L’électrification des véhicules :

Dossier : Automobile, les nouveaux horizonsMagazine N°663 Mars 2011
Par Jean PERSONNAZ (91)

REPÈRES

REPÈRES
De 1996 à 1999, Gen­er­al Motors a pro­duit 1 200 véhicules élec­triques sous la mar­que Sat­urn. Entre 1995 et 2005, PSA Peu­geot Cit­roën a ven­du près de 10 000 véhicules élec­triques : Saxo, 106, Berlin­go, Part­ner avec un véri­ta­ble dis­posi­tif indus­triel. À la même époque ont été lancés de nom­breux pro­jets de véhicules hybrides qui ont avorté ou ont été à peine com­mer­cial­isés (Audi Duo en 1997, Nis­san Tino en 1998, Hon­da Insight 1re généra­tion en 1998).

Peut-on sur­vivre durable­ment en se con­tentant des voitures d’aujourd’hui ?

Les prin­ci­paux con­struc­teurs auto­mo­biles mon­di­aux ont ten­té à plusieurs repris­es de se lancer dans le développe­ment ou la com­mer­cial­i­sa­tion de véhicules élec­triques ou hybrides. Le développe­ment de ces véhicules au bilan économique très défa­vor­able avait été engagé avec le sou­tien des États, soit sous la forme de par­tic­i­pa­tion aux dépens­es (cas des États-Unis avec le DOE, Depart­ment of Ener­gy, dans le cadre des pro­grammes PNGV, Part­ner­ship for a Next Gen­er­a­tion of Vehi­cle, avec plusieurs cen­taines de mil­lions de dol­lars à la clé con­tre l’en­gage­ment des con­struc­teurs à com­mer­cialis­er 10% de véhicules élec­triques en 2003), soit sous la forme de promess­es d’ac­qui­si­tions pour les flottes des admin­is­tra­tions (cas de la France à l’époque avec EDF, La Poste, les Régions, avec les lim­ites que l’on connaît).

Quels sont les élé­ments qui ont changé la donne et qui vont per­me­t­tre aujour­d’hui de résoudre l’équa­tion asso­ciée à ce type de pro­duits ? Pourquoi et com­ment les bar­rières tech­nologiques, indus­trielles, et surtout économiques vont-elles pro­gres­sive­ment être levées ?

Toyota lance la Prius

C’est Toy­ota qui fait bouger les fron­tières tech­nologiques et indus­trielles de l’au­to­mo­bile avec, en 1997, la sor­tie de la pre­mière généra­tion de Prius. Début des années 1990, la Direc­tion générale de Toy­ota engage une réflex­ion sur la voiture du XXIe siè­cle : peut-on sur­vivre durable­ment en se con­tentant de dévelop­per et pro­duire des voitures comme celles d’au­jour­d’hui ? Le pro­gramme G21 (Glob­al 21) s’or­gan­ise dès le départ autour de deux notions clés : la disponi­bil­ité des ressources naturelles et le respect de l’en­vi­ron­nement. Il donne nais­sance au pre­mier véhicule hybride de grande série après une com­para­i­son minu­tieuse des dif­férentes options (set-based con­cur­rent engi­neer­ing).

La Toyota Prius

Plus de 2 mil­lions de véhicules pro­duits dans le monde fin 2010 dont 40% au Japon, 50% aux USA et seule­ment 10% en Europe. Plus de 300 000 véhicules en 2009.
Une archi­tec­ture orig­i­nale : la déri­va­tion de puissance.

Trois généra­tions : 1997 (120 g/km CO2), 2003 (104 g/km), 2009 (89 g/km).
Capac­ité à évoluer en mode élec­trique pur sur 1 à 2 km à vitesse inférieure à 50 km/h et à faible accéléra­tion depuis la deux­ième généra­tion (mode ZEV pour Zero Emis­sion Vehi­cle).
>Prix de vente en France, entre 25 000 et 30 000€ selon les options, hors bonus écologique.

