L’électrification des véhicules :

Dossier : Automobile, les nouveaux horizonsMagazine N°663 Mars 2011
Par Jean PERSONNAZ (91)

REPÈRES

REPÈRES
De 1996 à 1999, Gene­ral Motors a pro­duit 1 200 véhi­cules élec­triques sous la marque Saturn. Entre 1995 et 2005, PSA Peu­geot Citroën a ven­du près de 10 000 véhi­cules élec­triques : Saxo, 106, Ber­lin­go, Part­ner avec un véri­table dis­po­si­tif indus­triel. À la même époque ont été lan­cés de nom­breux pro­jets de véhi­cules hybrides qui ont avor­té ou ont été à peine com­mer­cia­li­sés (Audi Duo en 1997, Nis­san Tino en 1998, Hon­da Insight 1re géné­ra­tion en 1998).

Peut-on sur­vivre dura­ble­ment en se conten­tant des voi­tures d’aujourd’hui ?

Les prin­ci­paux construc­teurs auto­mo­biles mon­diaux ont ten­té à plu­sieurs reprises de se lan­cer dans le déve­lop­pe­ment ou la com­mer­cia­li­sa­tion de véhi­cules élec­triques ou hybrides. Le déve­lop­pe­ment de ces véhi­cules au bilan éco­no­mique très défa­vo­rable avait été enga­gé avec le sou­tien des États, soit sous la forme de par­ti­ci­pa­tion aux dépenses (cas des États-Unis avec le DOE, Depart­ment of Ener­gy, dans le cadre des pro­grammes PNGV, Part­ner­ship for a Next Gene­ra­tion of Vehicle, avec plu­sieurs cen­taines de mil­lions de dol­lars à la clé contre l’en­ga­ge­ment des construc­teurs à com­mer­cia­li­ser 10% de véhi­cules élec­triques en 2003), soit sous la forme de pro­messes d’ac­qui­si­tions pour les flottes des admi­nis­tra­tions (cas de la France à l’é­poque avec EDF, La Poste, les Régions, avec les limites que l’on connaît).

Quels sont les élé­ments qui ont chan­gé la donne et qui vont per­mettre aujourd’­hui de résoudre l’é­qua­tion asso­ciée à ce type de pro­duits ? Pour­quoi et com­ment les bar­rières tech­no­lo­giques, indus­trielles, et sur­tout éco­no­miques vont-elles pro­gres­si­ve­ment être levées ?

Toyota lance la Prius

C’est Toyo­ta qui fait bou­ger les fron­tières tech­no­lo­giques et indus­trielles de l’au­to­mo­bile avec, en 1997, la sor­tie de la pre­mière géné­ra­tion de Prius. Début des années 1990, la Direc­tion géné­rale de Toyo­ta engage une réflexion sur la voi­ture du XXIe siècle : peut-on sur­vivre dura­ble­ment en se conten­tant de déve­lop­per et pro­duire des voi­tures comme celles d’au­jourd’­hui ? Le pro­gramme G21 (Glo­bal 21) s’or­ga­nise dès le départ autour de deux notions clés : la dis­po­ni­bi­li­té des res­sources natu­relles et le res­pect de l’en­vi­ron­ne­ment. Il donne nais­sance au pre­mier véhi­cule hybride de grande série après une com­pa­rai­son minu­tieuse des dif­fé­rentes options (set-based concur­rent engi­nee­ring).

La Toyota Prius

Plus de 2 mil­lions de véhi­cules pro­duits dans le monde fin 2010 dont 40% au Japon, 50% aux USA et seule­ment 10% en Europe. Plus de 300 000 véhi­cules en 2009.
Une archi­tec­ture ori­gi­nale : la déri­va­tion de puissance.

Trois géné­ra­tions : 1997 (120 g/km CO2), 2003 (104 g/km), 2009 (89 g/km).
Capa­ci­té à évo­luer en mode élec­trique pur sur 1 à 2 km à vitesse infé­rieure à 50 km/h et à faible accé­lé­ra­tion depuis la deuxième géné­ra­tion (mode ZEV pour Zero Emis­sion Vehicle).
>Prix de vente en France, entre 25 000 et 30 000€ selon les options, hors bonus écologique.

