L’École polytechnique est trop petite

Dossier : ExpressionsMagazine N°637 Septembre 2008Par : Antoine CHICHE (02) et Paul BASSOLE (38)

L’École polytechnique est trop petite

Je souhaite réa­gir aux réflex­ions sur l’École poly­tech­nique (La Jaune et la Rouge, avril 2008, pages 40–41). Les ques­tions posées par la Com­mis­sion Évo­lu­tion de l’X sont par­ti­c­ulière­ment per­ti­nentes mais les répons­es apportées me parais­sent insuffisantes. 

¦Y a‑t-il un prob­lème à l’École poly­tech­nique ? La mise en place d’une telle com­mis­sion (la dernière en date) apporte une réponse immé­di­ate à cette inter­ro­ga­tion : on ne se poserait pas con­tin­uelle­ment ces ques­tions si tout était au beau fixe. Cepen­dant, à la lec­ture des con­clu­sions, on pour­rait penser le contraire. 

L’article, dans son ensem­ble, plébiscite les actions effec­tuées par l’École et la Fondation. 

Pour résumer : 

3. les rela­tions avec l’entreprise pour­raient être appro­fondies, mais la Fon­da­tion s’en charge déjà ; 

4. l’intégration (et l’attraction) des élèves étrangers doit être encour­agée, les résul­tats sont déjà « sig­ni­fi­cat­ifs », et là encore, la Fon­da­tion veille ; 

5. la for­ma­tion humaine est un majeur suc­cès de l’encadrement mil­i­taire et « il faut l’en féliciter » ; 

6. les parte­nar­i­ats extérieurs sont rich­es et adéquats ; 

8. la réforme de l’enseignement « X 2000 » apporte une juste syn­thèse entre iden­tité et normalité. 

Les seuls défauts que trou­ve la Com­mis­sion à la sit­u­a­tion actuelle sont la com­plex­ité des par­cours (réflex­ion 7) et la dif­fi­culté d’agir comme ascenseur social ( réflex­ion 2 – on ne peut d’ailleurs qu’approuver ce dernier point, mais qu’y faire ?). 

Une attractivité relative

Le diag­nos­tic est pour­tant là, en réflex­ion 4 : 

« Con­cer­nant l’origine des étrangers, on note une défi­cience des Européens et des Nord-Améri­cains. On peut certes essay­er d’y remédi­er, mais il est plus impor­tant d’attirer les puis­sances émergentes. »

Quelle meilleure preuve de l’attractivité de l’X que d’attirer des élèves provenant des pays dont les étab­lisse­ments sont prestigieux ? 

Attir­er les « puis­sances émer­gentes » est cap­i­tal, mais com­ment faire pour attir­er ces élèves plus que nos vrais rivaux, les étab­lisse­ments européens et nord-améri­cains ? Et quelle meilleure preuve de l’attractivité de l’X que d’attirer des élèves provenant de ces pays dont les étab­lisse­ments sont si pres­tigieux ? Pour exem­ple, l’École envoie tous les ans env­i­ron 30 élèves à Stan­ford ; com­bi­en d’élèves de Stan­ford accueille-t-elle ? (réponse : zéro). Com­bi­en d’élèves bril­lants, à qui l’on offrirait le choix entre cette uni­ver­sité et notre École, rejoindraient l’X ? L’attractivité de l’X n’a jamais été mise en doute, c’est son attrac­tiv­ité rel­a­tive qui pose prob­lème. Et la défi­cience d’étudiants européens ou nord-améri­cains en est le symp­tôme. Juger l’attractivité de l’École sur le nom­bre d’étudiants étrangers est néces­saire, mais cer­taine­ment pas suffisant. 

Élargir les réflexions

Il serait donc néces­saire de creuser et d’élargir ces réflexions : 

1. Au ser­vice de la nation ? La devise de l’École est claire, mais com­ment mieux servir la patrie qu’en lui offrant un des étab­lisse­ments les plus pres­tigieux au monde ? 

3. Nouer plus de rela­tions avec l’entreprise ? Oui ! Mais com­ment aller plus loin ? Pourquoi la poli­tique de stages à l’École est-elle si restric­tive ? Pourquoi les élèves sont-ils si peu pré­parés à rem­plir des CV ou pass­er des entretiens ? 

4. Inté­gr­er et attir­er les étu­di­ants étrangers ? Bien sûr ! Mais encore faut-il un cur­sus sim­ple et com­pa­ra­ble aux uni­ver­sités mon­di­ales. Et juger l’École sur les bons critères. 

5. For­ma­tion humaine ? Est-ce à l’École et au min­istère de la Défense d’éduquer des étu­di­ants ? Un envi­ron­nement où ne sont présents que 1 000 élèves (deux pro­mo­tions), avec 85 % de garçons, et dont les pro­fils sont sim­i­laires , est-il la meilleure école de la vie ? 

6. Des fusions ? L’École pour­rait gag­n­er en masse cri­tique, diver­sité des pro­fils, for­ma­tion humaine, vie étu­di­ante et esprit d’entreprise en inté­grant des dis­ci­plines dif­férentes (droit, médecine, affaires, arts et let­tres, etc.?), et ce, sans relâch­er sa sélectivité. 