La pile à com­bustible et le gaz naturel ont notam­ment été écartés : matu­rité tech­nique et indus­trielle insuff­isante pour la pre­mière, dif­fi­culté de dis­tri­b­u­tion du car­bu­rant pour le sec­ond. Des moyens humains et financiers excep­tion­nels sont investis en interne pour le développe­ment et l’in­dus­tri­al­i­sa­tion des com­posants stratégiques au meilleur état de l’art : machines élec­triques syn­chrones à aimants per­ma­nents, élec­tron­ique de puis­sance avec IGBT (Insu­lat­ed Gate Bipo­lar Tran­sis­tor, les inter­rup­teurs de puis­sance qui per­me­t­tent de trans­former la ten­sion con­tin­ue de la bat­terie en ten­sion alter­na­tive pour pilot­er la machine élec­trique) conçus spécifiquement.

Seule la bat­terie de trac­tion nick­el métal hydrure (NiMH) intè­gre un parte­naire externe : Pana­son­ic qui via la créa­tion pour l’oc­ca­sion de la joint ven­ture PEVE à 50/50 four­nit les cel­lules. Le véhicule est nou­veau — exclu­sive­ment hybride -, fiable, ses per­for­mances adap­tées au seul marché japon­ais et son prix de revient élevé.

C’est cepen­dant le début d’une suc­cess sto­ry, avec plusieurs généra­tions et autant d’amélio­ra­tions qui se succéderont.

Réponse globale

Dès que les fon­da­men­taux économiques ne sont pas favor­ables, les ventes stagnent

Pourquoi ce suc­cès de l’hy­bride ? Au-delà de l’at­trac­tiv­ité du con­cept (moder­nité, image “verte “, silence de fonc­tion­nement, con­fort à l’u­til­i­sa­tion), c’est parce que c’est une réponse mon­di­ale à l’ex­i­gence de diminu­tion des émis­sions de CO2 et du bud­get car­bu­rant des par­ti­c­uliers et des entre­pris­es. L’hy­bride per­met en effet de réduire de 20 à 30 % les con­som­ma­tions à l’usage (gains d’au­tant plus élevés que le pour­cent­age d’u­til­i­sa­tion en zone urbaine aug­mente) et de baiss­er sig­ni­fica­tive­ment les niveaux de CO2 homo­logués (sachant qu’une con­som­ma­tion de 1 litre aux 100 km cor­re­spond à env­i­ron 24 g/km de CO2 pour les motori­sa­tions essence et 26,7 pour les Diesel). Sur les marchés où le Diesel est absent, c’est-à-dire tous les marchés mon­di­aux sauf l’Eu­rope, c’est la seule façon immé­di­ate­ment disponible d’obtenir des con­som­ma­tions faibles sur des véhicules de tailles moyenne ou grande.

L’at­trac­tiv­ité seule du con­cept ne suf­fit donc pas : dès que les fon­da­men­taux économiques ne sont pas favor­ables, les ventes stag­nent, chutent, ou ne décol­lent pas (exem­ple de l’Eu­rope où à la fois le fil­tre de l’eu­ro sur le prix des car­bu­rants et l’om­niprésence du Diesel n’ont pas per­mis à l’hy­bride essence de percer véri­ta­ble­ment), et il faut une inci­ta­tion forte qui ne peut être que ponctuelle pour com­penser (exem­ple du Japon avec l’équiv­a­lent d’un bonus de plusieurs mil­liers d’euros).

Prix de carburants
L’épisode d’aug­men­ta­tion du prix du car­bu­rant aux États-Unis (2 $/gallon en 2005, oscil­la­tions entre 2,4 et 3,20 $ de 2005 à 2007, puis pic à 4,40 $ en 2008 avant la crise) est révéla­teur : les ventes de Prius neuves et la valeur d’une Prius sur le marché de l’oc­ca­sion suiv­ent les fluc­tu­a­tions du prix du carburant.

