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L’entreprise collaborative et digitale : un défi pour les RH

Dossier : RH et révolution digitaleMagazine N°727 Septembre 2017
Par Thierry SMAGGHE (78)

Les modes d’or­ga­ni­sa­tion bureau­cra­tique sont bou­le­ver­sés. La notion de lieu de tra­vail devient floue, la géné­ra­tion Y veut réa­li­ser des pro­jets suc­ces­sifs au sein d’équipes col­la­bo­ra­tives qui évo­luent en réseau. La « ges­tion des res­sources humaines » doit suivre la révo­lu­tion numé­rique et indi­vi­dua­li­ser son action pour atti­rer, for­mer et fidé­li­ser ses col­la­bo­ra­teurs aux aspi­ra­tions multiples. 

Les nou­veaux venus sur le mar­ché du tra­vail ont un rap­port à l’autorité dif­fé­rent, leur tra­vail doit avoir un sens et les objec­tifs fixés ne sont accep­tés que s’ils leur paraissent légi­times et défi­nis par un mana­ger dont ils res­pectent les com­pé­tences et les valeurs humaines. 

“ Attirer, former et fidéliser des collaborateurs aux aspirations multiples ”

Ils ne sou­haitent pas occu­per un poste défi­ni par une job des­crip­tion aux mis­sions figées mais réa­li­ser des pro­jets suc­ces­sifs au sein d’équipes qui évo­luent dans des envi­ron­ne­ments de tra­vail dif­fé­rents et ils ne s’inscrivent pas dans une pers­pec­tive de car­rière linéaire dans la même entreprise. 

Ils inter­agissent en réseau sans se pré­oc­cu­per de l’organigramme théo­rique, ils ont besoin de sti­mu­la­tion per­ma­nente, de recon­nais­sance et de feed-back fré­quents et bienveillants. 

La « ges­tion des res­sources humaines » devient indi­vi­dua­li­sée puisqu’il s’agit d’attirer puis de for­mer et de fidé­li­ser des col­la­bo­ra­teurs aux aspi­ra­tions multiples. 

REPÈRES

L’entreprise traditionnelle est une structure pyramidale qui s’impose à tous dans une organisation cloisonnée. La hiérarchie joue un rôle statutaire et constitue l’unique courroie de transmission de l’information, le contrôle laisse peu de place à l’autonomie et le droit à l’échec est limité.
La « gestion des ressources humaines » est collective puisqu’il s’agit d’administrer des processus standardisés qui s’appliquent à tous de manière uniforme.
L’arrivée de la génération Y dans le monde du travail remet en question ce modèle bureaucratique.

DES OUTILS QUI BOULEVERSENT LES MODES D’ORGANISATION

La logique ver­ti­cale fait place à une logique trans­ver­sale, à des com­mu­nau­tés d’intérêt qui viennent dans une cer­taine mesure se sub­sti­tuer à l’organisation hié­rar­chique. Les nou­velles tech­no­lo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion accé­lèrent la dif­fu­sion de ces pratiques. 


La notion de lieu de tra­vail change avec les nou­veaux outils. © OLLY / FOTOLIA.COM

L’e‑mail sou­vent per­çu comme trop lent et pas­sif est sup­plan­té par des mes­sa­ge­ries ins­tan­ta­nées comme Jab­ber. Les pla­te­formes col­la­bo­ra­tives du type Office 365, les réseaux sociaux d’entreprise comme Yam­mer sti­mulent l’innovation au sein d’un éco­sys­tème qui dépasse les fron­tières de l’entreprise dans le cadre de par­te­na­riats avec des four­nis­seurs, des clients, des start-up, des uni­ver­si­tés et des labo­ra­toires de recherche. 

Le test and learn per­met l’expérimentation d’idées nou­velles et leur adop­tion ou leur aban­don rapide en fonc­tion des ensei­gne­ments qui en sont tirés. 

Les col­la­bo­ra­teurs, hyper­con­nec­tés, s’attendent à dis­po­ser d’outils aus­si per­for­mants que ceux dont ils se servent dans leur vie personnelle. 

Mais le BYOD (Bring your own device) qui consiste à appor­ter dans l’entreprise son propre maté­riel (por­table, tablette ou smart­phone) et l’utilisation d’applications publiques comme Drop­box pour sto­cker ses fichiers posent des pro­blèmes de sécu­ri­té infor­ma­tique. La « ges­tion des res­sources humaines » doit désor­mais s’attacher à conci­lier l’espace-temps vir­tuel et la pré­ser­va­tion de moments de ren­contre dans le monde réel. 