7 et 8. La com­plex­ité du cur­sus ? Les uni­ver­sités améri­caines pro­posent une lib­erté qua­si com­plète dans le choix des cours (lim­itée à l’X par des règles très restric­tives de choix des cours et par le manque de diver­sité des dis­ci­plines pro­posées) et ne s’en por­tent pas plus mal. En mas­ter de Finance, Prince­ton, j’ai ain­si pu assis­ter aux cours d’entreprenariat de haute tech­nolo­gie (dans l’école d’Electrical Engi­neer­ing) et de négo­ci­a­tion (dans l’école de diplo­matie). J’aurais tout aus­si bien pu pren­dre des cours d’histoire améri­caine ou de reli­gion. J’ai énor­mé­ment béné­fi­cié de cette oppor­tu­nité ; et d’après nos enseignants, les autres élèves ont égale­ment appré­cié la présence d’étudiants aux pro­fils dif­férents qui appor­taient une per­spec­tive originale. 

On pour­rait y ajouter d’autres réflexions : 

Les uni­ver­sités améri­caines pro­posent une lib­erté qua­si com­plète dans le choix des cours, lim­itée à l’X par des règles très restrictives 

10. Quelle est la bonne taille pour l’École ? Une plus grande école, qui aurait large­ment plus que les 1 000 étu­di­ants actuelle­ment sur le cam­pus, ne serait-elle pas plus attrac­tive et plus riche ? Une masse cri­tique n’apporterait-elle pas des « économies de réseau », créant un cer­cle vertueux qui attire les meilleurs pro­fesseurs et les meilleurs élèves de toutes les dis­ci­plines ? Ne per­me­t­trait-elle pas d’étendre le ray­on­nement de l’École ?

11. Quelle est la place de l’État et des forces armées dans l’École pour qu’autant que pos­si­ble les élèves se diri­gent (même à temps par­tiel) vers le ser­vice public ? 

12. Com­ment l’École pour­rait-elle agir comme pépinière d ’entre­pris­es ? Puis-je rap­pel­er que des entre­pris­es aus­si colos­sales et influ­entes que Microsoft, Face­book et Citadel Invest­ment Group ont été créées et dévelop­pées dans les dor­toirs de Har­vard. Les parte­nar­i­ats, tel le cours d’entreprenariat de troisième année com­mun avec HEC, vont dans le bon sens, mais est-ce suffisant ? 

Intégrer d’autres écoles

Pour apporter une con­tri­bu­tion plus con­struc­tive au débat, je pro­poserais l’idée que l’École est sim­ple­ment trop petite. Pourquoi ne pas ouvrir (ou inté­gr­er) plusieurs écoles de dis­ci­plines dif­férentes, toutes sélec­tives, sur le même campus ? 

L’X serait l’école de sci­ences et d’ingénierie de ce nou­v­el ensem­ble, main­tiendrait la sélec­tion et n’offrirait le diplôme de sci­ences (M. Sc.) qu’aux élèves issus des class­es préparatoires. 

Les cours seraient ouverts à tous ceux (juristes, médecins, etc.) qui s’y intéressent, même pen­dant les deux pre­mières années du cur­sus (post­bac) où les poly­tech­ni­ciens ne sont pas encore présents. 

De la même manière, les poly­tech­ni­ciens, bien que spé­cial­isés en sci­ence, pour­raient suiv­re des cours d’affaires, de droit, de médecine, d’histoire, d’art, etc. 

Qua­tre ou cinq pro­mo­tions de 1 000 à 2 000 élèves attir­eraient plus de prestataires de ser­vices, offriraient une plus grande diver­sité de pro­fils et une for­ma­tion humaine plus con­séquente, et rendraient le cam­pus autrement plus agréable. Mieux, faire se côtoy­er des sci­en­tifiques, étu­di­ants en droit et étu­di­ants en affaires con­tribuerait à l’esprit d’entreprise de façon sig­ni­fica­tive. Finale­ment, le ray­on­nement de l’établissement en serait démultiplié. 

On pour­rait rétor­quer que la sélec­tiv­ité et le pres­tige de l’X s’en trou­veraient dilués, mais rien n’empê- che les autres écoles du cam­pus d’être aus­si sélec­tives que l’X dans leurs dis­ci­plines respec­tives. L’espace n’est pas non plus un prob­lème : l’université de Prince­ton, par exem­ple, accueille 5 000 élèves (sur 200 hectares), con­tre 1 000 à Poly­tech­nique (sur 180 hectares). 

Je suis con­scient de la dif­fi­culté de met­tre en œuvre cette propo­si­tion, et des change­ments colos­saux que cela impli­querait. Je ne pré­tends pas apporter la réponse défini­tive, juste une propo­si­tion. J’espère que ma réac­tion pour­ra ouvrir un débat plus con­séquent sur ces ques­tions pas­sion­nantes et cruciales. 

Antoine CHICHE (02)

Santé et solidarité

Je ne suis pas d’accord avec votre dossier spé­cial sur la San­té (La Jaune et la Rouge, décem­bre 2007) et en par­ti­c­uli­er sur votre com­para­i­son entre sys­tème français et améri­cain. J’ai vécu aux États-Unis. Ma fille y a fait sa vie. Elle fait par­tie de la classe moyenne, mais mes petites-filles vont acheter leurs médica­ments au Cana­da. Le sys­tème fonc­tionne dans la logique du prof­it. Que le taux de chô­mage aug­mente et la qual­ité des soins en souffrira. 

Le sys­tème français de Sécu­rité sociale est le meilleur du monde. Nous avons un sys­tème d’hospitalisation excel­lent. Qu’il faille intro­duire quelques réformes est pos­si­ble, mais il faut absol­u­ment sauve­g­arder le principe : les employeurs et les bien-por­tants doivent pay­er pour les malades, les retraités et les pau­vres. Cer­tains soins de spé­cial­istes sont déjà loin d’être rem­boursés à leur coût. Qu’en sera-t-il si les assureurs pren­nent les soins en compte ? C’est un leurre. 

Paul BASSOLE (38)

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