La pile à com­bus­tible et le gaz natu­rel ont notam­ment été écar­tés : matu­ri­té tech­nique et indus­trielle insuf­fi­sante pour la pre­mière, dif­fi­cul­té de dis­tri­bu­tion du car­bu­rant pour le second. Des moyens humains et finan­ciers excep­tion­nels sont inves­tis en interne pour le déve­lop­pe­ment et l’in­dus­tria­li­sa­tion des com­po­sants stra­té­giques au meilleur état de l’art : machines élec­triques syn­chrones à aimants per­ma­nents, élec­tro­nique de puis­sance avec IGBT (Insu­la­ted Gate Bipo­lar Tran­sis­tor, les inter­rup­teurs de puis­sance qui per­mettent de trans­for­mer la ten­sion conti­nue de la bat­te­rie en ten­sion alter­na­tive pour pilo­ter la machine élec­trique) conçus spécifiquement.

Seule la bat­te­rie de trac­tion nickel métal hydrure (NiMH) intègre un par­te­naire externe : Pana­so­nic qui via la créa­tion pour l’oc­ca­sion de la joint ven­ture PEVE à 50/50 four­nit les cel­lules. Le véhi­cule est nou­veau – exclu­si­ve­ment hybride -, fiable, ses per­for­mances adap­tées au seul mar­ché japo­nais et son prix de revient élevé.

C’est cepen­dant le début d’une suc­cess sto­ry, avec plu­sieurs géné­ra­tions et autant d’a­mé­lio­ra­tions qui se succéderont.

Réponse globale

Dès que les fon­da­men­taux éco­no­miques ne sont pas favo­rables, les ventes stagnent

Pour­quoi ce suc­cès de l’hy­bride ? Au-delà de l’at­trac­ti­vi­té du concept (moder­ni­té, image « verte « , silence de fonc­tion­ne­ment, confort à l’u­ti­li­sa­tion), c’est parce que c’est une réponse mon­diale à l’exi­gence de dimi­nu­tion des émis­sions de CO2 et du bud­get car­bu­rant des par­ti­cu­liers et des entre­prises. L’hy­bride per­met en effet de réduire de 20 à 30 % les consom­ma­tions à l’u­sage (gains d’au­tant plus éle­vés que le pour­cen­tage d’u­ti­li­sa­tion en zone urbaine aug­mente) et de bais­ser signi­fi­ca­ti­ve­ment les niveaux de CO2 homo­lo­gués (sachant qu’une consom­ma­tion de 1 litre aux 100 km cor­res­pond à envi­ron 24 g/km de CO2 pour les moto­ri­sa­tions essence et 26,7 pour les Die­sel). Sur les mar­chés où le Die­sel est absent, c’est-à-dire tous les mar­chés mon­diaux sauf l’Eu­rope, c’est la seule façon immé­dia­te­ment dis­po­nible d’ob­te­nir des consom­ma­tions faibles sur des véhi­cules de tailles moyenne ou grande.

L’at­trac­ti­vi­té seule du concept ne suf­fit donc pas : dès que les fon­da­men­taux éco­no­miques ne sont pas favo­rables, les ventes stag­nent, chutent, ou ne décollent pas (exemple de l’Eu­rope où à la fois le filtre de l’eu­ro sur le prix des car­bu­rants et l’om­ni­pré­sence du Die­sel n’ont pas per­mis à l’hy­bride essence de per­cer véri­ta­ble­ment), et il faut une inci­ta­tion forte qui ne peut être que ponc­tuelle pour com­pen­ser (exemple du Japon avec l’é­qui­valent d’un bonus de plu­sieurs mil­liers d’euros).

Prix de carburants
L’é­pi­sode d’aug­men­ta­tion du prix du car­bu­rant aux États-Unis (2 $/gallon en 2005, oscil­la­tions entre 2,4 et 3,20 $ de 2005 à 2007, puis pic à 4,40 $ en 2008 avant la crise) est révé­la­teur : les ventes de Prius neuves et la valeur d’une Prius sur le mar­ché de l’oc­ca­sion suivent les fluc­tua­tions du prix du carburant.