TRANSFORMATION DE L’ENTREPRISE ET CODE DU TRAVAIL

La pierre angu­laire du lien juri­dique entre un col­la­bo­ra­teur et l’entreprise est le contrat de tra­vail carac­té­ri­sé, en par­ti­cu­lier par le lieu de tra­vail, le temps de tra­vail et le « lien de subor­di­na­tion » avec un res­pon­sable hiérarchique. 

Avec l’émergence du digi­tal works­pace, le lieu de tra­vail devient une notion fluc­tuante puisque le col­la­bo­ra­teur dis­pose n’importe où de l’environnement connec­té qui le relie à l’entreprise.

“ Trouver l’équilibre entre demande d’autonomie et modalités de contrôle ”

Le temps de tra­vail devient dif­fi­cile à mesu­rer : com­ment prendre en compte le temps de connexion en dehors des locaux de l’entreprise pas­sé à lire et envoyer des mails, à pos­ter et consul­ter des mes­sages sur le réseau social de l’entreprise, à se for­mer via des ses­sions en e‑learning à par­tir de chez soi ? 

Le « lien de subor­di­na­tion » conti­nue à exis­ter mais ses contours sont à géo­mé­trie variable : quand vous faites par­tie d’une com­mu­nau­té d’experts, votre réfé­rent est un autre expert plus com­pé­tent que vous et qui n’est pas for­cé­ment votre mana­ger ; quand vous faites par­tie d’une équipe pro­jet, le chef de pro­jet est rare­ment votre res­pon­sable hié­rar­chique ; quand vous com­mu­ni­quez sur un réseau social d’entreprise vous pou­vez dia­lo­guer avec des membres de la direc­tion géné­rale sans le filtre du mana­ge­ment intermédiaire. 

Dans ce cadre, la « ges­tion des res­sources humaines » consiste à faire res­pec­ter le Code du tra­vail sans en garan­tir l’application lit­té­rale dans un monde qui change plus vite que les textes qui le régissent. 

DIGITALISATION ET PROCESSUS RESSOURCES HUMAINES

On ne trai­te­ra pas ici du recru­te­ment et du rôle des réseaux sociaux externes tels que Face­book ou Lin­ke­dIn et des job boards puisqu’ils font l’objet d’un autre article. 

Les MOOC donnent accès aux meilleurs professeurs
Les MOOC donnent accès aux meilleurs professeurs.
© ND3000 / FOTOLIA.COM

Un élé­ment à noter néan­moins est l’introduction dans les res­sources humaines du concept mar­ke­ting d’« expé­rience client » : on parle d’« expé­rience can­di­dat », les can­di­dats étant envi­sa­gés dans ce cadre comme des clients qu’il faut satisfaire. 

De la même manière qu’un client poten­tiel consulte le site Tri­pAd­vi­sor pour lire les avis des clients qui ont séjour­né dans un hôtel, un can­di­dat consul­te­ra le site Glass­door pour lire les avis des col­la­bo­ra­teurs sur leur entreprise. 

Le digi­tal est pré­sent dans tous les autres sec­teurs des res­sources humaines : 

  • les rela­tions sociales avec le vote élec­tro­nique pour les élec­tions professionnelles ; 
  • l’administration du per­son­nel avec la sai­sie des congés par le col­la­bo­ra­teur sur son smart­phone ou le bul­le­tin de paie dématérialisé ; 
  • les logi­ciels dédiés aux entre­tiens individuels ; 
  • l’utilisation du big data pour iden­ti­fier les com­pé­tences internes mobi­li­sables sur un projet… 

Mais ce sont pro­ba­ble­ment les dis­po­si­tifs de for­ma­tion qui ont le plus évo­lué, à titre d’exemple, les MOOC (Mas­sive open online courses) donnent accès à un savoir aca­dé­mique dis­pen­sé par les meilleurs pro­fes­seurs, les LMS (Lear­ning Mana­ge­ment Sys­tems) sont des pla­te­formes de e‑learning pour la dif­fu­sion de modules de for­ma­tions stan­dards ou propres à l’entreprise qui per­mettent d’assister à des classes vir­tuelles ou de pra­ti­quer le social lear­ning au sein de com­mu­nau­tés d’apprenants.

RÉINVENTER LE RÔLE DU MANAGER

Dans l’entreprise col­la­bo­ra­tive et digi­tale, le rôle du mana­ger évo­lue pro­fon­dé­ment : il doit en par­ti­cu­lier trou­ver l’équilibre entre une demande d’autonomie gran­dis­sante et un contrôle qui demeure (encore…) néces­saire, com­mu­ni­quer avec des équipes à dis­tance, favo­ri­ser le tra­vail en réseau, per­mettre la prise de recul et régu­ler les flux d’informations et… com­prendre et savoir uti­li­ser les tech­no­lo­gies numériques. 

La « ges­tion des res­sources humaines » consiste alors à accom­pa­gner ce chan­ge­ment de culture managériale.

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