Mission Chine : ParisTech et l’X sur la Muraille de Chine

L’École polytechnique et la Chine

Dossier : Regards sur la ChineMagazine N°589 Novembre 2003
Par Roland SÉNÉOR (58)

Une approche contrariée

Dès la sor­tie des textes, fin 1995, per­me­t­tant d’ac­cueil­lir, par une adap­ta­tion de son con­cours d’en­trée, des élèves étrangers n’ayant pas fait les class­es pré­para­toires, l’É­cole a porté une atten­tion par­ti­c­ulière à la Chine. 

À cette époque, ce pays com­mençait à s’ou­vrir aux entre­pris­es étrangères. Le coût des expa­triés était très élevé et la demande était forte de pou­voir avoir des cadres locaux for­més dans nos uni­ver­sités. Mal­heureuse­ment du fait du syn­drome de Tianan men, l’ac­cès aux grandes uni­ver­sités chi­nois­es était encore très con­trôlé et notre con­nais­sance des milieux académiques chi­nois qua­si­ment inexistante. 

Pour con­tourn­er cette dif­fi­culté, s’ap­puyant sur une per­cée sig­ni­fica­tive de cer­taines grandes entre­pris­es français­es comme EDF, Ato­fi­na, Alstom… et les dis­cus­sions en cours avec Aérospa­tiale sur l’avion de 100 places, l’É­cole a essayé d’obtenir l’aide du gou­verne­ment chi­nois. Cela sans résul­tat, car l’ex­péri­ence des années qua­tre-vingt était con­sid­érée par le gou­verne­ment chi­nois comme un échec : aucun des Chi­nois, triés sur le volet, for­més dans nos class­es pré­para­toires, n’avait, à l’is­sue de sa sco­lar­ité à l’X, regag­né son pays. 

Stratégique­ment, la Chine accep­tait de laiss­er par­tir ses étu­di­ants pour faire des thès­es, mais ne voy­ait aucun intérêt à leur laiss­er faire une for­ma­tion pre­mière à l’é­tranger. De sur­croît, une pénal­ité finan­cière était imposée à ceux qui mal­gré tout voulaient par­tir. L’É­cole a donc choisi le prag­ma­tisme et s’est rap­prochée de cer­taines universités. 


Mis­sion Chine : Paris­Tech et l’X.

Une implication forte

Notre pre­mière action a été en direc­tion de l’u­ni­ver­sité Fudan à Shang­hai, une uni­ver­sité réputée être sous l’in­flu­ence américaine.Un des vice-prési­dents de cette uni­ver­sité, le pro­fesseur Li Ta Tsien, math­é­mati­cien chi­nois de grande renom­mée, avait été invité au début des années qua­tre-vingt à pass­er une année en France. Il en avait gardé, comme beau­coup de Chi­nois dans ces cir­con­stances, une grande grat­i­tude et un fort sen­ti­ment fran­cophile. C’est avec lui qu’a été créé l’In­sti­tut sino-français de math­é­ma­tiques appliquées (ISFMA)(*) entre l’X et Fudan et c’est grâce à lui que les pre­miers étu­di­ants chi­nois, venant de Fudan, ont été admis en 1998 à l’École. 

Un accord avec l’In­sti­tut de tech­nolo­gie de Harbin (HIT) et le bouche à oreille ont fait que depuis 1998 ont été ou sont élèves de l’X près d’une quar­an­taine de Chi­nois orig­i­naires des plus grandes uni­ver­sités de ce pays dont 9 actuelle­ment élèves de la pro­mo 2003. 

L’en­trée de l’X dans Paris­Tech, une asso­ci­a­tion regroupant onze grandes écoles d’ingénieurs de Paris (dont neuf écoles d’ap­pli­ca­tion de l’X) autour de l’in­ter­na­tion­al et en par­ti­c­uli­er la Chine avec un cen­tre de for­ma­tion à l’u­ni­ver­sité Tongji à Shang­hai (IFCIM)*, a don­né une autre dimen­sion à notre action en direc­tion de ce pays. L’ex­is­tence à Shang­hai de ces deux pôles forts, celui de Fudan ori­en­té recherche et celui de Tongji ori­en­té man­age­ment et ingénierie, devrait être, à terme, un axe majeur du développe­ment de l’X et des autres écoles de Paris­Tech en Chine. 

