­cial­isé tout d’abord sur des véhicules haut de gamme alle­mands, afin de descen­dre pro­gres­sive­ment en gamme. Il est aujour­d’hui et depuis 2004 oblig­a­toire pour tous les véhicules com­mer­cial­isés en Europe.

Main­tenir les distances
À l’aide de cap­teurs sup­plé­men­taires le régu­la­teur de vitesse peut devenir ” adap­tatif” ou “à con­trôle de dis­tance “, c’est-à-dire qu’il gère automa­tique­ment le main­tien de la dis­tance de sécu­rité avec le véhicule qui précède, en arrê­tant d’ac­tion­ner l’ac­céléra­teur ou si besoin en action­nant le sys­tème de freinage du véhicule. Les derniers sys­tèmes de régu­la­tion de vitesse adap­tat­ifs, instal­lés sur des véhicules à boîte de vitesses automa­tique, sont ain­si capa­bles de frein­er le véhicule jusqu’à l’ar­rêt en cas de besoin (embouteil­lage) et ensuite de réac­célér­er jusqu’à la vitesse de con­signe dès que la route se dégage, et ce, sans aucune inter­ven­tion du conducteur.
Le con­trôle de trajectoire
Le sys­tème ESP (Elec­tron­ic Sta­bil­i­ty Pro­gram), dévelop­pé par l’équipemen­tier Bosch, est un sys­tème de con­trôle de tra­jec­toire. En cas de détec­tion de survi­rage ou du sous-virage le cal­cu­la­teur agit sur le cou­ple moteur ou sur le cir­cuit hydraulique de freinage pour frein­er la ou les roues dont la vitesse de rota­tion est trop impor­tante, remet­tant le véhicule sur la bonne tra­jec­toire. La capac­ité de freinage de l’E­SP peut être aus­si util­isée pour réalis­er une aide au démar­rage en côte : sur détec­tion d’une pente impor­tante, le sys­tème de freinage est mis en pres­sion pour retenir le véhicule le temps que le moteur four­nisse suff­isam­ment de cou­ple pour avancer dans le sens souhaité.

L’alerte de changement de file

Autre sys­tème de sécu­rité active en fort développe­ment aujour­d’hui, l’alerte de change­ment de file a pour voca­tion d’alert­er le con­duc­teur en cas de change­ment de file non sig­nalé par la mise en action du clig­no­tant, afin de prévenir les cas de som­no­lence. Lors du fran­chisse­ment d’une ligne en l’ab­sence de clig­no­tant des vibra­tions sont émis­es dans le siège ou le volant du côté où se trou­ve la ligne franchie inopiné­ment. Il est pos­si­ble d’y associ­er une alerte sonore. En cas d’ab­sence de cor­rec­tion il est même pos­si­ble d’ap­pli­quer un cou­ple dans le volant à l’aide de la direc­tion assistée pour remet­tre le véhicule dans sa file.

Des coûts encore élevés

La voiture sous pilotage automa­tique n’est plus une utopie

Ce panora­ma non exhaus­tif nous donne un aperçu des pro­grès réal­isés depuis quelques années dans le domaine des aides à la con­duite, domaine qui a con­nu une évo­lu­tion expo­nen­tielle grâce au développe­ment et à la minia­tur­i­sa­tion de nom­breux équipements élec­triques et électroniques.

Du fait des coûts, aus­si bien en ter­mes de développe­ment qu’en ter­mes de prix de revient, la majorité des sys­tèmes appa­raît en tant qu’op­tion sur des véhicules haut de gamme, la descente en gamme étant fonc­tion de l’en­goue­ment des acheteurs, des pos­si­bil­ités d’op­ti­mi­sa­tion économique du dis­posi­tif et par­fois de la pres­sion des autorités de régulation.

C’est pour cette rai­son que l’ap­pli­ca­tion de l’ensem­ble des sys­tèmes n’est pas mon­di­ale, les clients de cer­taines zones géo­graphiques recher­chant avant tout des véhicules économiques à l’achat.