Les véhi­cules hybrides ont donc gagné cer­taines batailles, mais la par­tie est encore loin d’être jouée. La course à la réduc­tion des émis­sions de CO2 et des consom­ma­tions, enga­gée en Europe il y a plu­sieurs années, connaît une accé­lé­ra­tion sans pré­cé­dent sur toutes les zones géo­gra­phiques : dimi­nu­tion des masses et des sur­faces fron­tales des véhi­cules, amé­lio­ra­tion des traî­nées aéro­dy­na­miques, réduc­tion de la résis­tance au rou­le­ment des pneus, forte évo­lu­tion des moteurs essence dans le sillage des Die­sel (sur­ali­men­ta­tion, injec­tion directe, down­si­zing avec appa­ri­tion de moteurs 3 voire 2 cylindres), révo­lu­tion tech­no­lo­gique sur les auto­ma­tismes avec le déploie­ment des boîtes de vitesses double embrayage affi­chant des consom­ma­tions infé­rieures aux ver­sions avec boîtes de vitesses manuelles gaz natu­rel. Les véhi­cules » conven­tion­nels » par­viennent ain­si à atteindre des niveaux de CO2 spec­ta­cu­laires : le seuil des 100 g/km n’est plus l’a­pa­nage des hybrides, a for­tio­ri en Europe avec le Diesel.

Les prin­cipes du véhi­cule hybride
Le véhi­cule hybride met à contri­bu­tion deux sources d’éner­gie pour assu­rer sa mobi­li­té : l’une irré­ver­sible, typi­que­ment un moteur ther­mique ali­men­té par un car­bu­rant, l’autre réver­sible, typi­que­ment une machine élec­trique et une élec­tro­nique de puis­sance ali­men­tées par une batterie.
Ce prin­cipe per­met d’op­ti­mi­ser son fonc­tion­ne­ment pour chaque situa­tion de vie :
– élec­trique pur en zone urbaine (arrêts, vitesse et accé­lé­ra­tions modérées),
– récu­pé­ra­tion de l’éner­gie ciné­tique dans la bat­te­rie en décélération,
– contri­bu­tion des deux sources d’éner­gie en accélération.
On dis­tingue deux grandes familles selon que la somme des éner­gies se fait sous forme méca­nique (hybride paral­lèle) ou élec­trique (hybride série). Cette der­nière est bien connue dans les sous-marins avec pour source irré­ver­sible le réac­teur nucléaire.

2010–2015

Le mar­ché euro­péen est très exi­geant en termes de CO2

Quelles sont donc les ten­dances 2010–2015 ? On peut dis­tin­guer trois cou­rants paral­lèles : les hybrides sur les ver­sions haut de gamme et très haut de gamme (lieu pri­vi­lé­gié pour intro­duire de nou­velles tech­no­lo­gies au prix de revient éle­vé) ; l’é­lar­gis­se­ment de l’offre milieu de gamme avec la recherche de ratios pres­ta­tions-coût total de pos­ses­sion (TCO)1 attrac­tifs ; l’ap­pa­ri­tion de véhi­cules élec­triques aboutis.

Haut de gamme

Solu­tions chères
Adap­tées aux mar­chés amé­ri­cains ou chi­nois, les voi­tures hybrides haut de gamme arrivent tout juste à affi­cher les mêmes consom­ma­tions que les ver­sions Die­sel conven­tion­nelles en Europe pour plu­sieurs dizaines de mil­liers d’eu­ros supplémentaires.

Les construc­teurs spé­cia­listes du très haut de gamme, tenus de pré­sen­ter des émis­sions de CO2 décentes sur leurs véhi­cules phares (ter­rain de jeu habi­tuel entre 200 et 300 g/km, voire au-delà) se sont lan­cés avec plus ou moins de suc­cès dans les hybrides : Lexus avec la RX450H, Mer­cedes et BMW en coopé­ra­tion (Classe S et Série 7 en mild hybrid, Classe ML et X6 en full hybrid), VAG et Porsche en coopé­ra­tion (VW Toua­reg, Audi Q7, Porsche Cayenne), avec des offres exclu­si­ve­ment en essence qui avoi­sinent ou dépassent les 100 000€.

Milieu de gamme

Véhi­cule deux pédales
Ce terme désigne les véhi­cules sans pédale d’embrayage, avec uni­que­ment accé­lé­ra­teur et frein. Il couvre tous les auto­ma­tismes de boîtes de vitesses : auto­ma­tique tra­di­tion­nelle, pilo­tée, double embrayage, ou à trans­mis­sion conti­nû­ment variable (CVT). Ces véhi­cules repré­sentent en 2010 la moi­tié des ventes mon­diales avec une forte dis­pa­ri­té : 20% en Europe, 40% en Chine, 90% aux USA et Japon.