Les véhicules hybrides ont donc gag­né cer­taines batailles, mais la par­tie est encore loin d’être jouée. La course à la réduc­tion des émis­sions de CO2 et des con­som­ma­tions, engagée en Europe il y a plusieurs années, con­naît une accéléra­tion sans précé­dent sur toutes les zones géo­graphiques : diminu­tion des mass­es et des sur­faces frontales des véhicules, amélio­ra­tion des traînées aéro­dy­namiques, réduc­tion de la résis­tance au roule­ment des pneus, forte évo­lu­tion des moteurs essence dans le sil­lage des Diesel (sural­i­men­ta­tion, injec­tion directe, down­siz­ing avec appari­tion de moteurs 3 voire 2 cylin­dres), révo­lu­tion tech­nologique sur les automa­tismes avec le déploiement des boîtes de vitesses dou­ble embrayage affichant des con­som­ma­tions inférieures aux ver­sions avec boîtes de vitesses manuelles gaz naturel. Les véhicules ” con­ven­tion­nels ” parvi­en­nent ain­si à attein­dre des niveaux de CO2 spec­tac­u­laires : le seuil des 100 g/km n’est plus l’a­panage des hybrides, a for­tiori en Europe avec le Diesel.

Les principes du véhicule hybride
Le véhicule hybride met à con­tri­bu­tion deux sources d’én­ergie pour assur­er sa mobil­ité : l’une irréversible, typ­ique­ment un moteur ther­mique ali­men­té par un car­bu­rant, l’autre réversible, typ­ique­ment une machine élec­trique et une élec­tron­ique de puis­sance ali­men­tées par une batterie.
Ce principe per­met d’op­ti­miser son fonc­tion­nement pour chaque sit­u­a­tion de vie :
— élec­trique pur en zone urbaine (arrêts, vitesse et accéléra­tions modérées),
— récupéra­tion de l’én­ergie ciné­tique dans la bat­terie en décélération,
— con­tri­bu­tion des deux sources d’én­ergie en accélération.
On dis­tingue deux grandes familles selon que la somme des éner­gies se fait sous forme mécanique (hybride par­al­lèle) ou élec­trique (hybride série). Cette dernière est bien con­nue dans les sous-marins avec pour source irréversible le réac­teur nucléaire.

2010–2015

Le marché européen est très exigeant en ter­mes de CO2

Quelles sont donc les ten­dances 2010–2015 ? On peut dis­tinguer trois courants par­al­lèles : les hybrides sur les ver­sions haut de gamme et très haut de gamme (lieu priv­ilégié pour intro­duire de nou­velles tech­nolo­gies au prix de revient élevé) ; l’élar­gisse­ment de l’of­fre milieu de gamme avec la recherche de ratios presta­tions-coût total de pos­ses­sion (TCO)1 attrac­t­ifs ; l’ap­pari­tion de véhicules élec­triques aboutis.

Haut de gamme

Solu­tions chères
Adap­tées aux marchés améri­cains ou chi­nois, les voitures hybrides haut de gamme arrivent tout juste à affich­er les mêmes con­som­ma­tions que les ver­sions Diesel con­ven­tion­nelles en Europe pour plusieurs dizaines de mil­liers d’eu­ros supplémentaires.

Les con­struc­teurs spé­cial­istes du très haut de gamme, tenus de présen­ter des émis­sions de CO2 décentes sur leurs véhicules phares (ter­rain de jeu habituel entre 200 et 300 g/km, voire au-delà) se sont lancés avec plus ou moins de suc­cès dans les hybrides : Lexus avec la RX450H, Mer­cedes et BMW en coopéra­tion (Classe S et Série 7 en mild hybrid, Classe ML et X6 en full hybrid), VAG et Porsche en coopéra­tion (VW Touareg, Audi Q7, Porsche Cayenne), avec des offres exclu­sive­ment en essence qui avoisi­nent ou dépassent les 100 000€.

Milieu de gamme

Véhicule deux pédales
Ce terme désigne les véhicules sans pédale d’embrayage, avec unique­ment accéléra­teur et frein. Il cou­vre tous les automa­tismes de boîtes de vitesses : automa­tique tra­di­tion­nelle, pilotée, dou­ble embrayage, ou à trans­mis­sion con­tinû­ment vari­able (CVT). Ces véhicules représen­tent en 2010 la moitié des ventes mon­di­ales avec une forte dis­par­ité : 20% en Europe, 40% en Chine, 90% aux USA et Japon.

