Le Trouvère, Giuseppe Verdi, Anna Netrebko, Placido Domingo, Staatskapelle de Berlin, Daniel Barenboïm

Le Trouvère

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°737 Septembre 2018Par : Anna Netrebko, Placido Domingo, Staatskapelle de Berlin, Daniel Barenboïm Rédacteur : Marc Darmon (83) 1 DVD ou Blu-ray Deutsche Grammophon

Pla­ci­do Domin­go a été un des plus grands ténors des soixante der­nières années. Après avoir chan­té plus de cent rôles de ténor, tous les plus grands, il a enta­mé depuis une dizaine d’années une seconde car­rière de bary­ton, inter­pré­tant désor­mais Simon Boc­ca­ne­gra, Ger­mont, Fos­ca­ri, Nabuc­co, et ce soir le comte dans Le Trou­vère. Lui qui a été un for­mi­dable Man­ri­co, trou­vère, au disque pour Kara­jan (le film des repré­sen­ta­tions existe), Levine, Meh­ta et Car­lo Maria Giu­li­ni, il inter­prète désor­mais son double, frère et rival, le sévère et sombre comte de Luna, qui est un grand rôle dans cet opé­ra. Et le résul­tat est excep­tion­nel. Teint avec une che­ve­lure et une barbe sombre, Domin­go est mécon­nais­sable en jeune bary­ton, et par­fai­te­ment cré­dible. Que ce soit dans ses airs ou ses duos avec la sopra­no, il est même inoubliable. 

On ne sera pas sur­pris que je vante dans ces colonnes la sopra­no Anna Netreb­ko. Mais il faut recon­naître qu’une fois de plus elle est formidable. 

Dans une mise en scène oni­rique et fan­tas­ma­go­rique, prin­ci­pa­le­ment en noir et blanc pour mieux faire res­sor­tir le rouge du sang, Netreb­ko pour une fois blond pla­tine et le teint bla­fard pâli arti­fi­ciel­le­ment est sai­sis­sante éga­le­ment par son appa­rence, hal­lu­ci­née. Ambiance cau­che­mar­desque, à la Hoff­mann ou Edgar Poe. Cette his­toire de sor­cière, d’enfant volé, d’amour impos­sible et de jalou­sie prend toute sa force dans ces conditions. 

Ver­di sera le com­po­si­teur d’opéra qui aura le plus pui­sé dans la grande lit­té­ra­ture, deux fois Hugo, trois fois Sha­kes­peare (sans comp­ter Le Roi Lear, que Ver­di n’arrivera jamais à réa­li­ser), quatre fois Schil­ler, deux fois Lord Byron… Mais pour Le Trou­vère, Ver­di s’inspire d’un drame de l’obscur dra­ma­turge espa­gnol Gutiér­rez, qui lui doit sa noto­rié­té. Recon­nais­sons tou­te­fois que les res­sorts dra­ma­tiques du livret sont nom­breux et poignants. 

L’orchestre de la Staats­ka­pelle de Ber­lin est le second orchestre de Ber­lin, que Daniel Baren­boïm dirige désor­mais depuis vingt-cinq ans (suc­cé­dant à Spon­ti­ni, Meyer­beer, Richard Strauss, Klei­ber, Kara­jan…), sur les scènes de concert et dans la fosse d’opéra. Très beau, et sur­tout très bien enre­gis­tré, l’orchestre est un acteur du drame à part entière, comme dans les deux autres opé­ras de la fameuse tri­lo­gie popu­laire de Ver­di, La Tra­via­ta et Rigo­let­to. Cette pro­duc­tion de 2013, célé­brant le bicen­te­naire de la nais­sance de Ver­di, nous per­met d’approfondir un opé­ra très sou­vent repré­sen­té, avec un orchestre mémo­rable, une Leo­no­ra et un comte d’anthologie, dans des décors et cos­tumes qui remettent en ques­tion et originaux. 

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