Les deux lea­ders his­to­riques du domaine hybride, Toyo­ta et Hon­da, déclinent leurs chaînes de trac­tion sur des véhi­cules milieu de gamme et pro­posent un équi­pe­ment mini­ma­liste avec des prix très agres­sifs : moins de 20 000€, par exemple, pour les ver­sions d’ap­pel des Toyo­ta Auris ou Hon­da Insight.

L’ob­jec­tif est clair : prendre des parts de mar­ché, aug­men­ter les volumes de pro­duc­tion des com­po­sants stra­té­giques pour en dimi­nuer les coûts, et pour­suivre le cercle ver­tueux. Il est cepen­dant encore trop tôt pour dire si cette nou­velle étape sera une réus­site : le carac­tère hybride de ces véhi­cules est peu mis en valeur, contrai­re­ment à la Prius, et en Europe, ils ne se démarquent pas du Diesel.

C’est pour créer une rup­ture sup­plé­men­taire que PSA Peu­geot Citroën pro­po­se­ra en 2011 une pre­mière : une chaîne de trac­tion hybride Die­sel qui équi­pe­ra dans un pre­mier temps la Peu­geot 3008 et la future Citroën DS5, avec des niveaux infé­rieurs à 99 g/km pour des pres­ta­tions de très haut niveau.

Chaîne de traction hybride sur Peugeot 3008

Véhicules électriques

Tout élec­trique
Les Citroën C ZERO et Peu­geot Ion, déve­lop­pées en coopé­ra­tion avec Mit­su­bi­shi et déjà com­mer­cia­li­sées, offrent 150 km d’au­to­no­mie réelle. L’al­liance Renault Nis­san pro­po­se­ra dès sep­tembre 2011 la Fluence et le Kan­goo. Plu­sieurs modes de recharge sont pro­po­sés, sur une prise 220 V 16 A où il faut six à huit heures pour rechar­ger tota­le­ment la bat­te­rie, ou sur une borne de recharge rapide où dix minutes suf­fisent pour récu­pé­rer 40 à 50 km d’au­to­no­mie. Renault annonce en France 21 300€, bonus éco­lo­gique de 5000€ déduit, et 79€ par mois pour la bat­te­rie sur la Fluence.

Après plu­sieurs années d’in­ves­tis­se­ments des construc­teurs et des élec­tro­chi­mistes fabri­cants de cel­lules (asso­ciés la plu­part du temps en joint ven­ture), la famille des bat­te­ries lithium ion arrive enfin à matu­ri­té pour l’au­to­mo­bile grand public, notam­ment en termes de sécurité.

C’est le couple élec­tro­chi­mique mature le plus per­for­mant en den­si­té éner­gé­tique, puis­sance et ren­de­ment. Déjà lar­ge­ment dif­fu­sé dans l’élec­tro­nique ou l’ou­tillage por­table, il va per­mettre de pro­po­ser des véhi­cules élec­triques per­for­mants, sûrs et durables.

Les inves­tis­se­ments pro­gram­més sur l’en­semble de la filière sont énormes

Les stan­dards sont en cours d’é­la­bo­ra­tion au niveau inter­na­tio­nal avec l’en­semble des acteurs de la filière (pro­duc­tion et dis­tri­bu­tion d’éner­gie, équi­pe­ments des infra­struc­tures, four­nis­seurs de maté­riels élec­triques ou de ser­vices), l’un des points clés dans une logique de déploie­ment à grande échelle étant de pou­voir opti­mi­ser l’u­ti­li­sa­tion du réseau smart grid et réduire au glo­bal les émis­sions de CO2 (comp­ta­bi­li­sa­tion from well to wheel, uti­li­sa­tion des sources les moins émis­sives pen­dant les heures creuses).