Les deux lead­ers his­toriques du domaine hybride, Toy­ota et Hon­da, décli­nent leurs chaînes de trac­tion sur des véhicules milieu de gamme et pro­posent un équipement min­i­mal­iste avec des prix très agres­sifs : moins de 20 000€, par exem­ple, pour les ver­sions d’ap­pel des Toy­ota Auris ou Hon­da Insight.

L’ob­jec­tif est clair : pren­dre des parts de marché, aug­menter les vol­umes de pro­duc­tion des com­posants stratégiques pour en dimin­uer les coûts, et pour­suiv­re le cer­cle vertueux. Il est cepen­dant encore trop tôt pour dire si cette nou­velle étape sera une réus­site : le car­ac­tère hybride de ces véhicules est peu mis en valeur, con­traire­ment à la Prius, et en Europe, ils ne se démar­quent pas du Diesel.

C’est pour créer une rup­ture sup­plé­men­taire que PSA Peu­geot Cit­roën pro­posera en 2011 une pre­mière : une chaîne de trac­tion hybride Diesel qui équipera dans un pre­mier temps la Peu­geot 3008 et la future Cit­roën DS5, avec des niveaux inférieurs à 99 g/km pour des presta­tions de très haut niveau.

Chaîne de traction hybride sur Peugeot 3008

Véhicules électriques

Tout élec­trique
Les Cit­roën C ZERO et Peu­geot Ion, dévelop­pées en coopéra­tion avec Mit­subishi et déjà com­mer­cial­isées, offrent 150 km d’au­tonomie réelle. L’al­liance Renault Nis­san pro­posera dès sep­tem­bre 2011 la Flu­ence et le Kan­goo. Plusieurs modes de recharge sont pro­posés, sur une prise 220 V 16 A où il faut six à huit heures pour recharg­er totale­ment la bat­terie, ou sur une borne de recharge rapi­de où dix min­utes suff­isent pour récupér­er 40 à 50 km d’au­tonomie. Renault annonce en France 21 300€, bonus écologique de 5000€ déduit, et 79€ par mois pour la bat­terie sur la Fluence.

Après plusieurs années d’in­vestisse­ments des con­struc­teurs et des élec­trochimistes fab­ri­cants de cel­lules (asso­ciés la plu­part du temps en joint ven­ture), la famille des bat­ter­ies lithi­um ion arrive enfin à matu­rité pour l’au­to­mo­bile grand pub­lic, notam­ment en ter­mes de sécurité.

C’est le cou­ple élec­trochim­ique mature le plus per­for­mant en den­sité énergé­tique, puis­sance et ren­de­ment. Déjà large­ment dif­fusé dans l’élec­tron­ique ou l’outil­lage portable, il va per­me­t­tre de pro­pos­er des véhicules élec­triques per­for­mants, sûrs et durables.

Les investisse­ments pro­gram­més sur l’ensem­ble de la fil­ière sont énormes

Les stan­dards sont en cours d’élab­o­ra­tion au niveau inter­na­tion­al avec l’ensem­ble des acteurs de la fil­ière (pro­duc­tion et dis­tri­b­u­tion d’én­ergie, équipements des infra­struc­tures, four­nisseurs de matériels élec­triques ou de ser­vices), l’un des points clés dans une logique de déploiement à grande échelle étant de pou­voir opti­miser l’u­til­i­sa­tion du réseau smart grid et réduire au glob­al les émis­sions de CO2 (compt­abil­i­sa­tion from well to wheel, util­i­sa­tion des sources les moins émis­sives pen­dant les heures creuses).