Des étudiants de qualité

Les étu­di­ants chi­nois qui sont passés par l’X y ont, à une excep­tion près, réus­si un par­cours sans faute. Il est vrai qu’être admis dans une des dix meilleures uni­ver­sités chi­nois­es requiert d’être excep­tion­nelle­ment bon. Quel que soit le par­cours suivi, tous ces étu­di­ants ont le désir de pou­voir un jour ou l’autre ren­tr­er dans leur pays. La très grande majorité des poly­tech­ni­ciens chi­nois ont suivi une spé­cial­i­sa­tion à la sor­tie de l’X, dans la recherche ou en écoles d’ingénieurs, et cer­tains souhait­ent aller plus loin et voir com­ment est val­orisée la for­ma­tion reçue en tra­vail­lant quelques années en France. Ceux qui sont ren­trés dans une entre­prise atten­dent de voir com­ment celle-ci saura les utilis­er en liai­son avec la Chine. Éton­nement, le sen­ti­ment générale­ment partagé est que ce n’est pas le cas. 

Signature dun contrat avec l'institut sino-Français de Mathématiques


Con­traire­ment à ce que pou­vaient penser cer­taines entre­pris­es, le retour au pays ne doit pas s’ac­com­pa­g­n­er d’une réduc­tion du salaire qu’ils auraient eu ou qu’ils avaient en restant en France, ce qui peut expli­quer ce qui précède. Par­mi ceux qui ont choisi la for­ma­tion recherche, c’est en 2004 que l’un des poly­tech­ni­ciens chi­nois admis en 1998, le pre­mier dans son cas, devrait obtenir son doc­tor­at, et prob­a­ble­ment retourn­er dans son pays. L’É­cole, quand elle recrute des Chi­nois, est en com­péti­tion avec les meilleures uni­ver­sités améri­caines. Étant par­mi les meilleurs, les admis s’at­ten­dent à être recrutés comme tels et donc, comme le leur pro­posent ces uni­ver­sités, à se voir offrir des bours­es au mérite. L’im­pos­si­bil­ité encore aujour­d’hui pour l’É­cole de pou­voir affich­er de telles bours­es explique en par­tie la lente mon­tée en puis­sance du nom­bre d’é­tu­di­ants chi­nois admis à l’X. 

L’avenir

La Chine évolu­ant très vite, il est néces­saire que le temps passé par les Chi­nois poly­tech­ni­ciens hors de Chine soit suff­isam­ment réduit pour qu’ils ne revi­en­nent pas en étrangers dans leur pays. Les pro­grès con­sid­érables des for­ma­tions uni­ver­si­taires en Chine font d’ores et déjà que le mod­èle français de for­ma­tion des poly­tech­ni­ciens, l’X suivi d’une spé­cial­i­sa­tion, peut s’ap­pli­quer pour eux dans un cadre de dou­ble diplôme. Ceci est par­ti­c­ulière­ment impor­tant pour les Chi­nois admis à l’X avant d’avoir achevé leur for­ma­tion uni­ver­si­taire ini­tiale (entrée à l’X après deux ou trois ans d’u­ni­ver­sité chi­noise), le diplôme chi­nois étant obtenu dans l’une des grandes uni­ver­sités tech­niques (Tsinghua, les Jiao­tong, HIT…) ou sci­en­tifiques (Bei­da, Fudan…) du pays. Il est souhaitable aus­si qu’à terme quelques poly­tech­ni­ciens français effectuent leur 4e année de spé­cial­i­sa­tion dans l’un de ces établissements. 

Ce sché­ma com­plète le mod­èle récem­ment dévelop­pé par Paris­Tech pro­posant une spé­cial­i­sa­tion des Chi­nois en France. Il prend tout son sens s’il est aus­si com­plété par des col­lab­o­ra­tions accrues en recherche et développe­ment, l’ISF­MA pou­vant jouer un rôle cen­tral dans le domaine des math­é­ma­tiques appliquées tant dans le cadre académique que dans celui de la col­lab­o­ra­tion industrielle. 

_______________________________________
* Infor­ma­tions disponibles sur le site : www.paristech.org, dans la rubrique “Actions communes”

Poster un commentaire