Plu­sieurs modes de com­mer­cia­li­sa­tion sont pro­po­sés aux par­ti­cu­liers ou aux entre­prises : achat clas­sique du véhi­cule, loca­tion avec option d’a­chat, ou achat du véhi­cule et loca­tion de la bat­te­rie. Les inves­tis­se­ments pro­gram­més sur l’en­semble de la filière (R&D, indus­tria­li­sa­tion, infra­struc­tures, recy­clage) sont énormes, les per­for­mances des pro­duits pro­po­sés sont attrac­tives, mais quelles que soient les zones géo­gra­phiques, l’ac­com­pa­gne­ment des États est néces­saire pour amor­cer le cercle ver­tueux – aug­men­ta­tion des volumes, baisse des prix de revient : inci­ta­tions fis­cales, bonus éco­lo­gique, ratio mini­mal de véhi­cules élec­triques impo­sé dans les flottes.

2015–2020

L’hy­bride plug-in per­met de reprendre un coup d’avance

Quelle est la pro­chaine étape pour 2015–2020 ? C’est l’hy­bride plug-in : un véhi­cule poly­va­lent, capable de s’in­sé­rer dans le tra­fic urbain en mode élec­trique pur sur plu­sieurs dizaines de kilo­mètres, de se rechar­ger sur le réseau comme un véhi­cule élec­trique plug-in, de réa­li­ser des consom­ma­tions à l’u­sage en rup­ture (de 2 à 3 litres aux 100 kilo­mètres), de fran­chir le seuil de CO2 de 50 g/km, d’ef­fec­tuer plu­sieurs cen­taines de kilo­mètres en mode hybride sur route et autoroute.

Le prin­cipe est simple : j’u­ti­lise mon véhi­cule comme un véhi­cule élec­trique la plu­part du temps en le rechar­geant quo­ti­dien­ne­ment à mon domi­cile, dans les par­kings publics, sur mon lieu de tra­vail, et je passe en mode hybride dès que vitesse et accé­lé­ra­tion le néces­sitent. La mise en œuvre tech­nique est en réa­li­té déli­cate : c’est un opti­mum glo­bal à obte­nir entre les dif­fé­rentes pres­ta­tions que l’on doit offrir au client d’une part (per­for­mances en élec­trique pur, habi­ta­bi­li­té, confort chaud-froid, coût total de pos­ses­sion) et les objec­tifs fon­da­men­taux des indus­triels d’autre part (seuil de CO2, créa­tion de valeur, uti­li­sa­tion des ins­tal­la­tions indus­trielles exis­tantes, rentabilité).

Les différents types d’hybrides

À l’ho­ri­zon 2015- 2020, l’hy­bride plug-in per­met de reprendre un coup d’a­vance (défi­ni­tif ?) sur les véhi­cules conven­tion­nels : son prix de revient mar­gi­nal sur l’hy­bride non plug-in est faible et il per­met d’ac­cé­der à un autre monde en termes de prestations.

Trouver l’équilibre économique

Tech­no­lo­gies matures
Les tech­no­lo­gies néces­saires arrivent à matu­ri­té. Construc­teurs et équi­pe­men­tiers déve­loppent et inves­tissent pour les com­po­sants clés : les trois fon­da­men­taux que sont machine élec­trique, élec­tro­nique de puis­sance, bat­te­rie, mais aus­si des ancil­laires comme le com­pres­seur de cli­ma­ti­sa­tion élec­trique, des résis­tances pour chauf­fer l’ha­bi­tacle, ou des sys­tèmes de frei­nage qui maxi­misent la récu­pé­ra­tion d’éner­gie ciné­tique du véhicule.

L’at­trac­ti­vi­té de l’hy­bride plug-in est réelle. Mais il reste trois condi­tions pour résoudre la der­nière équa­tion, celle de l’é­qui­libre éco­no­mique : des effets d’é­chelle sur les com­po­sants stra­té­giques ; un envi­ron­ne­ment macroé­co­no­mique « favo­rable » ; et un contexte inci­ta­tif stable.

Les séries auto­mo­biles pour être ren­tables doivent atteindre sur les prin­ci­paux com­po­sants l’ordre de gran­deur de la cen­taine de mil­liers d’exem­plaires par an, compte tenu des inves­tis­se­ments indus­triels et R&D d’une part, et du prix que les clients sont prêts à payer d’autre part (hor­mis le cas des véhi­cules très haut de gamme où le prix de vente consti­tue une marge d’a­jus­te­ment appréciable).