Plusieurs modes de com­mer­cial­i­sa­tion sont pro­posés aux par­ti­c­uliers ou aux entre­pris­es : achat clas­sique du véhicule, loca­tion avec option d’achat, ou achat du véhicule et loca­tion de la bat­terie. Les investisse­ments pro­gram­més sur l’ensem­ble de la fil­ière (R&D, indus­tri­al­i­sa­tion, infra­struc­tures, recy­clage) sont énormes, les per­for­mances des pro­duits pro­posés sont attrac­tives, mais quelles que soient les zones géo­graphiques, l’ac­com­pa­g­ne­ment des États est néces­saire pour amorcer le cer­cle vertueux — aug­men­ta­tion des vol­umes, baisse des prix de revient : inci­ta­tions fis­cales, bonus écologique, ratio min­i­mal de véhicules élec­triques imposé dans les flottes.

2015–2020

L’hy­bride plug-in per­met de repren­dre un coup d’avance

Quelle est la prochaine étape pour 2015–2020 ? C’est l’hy­bride plug-in : un véhicule poly­va­lent, capa­ble de s’in­sér­er dans le traf­ic urbain en mode élec­trique pur sur plusieurs dizaines de kilo­mètres, de se recharg­er sur le réseau comme un véhicule élec­trique plug-in, de réalis­er des con­som­ma­tions à l’usage en rup­ture (de 2 à 3 litres aux 100 kilo­mètres), de franchir le seuil de CO2 de 50 g/km, d’ef­fectuer plusieurs cen­taines de kilo­mètres en mode hybride sur route et autoroute.

Le principe est sim­ple : j’u­tilise mon véhicule comme un véhicule élec­trique la plu­part du temps en le rechargeant quo­ti­di­en­nement à mon domi­cile, dans les park­ings publics, sur mon lieu de tra­vail, et je passe en mode hybride dès que vitesse et accéléra­tion le néces­si­tent. La mise en œuvre tech­nique est en réal­ité déli­cate : c’est un opti­mum glob­al à obtenir entre les dif­férentes presta­tions que l’on doit offrir au client d’une part (per­for­mances en élec­trique pur, hab­it­abil­ité, con­fort chaud-froid, coût total de pos­ses­sion) et les objec­tifs fon­da­men­taux des indus­triels d’autre part (seuil de CO2, créa­tion de valeur, util­i­sa­tion des instal­la­tions indus­trielles exis­tantes, rentabilité).

Les différents types d’hybrides

À l’hori­zon 2015- 2020, l’hy­bride plug-in per­met de repren­dre un coup d’a­vance (défini­tif ?) sur les véhicules con­ven­tion­nels : son prix de revient mar­gin­al sur l’hy­bride non plug-in est faible et il per­met d’ac­céder à un autre monde en ter­mes de prestations.

Trouver l’équilibre économique

Tech­nolo­gies matures
Les tech­nolo­gies néces­saires arrivent à matu­rité. Con­struc­teurs et équipemen­tiers dévelop­pent et investis­sent pour les com­posants clés : les trois fon­da­men­taux que sont machine élec­trique, élec­tron­ique de puis­sance, bat­terie, mais aus­si des ancil­laires comme le com­presseur de cli­ma­ti­sa­tion élec­trique, des résis­tances pour chauf­fer l’habita­cle, ou des sys­tèmes de freinage qui max­imisent la récupéra­tion d’én­ergie ciné­tique du véhicule.

L’at­trac­tiv­ité de l’hy­bride plug-in est réelle. Mais il reste trois con­di­tions pour résoudre la dernière équa­tion, celle de l’équili­bre économique : des effets d’échelle sur les com­posants stratégiques ; un envi­ron­nement macroé­conomique “favor­able”; et un con­texte inci­tatif stable.

Les séries auto­mo­biles pour être renta­bles doivent attein­dre sur les prin­ci­paux com­posants l’or­dre de grandeur de la cen­taine de mil­liers d’ex­em­plaires par an, compte tenu des investisse­ments indus­triels et R&D d’une part, et du prix que les clients sont prêts à pay­er d’autre part (hormis le cas des véhicules très haut de gamme où le prix de vente con­stitue une marge d’a­juste­ment appréciable).