Cepen­dant les attentes de con­som­ma­teurs allant crois­sant, il est per­mis de penser que ce mou­ve­ment va per­dur­er et que la voiture sous pilotage automa­tique n’est plus une utopie…

Fiabilité et responsabilisation du conducteur

Les prin­ci­paux freins à cette ten­dance de fond sont essen­tielle­ment liés à trois élé­ments : la néces­saire fia­bil­ité de ces sys­tèmes ; la (dé)responsabilisation du con­duc­teur ; le coût.

En effet de nom­breux acteurs, et pas unique­ment du monde de l’au­to­mo­bile, sont capa­bles tech­nique­ment par­lant de réalis­er des pro­to­types d’une voiture sans con­duc­teur. En revanche par déf­i­ni­tion le secteur des aides à la con­duite touche à la sûreté de fonc­tion­nement du véhicule.

En cas de défail­lance d’un sys­tème d’aide à la con­duite, dans le pire des cas le “con­duc­teur ” (si on peut le définir ain­si étant don­né qu’il n’a plus d’ac­tion à faire) peut voir sa vie mise en dan­ger, avec un impact désas­treux pour le con­struc­teur, en ter­mes d’im­age certes, mais égale­ment au niveau pénal.

Le pied sous le siège
L’ex­em­ple du régu­la­teur de vitesse est tout à fait fla­grant : une fois ce régu­la­teur enclenché, des études ont mon­tré que le pied droit du con­duc­teur était générale­ment mis sous le siège au bout de cinq à dix min­utes. En cas de besoin de freinage d’ur­gence le temps de réac­tion est ain­si allongé (mul­ti­plié par trois), avec en out­re un risque que le con­duc­teur se trompe de pédale.

Dix millions de véhicules rappelés

Une belle démonstration
Pour le clin d’œil on peut évo­quer la com­mu­ni­ca­tion faite par Vol­vo lors du lance­ment de son dernier mod­èle sur un sys­tème de freinage automa­tique du véhicule en cas de détec­tion d’un obsta­cle en ville. Lors de la démon­stra­tion devant les jour­nal­istes, le véhicule de test est allé s’en­cas­tr­er sous le camion util­isé pour matéri­alis­er l’ob­sta­cle, spec­ta­cle immor­tal­isé par une vidéo qui a fait le buzz sur Internet.

Deux exem­ples sont par­ti­c­ulière­ment par­lants à cet égard : les prob­lèmes de Toy­ota aux États-Unis, à cause desquels une cam­pagne de rap­pel d’une ampleur his­torique (près de dix mil­lions de véhicules) a été organ­isée par le con­struc­teur, ce qui ne l’empêche pas d’être pas­si­ble d’une amende record en dépit des excus­es du prési­dent devant la com­mis­sion d’en­quête du Con­grès ; les prob­lèmes de régu­la­teur de vitesse ayant affec­té les véhicules Renault, dont la con­clu­sion juridique n’a pas, dans ce cas, acca­blé le constructeur.

La dif­fi­culté réside donc aujour­d’hui dans la capac­ité à dévelop­per des sys­tèmes d’aide à la con­duite fiables pour une pro­duc­tion de masse.

Deux­ième dif­fi­culté, intime­ment liée à ce qu’on vient d’évo­quer, la respon­s­abil­i­sa­tion du con­duc­teur. Com­ment faire com­pren­dre au con­duc­teur qu’un sys­tème d’aide à la con­duite, qui par déf­i­ni­tion doit lui per­me­t­tre d’avoir une con­duite la plus automa­tisée pos­si­ble, ne doit pas se sub­stituer à lui-même et anni­hiler sa fac­ulté de réaction ?

Ain­si la voiture sous pilotage automa­tique, bien que séduisante et tech­nique­ment réal­is­able, pose-t-elle des prob­lèmes qui vont bien au-delà d’une sim­ple fais­abil­ité tech­nique sur un cas isolé.

Poster un commentaire