L’ef­fet d’é­chelle est donc recher­ché sur les com­po­sants uni­taires en les ren­dant les plus modu­laires pos­sibles : des familles de cel­lules de bat­te­ries com­munes (dimen­sions, capa­ci­té en Ah, type de refroi­dis­se­ment, algo­rithme de contrôle) assem­blées selon dif­fé­rents packs en fonc­tion des besoins des véhi­cules (puis­sance, éner­gie, encom­bre­ment), des familles de machines élec­triques com­munes (topo­lo­gie et type d’ai­mants, dia­mètre, com­mande rap­pro­chée) décli­nées selon dif­fé­rents niveaux de couple et puis­sance, des familles d’élec­tro­nique de puis­sance com­munes (classes des com­po­sants de puis­sance notam­ment IGBT, sys­tème d’i­so­la­tion élec­trique et d’é­va­cua­tion des calo­ries, connec­tique, élec­tro­nique de com­mande) adap­tées aux fonc­tions demandées.

L’émergence de la batterie Li-ion :

La famille lithium ion est actuel­le­ment incon­tour­nable pour les véhi­cules élec­triques et hybrides plug-in dont les besoins éner­gé­tiques sont impor­tants : il faut envi­ron 100 Wh pour faire 1 km avec un véhi­cule d’1 tonne. 80% de l’énergie totale de la bat­te­rie sont uti­li­sable au maxi­mum pour res­pec­ter les exi­gences de durée de vie.

Le terme Li-ion recouvre une mul­ti­tude de tech­no­lo­gies. Les 4 prin­ci­pales sont LiM­nO, LiNiMn­Co, LiFe­PO et LiNi­CoAl, la part de lithium métal­lique ne repré­sen­tant que 2 à 3% de la masse totale de la bat­te­rie. Les avan­tages et incon­vé­nients sur les cri­tères per­for­mance, sécu­ri­té, durée de vie et prix doivent être éva­lués au niveau du sys­tème bat­te­rie (cel­lules, packa­ging, refroi­dis­se­ment, contrôle com­mande) et en tenant compte du savoir faire tech­nique et indus­triel des partenaires.
Les res­sources de Lithium métal­liques acces­sibles sur Terre sont de l’ordre de 14 mil­lions de tonnes. A rai­son d’environ 10 kg de Li par bat­te­rie de véhi­cule élec­trique et 1 kg pour les hybrides plug-in, il faut 10 000 t pour faire 1 mil­lion de véhi­cules élec­triques ou 100 000 t pour 100 mil­lions de véhi­cules hybrides plug-in. Il n’y a donc pas de risque de pénu­rie à moyen terme, a for­tio­ri si la filière de recy­clage se déve­loppe, mais une ten­sion sur les matières pre­mières (yc. les métaux type Ni, Co, ou Mn) qui se réper­cu­te­ra sur les prix. Il est donc néces­saire de tra­vailler dès à pré­sent sur les futurs couples élec­tro­chi­miques (Zn air, cité au Toyo­ta Envi­ron­men­tal Forum comme la « Post Lithium Bat­te­ry », Ni Zn, NaNi­Fe­Cl,…), seuls ou en asso­cia­tion avec des supercapacités.

Prix des énergies

Maî­trise des coûts
Afin de limi­ter les coûts, il faut pro­duire les modules élec­triques et élec­tro­niques là où ils sont uti­li­sés : en Europe pour l’Eu­rope, en Chine pour la Chine, aux États-Unis pour les États-Unis. Tous les construc­teurs ‑Toyo­ta com­pris – engagent des par­te­na­riats pour obte­nir ces séries, soit entre eux (coopé­ra­tion VAG­Porsche, coopé­ra­tion PSA-BMW annon­cée), soit avec de grands four­nis­seurs (nom­breuses joint ven­tures dans le domaine des bat­te­ries). Il y a plu­sieurs cen­taines d’eu­ros à la clé sur le prix de revient.

L’hy­bride plug-in sera d’au­tant plus inté­res­sant éco­no­mi­que­ment que le prix du pétrole sera éle­vé et que le prix de l’élec­tri­ci­té res­te­ra modé­ré, notam­ment en heures creuses. L’é­qui­libre à trois ans de pos­ses­sion se situe aux envi­rons de 2€ par litre de car­bu­rant, 10 cen­times par kilo­watt­heure pour un client qui effec­tue 20000 km par an dont la moi­tié en zone urbaine, et se recharge 1 à 2 fois par 24 heures, hors week-end. Cette esti­ma­tion prend en compte le fait que les véhi­cules non hybrides pro­gressent énor­mé­ment (voir ci-des­sus), l’hy­bride plug-in étant com­pa­ré à la réfé­rence TCO du mar­ché visé.