L’ef­fet d’échelle est donc recher­ché sur les com­posants uni­taires en les ren­dant les plus mod­u­laires pos­si­bles : des familles de cel­lules de bat­ter­ies com­munes (dimen­sions, capac­ité en Ah, type de refroidisse­ment, algo­rithme de con­trôle) assem­blées selon dif­férents packs en fonc­tion des besoins des véhicules (puis­sance, énergie, encom­bre­ment), des familles de machines élec­triques com­munes (topolo­gie et type d’aimants, diamètre, com­mande rap­prochée) déclinées selon dif­férents niveaux de cou­ple et puis­sance, des familles d’élec­tron­ique de puis­sance com­munes (class­es des com­posants de puis­sance notam­ment IGBT, sys­tème d’iso­la­tion élec­trique et d’é­vac­u­a­tion des calo­ries, con­nec­tique, élec­tron­ique de com­mande) adap­tées aux fonc­tions demandées.

L’émergence de la batterie Li-ion :

La famille lithi­um ion est actuelle­ment incon­tourn­able pour les véhicules élec­triques et hybrides plug-in dont les besoins énergé­tiques sont impor­tants : il faut env­i­ron 100 Wh pour faire 1 km avec un véhicule d’1 tonne. 80% de l’énergie totale de la bat­terie sont util­is­able au max­i­mum pour respecter les exi­gences de durée de vie.

Le terme Li-ion recou­vre une mul­ti­tude de tech­nolo­gies. Les 4 prin­ci­pales sont LiM­nO, LiN­iM­n­Co, LiFe­PO et LiN­i­CoAl, la part de lithi­um métallique ne représen­tant que 2 à 3% de la masse totale de la bat­terie. Les avan­tages et incon­vénients sur les critères per­for­mance, sécu­rité, durée de vie et prix doivent être éval­ués au niveau du sys­tème bat­terie (cel­lules, pack­ag­ing, refroidisse­ment, con­trôle com­mande) et en ten­ant compte du savoir faire tech­nique et indus­triel des partenaires.
Les ressources de Lithi­um métalliques acces­si­bles sur Terre sont de l’ordre de 14 mil­lions de tonnes. A rai­son d’environ 10 kg de Li par bat­terie de véhicule élec­trique et 1 kg pour les hybrides plug-in, il faut 10 000 t pour faire 1 mil­lion de véhicules élec­triques ou 100 000 t pour 100 mil­lions de véhicules hybrides plug-in. Il n’y a donc pas de risque de pénurie à moyen terme, a for­tiori si la fil­ière de recy­clage se développe, mais une ten­sion sur les matières pre­mières (yc. les métaux type Ni, Co, ou Mn) qui se réper­cutera sur les prix. Il est donc néces­saire de tra­vailler dès à présent sur les futurs cou­ples élec­trochim­iques (Zn air, cité au Toy­ota Envi­ron­men­tal Forum comme la « Post Lithi­um Bat­tery », Ni Zn, NaN­i­Fe­Cl,…), seuls ou en asso­ci­a­tion avec des supercapacités.

Prix des énergies

Maîtrise des coûts
Afin de lim­iter les coûts, il faut pro­duire les mod­ules élec­triques et élec­tron­iques là où ils sont util­isés : en Europe pour l’Eu­rope, en Chine pour la Chine, aux États-Unis pour les États-Unis. Tous les con­struc­teurs ‑Toy­ota com­pris — enga­gent des parte­nar­i­ats pour obtenir ces séries, soit entre eux (coopéra­tion VAGPorsche, coopéra­tion PSA-BMW annon­cée), soit avec de grands four­nisseurs (nom­breuses joint ven­tures dans le domaine des bat­ter­ies). Il y a plusieurs cen­taines d’eu­ros à la clé sur le prix de revient.

L’hy­bride plug-in sera d’au­tant plus intéres­sant économique­ment que le prix du pét­role sera élevé et que le prix de l’élec­tric­ité restera mod­éré, notam­ment en heures creuses. L’équili­bre à trois ans de pos­ses­sion se situe aux envi­rons de 2€ par litre de car­bu­rant, 10 cen­times par kilo­wattheure pour un client qui effectue 20000 km par an dont la moitié en zone urbaine, et se recharge 1 à 2 fois par 24 heures, hors week-end. Cette esti­ma­tion prend en compte le fait que les véhicules non hybrides pro­gressent énor­mé­ment (voir ci-dessus), l’hy­bride plug-in étant com­paré à la référence TCO du marché visé.