L’autre don­née macroé­co­no­mique fon­da­men­tale est le cours des matières pre­mières et la dis­po­ni­bi­li­té des com­po­sants pri­maires, ceux néces­saires à la bat­te­rie, mais aus­si à la machine élec­trique (terres rares des aimants pro­duites à 90 % par la Chine) ou à l’élec­tro­nique de puis­sance. Les prin­ci­paux acteurs indus­triels doivent assu­rer leurs appro­vi­sion­ne­ments et mettre en place les filières de recy­clage, le rôle de la Chine étant déterminant.

Conditions d’usage

Spé­ci­fi­ci­té européenne
La spé­ci­fi­ci­té de l’Eu­rope est forte : même en plug-in, c’est l’hy­bride Die­sel qui tire son épingle du jeu. L’hy­bride essence plug-in n’est jamais ren­table par rap­port à la réfé­rence de mar­ché, tou­jours Die­sel à l’ho­ri­zon 2015–2020.

Chaque mar­ché a ses par­ti­cu­la­ri­tés d’u­sage, avec un déno­mi­na­teur com­mun par­ti­cu­liè­re­ment favo­rable à l’hy­bride : l’ex­ten­sion et la den­si­fi­ca­tion des zones urbaines. Le cadre inci­ta­tif, néces­saire tran­si­toi­re­ment pour accom­pa­gner son déploie­ment, peut être dif­fé­rent en fonc­tion des zones géo­gra­phiques. Il doit en revanche être décli­né dans le temps, en fonc­tion de l’âge des véhi­cules, et sur­tout connu à l’a­vance à l’ins­tar des régle­men­ta­tions sur les émis­sions polluantes.

En effet, les cycles de déve­lop­pe­ment sont longs et coû­teux même s’ils s’ap­puient sur une poli­tique modu­laire : il faut comp­ter trois à quatre ans pour un pro­gramme appli­ca­tif com­plet si l’on veut obte­nir un résul­tat irré­pro­chable en sécu­ri­té, fia­bi­li­té et main­te­na­bi­li­té vu la com­plexi­té des systèmes.

Cadre inci­ta­tif
Les approches varient d’une zone à l’autre. Les États-Unis évoquent une auto­no­mie mini­male de 30 miles, l’Eu­rope un seuil de 50 g/km de CO2, la Chine une éner­gie élec­trique embar­quée (utile, totale ?) de 10 kWh.

Potentiel de progrès

Un domaine high-tech qui n’a plus rien à envier à l’aéronautique

L’élec­tri­fi­ca­tion de l’au­to­mo­bile est donc en marche. Elle accé­lère la trans­for­ma­tion de ce sec­teur indus­triel cen­te­naire en domaine high-tech qui n’a plus rien à envier à l’aé­ro­nau­tique ou à l’éner­gie. Elle ne sup­plan­te­ra pas à moyen terme les véhi­cules » conven­tion­nels » tant ces der­niers pro­gressent, mais occu­pe­ra une part de mar­ché signi­fi­ca­tive (on admet en géné­ral la valeur de 10% à l’ho­ri­zon 2020 pour l’en­semble des véhi­cules élec­triques et hybrides, soit envi­ron 10 mil­lions d’u­ni­tés par an).

C’est le paral­lèle avec l’é­vo­lu­tion spec­ta­cu­laire des véhi­cules conven­tion­nels ces der­nières années qui incite à l’op­ti­misme : l’élec­tri­fi­ca­tion des véhi­cules porte en elle encore un poten­tiel de pro­grès énorme (dans le res­pect des lois de la phy­sique) et n’est donc pas qu’une phase tran­si­toire de courte durée pour l’au­to­mo­bile mondiale.

1. TCO : Total Cost of Owner­ship. Para­mètre qui com­bine prix d’a­chat, valeur de revente, coût d’u­ti­li­sa­tion (car­bu­rant, assu­rance, entre­tien) sur une période de temps géné­ra­le­ment de trois ans. Cri­tère n° 1 des ges­tion­naires de flottes d’en­tre­prises pour le choix des véhicules.

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