L’autre don­née macroé­conomique fon­da­men­tale est le cours des matières pre­mières et la disponi­bil­ité des com­posants pri­maires, ceux néces­saires à la bat­terie, mais aus­si à la machine élec­trique (ter­res rares des aimants pro­duites à 90 % par la Chine) ou à l’élec­tron­ique de puis­sance. Les prin­ci­paux acteurs indus­triels doivent assur­er leurs appro­vi­sion­nements et met­tre en place les fil­ières de recy­clage, le rôle de la Chine étant déterminant.

Conditions d’usage

Spé­ci­ficité européenne
La spé­ci­ficité de l’Eu­rope est forte : même en plug-in, c’est l’hy­bride Diesel qui tire son épin­gle du jeu. L’hy­bride essence plug-in n’est jamais rentable par rap­port à la référence de marché, tou­jours Diesel à l’hori­zon 2015–2020.

Chaque marché a ses par­tic­u­lar­ités d’usage, avec un dénom­i­na­teur com­mun par­ti­c­ulière­ment favor­able à l’hy­bride : l’ex­ten­sion et la den­si­fi­ca­tion des zones urbaines. Le cadre inci­tatif, néces­saire tran­si­toire­ment pour accom­pa­g­n­er son déploiement, peut être dif­férent en fonc­tion des zones géo­graphiques. Il doit en revanche être décliné dans le temps, en fonc­tion de l’âge des véhicules, et surtout con­nu à l’a­vance à l’in­star des régle­men­ta­tions sur les émis­sions polluantes.

En effet, les cycles de développe­ment sont longs et coû­teux même s’ils s’ap­puient sur une poli­tique mod­u­laire : il faut compter trois à qua­tre ans pour un pro­gramme appli­catif com­plet si l’on veut obtenir un résul­tat irréprochable en sécu­rité, fia­bil­ité et main­ten­abil­ité vu la com­plex­ité des systèmes.

Cadre inci­tatif
Les approches vari­ent d’une zone à l’autre. Les États-Unis évo­quent une autonomie min­i­male de 30 miles, l’Eu­rope un seuil de 50 g/km de CO2, la Chine une énergie élec­trique embar­quée (utile, totale ?) de 10 kWh.

Potentiel de progrès

Un domaine high-tech qui n’a plus rien à envi­er à l’aéronautique

L’élec­tri­fi­ca­tion de l’au­to­mo­bile est donc en marche. Elle accélère la trans­for­ma­tion de ce secteur indus­triel cen­te­naire en domaine high-tech qui n’a plus rien à envi­er à l’aéro­nau­tique ou à l’én­ergie. Elle ne sup­plantera pas à moyen terme les véhicules ” con­ven­tion­nels” tant ces derniers pro­gressent, mais occu­pera une part de marché sig­ni­fica­tive (on admet en général la valeur de 10% à l’hori­zon 2020 pour l’ensem­ble des véhicules élec­triques et hybrides, soit env­i­ron 10 mil­lions d’u­nités par an).

C’est le par­al­lèle avec l’évo­lu­tion spec­tac­u­laire des véhicules con­ven­tion­nels ces dernières années qui incite à l’op­ti­misme : l’élec­tri­fi­ca­tion des véhicules porte en elle encore un poten­tiel de pro­grès énorme (dans le respect des lois de la physique) et n’est donc pas qu’une phase tran­si­toire de courte durée pour l’au­to­mo­bile mondiale.

1. TCO : Total Cost of Own­er­ship. Paramètre qui com­bine prix d’achat, valeur de revente, coût d’u­til­i­sa­tion (car­bu­rant, assur­ance, entre­tien) sur une péri­ode de temps générale­ment de trois ans. Critère n° 1 des ges­tion­naires de flottes d’en­tre­pris­es pour le choix des véhicules.

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